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A Nantes, l’école des actionnaires

Chapitre 3 : Les sociétés locales

3. A Nantes, l’école des actionnaires

C’est à Nantes que l’idée de fonder une école mutuelle émerge pour la première fois en Bretagne. Cinq mois à peine après les premières expériences parisiennes, des notables se retrouvent autour de Thomas Dobrée, alors riche négociant, pour former une société à l’image de celle de Paris. La première réunion des fondateurs a lieu le 21 janvier 1816179. Ceux-ci se réfèrent à leurs sentiments de charité chrétienne. Leur projet est d’améliorer le sort des classes inférieures de la société. Pour ces notables, l’ignorance est compagne de la misère et de l’oisiveté. L’instruction est d’abord utile du point de vue économique car elle forme des travailleurs plus intelligents et plus efficaces, ce qui favorise et stimule l’industrie. Elle permet également à ceux-ci de mieux gérer leurs revenus. Le peuple n’est-il pas enclin à dépenser son argent en loteries et en boissons alcoolisées, vices qui ne font qu’ajouter à sa misère ? Le but de cette instruction est aussi d’inculquer, dès le plus jeune âge et d’une manière que l’on voudrait ineffaçable, les principes de la religion et de la morale. Enfin, il faut réconcilier le peuple avec le régime politique en place, à savoir celui de la monarchie constitutionnelle, que l’on qualifie de libre et de paternel. L’enseignement mutuel est jugé

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Journal d’Education, tome V, octobre 1817-mars 1818, extrait du procès verbal de la séance d’institution de la société d’éducation élémentaire de Nantes, pp. 210-213. Une copie manuscrite de ce procès verbal, certifiée conforme par Dobrée et Bergerot, est également présente aux Archives Nationales, dans le dossier F17, 11 778. Un des membres fondateurs, de Couëtus, a été rayé dans ce dernier document, ce qui porte à 13 au lieu de 14 le nombre de ces membres. Voir annexe 6.

comme étant le plus sûr moyen d’arriver à ces buts. On lui trouve trois qualités : la rapidité, l’économie des moyens ainsi que l’esprit d’ordre et de subordination que cette méthode instaure chez les élèves.

Probablement conscients des dangers qui guettent leur entreprise, les notables fondateurs veulent cependant asseoir leur projet d’une manière indépendante des autorités, autant d’un point de vue administratif que financier. Ainsi, il est prévu de placer les dons et les économies sur des fonds pouvant produire un intérêt.

Le projet est bien celui d’une bourgeoisie éclairée, avide de progrès, consciente du rôle joué par l’instruction à la fois pour former les travailleurs nécessaires au développement de l’économie mais également pour mieux les contrôler moralement et politiquement. Mais qui sont ces bourgeois ?

A) Autour d’un riche armateur de la ville, Thomas Dobrée

La société nantaise compte à ses débuts treize membres180. A la tête de cette assemblée ont été choisis un président, un vice-président, un trésorier et deux secrétaires. Thomas Dobrée occupe la première place et agit en véritable maître d’œuvre de cette entreprise. Il s’agit alors d’un des armateurs les plus riches de la ville. Il est né le 6 avril 1781, à Nantes, de parents protestants. Son père était négociant et appartenait à une famille originaire de Guernesey. C’est d’ailleurs dans cette île anglo-normande que Thomas Dobrée passe son enfance après la mort de sa mère. Il fait également ses études à Blandford (Dorsetshire) en Angleterre, puis à Hambourg en Allemagne. Il ne revient à Nantes qu’en 1801, à l’âge de vingt ans. Succédant à son père dans les affaires commerciales, il se montre très entreprenant. Ainsi, il relance la pêche à la baleine que Nantes avait abandonnée au siècle précédent. Il renoue également les relations interrompues depuis la Révolution avec l’Inde et la Chine. Ses opérations s’étendent à l’industrie lorsqu’il rachète les forges de la Basse-Indre. Il se montre également très inventif. Ainsi, cherchant un procédé pour rendre plus étanche la coque de ses navires, il tente d’importer d’Angleterre le technique du feutrage. Ne réussissant pas à en obtenir le brevet, il fait plusieurs essais sur place et finit par découvrir lui-même un procédé analogue181.

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Voir annexes 6 et 7. 181

P. Levot, Biographie bretonne, Vannes, éditions Cauderan, 1852. L’Ami de la Charte, n° 1718, jeudi 18 décembre 1828, notice nécrologique sur Thomas Dobrée. Voir annexe 8.

