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Des curés majoritairement opposés

Chapitre 5 : Le retour de la prérogative de l’Etat

5. Des curés majoritairement opposés

Partout en Bretagne, le clergé montre son hostilité aux nouvelles écoles. Il avait d’abord été alerté par les propos répandus dans le journal L’Ami de la religion et du roi et certaines brochures de nature polémique. Il avait également été galvanisé par les missions et encouragé par l’attitude des principaux vicaires généraux. Cependant, il existe quelques exceptions dans cette opposition qui paraît presque unanime, du moins des nuances apparaissent.

A) Côtes-du-Nord et Ille-et-Vilaine sous le signe du conflit

Dans les Côtes-du-Nord, les curés, entraînés par Jean-Marie de La Mennais, font tout ce qu’ils peuvent pour lutter contre l’implantation des nouvelles écoles ou tenter d’établir une école congréganiste concurrente. Une seule exception : Paimpol, et encore cela ne concerne que le premier curé, l’abbé Colombant, décédé au moment où vient de s’implanter une école mutuelle dans la ville. Il semble qu’on ait mis en doute ce soutien clérical car les notables locaux, partisans du nouvel enseignement, décident de former une pétition pour témoigner du contraire. Ils y affirment : « Les notables habitants de Paimpol, soussignés , voulant rendre

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AD 29, 1 T 477, lettre de Cocaign, instituteur à Saint-Thégonnec, au recteur de l’académie de Rennes, 16 janvier 1820. Une recommandation de l’évêque y est jointe.

hommage à la vérité, déclarent que M. Colombant Philippe, décédé, curé d’office en cette ville, a toujours approuvé la méthode d’enseignement mutuel et qu’il s’est cotisé à la souscription volontaire ouverte pour l’établissement de celle de ce genre formée en cette ville à la satisfaction de tous les pères de famille qui en ressentent déjà les heureux résultats629. »

En Ille-et-Vilaine, le clergé est particulièrement vindicatif dans les villes de Saint-Servan et Rennes. Il est inutile de détailler les pressions qu’utilisent les ecclésiastiques de la capitale bretonne pour dissuader les parents d’envoyer leurs enfants à l’école mutuelle car celles-ci seront relatées plus loin lorsqu’il s’agira d’évoquer le sort des maîtres mutuels de cette ville. Quant à Saint-Servan, il a été dit plus haut que son curé, l’abbé Georges, n’est pas favorable à l’enseignement mutuel ainsi que la plupart de ses vicaires qui s’emploient à en éloigner les enfants. Pourtant, il existe parmi le clergé local des prêtres favorables au nouvel enseignement. Outre l’abbé Longueville, ecclésiastique ayant exercé à Saint-Pierre et Miquelon et qui fait partie du comité cantonal630, il faut également signaler un des vicaires du curé, l’abbé Josselin. Ce dernier ne cache pas sa préférence pour l’école mutuelle qu’il a, selon l’expression du curé, toujours « singulièrement aimée et protégée631 ». Il a d’ailleurs l’occasion de montrer son aversion pour l’école congréganiste dans une affaire de bancs qui offre une vision assez cocasse des différends qui pouvaient opposer les prêtres d’une même paroisse. Mais laissons le curé raconter les détails de l’affaire : « Voici un autre fait qui sans être aussi funeste a causé plus de bruit et de scandale. J’avais assigné aux enfants de l’école des frères, de concert avec la plupart de nos Mrs ecclésiastiques un endroit de l’église jugé le plus convenable. Celui où ils auraient été et moins gênés et moins gênants pour assister à la grand- messe et aux vêpres, les jours des dimanches et fêtes. Ils y ont été tranquilles pendant 14 mois à la grande satisfaction et édification de la paroisse. Hier, comme on allait commencer la grand-messe le frère supérieur vint me dire à la sacristie qu’il ne savait où placer les enfants, qu’on leur disputait l’endroit où ils avaient convenu de se mettre. Je me mis alors à leur tête pour les y conduire. Je vis en effet quelques femmes qui occupaient les places d’autant d’enfants et qui allaient en couper les rangs, se trouver pêle et mêle (sic) parmi eux et empêcher la surveillance des frères. Les ayant priées doucement de se retirer, elles se mettaient en devoir de m’obéir lorsque Mr Josselin sortant précipitamment de son confessionnal s’écria à haute voix, Mr vous n’avez pas le droit de donner des places à

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AD 22, 1 T 152, pétition de notables habitants de Paimpol adressée au préfet des Côtes-du-Nord, 9 juillet 1819.

