• Aucun résultat trouvé

Les préfets, rouage essentiel

Chapitre 5 : Le retour de la prérogative de l’Etat

3. Les préfets, rouage essentiel

La Société pour l’Instruction élémentaire essayait, par ses correspondants et ses quelques sociétés locales, d’impulser une politique d’implantation des nouvelles écoles. Cependant, il faut avouer, ses efforts auraient été peu efficaces si le gouvernement n’avait agi de son côté pour la seconder. De Laborde l’avait compris. Seul l’Etat, grâce à son organisation administrative centralisée, pouvait permettre à l’enseignement mutuel de se développer à grande échelle sur le territoire français. Les principaux rouages de cette administration étaient les préfets. De leur obéissance vis-à-vis de leur supérieur direct, le ministre de l’Intérieur, dépendaient désormais les destinées de l’instruction primaire depuis que le gouvernement avait choisi de l’encourager.

A) En Ille-et-Vilaine, un soutien continu

Deux préfets se succèdent à la tête du département d’Ille-et-Vilaine pendant tout le règne de Louis XVIII : le comte d’Allonville et le comte de la Villegontier. C’est dans ce département que la nouvelle méthode est introduite pour la première fois en Bretagne en mars 1817. Cette primeur n’était cependant pas un gage de réussite. En effet, le clergé, particulièrement opposé à cette nouveauté, ne cessera d’entraver l’action de ces deux magistrats.

316

D’Allonville

Le comte d’Allonville est le premier préfet d’Ille-et-Vilaine de la Seconde Restauration. Né à Paris, le 17 février 1774, c’est un ancien émigré qui a servi dans l’armée de Bourbon de 1791 à 1797317. Il est installé dans ses fonctions le 26 juillet 1815. Il y restera jusqu’en octobre 1817318. Sa participation aux armées contre-révolutionnaires n’en fait pas de lui, pour autant, un ultra-royaliste. En effet, voici ce que le recteur de l’académie de Rennes, l’abbé Le Priol, dit de lui : « Il est haï des révolutionnaires qu’il a été obligé de poursuivre, et depuis l’ordonnance du 5 septembre, il est détesté des royalistes exagérés. Ici, on ne connaît point le ventre, et comme à la Chambre des députés, les ultra et les citra319 se touchent et peuvent se confondre. On craint qu’aux prochaines élections, ils ne se réunissent ; et ils l’emporteraient de beaucoup par le nombre, sur les intra ou partisans de la Charte320. »

D’Allonville peut donc être considéré comme un homme modéré, partisan de la monarchie constitutionnelle mise en place aux lendemains de la Seconde Restauration.

Ses idées sur l’instruction primaire témoignent d’un esprit à la fois moderne et clairvoyant. Ainsi, il déclare : « Une bonne loi sur l’éducation, l’établissement de bons chemins vicinaux et l’obligation aux communes, de salarier dans leurs budgets, les maîtres d’école, qui enseigneraient d’après la méthode mutuelle, me semblent les véritables moyens d’étendre cette utile institution.321 » Pour lui, le clergé doit jouer un rôle moral et religieux dans le système d’éducation mais tout doit être sous le contrôle du roi qui représente l’Etat. Il met en garde ceux qui voudraient s’affranchir de cette tutelle : « (…) personne ne restera le maître de détourner l’esprit des plus jeunes enfants de la marche tracée par nos institutions constitutionnelles. » C’est pourquoi, il tient à ce que les Frères des Ecoles chrétiennes restent assujettis à la surveillance de l’Université322.

Dès juillet 1816, d’Allonville s’emploie à convaincre le maire de Rennes de concourir au financement de deux écoles mutuelles dans sa ville323. Il agit, au début, sans instruction ministérielle particulière puisque la première circulaire adressée aux préfets concernant

317

Les préfets du 11 ventôse an VIII au 4 septembre 1870, Répertoire nominatif et territorial, par René Bargeton, Pierre Bougard, Bernard Le Clère, Pierre-François Pinaud avec le concours des archivistes français, diffusé par la documentation française, Paris, Archives Nationales, 1981, p. 349.