Ce n’est pas seulement un homme d’affaires, c’est aussi un citoyen impliqué dans la vie politique et sociale. On le voit partout : au tribunal de commerce dont il est, pendant une période, le président, au conseil municipal et à la société académique182. Agissant en véritable philanthrope, il participe à la création d’une nouvelle institution destinée à recevoir les économies des classes inférieures et à contribuer à leur enrichissement : la Caisse d’épargnes et de prévoyance183. Appartenant à la Société de la Morale chrétienne, il se déclare contre la traite des Noirs, ce qui le distingue de la plupart des armateurs qui la pratiquent, à cette époque, de manière illégale184. Enfin, soucieux de l’instruction du peuple, il fonde, à Nantes, une école mutuelle qui est probablement sa plus grande œuvre philanthropique. Politiquement, il se situe à l’écart des tendances partisanes si l’on en croit le rédacteur de sa notice nécrologique mais une allusion de Plumard, autre fondateur de l’école mutuelle de Nantes, dans une lettre que ce dernier lui adresse, semble indiquer une proximité d’opinion vis-à-vis des libéraux. Ainsi, Plumard explique à propos de la société qu’ils ont fondée à Nantes pour développer l’enseignement mutuel : « Je vous le dirai ici, je vous le répéterai, qu’une institution libérale, doit être en mains de libéraux bien prononcés, et nous ne sommes à cet égard qu’une agrégation mixte185 (…) »

Le vice-président, Michel Chaigneau, est un ancien officier d’artillerie. Né à Lorient le 15 mars 1773, il est le fils d’un capitaine de vaisseau. Agé de 20 ans, il commence sa carrière militaire dans le corps du Génie en tant qu’élève officier. Puis, après être resté quelques mois lieutenant, il est nommé capitaine en décembre de la même année. A cette époque, il participe aux campagnes des armées révolutionnaires dans le nord de la France. Après la Révolution, il continue de servir au sein de l’armée impériale. Dans le cours des différents combats, il connaît quelques mésaventures. Ainsi, il est blessé à la bataille d’Eylau, mais surtout, la défense de la place de Dantzig, en 1813, à laquelle il prend part durant près d’un an, se termine mal pour lui. Il y est fait prisonnier et emmené en Russie d’où il reviendra en août 1814186. Cet ancien officier semble rester assez longtemps au sein du conseil d’administration. Un document daté du 15 mai 1821 le signale comme étant toujours vice-président de la

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L’Ami de la Charte, n° 1718, 18 décembre 1828, notice nécrologique sur Thomas Dobrée. Voir annexe 8. 183

Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° 335, 6 décembre 1822. On apprend à travers une annonce parue dans ce numéro que Thomas Dobrée appartient au conseil d’administration de la Caisse d’Epargnes et de Prévoyance de Nantes (AM, Nantes, 20 PRES 19). Cette institution avait été fondée en 1818 par le banquier Delessert, également membre de la Société pour l’Instruction élémentaire. Francoeur en fait un long rapport dans le Journal d’Education (tome VI, septembre 1818, pp. 356-394), montrant ainsi que l’enseignement mutuel et l’établissement de la Caisse d’épargnes participaient du même idéal philanthropique. Il s’agissait alors d’éduquer et de moraliser le peuple.

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Olivier Pétré-Grenouilleau, Nantes au temps de la traite des Noirs, Paris, Hachette, 1998, pp. 203-206. 185

AM, Nantes, 8 Z (fonds Dobrée), 2 A 143, lettre de Plumard à Dobrée, 2 décembre 1821. 186

société à cette époque187. Sa signature apparaît encore dans une lettre adressée par le comité au préfet et datée du 12 juin 1823188.

Concernant le trésorier, François-Benjamin Babin-Chevaye, il s’agit d’un propriétaire né à Nantes. Il prend la direction de la société en 1828, à la mort de Dobrée, et cela jusqu’en 1836. Mort le 6 juin 1848, à l’âge de 68 ans, une nécrologie élogieuse lui est consacrée dans le journal nantais Le Breton. On y lit ceci : « Pendant trente ans il a été, sans trêve, le principal administrateur de la florissante école d’enseignement mutuel du Chapeau-Rouge. C’est à son admirable zèle, à sa patiente activité, secondée par son ami, feu M. Plumard, que sont dus les nombreux et salutaires résultats de cet important établissement. Il connaissait chacun des élèves, leur prodiguait ses soins, ses leçons, et conservait une paternelle sollicitude pour tous ceux qui, sortis de l’école, se distinguaient par leur bonne conduite (…) Honneur à celui qui essaiera de le remplacer189. » Sa descendance sera fidèle à son œuvre puisque son fils, Louis, directeur des Chantiers de la Loire et député en 1871, sera membre du même comité, de 1848 à 1887. Puis, à la mort de ce dernier, son fils René y siégera également190.

