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Longueurs de glissement sur substrats hydrophobes

4.3 Substrats lisses hydrophobes

4.3.2 Longueurs de glissement sur substrats hydrophobes

Des mesures de profils de vitesse sont réalisées avec de l’eau désionisée, amenant à une détermination du glissement pour les surfaces silanisées selon les protocoles précé- dents, incluant une étude de l’influence de gaz dissout, et pour le PDMS, naturellement hydrophobe. 4.3.2.1 Greffage hétérogène 0 5 10 15 20 −1000 −500 −200 0 200 500 1000 N° de l’expérience b (nm)

Fig. 4.10: Bilan des mesures de longueur de glissement pour un greffage de silane inhomogène.

Un bilan des mesures de glissement sur les surfaces de verre silanisé à l’OTS, de rugosité assez importante (de quelques nanomètres à la dizaine de nanomètres), est présenté sur la figure 4.10.

Les mesures donnent un glissement moyen compris dans le bruit de l’expérience, b ≈ 20 ± 100 nm. Ce résultat est compatible avec l’influence hydrodynamique de la rugosité [69, 128] qui amène à un glissement effectif quasi-nul en présence d’aspérités, même pour une surface parfaitement glissante à l’échelle moléculaire. Il est également en accord avec les observations de Churaev [35] par mesure de potentiel d’écoulement, b = 5 − 8 nm pour une rugosité de 25 nm ; et avec celles de Zhu et Granick [178] réalisées en SFA : quelques nanomètres de rugosité suppriment un fort effet de glissement et augmente fortement le taux de cisaillement critique au dessus duquel ils l’obtiennent, de l’ordre de 105 s−1 pour des surfaces de rugosité comparable aux nôtres.

4.3.2.2 Surfaces homogènes

Pour les deux types de substrats hydrophobes et de rugosité RMS inférieure au nanomètre, le glissement observé est également inférieur à la centaine de nanomètres, les valeurs moyennes des mesures valant respectivement bOTS ≈ −35 nm et bCDOS ≈ 57 nm, avec un écart type de 50 nm, pour un cisaillement compris entre 50 et 500 s−1 (figure 4.11). Ces observations montrent un bon accord avec les simulations numériques, pour lesquelles le glissement sur surface lisse hydrophobe est au maximum de quelques dizaines de tailles moléculaires, soit une vingtaine de nanomètres [11, 12, 56, 76], et avec de nombreuses mesures expérimentales : par machine de force [41], AFM modifié [33,160] ou perte de charge [34, 36].

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Fig. 4.11: Bilan des mesures de longueur de glissement sur subtrats hydrophobes : bOTS = −35 nm (cercles blancs) et bCDOS = 57 nm (losanges noirs). L’écart type vaut 50 nm pour les deux séries d’expériences.

Nous n’observons pas le glissement «géant», de l’ordre du micron, qui a été mesuré pour de l’eau sur des substrats similaires par vélocimétrie (PIV) par Tretheway et Meinhart [152] ou en machine de force par Zhu et Granick [177]. Une telle variabilité des mesures peut avoir deux origines :

• L’interprétation des résultats expérimentaux est délicate, une discussion détaillée de l’analyse des mesures par SFA et AFM des différentes équipes est proposée dans la thèse de Cottin-Bizonne [38]. Pour les expériences de Zhu et Granick, le recours au modèle de Vinogradova [157] qui suppose une condition limite linéaire, pour déduire un glissement dépendant du taux de cisaillement (dans une expérience de drainage, il n’est pas défini de façon unique) n’est pas complètement justifié. Une rugosité subnanométrique sur la grande taille de la zone sondée (de l’ordre de 100 µm) est par ailleurs difficile à obtenir et peut perturber la détermination du zéro ou rendre la présence d’un contaminant (poussière ou nano-particule) sur la zone sondée difficile à éviter. Pour les expériences de µ-PIV de Tretheway, la détermination de la position du mur solide reste le facteur limitant la résolution finale, de l’ordre de 450 nm. Le glissement de 1 µm qu’ils mesurent est cependant bien supérieur à cette barre d’erreur, d’autant qu’ils obtiennent un glissement sur surface hydrophile quasi-nul a bien moins que 500 nm. Ils proposent pour interpréter ces résultats, et le caractère intermittent des profils mesurés au voi- sinage de surfaces hydrophobes [153] la présence de nano-bulles, qui pourraient également être des contaminants. Cet argument rejoint les mesures réalisées par Cottin-Bizonne et collaborateurs, qui obtenaient une variabilité importante des résultats sur surfaces hydrophobes [42] avant de placer la SFA en environnement propre [41].

• Une origine plus fondamentale peut être la fragilité d’éventuelles structures lu- brifiantes submicrométriques (les nano-bulles), avec les caractéristiques précises (densité moléculaire du greffage de silanes et nature de la chaîne carbonée, pré- sence de gaz dissout ou pression de travail par exemple) du système.

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Comme les valeurs de b mesurées sont dans le bruit de nos expériences, il est difficile de déduire une dépendance éventuelle avec le taux de cisaillement . Nous n’observons cependant pas de variation, même faible et inférieure à la dispersion de la mesure, de la valeur du glissement avec ˙γw dans la gamme de cisaillement explorée.