318Indicateur historique, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, nouvelle édition, décembre 1981. 319Citra est une préposition latine qui veut dire « en deçà de » ou « sans ». Ce mot désigne sans doute les libéraux dans l’esprit du recteur. En effet, ceux-ci peuvent être considérés comme ceux qui sont « en-deçà » du royalisme par rapport aux ultra-royalistes.

320

AN, F17, 11 778, lettre confidentielle du recteur Le Priol au président de la Commission d’Instruction publique, 18 mars 1817.

321

AD 35, 11 T 36, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 31 mai 1817. 322

AN, F17, 10 213, rapport du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 31 mai 1817. 323

l’enseignement mutuel date du 31 août 1816. D’ailleurs, d’Allonville, dans les arguments invoqués auprès du maire, s’appuie uniquement sur les travaux de la Société de Paris, notamment les indications données par le Journal d’Education. Sa connaissance de la nouvelle méthode semble assez approfondie. Ainsi, il a lu les ouvrages du comte de Lasteyrie et du comte de Laborde qui la décrivent. Il a également visité l’école située rue Saint-Jean-de-Beauvais à Paris dont il a « suivi les procédés324 ». Preuve de son enthousiasme et de son zèle, il se trouve en étroit contact avec la société fondatrice. En l’espace de six mois, de décembre 1816 à mars 1817, celle-ci ne lui envoie pas moins de douze lettres325.

Signalons enfin que parmi les membres dirigeant cette société, d’Allonville connaît particulièrement Jomard. En effet, ce dernier s’adresse toujours à lui dans sa correspondance en le désignant comme ancien compagnon de voyage. Il fait également allusion, dans une de ses lettres au préfet, à la livraison de son ouvrage consacré à l’Egypte. On sait que Jomard est un savant géographe, grand spécialiste de l’Egypte qu’il a étudiée pendant l’expédition de Bonaparte. D’Allonville a-t-il participé à cette expédition et a-t-il accompagné Jomard dans ce pays ? Quoi qu’il en soit, il est fort probable que ce lien amical a contribué à faire du préfet un défenseur de l’enseignement mutuel.

Sa première idée est de persuader le maire de Rennes du bien fondé de son projet qu’il présente ainsi : « Une école pourrait être formée au dépôt de mendicité où se trouve déjà rassemblé un grand nombre d’enfants ; une autre serait établie à l’hospice général, peut-être pourrait-on y admettre les enfants indigents de la ville. Dès que ces deux écoles seraient bien établies et dirigées par des sujets intelligents formés sous l’œil de l’instituteur appelé de Paris, celui-ci se rendrait à Saint-Malo et y organiserait un établissement semblable qui serait pour la classe des marins de la plus grande utilité ; enfin il pourrait être créé d’autres écoles d’après le même plan dans les villes principales de ce département326. »

La réponse du maire, Morel des Vallons327, est mitigée. Il soupçonne la nouvelle méthode d’être plus occupée « du mécanisme328 » que de l’éducation morale et il craint que cette nouveauté ne soit bien accueillie dans un pays dont les habitants préfèrent les institutions confirmées par le temps. Concernant le financement, Desvallons, ne voit pas sur quels fonds prendre les sommes nécessaires. Sans doute pour montrer sa bonne volonté, il suggère que

324 AN, F17, 11 778, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 6 décembre 1816. 325

AD 35, 11 T 36. 326

AD 35, 11 T 36, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au maire de Rennes, 23 juillet 1816. 327

Ouvrage collectif sous la direction de Jean Meyer, Histoire de Rennes, Toulouse, éditions Privat, 1972, chapitre X, p. 331. Morel des Vallons est en réalité maire de Rennes par intérim, aucun noble ne se sentant assez riche pour vouloir occuper la place.

328

Frères des Ecoles chrétiennes dont on attend le rétablissement dans la ville pourraient adopter le nouvel enseignement.

Ce manque de coopération municipale n’empêche par d’Allonville de poursuivre son projet. Il rencontre un accueil favorable, dans un premier temps, auprès de la supérieure des sœurs de Saint-Thomas-de-Villeneuve qui dirige l’hôpital général de Rennes. Pourtant, on devine la timidité de l’entreprise car il est prévu d’instruire, selon la nouvelle méthode, entre 40 et 50 garçons seulement. Il s’agit alors d’orphelins recueillis dans cet établissement329.

