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113La simulation – ou représentation – apparaît comme le troisième moyen

de procéder au déplacement spatial de l’objet.145 Les modalités d’exposition – déplacement, reproduction et simulation – contribuent à «  disposer l’architecture entre l’espace physique et imaginaire. Le registre de la représentation  va également permettre de communiquer le bâtiment, «  bien que les représentations ne pourront jamais remplacer l’expérience réelle d’une visite  ».146 C’est là «  l’enjeu majeur de l’exposition d’architecture  » selon Jean Davallon. La stratégie la plus fréquente consiste à multiplier les outils de représentation afin d’assurer l’apport d’un maximum d’information. Le rassemblement de ses informations permettra au visiteur de recomposer en imagination le bâtiment. L’objectif est de mettre en place une stratégie communicationnelle, pour cela la communication du bâtiment par ses représentations ressaisit la matérialité au travers de maquettes par exemple, l’expérience du bâtiment simulée à travers le média vidéo... Cette approche consiste à exposer les outils de représentation utilisés par l’architecte  : la maquette, le dessin, la photographie, les vidéos, les installations. Pour permettre à une exposition d’architecture d’exister, il faut laisser entrer les multiples supports de communication de l’architecture  : des copies, des moulages, des réductions, des maquettes, des aquarelles, des photographies, des vidéos... tous les différents artifices qui la médiatisent. Certains permettront une reconnaissance immédiate comme la maquette ou la photographie  ; d’autres nécessiteront d’apprendre à les lires comme les plans ou les dessins préparatoires.

Les maquettes de la galerie d’architecture moderne et contemporaine à la Cité de l’architecture et du patrimoine ont été créées l’occasion d’une nouvelle politique d’acquisition et de conception de maquettes. Sur la centaine exposées, 67 sont des créations effectuées pour la Cité de l’architecture et du patrimoine. La question du discours et du public concerné se pose, une maquette destinée à des étudiants ne sera pas la même que celle présentée au grand public. La définition de Werner Szambien indique que la maquette est «  le seul support qui se différencie des autres (…) car elle peut être d’un degré de finition ou d’une indépendance telle par rapport à l’objet représenté qu’elle se transforme en œuvre d’art  ». 147 Vue ainsi, la maquette ne révèle pas seulement les dessous de l’œuvre mais aussi le propos du créateur. Les maquettes prouveront a plusieurs reprises dans l’histoire des musées d’architecture leur vertu didactique. A leur simple présentation, s’ajoute le critère de leur forme et de leur matérialité.

Le dessin a une place prépondérante en architecture. Il y a les premiers croquis, les rendus officiels, les plans d’exécutions, les calques... la part graphique. Ainsi que les rapports techniques  : dossiers administratifs, les études... Cette

145. AMPHOUX Pascal, «  Pléonasme  », Exposer l’architecture in Faces, n° 53, 2003, pp. 18-22.

146. DAVALLON Jean, «  L'architecture, objet d'exposition  ?  » in Lambert (Phyllis), Doré (Guy), De Cointet (Etienne) (dir.), L'architecture  : collections, recherches, programmes, Lyon, Les chemins de la recherche, n°38, 1994, pp. 71-87

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multitude de document pose la question de la limite entre la notion de musée et la notion d’archives. Aujourd’hui le musée d’architecture est un concept nouveau précise John Harris, président du RIBA, nous ne pouvons pas encore déterminer ou commence le musée et ou commence les archives.148 Le dessin peut apparaître comme le médium de l’architecture le plus constant. Cependant il faut rappeler que jusqu’à la renaissance, le projet d’architecture n’existait quasiment pas sur le papier. Le dessin est bien cet objet qui, au croisement de la création et de la conservation, raconte l’architecture. Tandis que la maquette est l’instrument privilégié de son analyse, le dessin est l’outil par excellence de la narration.149

Pour certains, la meilleure manière de s’approcher de l’expérience réelle du bâti en exposition est l’installation. L’architecte exposé conçoit une intervention dans l’espace du musée. Par exemple, l’exposition «  Beyond the wall, 26,36°  » réalisée par Daniel Libeskind présentée au NAI en 1997. L’espace d’expo était rempli de formes métalliques aux angles très aigu. Le visiteur avait d’emblée accès à l’atmosphère typique du travail de l’architecte. Ce type de médiation a un pouvoir communicationnel très fort.

>>> La communication de l’architecte par la mise en présence du «  bâtiment absent  » est une manière de penser la communication qui apparente «  l’architecture à un statut d’œuvre d’art »150 et n’exprime pas la totalité des dimensions de l’architecture. La présentation de l’architecture par le bâtiment icône est restrictif de ce qu’est en réalité l’architecture. Une autre approche, qui apparaît dans les années 1990, place le projet au cœur de la communication.