Quant aux secrétaires, ils sont au nombre de deux, du moins dans les premières années d’existence de la Société de Nantes. Ce sont, à l’origine, Marion Beaulieu et Adolphe Bergerot. Le premier est remplacé, en 1817, par Laënnec. Le second l’est, en 1819, par Plumard. De Marion Beaulieu, on sait qu’il est officier et qu’on lui doit la rédaction d’un rapport qui est devenu « le règlement pratique de l’école et celui de son conseil d’administration191 ». Son activité au sein du conseil d’administration est particulièrement longue puisqu’il en est membre jusqu’en 1864192. Quant à son successeur comme secrétaire, Christophe Laënnec, on ne sait malheureusement rien si ce n’est que, lui aussi, reste au sein

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AM, Nantes, 1 R, carton n° 7, lettre des administrateurs de l’école mutuelle au maire de Nantes, 15 mai 1821. 188

AD 44, 1 N 3, lettre des membres du bureau d’administration de l’école mutuelle de Nantes au préfet, 12 juin 1823. Cette lettre a été signée par sept personnes, à savoir, Thomas Dobrée, Michel Chaigneau, Babin-Chevaye, Plumard, Marion de Procé, Gouïn, Rossel.

189 AM, Nantes, 7 PRES 25, Le Breton, n° 135, 7 juin 1848, article nécrologique sur M. Babin-Chevaye. 190

BM, Nantes, 96 615, C 521, « Société d’encouragement pour l’instruction mutuelle élémentaire, discours prononcé par M. A. Lallié, président du conseil d’administration, à la distribution des prix du 28 juillet 1910 », Nantes, 1910, p. 8

191

Ibid., p. 9. 192

Ibid., liste des membres du conseil d’administration de l’école mutuelle depuis sa fondation, document situé à la fin de l’ouvrage.

du conseil d’administration pendant un temps considérable, jusqu’en 1858193. Il apparaît avec le titre de secrétaire-adjoint dans un document adressé au maire de Nantes en 1819194.

Les autres secrétaires, Bergerot et Plumard195, le second succédant au premier à partir de 1819, sont ceux pour lesquels il existe le plus de renseignements. Ils ont ainsi laissé plusieurs lettres adressées, soit à Dobrée, soit aux autorités publiques, témoignant de leur activité et de leur engagement vis-à-vis de l’enseignement mutuel. Du premier, Alphonse Bergerot, on sait qu’il est négociant et qu’il traite d’affaires communes avec Dobrée. Il partage avec ce dernier une anglophilie certaine. Ainsi, il aime parsemer sa correspondance d’expressions anglaises et admire le caractère des quakers qu’il propose en exemple à l’égard des instituteurs196. Il est également conseiller municipal. Il joue un rôle important au début du projet. Ainsi, c’est lui qui entreprend de convaincre le préfet du bien fondé de l’établissement d’une école mutuelle à Nantes197. Il apparaît enfin spécialement chargé de la correspondance avec la Société de Paris. Il lui fait ainsi parvenir en juillet 1818 un long rapport sur l’école de Nantes198. Il n’est plus membre de la société après 1819199. Ses affaires commerciales l’ont éloigné de la Bretagne. En effet, c’est du Hâvre qu’il écrit à Dobrée le 30 novembre 1819, exprimant le regret de n’être plus à Nantes200.

Quant au second, Plumard, né à Nantes en 1780, c’est un riche propriétaire célibataire, fils de négociant, qui se distingue dans les entreprises de travaux publics ou de construction. Il parvient ainsi à réaliser l’assèchement des marais situés sur la commune de Saint-Etienne-de-Montluc (Loire-Atlantique), localité où se trouve l’essentiel de ses propriétés. Dans la ville de Nantes, plusieurs beaux bâtiments sont construits par ses soins. Elu au sein du conseil général

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BM, Nantes, 96 615, C 521, « Société d’encouragement pour l’instruction mutuelle élémentaire, discours prononcé par M. A. Lallié, président du conseil d’administration, à la distribution des prix du 28 juillet 1910 », Nantes, 1910, liste des membres du conseil d’administration de l’école mutuelle depuis sa fondation, document situé à la fin de l’ouvrage.

