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3.3 L’imagerie de vitesse par corrélations d’intensité ou PIV

3.3.1 La méthode

3.3.1.1 Principe

L’idée originelle de la Particle Image Velocimetry est d’ensemencer le milieu par des particules lumineuses (excitées par fluorescence en général) et de mesurer leurs vitesses en enregistrant deux images successives où les mêmes traceurs se trouvent. Pour la PIV, le déplacement (norme et direction, ou deux composantes δx et δy) dans le plan des images est déterminé en corrélant les intensités des deux images. Une corrélation d’images traduit la ressemblance des motifs dont elles sont constituées, les variables de la matrice obtenue correspondant à la quantité dont on a déplacé une des images. Le pic de corrélation se trouve donc au point où les intensités se superposent. On a ainsi accès au déplacement du motif lumineux des particules, comme indiqué par le schéma de principe de la figure 3.4

Corrélation

Fig. 3.4: Principe de la technique de Velocimétrie par Image de Particule (PIV). Après préparation éventuelle des images (correction de l’illumination, seuillage), le déplacement du motif d’intensité généré par des traceurs est déterminé par la position du maximum de corrélation entre les deux images.

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Plusieurs logiciel commerciaux existent, dont les subtilités de reconstruction du champ de vitesse diffèrent

50 Chapitre 3. Mesure de profil de vitesse par PIV

3.3.1.2 Corrélations d’images et mesure de déplacement

Base mathématique On considère deux images numériques g1et g2codées en niveau

de gris, de taille M × N , correspondant à l’intensité recueillie par la camera à des instants t1 et t2 séparés de δt. Pour extraire l’information sur la vitesse, on détermine le déplacement spatial du motif d’intensité des particules. On maximise pour cela la corrélation entre les deux images, définie selon :

Φg1,g2(x, y) = M −1 X m=0 N −1 X n=0 g1(m, n)g2(m + x, n + y), (3.3)

pour x = 0, ±1, ..., ±(M −1) et y = 0, ±1, ..., ±(N −1). Ceci est équivalent à minimiser le carré des écarts d’intensité entre les deux images lorsque l’une est translatée, démarche adoptée par exemple dans la reconnaissance d’objets. En pratique, il est préférable de «zero-padder» les deux images à une taille M + N − 1 pour éviter le repliement (la formule 3.3 suppose implicitement que g2 est périodisée). De plus, pour éviter un pic

de corrélation pour un déplacement nul, on enlève la valeur moyenne de l’intensité des deux images avant de calculer leur corrélation. On normalise le résultat par l’écart-type de g1 et g2, pour s’affranchir des variations d’intensité.

Cg1,g2(x, y) = 1 σg1σg2 M +N −2 X {m,n}=0 [g1,z(m, n) − ¯g1] [g2,z(m + x, n + y) − ¯g2] (3.4)

Calcul par transformée de Fourier rapide L’opération mathématique de corré- lation est similaire à une convolution, où l’une des images est retournée dans l’espace – ce qui correspond à un déphasage dans l’espace de Fourier. On conçoit alors qu’il existe l’analogue des relations liant transformée de Fourier et convolution. Or, l’algorithme de transformée de Fourier rapide (habituellement nommé FFT pour Fast Fourier Trans- form) est un outil puissant du calcul numérique. Il permet, pour des images dont les tailles selon x et y sont des puissances de 2, de faire passer le nombre d’opérations de Np4 à Np2log Np, où Np est le nombre de pixels.

En notant F la transformée de Fourier discrète et F−1 son inverse, on obtient pour le calcul des corrélations :

Φpgp 1,g

p 2

(x, y) = F−1[F [gp1]F∗[g2p]] (x, y) (3.5)

où ∗ désigne le complexe conjugué. La notation p fait référence à la périodisation des images, inhérente à l’utilisation de la transformée de Fourier discrète. La conséquence première de cette périodisation est le repliement, les vitesses supérieures à la moitié de la taille des images génèrent des erreurs dans la procédure. Cependant, si on a «zero-paddé» les sous-images, cet effet n’affecte pas les mesures car il correspond alors à des déplacements supérieurs à la taille de l’image, de toutes façons inaccessibles par recherche du maximum de corrélations. Ainsi pour des images initiales de M × N pixels, Φp(x, y) et Φ(x, y) sont identiques pour [x; y] ∈ [−M + 1, M − 1; −N + 1, N − 1] et on peut utiliser le calcul des corrélations par transformée de Fourier rapide. Le gain en temps de calcul est considérable, même si la taille effective des sous-images est doublée pour éviter le repliement.

