influencé le monde de l’architecture depuis une quarantaine d’années, les expositions constituent donc un terrain d’étude privilégié.104
A chaque époque, la manière dont s’expose l’architecture reflète les questionnements, les crises et les idéaux des architectes.105 L’histoire montre à quel point les modalités successives d’exposition de l’architecture furent liées aux contextes intellectuels ou doctrinaux qui les ont vu émerger.106 Le philosophe Patrick Geddes s’est saisi de l’exposition comme d’un médium spécifique pour diffuser ses idées, prendre position dans le monde naissant de l’urbanisme des années 1910. Les nouvelles tendances en matière d’exposition renforcent la dimension scientifique, de recherche documentaire. Depuis les années 1970, de petites expositions très ciblées sont organisées, souvent confiées à un universitaire, plus seulement à un conservateur. Ces « expositions-dossiers », dont le concept a été emprunté aux musées américains, se sont développées au Louvre puis à Orsay ; elles permettent une approche scientifique très documentée d’une œuvre ou d’un petit groupe d’œuvres, d’une école ou d’une collection.
Les institutions et leurs expositions participent à l’écriture de l’histoire de la discipline en ouvrant aux architectes une nouvelle scène culturelle. Elles modifient le rapport qu’ils entretiennent avec leurs outils de représentation, avec l’objet de leur travail en transformant le champ de leurs actions et en pesant sur leurs débats internes. L’historien de l’architecture se doit de « saisir les stratégies institutionnelles dont les expositions peuvent être tour à tour les leviers, les vecteurs, les produits et les enjeux ».107 Les institutions deviennent des acteurs nouveaux et incontournables du champ architectural.108 L’importance grandissante des expositions dans la vie culturelle n’est pas seulement un effet d’institution : c’est aussi un effet lié à la re-définition des fonctions de ceux qui sont chargés de les organiser – à savoir les directeurs des institutions muséales, les conservateurs et les commissaires. Le positionnement des conservateurs et des commissaires d’exposition au sein des institutions est essentiel à l’écriture d’une histoire en marche. Complétées par l’édition du catalogue et les publications associées, l’inscription des expositions dans le temps long de l’histoire
104. propos de Pierre Chabard recueillis par Soline Nivet, Histoire d'expositions ; histoire de l'architecture in D'Architectures, 217, mai 2013, p.48-49
105. propos de Pierre Chabard recueillis par Soline Nivet, Histoire d'expositions ; histoire de l'architecture in D'Architectures, 217, mai 2013, p.48-49
106. NIVET Soline, Exposer l'architecture in D'Architectures, 271, mai 2013, p.46
107. CHABARD Pierre, Entre médiation et collection. Stratégies institutionnelles autour de l'architecture au début des années 1980 in Les cahiers du MNAM, n°129 , 2014, pp. 52-63.
108. DI CARLO Tina, Exposition « Deconstructivist Architecture » in Exposer l'architecture, Les cahiers du MNAM, 2014, 129, p.80-91
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est assurée. Ainsi le catalogue et les publications se positionnent comme matériaux supports de réflexions et de compréhension postérieurs à l’exposition.
1. De l’importance de la publication de catalogues d’exposition
Le catalogue, justement, est un élément important de toute exposition. Il trouve son origine dans les livrets des Salons – dont le premier fut imprimé en 1673 – voire dans les listes constituées par les amateurs pour leurs collections privées. Initialement, il était principalement destiné à guider le public dans sa visite en permettant d’ordonner le parcours et d’identifier les œuvres. La publication de Cassas et Legrand « Collection des chefs-d’œuvre de l’architecture des différents peuples » peut également être rapprochée avec cette pratique. Cette publication de la liste complète des petits monuments accompagnait la présentation de la collection Cassas. Il s’agissait d’une notice ample historique destinée à servir de guide aux visiteurs.109 Sa fonction d’instrument de recherche, tournée davantage vers les spécialistes et destinée à la postérité, prend de plus en plus le pas sur sa fonction de présentation : le catalogue devient un véritable instrument scientifique, qui ne cesse de gagner en volume, en poids et en coût – au point que même la numérotation des œuvres tend à disparaître. Le catalogue comme livre de l’exposition, l’exposition comme mise en œuvre d’un discours : une telle évolution illustre bien l’ « importance prise par la fonction de commissaire d’exposition au sein de la profession de conservateur, dès lors que l’exposition devient dans certains cas un moteur de la recherche historique, au lieu d’en être la simple illustration vulgarisée ».110
La publication du catalogue « Collection d’architecture du Centre Georges- Pompidou » est importante car elle illustre la portée de ce média. Il montre le travail accompli sous la direction d’Alain Guiheux pour penser et construire la collection d’architecture du centre Georges Pompidou. C’est l’occasion de manifester l’engagement de l’établissement en faveur de la création architecturale contemporaine et du développement intellectuel et théorique sous-entendus, de manifester la volonté de contribuer à la diffusion, auprès du public français et international d’une culture critique de l’architecture. Publié en 1997, à une période où le centre s’est engagé dans son réaménagement architectural et dans la redéfinition de son projet culturel, la réaffirmation de ces principes au travers ce catalogue des collections a « valeur de manifeste ».111 Les expositions de l’IFA ainsi que ses publications ont donné à la fois de la consistance et de la visibilité à la recherche comme à la production architecturale. On doit cet important travail éditorial à Maurice Culot, directeur du
109. CASSAS Louis-François, LEGRAND Jacques-Guillaume, Collection des chefs-d’œuvre de l'architecture des différents peuples, exécutés en maquettes, Imprimerie Leblanc, Paris, 1806, 197 p.
110. HEINICH Nathalie, « EXPOSITION », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 août 2015. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/exposition/
111. GUILLEUX Alain, Pour l'architecture contemporaine in Collection d'architecture du centre Georges Pompidou, Paris, Editions du Centre Georges Pompidou, 1998, p.9-15