194

AM, Nantes, 1 R, carton n° 7, autorisation donnée par les administrateurs de l’école mutuelle à Babin-Chevaye, trésorier, pour recevoir la subvention municipale attribuée à la dite école, adressée au maire de Nantes, 10 juillet 1819.

195

AM, Nantes, état civil, acte de décès de René Plumard de Rieux. On apprend par cet acte qu’il est mort le 27 janvier 1847 à l’âge de 66 ans. Il est déclaré célibataire et propriétaire. Il était le fils de Siméon Plumard de Rieux, négociant.

196

AM, Nantes, 8 Z (fonds Dobrée), 2 A 143, lettre de Bergerot à Dobrée, 30 novembre 1819. 197

Ibid., 15 novembre 1817. 198

Journal d’Education, tome VI, Extrait d’une lettre adressée à M. Jomard, secrétaire de la Société pour l’Instruction élémentaire à Paris, par M. Bergerot, secrétaire de la Société de Nantes, 10 juillet 1818, pp. 226-231.

199 Le dernier document portant la signature de Bergerot en tant que secrétaire de la Société de Nantes, date du 27 novembre 1818 ; AD 44, 71 T, lettre des administrateurs de l’école mutuelle au préfet. Le premier document portant la signature de Plumard, successeur de Bergerot, date du 10 juillet 1819 ; AM, Nantes, 1 R, carton n° 7, autorisation donnée par les administrateurs de l’école mutuelle à Babin-Chevaye, trésorier, pour recevoir la subvention municipale attribuée à la dite école, adressée au maire de Nantes. Cela permet de situer le départ de Bergerot durant le premier semestre 1819.

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pendant la monarchie de Juillet, il sera d’ailleurs apprécié pour ses connaissances dans ce domaine. Outre ses activités au sein de la société qui administre l’école mutuelle, Plumard se consacre également à la Caisse d’Epargnes dont il devient le président. Ce sont là les deux grandes œuvres philanthropiques de sa vie comme le rapporte l’auteur de sa nécrologie :

« Président de l’une et de l’autre des commissions chargés de l’administration de ces deux établissements, il serait difficile de dire de quel côté son inclination le portait le plus. Après avoir suivi, dans le jour, les minutieux détails de cette comptabilité, grâce à laquelle fructifient les deniers ménagés par le pauvre, il se délassait le soir auprès des jeunes enfants de l’école mutuelle, examinant leurs travaux, encourageant leurs efforts et applaudissant à leurs succès201. »

Dès les premiers moments, Plumard est probablement un des membres les plus actifs parmi les administrateurs de l’école mutuelle et apparaît, aux côtés de Dobrée, comme la véritable cheville ouvrière de l’entreprise. Preuve de son importance, il organise, en l’absence du président, et conjointement avec le trésorier, Babin-Chevaye, une remise des prix pour les élèves à l’occasion du baptême du duc de Bordeaux202. On le voit également intéressé par la pédagogie. Ainsi, pendant son séjour à Paris, en janvier 1821, il visite plusieurs écoles mutuelles. Celle de Saint-Jean-de-Beauvais, dans laquelle il se rend à trois reprises, a sa préférence. C’est enfin à lui que sont confiées les démarches nécessaires auprès des fondateurs parisiens pour se procurer un maître : une première fois, en janvier 1821, pour trouver un successeur à Maugenet et la deuxième fois, en décembre de la même année, pour remplacer Roger203. Politiquement, on peut sans hésitation le qualifier de libéral. C’est, en effet, ce que laissent transparaître les propos, cités plus haut, qu’il adresse à Dobrée dans une de ses lettres204. Fidèle jusqu’à sa mort à la société qu’il avait contribué à fonder, il prendra, après avoir longtemps occupé la place de secrétaire, la direction du conseil d’administration de 1836 à 1847.

Outre ces notables les plus impliqués, on peut également citer Marion de Procé, médecin, parent de Marion de Beaulieu et membre jusqu’en 1854205. Celui-ci paraît jouer un rôle dans le choix des instituteurs comme le laissent entendre les propos de Plumard faisant

201 AM, Nantes, 7 PRES 24, Le Breton, n° 25, 30 janvier 1847, nécrologie de René Plumard de Rieux. 202 AM, Nantes, 8 Z (fonds Dobrée), 2 A 112, lettre de Plumard à Dobrée, 2 mai 1821.