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AM, Saint-Malo, SS D 67, correspondance du maire de Saint-Servan (1816-1818), lettre du maire au recteur de l’académie de Rennes, 2 juillet 1818.

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personne dans l’église ni d’empêcher les gens de s’y mettre où bon leur semblera. Il n’y a que l’évêque qui puisse le faire632. » Puis, le vicaire déplace bruyamment les bancs destinés aux élèves des Frères et accuse le curé de faire acte de despotisme et d’arbitraire. Le scandale est grand car cela se passe juste avant la célébration de l’office devant des centaines de personnes assemblées pour l’occasion.

Dans la ville voisine de Saint-Malo, le curé, l’abbé Le Breton, se montre également favorable à la nouvelle méthode. Mais il l’est seulement en apparence car il semble bien, à la lecture de l’ensemble des documents, que cette faveur ait été arrachée. En effet, le retard que prend l’installation de l’école mutuelle de Saint-Malo révèle l’attitude ambiguë du curé. Rappelons que Lambert, l’instituteur qui a dirigé la première école mutuelle de Bretagne, à Rennes, est venu au début du mois de juin 1817 dans la région malouine. Il y est envoyé par le préfet afin d’organiser les écoles mutuelles de Saint-Servan et Saint-Malo633. Ayant formé les maîtres et ayant tout préparé, il espère procéder à l’installation de chacune des deux établissements en présence des autorités dans les derniers jours de juin. Mais, alors que cela ne semble pas faire de difficulté à Saint-Servan, celle prévue pour l’école de Saint-Malo ne peut avoir lieu dans l’immédiat et Lambert quitte la région malouine sans avoir pu y assister634. La cause de ce retard paraît résider dans l’attitude du curé car le préfet déclare :

« Le maître est formé et M. le maire n’attend plus, pour faire l’installation, que d’avoir convaincu tout à fait M. le curé de Saint-Malo, ce qui paraît assez avancé635. » D’ailleurs, pour appuyer l’action du maire, le préfet a demandé à l’évêque d’écrire au curé de Saint-Malo pour le persuader du bien fondé de l’enseignement mutuel. Avec toutes ces pressions, le curé finit par accepter de procéder à l’installation de la nouvelle école. Le préfet rend alors compte à l’évêque de la bonne attitude de son curé : « Président du comité cantonal de Saint-Malo (…) il a rempli les devoirs d’un ecclésiastique éclairé et d’un sujet fidèle en prononçant à l’ouverture de l’école mutuelle de Saint-Malo un discours respirant tous les sentiments de l’ordre de l’attachement à la religion et au Roi. Je prie M. le Maire de Saint-Malo de lui en témoigner ma reconnaissance et je m’empresse, Mgr, de vous en faire agréer aussi mes remerciements. Car c’est à votre lettre que nous devons en partie ce résultat636. »

Malgré le caractère un peu forcé de son ralliement, le préfet voulut récompenser l’abbé Le Breton. N’était-il pas, en effet, hormis l’évêque, la seule caution cléricale à l’enseignement

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AD 35, 6 V 50, lettre du curé de Saint-Servan, à l’évêque de Rennes, 2 novembre 1824. 633

AD 35, 11 T 36, Saint-Servan, lettre de Lambert au préfet d’Ille-et-Vilaine, 9 juin 1817. 634

AD 35, 11 T 36, Saint-Servan, lettre de Lambert au préfet d’Ille-et-Vilaine, 21 juin 1817. 635

AD 35, 11 T 36, lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, 11 juillet 1817. 636

mutuel de son département ? Le magistrat proposa alors à la Société pour l’Instruction élémentaire de lui accorder un diplôme d’associé. Dans la correspondance adressée à la société fondatrice, parlant de l’école mutuelle de Saint-Malo, le préfet n’hésita pas à faire un éloge un peu forcé de l’ecclésiastique : « Nous avons été parfaitement secondés dans cette ville par M. Lebreton637, curé faisant fonctions de vicaire général, ecclésiastique rempli de mérite et très éclairé638. » Il est peu probable que le curé de Saint-Malo se vanta de cette distinction auprès de ses confrères. Il tenta plus sûrement de faire oublier ce faux pas en s’occupant, dès 1819, de faire revenir les lassaliens, espérant ainsi provoquer la chute de l’école qu’il avait autrefois approuvée du bout des lèvres639.