Il est possible que la supérieure de Rennes n’ait pas osé s’opposer personnellement aux désirs du préfet. En effet, celle-ci décide d’en référer à la supérieure générale de l’ordre qui lui interdit de ne rien décider au sujet de l’école projetée sans son autorisation330. Le préfet intercède alors auprès du ministre de l’Intérieur pour obtenir un accord de la supérieure générale. Celle-ci, sans approuver l’initiative préfectorale, renvoie la décision à la commission administrative locale. Or, cette instance est présidée par le maire. Ce dernier, de La Marre331, vient d’être récemment nommé et paraît mieux disposé vis-à-vis de la nouvelle méthode que son prédécesseur. Aussi, d’Allonville espère-t-il un dénouement favorable332. Mais c’était sans compter sur la mission prêchée à Rennes pendant six semaines333 et terminée le 16 février 1817334. Celle-ci déchaîne les passions contre l’école mutuelle. L’évêque confie au préfet que désormais tous les ecclésiastiques de la ville considèrent la nouvelle méthode comme une hérésie. La supérieure de l’hôpital général de Rennes, quant à elle, déclare qu’il est impossible d’établir les nouvelles méthodes dans son établissement sans risquer la scission avec le reste de la congrégation. En outre, des femmes de notables, sans doute renforcées par les instructions des prédicateurs, s’en mêlent et sont venues voir le maire pour empêcher qu’on implante ces sortes d’écoles335. A ce moment, d’Allonville préfère surseoir au projet et demande au ministre ainsi qu’au président de la Société pour l’Instruction élémentaire de

329

AD 35, 11 T 36, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 6 décembre 1816. 330

AD 35, 11 T 36, lettre de la supérieure de l’hospice général de Rennes au préfet d’Ille-et-Vilaine, 4 janvier 1817.

331 Ouvrage collectif sous la direction de Jean Meyer, Histoire de Rennes, op. cit., p. 331. D’après cet ouvrage, de La Marre a été nommé maire de Rennes en février 1817.

332 AD 35, 11 T 36, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine à Becquey, sous-secrétaire d’Etat du ministre de l’Intérieur et président de la Société pour l’Instruction élémentaire, 15 mars 1817.

333

L’Ami de la religion et du roi, numéro du 26 février 1817. 334

Michel Lagrée, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne, au XIXe siècle, le diocèse de Rennes, 1815-1848, Paris, Klinckslieck, 1977, p. 306.

335

AD 35, 11 T 36, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine à Becquey, sous-secrétaire d’Etat du ministre de l’Intérieur et président de la Société pour l’Instruction élémentaire, 15 mars 1817.

différer l’envoi du maître mutuel déjà choisi depuis le mois de janvier336. Il craint alors que les ultras ne profitent de cette situation pour remporter les élections à venir et veut ainsi préserver les chances du parti ministériel.

Mais il agit trop tard et le maître mutuel, Lambert, arrive à Rennes avant les lettres du préfet demandant qu’on sursoie à son départ de Paris. Ne pouvant installer l’école mutuelle à l’hôpital général, d’Allonville est mis au pied du mur. Il décide alors d’utiliser le dépôt de mendicité à cette fin, l’administrateur de cette institution voulant bien mettre la petite chapelle à sa disposition337. L’installation officielle a lieu le 19 avril 1817 en présence des principaux notables de la ville : le 1er président de la Cour royale, le maire et son adjoint, le recteur de l’académie et ses deux inspecteurs, les conseillers de la préfecture ainsi que les chefs militaires du régiment d’artillerie338. Cependant, les prêtres invités à cette cérémonie, à savoir, l’abbé Blanchard, principal du collège, et le curé de Saint-Hélier, paroisse dans laquelle se trouve le dépôt de mendicité, n’ont pas daigné répondre à la convocation du préfet. Ainsi, le clergé de la ville entend rester intransigeant vis-à-vis de l’enseignement mutuel. Seul l’évêque a consenti à approuver la nouvelle institution.

