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Électrophorèse dans le potentiel d’écoulement

3.6 Des traceurs passifs ? effets électriques et hydrodynamiques

3.6.3 Électrophorèse dans le potentiel d’écoulement

Notions élémentaires d’électrocinétique

Si un champ électrique E|| est appliqué le long d’une interface chargée, la densité de charge présente dans la couche diffuse induit une force volumique, f = ρeE||, qu’il

faut prendre en compte dans l’équation de Stokes. Pour une surface placée en z = 0, au potentiel ζw, on obtient alors en fonction de la distance à la paroi z une vitesse :

u = −εζw

η E||(1 − e

−κz), (3.42)

qui tend vers la valeur limite

ueo= −

εζw

η E||, (3.43)

à une distance λD du mur. Même pour des systèmes miniaturisés, λD ≤100 nm est

toujours petit devant la dimension du canal, et on a un écoulement bouchon, ueoapparaît comme la vitesse à la paroi.

Si l’interface chargée précédente est la surface d’une particule, ce glissement élec- troosmotique induit le mouvement de la bille, avec une vitesse

uep=

εζp

3.6. Des traceurs passifs ? effets électriques et hydrodynamiques 79

C’est le phénomène d’électrophorèse. La conjugaison de ces deux effets est utilisée pour séparer les constituants d’un mélange en fonction de leur charge, et ses applications sont indénombrables.

Électrophorèse induite par le potentiel d’écoulement

Ici, le système n’est soumis à aucun champ électrique extérieur, mais l’entraînement du fluide par la différence de pression provoque, du fait de la densité de charge non- nulle dans la couche de Gouy-Chapman, le déplacement de charges (c’est le courant d’écoulement). Si les extrémités du canal n’entraînent pas les charges (isolant), on a induit une différence de potentiel, qui a pour conséquence l’électroosmose de la solution et l’électrophorèse des traceurs. Pour la solution, on constate une diminution du débit pour une différence de pression donnée, c’est l’effet électrovisqueux. Pour les billes, le sens de l’effet électrophorétique supplémentaire varie selon qu’elles portent une charge de même signe que le mur ou non. Le sens de la vitesse aditionnelle originaire de ce mécanisme est celui de l’écoulement pour des sphères dont la charge est de même signe que les parois. On peut donc mesurer un glissement des billes sur une paroi solide alors même que la condition limite hydrodynamique du solvant est celle de non-glissement.

Fig. 3.21: Géométrie et notations pour l’effet d’électrophorèse des traceurs dans le potentiel d’écoulement, qui peut amener à un glissement apparent (d’après [79]).

Cet effet, relevé et décrit par Eric Lauga [79] pour la géométrie de la figure 3.21, amène dans l’approximation de Debye-Hückel des faibles potentiels à l’expression sui- vante pour la longueur de glissement apparente :

bapp,eo=

ζw(f (κa)ζp− ζw) ε2

σηh . (3.45)

La fonction f traduit l’effet de taille finie des particules, f (0) = 2/3 selon l’approxi- mation de Hückel pour une couche diffuse épaisse et f (∞) = 1 d’après le résultat de Schmoluchowski pour une couche mince. σ est la conductivité de la solution, faible puisque la solution est de l’eau désionisée. On peut l’estimer [79] selon : σ = 6πηlεkT κ2, où l est la taille effective des ions. Les solutions utilisées contiennent une concentration ionique de l’ordre de 2.10−5 mol.L−1, d’où pour des ions de l = 1 nm, σ ≈ 3.10−5. Les parois inférieure et supérieure du canal sont supposées être au même potentiel ζw, approximation légitime si leur nature chimique est identique, et raisonnable pour nos expériences. En effet les potentiels du PDMS et d’une paroi en verre préparée dans les même conditions que pour les expériences sur surfaces lisses, valent ζv ≈ 90 mV et

80 Chapitre 3. Mesure de profil de vitesse par PIV

ζPDMS ≈ 100 mV. Le potentiel Zeta des colloïdes vaut ζp ≈ −55 mV. Ces valeurs ont

été mesurées indépendamment au moyen d’un écoulement électroosmotique décrit dans l’annexe B.

Les estimations et mesures précédentes, si on les reportent dans l’équation 3.45 amènent à un glissement apparent de bapp,eo ≈ −8 nm. On a donc affaire à un «anti-

glissement» apparent : déduire des mesures de vitesse des particules la vitesse du solvant sous-estime légèrement le glissement intrinsèque, mais l’ordre de grandeur de ce méca- nisme reste nanométrique et bien inférieur à la résolution de nos expériences.

Le système physique étant posé, on expose les résultats obtenus pour des surface lisses (sans rugosité ou texture micrométrique). On décrit successivement pour deux types de substrats, hydrophiles puis hydrophobes la nature des surfaces, l’analyse type des résultats d’une expérience, puis le bilan des mesures de longueur de glissement.