B) Finistère et Morbihan sous le signe d’une tolérance fragile

En ce qui concerne le Finistère, si l’on n’observe pas de conflits ouverts comme dans les départements cités précédemment, il ne faudrait pas croire pour autant que le clergé soit en faveur de l’enseignement mutuel. Le préfet, de Chaulieu, décrit ainsi la situation : « Sans doute, on ne rencontre nulle part une opposition ouverte à l’adoption de cette méthode ; mais les ouvrages écrits contre cet enseignement circulent de presbytère en presbytère ; les objections qu’ils renferment sont soigneusement développées. On invoque l’autorité de quelques prélats qui se sont fermement prononcés contre ce mode ; on multiplie les difficultés ; on refuse des attestations à l’instituteur ; on inspire de la défiance aux parents, etc…Enfin, il faut bien reconnaître qu’à part excepté quelques ecclésiastiques plus éclairés qui ne croient pas que le peuple devienne moins religieux à mesure qu’il perd son ignorance, le clergé de ce diocèse est absolument opposé à l’établissement des nouvelles écoles640. »

Dans les arrondissements de Morlaix et Brest, les sous-préfets signalent quelques curés récalcitrants tels ceux de Guerlesquin641, de Plabennec642 ou de Plouescat643. On a déjà vu plus haut que dans la ville de Landerneau, le clergé tenta d’empêcher l’ouverture d’une école mutuelle. A Carhaix, également, le curé, l’abbé Le Morvan, s’y oppose. Ainsi, il refuse de siéger au comité cantonal qui doit donner son avis sur la nomination d’un maître mutuel644. Il

637 En réalité, Le Breton. C’est de cette façon que l’intéressé signe son nom.

638Journal d’Education, tome IV, correspondance du préfet d’Ille-et-Vilaine à la Société pour l’Instruction élémentaire, 26 août 1817, p. 293.

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AM, Saint-Malo, registre des délibérations municipales, séance du 31 juillet 1819. 640

AN, F17, 11 778, lettre du préfet du Finistère au ministre de l’Intérieur, 25 avril 1820. 641

AD 29, 1 T 201, lettre du sous-préfet de Brest au préfet du Finistère, 28 mars 1820. 642

AD 29, 1 T 201, lettre du sous-préfet de Brest au préfet du Finistère, 17 février 1820. 643

AD 29, 1 T 201, lettre du sous-préfet de Morlaix au préfet du Finistère, 5 février 1820. 644

ne veut pas non plus donner une messe du Saint-Esprit pour installer la nouvelle école645. Le juge de paix lui donne cependant les circonstances atténuantes et dresse le portrait d’un homme influençable : « Nous avons pour curé un homme bien respectable sous tous les rapports ; mais accablé sous le poids des années, il est faible ; les esprits contraires à l’enseignement mutuel alimentés par le fanatisme ultramontain, sont prévenus contre cet utile établissement au point de ne vouloir absolument pas figurer dans les délibérations qui le concernent646. »

Si l’opposition ne prend pas l’allure d’une fronde et que, malgré tout, 18 écoles mutuelles parviennent à être implantées dans tout le département à la fin de l’année 1821647, c’est sans doute parce que l’évêque a donné son agrément à la nouvelle méthode. Ainsi, les clergés de Quimper, Brest et Morlaix paraissent accepter les écoles mutuelles, du moins dans les premières années. Mais cette relative tolérance fait progressivement place à une opposition plus affirmée et un désir de voir les congréganistes concurrencer un genre d’école qu’on n’avait sans doute jamais vraiment admis. A Brest, le comité d’instruction primaire du premier canton, présidé par l’abbé Labous, curé de la paroisse de Saint-Louis, demande, dès le 1er février 1822, le retour des Frères dans la ville648. Cette réclamation a d’autant plus de poids qu’elle se fait avec l’appui du sous-préfet de Brest, Romain, qui a lui-même souscrit pour aider au financement de l’école chrétienne. A Morlaix, également, le curé, l’abbé Keramanach, exprime son souhait de voir s’installer les lassaliens auprès du conseil municipal mais c’est sans succès649.

