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2.2 Aperçu des techniques expérimentales

2.2.2 Mesures locales

En parallèle aux précédentes déterminations plutôt précises et indirectes du glisse- ment se sont développées d’autres expériences, dont l’ingrédient commun est l’optique. On conçoit alors que les mesures associées soient plus visuelles, sinon réellement plus directes – la diffusion, les phénomènes électrocinétiques ou encore l’hydrodynamique peuvent rendre leur interprétation délicate ou en limiter la résolution. Pour descendre à des échelles comparables à la grandeur à mesurer, liée à la longueur de glissement, les différentes méthodes optiques et locales utilisent soit des ondes évanescentes – c’est le cas de la mesure originale par recouvrement de fluorescence réalisée au Collège de France dans l’équipe de Liliane Léger, soit la résolution, bien qu’a priori limitée par la diffraction, d’un microscope optique – profils de vitesse obtenus par PIV de Tretheway et Meinhart.

2.2.2.1 Ondes évanescentes

Plusieurs approches expérimentales de mesure de b utilisent une réflection totale, qui introduit dans le système une longueur d’excitation dans la même gamme que la longueur de glissement. Explicitement, une onde évanescente de longueur d’onde λ0 pénètre dans le milieu sur lequel elle se réfléchit à l’angle θ avec une intensité :

I(z) = I0exp−z/zp, (2.8) avec zp= λ0 4πn2 " sin2θ − n1 n2 2#−1/2 . (2.9)

n1 et n2sont les indices optiques des deux milieux ; et zp est la longueur de pénétration,

elle peut valoir une centaine de nanomètres. L’hydrodynamique d’une zone de taille comparable à zp au voisinage de l’interface peut ainsi être sélectivement sondée.

Velocimétrie Laser en Champ Proche Le dispositif expérimental développé par Pit [120, 121, 133, 134], dont le principe est schématisé sur la figure 2.11, repose sur le recouvrement de fluorescence après photoblanchiment au voisinage d’une paroi en présence d’un écoulement, en configuration de réflection totale. Trois mécanismes sont en jeu : le cisaillement hydrodynamique, le glissement, et la diffusion. Cette dernière, couplée à l’utilisation de marqueurs moléculaires dont le coefficient de diffusion est important, amène à une taille sondée de 1 µm environ, pour une résolution sur b de 50 nm. Les mesures montrent en particulier un glissement de l’ordre de 150 nm pour de l’hexadécane sur une surface de saphir lisse, le mouillage étant total. Grâce à un contrôle fin des modifications de surface, Pit et al. puis Schmatko et al. ont pu montré une réduction de b avec la rugosité du substrat, et une influence de la forme des molécules.

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(c)

Fig. 2.11: Principe des mesures réalisées par Vélocimétrie Laser en Champ Proche (VLCP) par Schmatko et al. En présence d’un cisaillement simple, le recouvrement de fluorescence après photoblanchiment est mesuré au voisinage d’une paroi de sa- phir, dans une zone définie par une onde évanescente. En présence de glissement, la remontée de fluorescence est plus rapide, comme indiqué par la figure (c). L’ana- lyse quantitative se fait en terme de cisaillement équivalent (figure (b), la résolution sur le glissement est de ±50 nm, principalement limitée par la diffusion des sondes fluorescentes moléculaires (d’après [133] et [134]).

Vélocimetrie à particules en ondes évanescentes Jin et collaborateurs utilisent une technique de mesure de vitesses par suivi de particules (PTV pour Particle Tracking Velocimetry) de pair avec une excitation en onde évanescente (selon une méthode dé- veloppée par Zettner et al. [174]). Ils obtiennent l’histogramme des vitesses de traceurs colloïdaux de 200 nm de diamètre dans les premiers 100 nm près du mur. Le lien entre la vitesse moyenne des marqueurs et le cisaillement, présenté sur la figure 2.12, leur permet de conclure à un glissement inférieur à la dizaine de nanomètres pour de l’eau et du verre hydrophile ou rendu hydrophobe par silanisation à l’OctadecylTrichloroSi- lane (OTS) [71].

Fig. 2.12: Principe de la mesure de vitesse au voisinage d’un mur par PIV en onde évanescente, la solution est éclairée sur une épaisseur δ ≈ 100 nm (à gauche). La figure de droite montre la vitesse moyenne v obtenue (pour des surfaces hydrophiles et hydrophobes, et des traceurs de 200 et 300 nm de diamètre) en fonction du taux de cisaillement imposé. En présence de glissement, v vaut v = ˙γ(b + δ). La pente des différentes droites vaut approximativement 100 nm≈ δ, le glissement déduit est inférieur à 10 nm (d’après [71]).