203 AM, Nantes, 8 Z (fonds Dobrée), 2 A 112, lettre de Plumard à Dobrée, 20 janvier 1821 ; 2 A 143, lettre de Plumard à Dobrée, 2 décembre 1821.

204

AM, Nantes, 8 Z (fonds Dobrée), 2 A 112, lettre de Plumard à Dobrée, 2 mai 1821. 205

BM, Nantes, 96 615, C 521, « Société d’encouragement pour l’instruction mutuelle élémentaire, discours prononcé par M. A. Lallié, président du conseil d’administration, à la distribution des prix du 28 juillet 1910 », Nantes, 1910, liste des membres du conseil d’administration de l’école mutuelle depuis sa fondation, document situé à la fin de l’ouvrage.

part de ses démarches pour trouver un successeur à Roger, maître qui vient d’être renvoyé par les administrateurs : « J’ai de suite été en conférer avec M. Marion de Procé qui est tout disposé à seconder les mesures nécessaires, en conséquence et d’après son avis je suis allé à l’école normale206(…) » Plumard déclare également que c’est à Marion de Procé qu’incombera, en dernier ressort, la responsabilité de nommer celui qui aura été choisi.

Au total, parmi les sept principaux administrateurs, jusqu’en 1828, on compte deux négociants (Dobrée et Bergerot), deux propriétaires (Plumard et Babin-Chevaye) et deux militaires (Chaigneau et Marion Beaulieu). Quant au reste du conseil d’administration, il comprend, parmi d’autres, un autre propriétaire (Augustin Lebreton), un autre négociant (Bodiment), un médecin (Marion de Procé), un banquier (Edouard Gouin). On peut citer également Thomas Godfrey Dobrée qui est à la fois le cousin et le beau-frère du président, Thomas Dobrée. De lui, on sait qu’il a des intérêts financiers dans les affaires familiales sans qu’on sache si on peut le qualifier de négociant, de propriétaire ou d’actionnaire207. On perçoit ainsi la prépondérance du milieu négociant et des propriétaires au sein de la société de Nantes. On peut noter l’absence des professions de justice contrairement à ce que l’on avait observé à Saint-Brieuc ainsi que celle des hauts fonctionnaires malgré une tentative du préfet. A leurs côtés, la présence de deux officiers parmi les fondateurs renvoie à l’observation qui a déjà été faite de l’engagement de cette catégorie sociale en faveur de l’enseignement mutuel dans la ville de Saint-Brieuc. Il ne faut pas oublier non plus que plusieurs maîtres étaient eux-mêmes des anciens militaires, tels Roger à Nantes ou Tourrette à Landerneau. On peut faire sans doute l’hypothèse d’une sensibilité particulière des militaires vis-à-vis d’une méthode qui exaltait la discipline et l’ordre tout en s’écartant d’un système clérical. A cela s’ajoutait sans doutes des considérations politiques. Beaucoup de ces anciens officiers ayant combattu sous les couleurs de la Révolution ou de l’Empire étaient opposés aux ultra-royalistes. Par esprit de parti, ils étaient plutôt portés à encourager une école soutenue par leurs adversaires, les libéraux.

Notons que sur les treize premiers fondateurs, trois n’apparaissent plus en novembre 1817, lorsque la société demande au ministre l’autorisation de se réunir à nouveau et de lui octroyer une somme de 1 000 francs. Il s’agit de Trottier, de Labouchère et de Couëtus. Ils sont vraisemblablement remplacés par Christophe Laennec, Rossel, Lamaignère, Louis

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AM, Nantes, 8 Z (fonds Dobrée), 2 A 143, lettre de Plumard à Dobrée, 2 décembre 1821. 207

AM, Nantes, inventaire du fonds Dobrée, note de bas de page concernant Thomas Godfrey Dobrée, p. 47. Dans cette note, on explique que Rose Dobrée, la sœur de Thomas, épousa son cousin , Thomas Godfrey. On raconte qu’ils liquidèrent leurs intérêts dans la société « Schweighauser et Dobrée » et qu’ils voyagèrent beaucoup, notamment en raison de la mauvaise santé de Rose. On souligne également que Thomas Dobrée était très lié à son beau-frère.

Lévesque, Moller, Fellonneau et Paris, ce qui porte à 16 le nombre des membres du conseil d’administration, du moins si l’on retient la liste établie par l’érudit nantais, Lallié, au vu du registre des délibérations de la société.