Le déplacement moyen est déterminé au pixel près par la position x0; y0 du maxi-

mum de Cg1,g2(x, y). Un ajustement de la position du pic de corrélation sur la zone de

Cg1,g2 autour de {x0; y0} – en général deux minimisations par des gaussiennes unidi-

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et (y0 − 1, y0, y0+ 1) – permet alors d’obtenir une résolution d’une petite fraction de

pixels.8

3.3.1.3 Champ de vitesse

On peut généraliser le principe précédent à une subdivision de l’image, pour accéder au champ de vitesse. On extrait deux sous-images g1 et g2 de dimensions M × N et de centre (xm; ym) de la paire d’images initiale. La vitesse moyenne de la zone ainsi sélec-

tionnée est alors déterminée par corrélations. On procède de même pour un ensemble de (xm; ym) situés aux noeuds d’un maillage de l’image, les sous-images centrées sur cha-

cun des noeuds pouvant éventuellement se recouvrir. Les principales caractéristiques de cette procédure sont les suivants :

• La gamme de vitesses ainsi accessible est limitée à la taille de chaque boîte divisée par l’intervalle de temps δt séparant les deux prises de vue.

• L’ensemencement en traceurs doit être suffisant pour que chaque sous-image contienne quelques particules.

• La résolution sur le champ de vitesse est de l’ordre de la distance inter-noeuds (le pas du maillage de l’image).

• Les gradients de vitesse doivent être petits sur chaque sous-image pour que la mesure ne soit pas biaisée. Dans le cas inverse, le déplacement mesuré est inférieur au déplacement moyen. Si l’analyse rigoureuse de cet effet est subtile9, l’erreur systématique peut être vue comme la conséquence du fait suivant : si un traceur se trouve dans la sous-image (xm0; ym0) à l’instant t1, la probabilité qu’il y soit encore

après un temps δt est proportionnelle à P (δ) ∝ 1 − δ/M , où δ est le déplacement de la particule en pixels pendant δt et M le nombre de pixels de l’image. Si l’inhomogénéité de vitesse correspond à des déplacements uniformément répartis entre δm−∆/2 et δm+∆/2, dont l’origine est ici le cisaillement selon l’axe optique,

la valeur moyenne de la mesure de déplacement vaut :

< δmes>= Z δm+∆/2 δm−∆/2 δ.P (δ)dδ = δm− M 12 (∆/M )2 (1 − δm/M ) . (3.6)

Le dernier terme de l’équation 3.6 est le biais de la mesure. Pour les valeurs typiques suivantes, en pixels : M = 128, δ = 64 et ∆ = 8, l’erreur est inférieure au dixième de pixel, soit un biais inférieur à 0.1 %.

3.3.1.4 Quelques développements

Pour améliorer la résolution spatiale et la gamme de vitesses accessibles par la Particle Image Velocimetry, de nombreuses implémentations qui diffèrent soit par le principe, soit uniquement par l’algorithmique, ont été développés. On pourra consulter par exemple les revues [1, 2, 98, 164], ou le chapitre d’introduction à la µ–PIV dans l’ouvrage de Nguyen et Wereley [109]. Les derniers développements algorithmiques et l’analyse de leurs performances sont disponibles dans [140] ou [141], issu d’une conférence qui vise à comparer de façon quantitative les différents méthodes de mesure de champ de vitesse basées sur des corrélations d’intensité.

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Une discussion détaillée du rôle du déplacement moyen, de la taille des particules et de celle de l’image sur la précision de l’ajustement, la plupart du temps inférieur au dixième de pixel est disponible dans l’article de Wereley [169].

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On peut se référer par exemple à l’article [168] dont le formalisme permet une interprétation plus fine.

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Une amélioration apportée à la méthode précédente est de s’affranchir des vecteurs vitesses erronés, qui proviennent de pics de corrélations entre deux particules différentes. La démarche adoptée est généralement d’utiliser les vitesses mesurées dans les sous- images voisines pour remplacer les vecteurs qui sont trop différents de l’écoulement moyen [167]10. Si on obtient ainsi un champ de vitesse beaucoup plus lisse, qui peut être un outil d’analyse performant lorsque l’on s’intéresse à l’allure de l’écoulement, nous ne l’avons pas retenu pour nos mesures, puisqu’une partie des vitesses résultantes provient uniquement des mesures voisines.