Si, dans le Finistère, l’implantation des écoles mutuelles se fait parfois contre l’avis des curés, le Morbihan ne semble pas connaître de telles oppositions. Il faut dire que le comte de Chazelles, sous-préfet de Lorient, puis préfet du Morbihan à partir de 1818, réussit à convaincre les curés des villes les plus libérales de son ressort pour établir les nouvelles écoles. Celles-ci sont toutes situées à l’est du département, dans la partie bretonnante. A l’ouest, à Vannes et Auray, le préfet juge plus sage de laisser les Frères seuls maîtres de l’instruction primaire.

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AD 29, 1 T 201, copie de la lettre du curé de Carhaix au maire de la même ville, transmise au préfet par le maire, 30 juillet 1820.

646 AD 29, 1 T 477, lettre du juge de paix du canton de Carhaix, Veller de Kersalaun, au recteur de l’académie, 5 juin 1820.

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AN, F17 11 778, état des écoles mutuelles du Finistère, dressé par le préfet, de Chaulieu, 26 octobre 1821. Il s’agit alors du maximum jamais atteint. En janvier 1822, leur nombre sera de 17. En 1824, on en compte encore plus d’une dizaine (AD 29, 1 T 35, état de l’instruction primaire en 1824 dans le Finistère, 7 avril 1825). 648

AD 29, 1 T 15, extrait de la délibération du comité d’instruction primaire du premier canton de Brest, 12 mars 1822.

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On apprend ainsi que le curé de Lorient « différant en cela d’un grand nombre de ses collègues n’accorde aucune prévention contre ce mode d’instruction primaire, visite souvent l’école et veille à ce que les élèves y reçoivent une éducation chrétienne650 ». Evoquant les collègues du curé, le sous-préfet désigne sans doute les autres curés de l’arrondissement et non les vicaires qui exercent à Lorient. En effet, le clergé de la ville est considéré, à cette époque, comme apolitique, c'est-à-dire respectueux des décisions des autorités civiles. Le commissaire de police les décrit ainsi : « Ils ne sont ni intolérants ni fanatiques. Ils aiment le roi et leur patrie ; ils sont dignes du Dieu qu’ils représentent, on ne les voit point se mêler de politique (…) Faire l’aumône, s’occuper du soin spirituel des malades sont leur unique préoccupation651. » En outre, la ville elle-même est peu religieuse. L’évêque de Vannes dresse en 1814 une situation qui fait penser que Lorient est en voie de déchristianisation :

« Tous les exercices de la religion y sont abandonnés. On n’y sanctionne point les dimanches et les fêtes. Peu de personnes même y entendent la messe ce jour-là et les mœurs publiques se ressentent de l’indifférence que l’on a pour le culte652. » Dans cette ville, le curé n’a sans doute ni la volonté, ni la possibilité de s’opposer à l’établissement d’une école mutuelle. Lorient constitue d’ailleurs une exception en Bretagne en ce qui concerne l’enseignement mutuel. Ce mode d’instruction restera, en effet sans véritable concurrence congréganiste jusqu’à la fin de la monarchie de Juillet.

La situation de Pontivy ressemble à celle de Lorient, du moins au début, puisque son curé, Huart des Essarts, on l’a vu précédemment, encourage l’enseignement mutuel. Mais il meurt en 1821. Son successeur, l’abbé Lebreton, n’aura pas cette complaisance et s’empressera d’établir une école concurrente dirigée par les Frères des Ecoles chrétiennes.

A Port-Louis, la position du curé est ambiguë. Ainsi, ce dernier, l’abbé Prouleau, accueille favorablement l’école mutuelle dont il rédige lui-même le règlement. Il en attend une meilleure éducation chrétienne ainsi qu’une plus grande fréquentation des offices. Il faut dire que Port-Louis est considérée, à l’instar de Lorient, comme une ville peu religieuse. Déçu par les résultats de cette école, l’ecclésiastique finit par s’en désintéresser.