Communication du processus de projet architectural

Cette situation communicationnelle s’est beaucoup développée depuis une vingtaine d’année. C’est la communication du projet qui est privilégié, les institutions tentent, de par cette stratégie, de retranscrire la matérialité du projet, sa forme, l’expérience sensible de l’espace. Bien souvent l’objectif de l’exposition mêle la volonté de faire découvrir des formes et logiques urbaines, parfois des techniques de construction, parfois des logiques de création... «  Cette diversité de savoirs et d’objectifs correspond à quatre processus différents. Le savoir convoqué par l’exposition concerne l’analyse d’un processus historique lorsque l’exposition vise à faire découvrir au visiteur l’évolution historique de Paris par exemple au Pavillon de

148. HARRIS John, Les musées d'architecture, in La revue de l'Art, 52, 1981

149. TEXIER Simon, L'architecture exposée, La Cité de l'architecture et du patrimoine, Paris, Gallimard, 2009, p.74

150. DAVALLON Jean, «  L'architecture, objet d'exposition  ?  » in Lambert (Phyllis), Doré (Guy), De Cointet (Etienne) (dir.), L'architecture  : collections, recherches, programmes, Lyon, Les chemins de la recherche, n°38, 1994, pp. 71-87

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46. maquettes de la galerie moderne et contemporaine de la Cité de l’architecture et du patrimoine

l’Arsenal  ; le savoir concerne le processus d’innovation lorsque l’exposition vise à la compréhension de conception, de techniques ou de construction  ; le savoir porte sur le processus d’évolution formelle lorsque l’exposition tend à montrer l’évolution de la logique de l’architecture ou le savoir renvoie au processus de création  »151 dans les cas de monographies bien souvent.

On attribue la naissance du concept de «  projet architectural  » à Jean- Louis-Nicolas Durand, au début du XIXe siècle, «  en tant que discipline raisonnée, abstraite et autonome, régie par ses propres règles et susceptible de répondre à une infinité de configurations  ». Autant dire que la définition reste évasive. Le projet implique en effet une multitude d’acteurs. Parler de projet, c’est aussi rendre compte de l’univers de la construction,

mobilisant des compétences diverses à chacune des étapes d’un projet. On mesure aujourd’hui l’importance individuelle aux divers stades de l’élaboration du projet. La notion de projet architectural renvoie à plusieurs sens  : à l’idée génératrice, au processus créatif, à l’aboutissement dans la création, aux outils de la communication de la profession. Plutôt que d’approcher la représentation

d’une absence, la stratégie se tourne vers la richesse de la multitude de supports de communication de l’architecture afin de présenter un projet. La communication de l’idée au travers du premier croquis est assez appréciée des commissaires en général, elle souligne l’aspect artistique de l’architecture. L’aspect essentiel à communiquer est l’essence du projet. Toutefois, la majorité se tourne vers la présentation du processus de conception, plus révélatrice de la réalité de la pratique. Pour cela, ils ont recours à une multiplicité d’objets correspondant aux étapes du processus.

L’exposition de maquettes illustre bien le processus conceptuel. Le FRAC Centre pourtant impliqué dans les démarches de conservations de documents numériques, est revenu à l’exposition de maquettes, support traditionnel, mais réalisé à l’aide des machines à commandes numériques. Pour le FRAC Centre, il ne s’agit pas d’acquérir isolément des objets, le FRAC s’attache à réunir un projet dans sa totalité, des premières esquisses à la maquette finale, afin d’en retracer les différentes phases

151. DAVALLON Jean, «  L'architecture, objet d'exposition  ?  » in Lambert (Phyllis), Doré (Guy), De Cointet (Etienne) (dir.), L'architecture  : collections, recherches, programmes, Lyon, Les chemins de la recherche, n°38, 1994, pp. 71-87

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d’  élaboration, de parcourir le processus de conception de l’architecte. La notion de processus est au cœur de cette collection. Les maquettes y sont appréhendées comme un outil de narration. Deux approches coexistent : approche narrative où l’architecture sert de support à une reconstruction critique de la réalité et l’approche minimaliste où l’architecture se réduit par le signe. Le mouvement de l’architecture– sculpture, qui a initiée la collection du FRAC Centre, ouvre sur un questionnement de la forme. C’est au début du XXe siècle, à travers des mouvements d’avant-garde – Suprématistes, Néo-plasticistes , Constructivistes – que la maquette d’architecture gagne son autonomie esthétique, détachée de toute finalité constructive. Le FRAC Centre s’attache à présenter quelques chefs-d’œuvre de l’architecture–sculpture «  tout en rendant compte de leur variété expressive : abstraction géométrique, épure

radicale des formes, brutalité, formes modernes, bio-morphisme  ».

La maquette se caractérise par son statut indéterminé, entre concept et réalisation, réel et imaginaire ouvrant ainsi une dimension d’exploration narrative nouvelles aux artistes. Thomas Schutte, issu de l’école de Dusseldorf, accorde une place décisive à la maquette comme objet critique. L’artiste s’empare de l’architecture comme matière sociale, collective, politique et dont la maquette apparaît comme une forme de cristallisation. Les artistes s’empare de la maquette dans une tentative de désacralisation des modes de représentation, dans l’idée de déjouer le formalisme de la sculpture classique. Marie-Ange Brayer explicite les nouveaux enjeux qui saisissent la production de maquette. Aujourd’hui, la maquette devient un modèle à penser. La représentation architecturale permet aux artistes d’ironiser sur les codes du langage de l’architecture. La maquette est aussi imaginée comme espace habitable – Daniel Buren réalise des structures architecturales qui interfère avec l’espace existant. La «  cabane éclatée  » correspond bien à un espace arpentable physiquement. Enfin, la maquette appelée «  psycho- architecture  » par Marie-Ange Brayer, permet d’exhumer le passé et de le cristalliser. L’artiste Mike Kelley, constitue un espace architectural révélateur d’oubli de fragments, de zones indéterminés de mémoire, les vides ou blancs alternant avec des espaces construits et pleins. 152

152. BRAYER Marie-Ange, Modèles, répliques et cristaux  ; la maquette entre art et architecture in BRAYER Marie-Ange (dir.), Art et architecture, collection du FRAC Centre, Orléans, HYX, p.12-25

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