Chapitre 4

Résultats sur surfaces lisses

hydrophiles et hydrophobes

Comme la physique que nous cherchons à sonder tient dans la longueur de glissement, maintenant que l’on connait l’outil expérimental de mesure de vitesses on s’intéresse donc à l’essentiel : la détermination de longueurs de glissement, et ses variations avec la nature du système {solution ; paroi}.

On décrit pour chaque type de surface leur préparation et les caractéristiques ré- sultantes, puis la procédure d’analyse des résultats obtenus sur l’exemple d’un profil de vitesse, et enfin le bilan de ces mesures1. Avant ceci la méthode de caractérisation classique de rugosité et de mouillage est brièvement exposée.

4.1

Caractérisation des substrats

L’ensemble des résultats théoriques, numériques et expérimentaux sur le glissement s’accordent à souligner l’importance de la rugosité à l’échelle des molécules d’une part, et celle de la force de l’interaction liquide-solide d’autre part, dont un bon indicateur est le mouillage. Les surfaces que nous utilisons pour les mesures sont donc caractérisées de ces deux points de vue.

Images AFM

Les substrats sont imagés par AFM en mode tapping, principalement pour une me- sure nanométrique de leur topologie. Ce mode de fonctionnement non-linéaire de contact intermittent est le moins agressif pour les surfaces. L’altitude du piezo soutenant le can- tilever s’adapte pour conserver une amplitude d’oscillation de la pointe constante. Les images ont été faites sous la tutelle de Christian Fretigny, avec l’aide d’Hugues Bo- diguel, au laboratoire de Physico-Chimie Structurale et Macromoléculaire (PCSM) de l’ESPCI. La machine utilisée est un NanoscopeIII commercial (modifié), dont la résolu- tion en z – de l’ordre de 0.2 nm pour lesquelles les vibrations mécaniques jouent un rôle non négligeable – est raisonnable vu sa simplicité d’utilisation. L’autre intérêt du mode utilisé est son caractère dynamique ; on obtient deux grandeurs pour chaque mesure, une image d’altitude et de phase. La première dépend principalement de la topologie et la deuxième contient surtout l’information sur l’énergie dissipée lors des oscillations du piezo, et est donc un bon indicateur de l’homogénéité chimique du substrat car la dissipation dépend de la nature du contact.

1Les résultats présentés ici ont été publiés dans Phys. Rev. E [74].

82 Chapitre 4. Résultats sur surfaces lisses hydrophiles et hydrophobes

Caractérisation par le mouillage

Pour déterminer la force de l’interaction liquide-solide, on mesure les angles de contact d’avancée et de reculée du liquide sur la surface. Un seul angle n’est en ef- fet pas suffisant pour décrire le mouillage d’un liquide sur un substrat solide. L’angle d’avancée θaest l’angle limite du ménisque à l’avant d’une goutte pour lequel le liquide

commence à avancer, de même à l’arrière d’une goutte pour l’angle de reculée θr. La

différence entre ces deux grandeurs est l’hystérésis d’angle de contact, ∆θ = θa− θr. Le lien quantitatif entre ∆θ et les propriétés microscopiques du substrat que sont son homogénéité chimique et sa rugosité est loin d’être évident2; on peut cependant retenir pour nos surface le principe qualitatif selon lequel l’hystérèse augmente avec l’inhomo- généité du solide, que les défauts soient des hétérogénéités physico-chimiques ou une rugosité. De nombreuses méthodes de mesures de ces angles de contact existent, nous avons opté pour un plan inclinable sur lequel on pose le substrat, puis on dépose une goutte à sa surface et on image la goutte au moyen d’un téléobjectif monté sur une ca- méra solidaire du plan incliné. On enregistre la forme de la goutte quand elle commence à s’écouler sur la surface. Grâce au grossissement, on peut déposer une goutte suffisam- ment petite (son volume est de l’ordre de 5 µL, sa hauteur n’excède pas la longueur capillaire lc =pγ/ρg.) pour que la gravité soit négligeable, la goutte adopte une forme

de calotte sphérique. Les mesures d’angle de contact sont déduites d’une simple analyse d’image, à 1 ou 2 degrés près. La figure 4.1 montre une image utilisée pour déterminer θa et θr après détermination du contour de la goutte.

Fig. 4.1: Mesure des angles de contact d’avancée et de reculée. Le substrat est ici un wafer de silicium silanisé, d’où la présence de l’image réfléchie.

Notons l’existence d’autres techniques de caractérisation de surfaces (ellipsométrie ou réflectivité des rayons X par exemple). Les deux méthodes utilisées ici sont suffisantes à la détermination de la rugosité et de l’hydrophobie.

Le premier système avec lequel nous travaillons est hydrophile, après description de ses caractéristiques on donne sur son exemple la méthode de détermination de longueur de glissement sur une expérience donnée.