L’école mutuelle du dépôt de mendicité n’a pourtant rien de l’établissement rêvé par le préfet. Elle ne concerne que des enfants ayant été livrés à la misère des rues et ceux-ci sont peu nombreux à être instruits, une trentaine tout au plus339. Mais, ces débuts, malgré leur modestie, vont encourager le préfet à poursuivre son but. Il projette alors d’installer une deuxième école gratuite pour 250 à 300 élèves. La difficulté provient, cette fois, du financement. Pourtant, le magistrat a déjà reçu 2 400 francs de la part du gouvernement pour les frais de premier établissement et le traitement du maître pendant la première année. Mais il faut encore payer le loyer du local. Heureusement, contre toute attente, le conseil municipal de Rennes décide d’allouer 300 francs par an à cet effet pour l’année 1818340.

Puis, d’Allonville entreprend d’établir des écoles mutuelles dans trois autres villes du département : Saint-Malo, Saint-Servan et Redon. Il justifie son choix ainsi : « Après Rennes, j’ai choisi ces trois ports de préférence pour y établir des écoles dès 1817, parce qu’il est particulièrement utile et presque nécessaire pour une multitude de marins, qui font des

336 AD 35, 11 T 36, lettre du préfet à Becquey, sous-secrétaire d’Etat du ministre de l’Intérieur et président de la Société pour l’Instruction élémentaire, 15 mars 1817 ; lettre du même au ministre de l’Intérieur, 15 mars 1817. Une lettre de Lambert, datée du 22 janvier 1817, adressée au préfet d’Ille-et-Vilaine, nous apprend qu’il avait été nommé dès cette époque pour diriger l’école mutuelle de Rennes.

337

AD 35, 11 T 36, lettre du directeur du dépôt de mendicité au préfet d’Ille-et-Vilaine, non daté. 338

AD 35, 11 T 36, rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 19 avril 1817. 339

Ibid., le préfet signale 31 élèves présents le jour de l’installation. 340

AD 35, 11 T 36, lettre du préfet au ministre de l’Intérieur, 13 mai 1817 ; lettre du même aux membres de la Société pour l’Instruction élémentaire, 24 mai 1817.

voyages de longs cours, de savoir lire, écrire et compter. Il y a aussi plus de lumières parmi les habitants des ports de mer que dans l’intérieur des terres, et je suis convaincu que la nouvelle méthode y sera mieux appréciée et y fera des progrès plus rapides341 (…) »

Bientôt, les trois écoles sont formées et le succès commence à poindre. A la fin du mois d’août 1817, quelques temps avant son départ du département, d’Allonville peut se flatter de son bilan. Il réussit à établir six écoles dont trois à Rennes. Tous ces établissements rassemblent près de 500 élèves342.

Pourtant, le clergé, mis à part l’évêque et le curé de Saint-Malo, s’est révélé particulièrement intransigeant. D’Allonville a cependant pu trouver quelques appuis auprès du recteur de l’académie, des maires de Saint-Malo et Saint-Servan ainsi que des sous-préfets de Redon et Saint-Malo. Il a pu compter également sur un soutien sans faille de la part des dirigeants de la Société pour l’Instruction élémentaire et du ministre de l’Intérieur.

Il réussit aussi grâce à ses convictions dans les bienfaits de l’instruction primaire et particulièrement son enthousiasme vis-à-vis de l’enseignement mutuel. Sa personnalité, où l’on sent l’esprit d’initiative, la ténacité et le pragmatisme, n’est pas non plus étrangère à son succès.

De La Villegontier

Le nouveau préfet, de La Villegontier, nommé dans ses fonctions le 8 octobre 1817343, est originaire du département. Il est né à Fougères le 25 janvier 1776. Avec ses 41 ans, c’est un homme encore jeune lorsqu’il prend ses fonctions à Rennes. Il jouit également d’une grande fortune. C’est, à l’instar de son prédécesseur, un esprit modéré et fidèle serviteur du gouvernement. Il devient pair de France le 3 mars 1819. Il est remarqué, lors de son passage en Ille-et-Vilaine, pour son action en faveur des voies de communication. C’est également un administrateur à l’esprit conciliant, pratique et charitable. Il recueille, à son départ de Rennes, en avril 1824, de véritables éloges de la part de Mangin, directeur de L’Ami de la Charte, journal libéral de Nantes : « l’aménité de son caractère, sa douceur, sa franchise, sa loyauté,