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AD 56, T 81, lettre du sous-préfet de Lorient, de Crésolles, au préfet du Morbihan, 31 décembre 1821. 651

Cité par Claude Langlois, op. cit., p. 231. 652

Un curé tolérant : l’abbé Caradec

Le cas de l’abbé Caradec, curé du Palais, en Belle-Ile, est assez rare pour mériter l’attention. Président du comité cantonal, il se montre d’emblée, à l’instar des curés de Lorient et Port-Louis, favorable à l’enseignement mutuel. Ainsi, lorsque le conseil municipal de la ville envisage, en 1818, l’ouverture d’une école suivant cette méthode sur sa commune, celui-ci offre de subvenir aux frais d’instruction de dix élèves653. Il est d’ailleurs le seul ecclésiastique de l’île à avoir cette position654. Seulement, la conduite du maître va ébranler un peu sa confiance. En effet, quatre mois seulement après l’ouverture de son école, l’instituteur, Legrand, est objet de plaintes. Celles-ci concernent des actes pédophiles vis-à-vis de ses élèves et sont adressées au recteur de l’académie qui fait fermer illico l’école mutuelle655. Le fonctionnaire explique alors sa décision : « J’ajouterai même d’après les renseignements que j’ai recueillis sur le compte du Sieur Legrand pendant le séjour que j’ai fait aux vacances dernières dans le Morbihan, il me serait impossible de délivrer une autorisation à un homme aussi immoral ; et, s’il l’avait obtenu, je me verrais dans la nécessité de la lui retirer. J’ai appris, en effet, par des récits dans lesquels je dois avoir la plus grande confiance et qui m’ont été confirmés encore depuis mon retour ici, que le sieur Legrand a abusé de trois ou quatre personnes qui étaient ses écolières ; qu’il a pareillement abusé de sa servante qu’il a renvoyée de chez lui quelques temps avant ses couches, et que ces faits étaient de toute notoriété dans l’île656. »

Les faits reprochés sont antérieurs à l’ouverture de l’école mutuelle puisque, à cette époque, aucune fille n’y est admise. Dans cette affaire, le curé est parfaitement informé de la moralité de son paroissien. Il avoue ainsi au préfet : « Puisque tout est terminé heureusement, je peux vous parler confidentiellement de sa conduite qui est abominable. Je ne l’ignorais pas parce qu’elle était publique et notoire. Combien de fois n’a-t-on pas dit en ma présence qu’il méritait d’être brûlé, ne m’a-t-on reproché de garder le silence ? Mais ma qualité de pasteur me mettait dans une position bien délicate… Quoique vicieux il est toujours mon paroissien, père de 8 ou 9 enfants que j’ai presque tous baptisés, et sans d’autre ressource que son état. D’ailleurs, j’aurais trouvé de la contradiction, puisqu’il faut ici l’avouer, c’est un excellent

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AN, F17, 11 778, extrait du registre des délibérations du conseil municipal de la commune du Palais, 2 juin 1818.

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AD 56, T 74, lettre du maire du Palais au préfet du Morbihan, 29 janvier 1819. 655

AD 56, T 81, lettre de l’abbé Caradec, curé à Belle-Ile, président du comité cantonal, au préfet du Morbihan, 13 février 1819.

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instituteur, et j’ai vu par expérience que je ne m’étais pas trompé657. » Le curé a donc pris le risque de placer à la tête de la nouvelle école un homme dont la perversion est connue de tous. D’ailleurs, il n’est pas seul à partager cet aveuglement ou plutôt cette sorte de « loi du silence » car le maire a lui-même proposé ce candidat. Cependant, lorsque le scandale éclate et que l’école est fermée, le curé refuse de suivre le maire dans sa défense du malheureux instituteur. L’ecclésiastique demande cependant, par charité pour ce père d’une nombreuse famille, qu’on lui accorde une nouvelle place658. On pourrait s’interroger sur l’attitude de l’abbé Caradec. En favorisant la candidature de Legrand comme maître de l’école mutuelle,