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67Les expositions d’architecture participent à écrire l’histoire de la discipline,

orientée en fonction de son concepteur, de son rôle, de son statut et de sa propre vision de l’architecture. Cette approche particulièrement théorisée au XXe siècle a fait émerger un nouveau domaine de recherche. La nature scientifique des expositions d’architecture est effective. Elles sont devenues des objets d’études pour l’histoire et leur commémoration est devenue une catégorie en tant que telle à part entière. Citons par exemple l’exposition «  Scénographies d’architectes  » organisée par le Pavillon de l’Arsenal en 2006, «  75 years of Architecture  »93 au MOMA en 2007 ou plus récemment le colloque «  Deconstructivist Architecture, 25 Years Later  »94 en 2013 au MOMA. Cette «  nouvelle  » dimension des expositions pose la question du rôle de ces expositions d’architecture, notamment en comparaison à l’édition. Au même titre que l’édition, elles jouent un rôle de transmission et d’orientation de l’histoire de l’architecture. Cette partie qui entend expliciter cette dimension historiciste et réflexive des expositions d’architecture se base sur la conférence de Jean-Louis Cohen lors du colloque international «  Exposer l’architecture  » les 16 et 17 juillet 2014 au Centre Georges-Pompidou.95

Jean-Louis Cohen, historien de l’architecture, a fait émerger cette notion de révisionnisme de l’histoire au travers des expositions qui transcrit deux de ses pratiques  : il construit ses recherches sous forme d’exposition ou à l’inverse, il construit une stratégie de recherche à travers une exposition. Selon lui, la production d’exposition ne peut être dissociée d’autres postures  ; celle du chercheur et celle de l’historien. Si beaucoup d’entre elles «  refusent la posture célébrative  », c’est pourtant souvent le cas d’expositions monographiques, les expositions sont une forme d’émergence d’une pensée antérieure jusque là exprimée généralement par écrit. Elles peuvent «  mettre à jour des généalogies refoulées, des projets perdus... et surtout ouvrir de nouvelles perspectives pour la compréhension des œuvres  ». La fécondité de ce genre d’exposition est indéniable. L’historien démontre que les fonctions des expositions peuvent être extrêmement hétérogènes : «  mettre en lumière un travail peu connu, institutionnaliser un architecte, présenter un thème de recherche un public plus large, défendre une position critique particulière, dénoncer,

93. 75 Years of Architecture at MoMA [MoMA Exh. #2002, 25 avril – 18 juin 2007]

94. BERGDOLL Barry, EISENAMN Peter, TSCHUMI Bernard, WIGLEY Mark, «  Deconstructivism: Retrospective Views and Actuality  », conférence du 22 juin 2013 au MOMA

95. Quatrième partie du colloque international «  Exposer l'architecture  » du 16 au 17 janvier 2014. Rapport entre histoire et expositions d'architecture à travers 3 conférences  : Felicity D. Scott (Demonstrations : Architecture on Exhibit at Habitat), Jean-Philippe Garric (L’exposition The Architecture of the Ecole des Beaux-Arts, MoMA 1975 et l’historiographie de l’architecture française du XIXe siècle, 1975-2013) et Jean- Louis Cohen (Les expositions comme révision critique de l’histoire) [en ligne], consulté le 23 mai 2015. URL  : https://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-bf6f895ec963e4d69c34408a158 bf920&param.idSource=FR_E-a15aa0133c6b90ef817abb5c752c6df7

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révéler un ensemble d’archives  ».96

Plutôt que de parler des expositions comme média – ce que j’aborderais dans une autre partie – Jean-Louis Cohen considère les expositions comme un moyen de production dans le processus de la connaissance historique, inscrivant ainsi les expositions dans le temps long de la recherche. Considérée depuis le point de vue temporel, l’exposition prend le sens d’un re-positionnement. « L’historicisation, procédé qui consiste à classer un bâtiment ancien, à hiérarchiser les classes suivant les époques, à distinguer les productions contemporaines, à leur assigner une valeur de témoignage, c’est bien exposer l’architecture existante, autrement dit, c’est lui permettre d’échapper à l’entropie du temps présent. L’historicisation revient à la fois à transformer certains objets du présent en objets du passé et la possibilité pour le reste de la production de disparaître ou de se renouveler naturellement. La reconstitution, l’historicisation, et la réactualisation – par la restauration – constituent les modalités temporelles de l’exposition d’architecture.»97 A propos de l’histoire contemporaine, il a souvent été question de posture révisionniste. Le révisionnisme est lié aux actions de Rogers, fondateur de la revue Casablanca, qui saisissait la « revue comme d’un instrument d’une révision de l’architecture moderne en revenant sur les généalogies et les filiations communément acceptées  ». Il fit apparaître une vision non linéaire du mouvement Moderne. Pour Cohen, la révision est le fondement même de toute histoire et la re-vision proposée par les expositions en était une manifestation complémentaire. Au sens littéral, «  il s’agit de revoir autrement ainsi que de voir ce qui a été occulté par des interprétations simplistes, instrumentales ou mal informées  », précise-t-il.

Jean-Louis Cohen a conduit de nombreux projets d’exposition, allant d’expositions monographiques comme «  L’aventure Le Corbusier  » à des coupes synchroniques à travers l’histoire permettant une analyse comparative « Les Années 1930 : l’architecture et les arts de l’espace entre industrie et nostalgie » en 1997. Afin d’illustrer son approche, il prend les exemples de quatre expositions révélatrices de son approche historique de l’exposition, pour lesquelles je propose un développement. Les quatre expositions choisies sont celles qu’il considère comme être «  les plus engagées ». Elles reconsidéraient «  un ensemble d’œuvres, de lieu et de biographies »  : « Des fortif au périph’. Paris, les seuils de la ville » au Pavillon de

96. DADOUR Stéphanie, SZACKA Lea-Catherine, Exposer l'architecture  : enjeux, institutionnalisation et historicisation in Les Cahiers du MNAM, 143, 2014, p.3-11

97. AMPHOUX Pascal, « Pléonasme », Exposer l’architecture in Faces, n° 53, 2003, pp. 18-22. 32. entrée de l’exposition « Interférences » présentée au

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