4.3.2.3 Effet de gaz dissout

Comme nous n’avons pas reproduit les mesures de Tretheway et Meinhart qui me- surent un glissement de 1 ± 0.5 µm [152] sur surface lisse hydrophobe, il est légitime de s’interroger sur les différences entre les deux systèmes expérimentaux. Hors la variation de la méthode de mesure, qui dans notre cas est réalisée selon l’axe optique et la plus petite dimension des canaux – permettant ainsi d’accéder à la direction dans laquelle le cisaillement est le plus important, les deux systèmes sont très similaires. Les surfaces sont de même nature (du verre rendu hydrophobe par silanisation, d’hydrophobie et de rugosité comparables), et le solvant est de l’eau désionisée. L’explication la plus plausible au glissement géant qu’ils observent est l’éventuelle présence de nano-structures lubri- fiantes (nanobulles) sur la paroi. De plus, ils mesurent des profils intermittents le long de l’écoulement, comme le montre la figure 4.12, uniquement dans le cas hydrophobe. Cet effet pourrait être attribué à la présence d’impuretés nanométriques favorisant la nucléation de bulles, originaire de gaz dissout – ou à des nanobulles seules. Ils constatent que les variations disparaissent avec une augmentation de la pression globale de l’ordre du bar [153].

Fig. 4.12: Profils de vitesses variant le long de l’écoulement contre une paroi hy- drophobe, mesurés par Tretheway et Meinhart. (d’après [153])

Nous avons donc réalisé des expériences en sursaturant la solution en gaz, la surface est une couche de CDOS déposée sur une lamelle de microscope, selon le protocole décrit plus haut. L’écoulement est contrôlé par les régulateurs de pression, dont l’utilisation est décrite dans l’annexe A, qui permettent d’accéder à des surpressions de quelques bars. Le protocole de la mesure est le suivant :

1. On fait buller de l’air comprimé (filtré pour éliminer les impuretés présentes dans le circuit pneumatique) dans les deux réservoirs indépendants contenant la solution,

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mise sous pression à 2 Bar (1 Bar au dessus de la pression atmosphérique Patm)

pendant plusieurs heures.

2. La pression est réduite à 1.2 Bar (0.2 Bar est la surpression maximale à laquelle résiste les canaux dont l’étanchéité n’est assurée que par la faible adhésion entre le substrat silanisé et le PDMS) et on connecte après quelques secondes l’entrée du microcanal – dont la paroi inférieure est une lamelle silanisée au CDOS – au premier réservoir.

3. Dès que le canal est rempli (après quelques secondes), on connecte le tube du deuxième réservoir à la sortie, alors placée à une pression très légérement inférieure à celle du tube d’entrée, Ps≈ Pe− 5 mBar, pour obtenir des vitesses comparables

à celle des expériences réalisées à pression atmosphérique, de l’ordre du mm.s−1. Une série de mesure de glissement par PIV est effectuée à cette pression.

4. On réalise ensuite plusieurs mesures en diminuant de pair les pressions d’entrée et de sortie jusqu’à la pression atmosphérique.

Ainsi le liquide qui circule dans le microcanal contient initialement des gaz dissouts aux concentrations correspondant à 2 Bar. Le contact avec les pressions de régulation ne se fait qu’à travers les tubes d’alimentation de diamètre millimétrique, dans lesquel la vitesse de convection est infime. Le liquide est donc à un certain degré de sursatu- ration. On peut estimer les concentrations de gaz dissouts et le volume qu’il peuvent libérer dans le système (sous forme d’éventuelles nanobulles ou par une nucléation se développant préférentiellement sur les parois hydrophobes) lorsqu’on relâche la pression. Si on suppose la solution à l’équilibre thermodynamique juste avant que l’on relache la pression de l’air dont la composition relative est supposée être celle de l’atmosphère, les gaz dissouts sont principalement du dioxyde de carbone (en concentration modérée dans l’atmosphère, très soluble du fait de son caractère acide), de l’azote et de l’oxygène. La quantité de chaque gaz dissout s’obtient grâce aux constantes de Henry, on obtient les valeurs de la table 4.1

Gaz % dans l’at-

mosphère KH (10−4Mol/Bar) C à Patm (mol.L−1) Veq (mL/L) N2 78 7.4 5.9 14 02 21 14 2.9 7 CO2 0.033 3.8 0.13 0.30 Ar 0.93 1.7 0.15 0.36

Tab. 4.1: Concentrations et volumes équivalents (par unité de volume, à un bar) de gaz dissout.

Ainsi pour un canal de h = 10 µm de hauteur, la hauteur d’une couche de gaz – les éventuelles nanobulles – susceptible d’être libéré sur la paroi hydrophobe, est donné par le volume équivalent de gaz dissout par unité de surface. Pour un abaissement brutal de la pression de 2 Bars à 1 bar, hg est de l’ordre de Veqh, soit en ajoutant les contributions

des quatres principales espèces identifiées ci-dessus : hg ≈ 20.10−3× 10 = 0.2 µm. Un couche de gaz lubrifiante allant jusqu’à 200 nm d’épaisseur a donc le matériau nécessaire pour se développer ; notons tout de même que les trois autres parois du microcanal sont en PDMS, lui-même hydrophobe et surtout perméable au gaz.

Le bilan de cette série de mesures est présenté sur la figure 4.13. On constate que la longueur de glissement est, cette fois encore, inférieure au bruit (donc inférieure à 100 nm dans la gamme de taux de cisaillements 50–350 s−1). Nous n’avons pas non plus constaté de comportement étrange des profils de vitesse près de l’interface, ni