341 AN, F17, 10 213, rapport du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 31 mai 1817.

342Journal d’Education, tome IV, p. 291, rapport du préfet d’Ille-et-Vilaine aux membres de la Société pour l’Instruction élémentaire, 26 août 1817. D’après ce rapport, on compte une école à Saint-Malo rassemblant 120 élèves, une à Saint-Servan qui en réunit entre 110 et 120, une à Redon, 30. A Rennes, on compte trois écoles : celle du dépôt de mendicité accueillant une trentaine d’élèves, celle organisée par Lambert, 150 et celle de Lemoine, 30. En tout, cela fait entre 470 et 480 élèves instruits selon l’enseignement mutuel dans le département d’Ille-et-Vilaine à cette époque.

343

ont su lui gagner tous les cœurs ; on ne peut citer de cet intègre administrateur que des actes dont il ait à se glorifier : M. de La Villegontier emporte tous nos regrets344. »

Quand le comte de La Villegontier arrive à Rennes, en octobre 1817, les attaques du clergé contre l’enseignement mutuel se multiplient. L’école mutuelle de Rennes fondée par Lambert, le 1er août, voit ses effectifs fondre spectaculairement après une brève embellie au cours de son premier mois d’existence. De 190 en août, ceux-ci tombent à 80 à la fin du mois de novembre 1817345. Le paroxysme semble atteint lorsque deux enfants de chœur sont menacés de voir leur petit emploi supprimé si leurs parents ne les retirent pas de l’école mutuelle. Cet événement qui s’est vraisemblablement produit au mois de novembre 1817, a pu accélérer la chute des effectifs de l’école mutuelle. Ainsi, l’abbé Le Priol, recteur d’académie explique : « Cet ordre qui a été exécuté, n’a pas laissé de répandre dans la ville, contre l’école de M. Lambert, des préjugés qui n’étaient déjà que trop accrédités, et immédiatement après, cet instituteur perdit une cinquantaine de ses élèves : il lui en reste en ce moment 86, dont une douzaine sont instruits gratuitement346. »

De La Villegontier, en dépit de ces assauts cléricaux, soutient l’école de Lambert. C’est lui qui prie le duc d’Angoulême, lors de sa venue à Rennes les 1er et 2 novembre 1817, de recevoir les élèves de l’école mutuelle à la suite de ceux du collège royal. Toutefois, on ne sait pas si le duc a visité l’école ou s’il s’est seulement contenté d’écouter le discours récité par les élèves en son honneur. Le nouveau préfet loue, par ailleurs, l’action du maître auprès du ministre de l’Intérieur : « Il n’est pas un seul instituteur primaire qui fasse autant347. » Il semble convaincu de la supériorité de la méthode mutuelle sur les autres et ne paraît pas douter de son succès. Ainsi il affirme : « Cependant, il arrivera ce qui arrivera toujours quand les obstacles diminueront devant des succès aussi estimables qu’évidents. Le tout est de ne point se laisser abattre et j’ai vu M. Lambert très disposé à maintenir ce qu’il enseigne, par la persuasion que cette méthode qu’il aurait honte d’abandonner est de beaucoup préférable aux autres348. » Le préfet est, en outre, très conscient des obstacles à surmonter et croit au rôle de l’autorité publique pour faire accepter les innovations nécessaires dans un pays réfractaire à toute modernité. Cependant, si ses intentions sont claires, ses actes sont timides. Ainsi, il n’ose pas parler de l’enseignement mutuel lors de la réunion des quatre comités cantonaux de Rennes, le 25 novembre 1817. Il explique au ministre de l’Intérieur :

344

AM, Nantes, L’Ami de la Charte, n° 867, 25 avril 1824. 345

AN, F17, 11 778, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 29 novembre 1817. 346

AN, F17, 10 213, lettre du recteur d’académie au président de la Commission de l’Instruction publique, 12 décembre 1817.

347

AN, F17, 11 778, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 29 novembre 1817. 348

«J’aurais accru la défaveur avec laquelle plusieurs membres s’étaient rendus peut-être à mon invitation349. » Il compte, avec optimisme, sur les inspections prévues par ces comités. Il déclare : « Je prendrai acte de leur inspection pour dans la séance du 15 janvier émettre