Une autre variante consiste à utiliser la méthode précédente comme première étape, puis à translater pour chaque noeud la deuxième sous-image à corréler d’un vecteur égal au déplacement obtenu. Ainsi on suit le motif d’intensité des particules qui se trouvait autour du noeud à l’instant initial. De plus, le biais précédent est éliminé, le défaut de cette technique est que la taille de la sous-image utilisée pour définir la vitesse en (xm; ym) est augmentée, et que le maillage n’est plus uniforme. Ce genre de procédure

est souvent couplé à un reserrement du maillage de l’image. Pour des écoulements insta- tionnaires, une astuce développée par Wereley et Meinhart [165] permet d’obtenir une résolution temporelle du second ordre en δt, tout en conservant une grille uniforme. L’idée est de translater la première sous-image de −δ/2, la moitié du déplacement local, et la deuxième de +δ/2. Après division par δt, on obtient la vitesse au noeud initial, à l’instant δt/2.

Pour terminer ce rapide tour d’horizon, loin d’être exhaustif, on peut citer le recours à une moyenne d’ensemble sur les corrélations dans le cas d’un écoulement station- naire [164]. La résolution et la fiabilité des mesures peuvent être grandement améliorées. Si on ajoute les corrélations obtenues pour N0 paires de sous-images situées au même

noeud de l’image, à des instants différents, le rapport signal sur bruit augmente comme √

N0. On élimine ainsi une grande partie des vecteur erronés, et le pic de corrélation

est mieux défini comme cela apparaît sur l’exemple de la figure 3.5, d’où une meilleure précision sur l’ajustement sub-pixel. On peut de plus utiliser un ensemencement moins important pour une finesse de grille donnée. Le cas extrême de ce genre d’approche est la démarche proposée par Westerweel [170] de corrélations pixel par pixel, moyennées sur un très grand nombre d’images.

Fig. 3.5: Amélioration du rapport signal sur bruit sur les mesures de vitesse par PIV dans le cas d’un écoulement stationnaire. La recherche du déplacement est réalisée sur la somme des corrélations de plusieurs paires de sous-images (d’après [164]).

Enfin, on peut noter le développement d’autres techniques de mesures d’écoulement utilisant la présence de traceurs, qui ne reposent pas nécessairement sur des corrélations

10Cette démarche ne concerne éventuellement que les mesures de champs de vitesse qui seront pré-

sentés dans la partie II, puisqu’on ne retient pour les mesures sur substrats homogènes qu’un seul déplacement par paire d’images.

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d’intensité :

• le suivi de particules (ou PTV pour Particle Tracking Velocimetry), dont la préci- sion est souvent meilleure mais qui nécessite une densité inférieure de marqueurs, permet de suivre des déplacements individuels, et est donc adaptée par exemple à l’étude locale du mouvement brownien dans des milieux biologiques.

• La spectroscopie de corrélation de fluorescence (FCS), évoquée dans le chapitre 2 pour l’étude du glissement [72], est très utilisée pour d’autres problématiques, par exemple en microrhéologie où elle permet d’extraire les temps caractéristiques de la dynamique locale d’une solution non-newtonienne [91, 136]. Elle est également utilisée en vélocimetrie [59].

• Des mesures de vitesses tri-dimensionnelles – la PIV est une mesure de la projec- tion du déplacement dans le plan d’observation, même si la perte de corrélation peut se traduire en terme de défocalisation – ont été rendues possibles par l’utili- sation de deux cameras observant le système sous des angles différents, ou par le recours à l’holographie [141, 172].

• La sélection d’une tranche de mesure, dans l’esprit de la technique présentée ici, peut être réalisée par microscopie confocale, avec un balayage rapide du point dont on recueille la lumière [114].

• Une technique originale de spectroscopie de fluorescence entre deux points confo- caux distincts permet également de remonter au temps de vol des traceurs, donc à la vitesse moyenne entre les deux spots [89].

Après cette introduction au principe et à quelques variantes de la technique de mesure de vitesse par Particle Image Velocimetry, voyons quelles sont les conséquences de son adaptation aux systèmes miniaturisés.