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2.2.2.2 Corrélations d’intensité

Velocimétrie par image de particules (PIV) Cette technique, devenue un ou- til très utilisé de la mécanique des fluides, a été récemment adaptée aux microsys- tèmes [48, 102, 132, 166]. Elle repose sur l’ensemencement d’une solution par des mar- queurs lumineux (en général fluorescents), la corrélation de l’intensité de deux images successives permet de remonter au champ de vitesse. Les détails de son principe et ses caractéristiques sont discutés au chapitre 3, puisque la méthode de mesure que nous avons réalisé repose sur une variante de la µ-PIV. La limitation principale d’une telle approche à la détermination du glissement est la résolution, qui reste limitée par l’op- tique, et est donc a priori comparable à la longueur d’onde de la lumière utilisée, de l’ordre de 500 nm. Le recours à des traceurs colloïdaux pour déduire le champ de vitesse implique que la mesure n’est pas complètement directe ; on peut cependant analyser les différents effets en jeu, qui sont sous certaines conditions négligeables. Les sources d’er- reur systématique de ce type de mesures sont discutées au paragraphe 3.6.

Tretheway et Meinhart ont mesuré par PIV une longueur de glissement très im- portante, de 1 µm±450 nm pour de l’eau sur une paroi de verre hydrophobe (silanisé à l’OTS). Les profils de vitesse correspondant sont présentés sur la figure 2.13. La ré- solution est limitée par la détermination de la position de la paroi, à 450 nm près.

Fig. 2.13: Profils de vitesse mesurés par Tretheway et Meinhart, par PIV. Ils ob- servent un glissement de 1 µm±450 nm sur une paroi lisse hydrophobe, du verre silanisé à l’OTS (d’après [152]).

Double focus cross correlation Lumma et al. ont mis en place une mesure de corrélation de l’intensité entre deux volumes confocaux alignés avec l’écoulement, pour des marqueurs fluorescents de quelques dizaines de nanomètres [89]. Ils obtiennent un glissement de quelques centaines de nanomètres, qui varie avec la salinité de la solution ; ces valeurs importantes sont interprétées comme un effet apparent, d’origine électrique.

Spectroscopie par Corrélations de Fluorescence (FCS) La diffusion d’un col- loïde équilibre l’énergie liée à l’agitation thermique à la dissipation visqueuse que les mouvements induisent, on obtient la formule de Stokes-Einstein pour le coefficient de diffusion d’une sphère de rayon R placée dans un fluide de viscosité η, D = kT /6πηR. En milieu confiné, l’écoulement est modifié par la présence des parois, le coefficient ef- fectif est inférieur à D et n’est pas le même dans le plan des murs et dans la direction perpendiculaire. L’existence d’un glissement sur les parois limite la dissipation entre la bille et le mur, et augmente la valeur des coefficients transverse et parallèle [5, 82].

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Joly et collaborateurs exploitent cette idée pour mesurer b. Ils confinent des traceurs fluorescents entre une lentille et un mur plan hydrophile ou hydrophobe, la lentille per- met également de mesurer la distance entre les parois par les interférences créées [72]. Le coefficient de diffusion en présence de murs est mesuré par une technique de spec- troscopie par correlations de fluorescence en configuration confocale, schématisée sur la figure 2.14, méthode utilisée en microrhéologie pour caractériser le comportement en vo- lume de fluides complexes [106]. Son principe est la détermination du temps de résidence des colloïdes (∼ w2/D dans le volume confocal d’extension latérale w) par la mesure de la fonction d’auto-corrélation de l’intensité (courbe de droite de la figure 2.14).

Fig. 2.14: Détermination du glissement par son influence sur la diffusion confinée, réalisée par Joly et al. L’auto-corrélation d’intensité d’un volume confocal (figure de droite) est mesurée par FCS (Fluorescence Correlation Spectroscopy), le temps de résidence de marqueurs fluorescents est lié à la condition limite. (d’après [72]).

Ils obtiennent un glissement de l’ordre de 20 nm pour une paroi lisse hydrophobe, et nul pour une paroi hydrophile ou une paroi rugueuse hydrophobe, résultats en bon accord avec les influences prédites du mouillage et de la rugosité sur la condition limite. Un des intérêts de leur méthode est l’absence de forçage, d’éventuelles nanobulles sont dans leur état natif. Notons la proposition analogue de Squires et Lauga, qui suggèrent en particulier de mesurer les diffusivités couplées, et d’utiliser une cellule expérimen- tale aux conditions (de mouillage et de rugosité) modulées pour permettre une mesure différentielle [82].