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Posture de recherche et exigences méthodologiques

Chapitre 1. Une ethnographie itinérante et combinatoire Matériaux et méthodes

I. Posture de recherche et exigences méthodologiques

Après être revenue sur les formes de rigueur attachées à la recherche qualitative en sciences humaines et sociales, plus spécifiquement lorsqu'on   pratique   l'ethnographie   de   terrain,   j’aborderai   les   précautions   supplémentaires qu'implique le positionnement dans une question socialement vive et dans une ethnographie du proche. Je montrerai ensuite comment les tensions inhérentes à ce type de recherche impliquée ont été traitées dans le dispositif mis en place.

1. De quelle objectivité se prévaloir ?

1.1. La rigueur du qualitatif : un régime épistémologique à défendre

Parmi la communauté des ethnologues, la dimension très qualitative de l'essentiel du matériau de recherche mobilisé dans les enquêtes ne fait pas débat. C'est la rigueur dans la mobilisation des données et dans leur interprétation qui concentre l'essentiel du travail critique entre pairs. Aussi, ce sont plutôt des sociologues qui se sont attachés à défendre ce type de méthode, étant davantage confrontés à une critique épistémique portant notamment sur la représentativité de leurs échantillons, comme condition d'une possible montée en généralité.

D'un point de vue épistémologique général, notre stratégie de recherche relève de celles que Norman Blaikie (2010) caractérise comme abductives, en ce qu'elle cherche à « décrire et comprendre la vie sociale au travers du sens donné et des intentions formulées par les acteurs »13 (P.84) et s'inscrit dans une épistémologie constructionniste, dans laquelle les énoncés produits par le chercheur ne peuvent être appréciés selon les catégories et critères invariants du vrai, parce que description et interprétation sont indissociables. Jean-

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Claude Passeron (Passeron et Revel, 2005 ; Passeron, 2006) qualifie ce type de régimes épistémologiques de « non popperien », dans le sens où ils ne sont pas caractérisés par le principe de falsifiabilité. Ceux-ci dont guidés prioritairement par une ambition descriptive, appuyée sur ce que Jean-Pierre Olivier de Sardan (2008) appelle le « pacte ethnographique » :

« Ce que je vous décris ou ce que je vous projette est vrai, même si cela a été fabriqué, cela n'a pas été inventé. » (Olivier de Sardan, 2008 : 144)

En ce sens, la « rigueur du qualitatif » implique une exigence très forte de transparence et d'explicitation des méthodes  ayant  présidé  à  la  construction  descriptive  et  narrative,  en  même  temps  qu'elle  lie  l’enquêteur  aux   personnes enquêtées et aux lecteurs par le biais d'une forme de contrat éthique, qui va bien au delà de la stricte communauté scientifique dont il relève.

1.2. Un impératif critique ?

De  quoi  ce  contrat  éthique  entre  l’enquêteur  et  ses  interlocuteurs  est-il fait? Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il existe un droit d'entrée pour étudier ce qui se passe autour et avec les algues vertes, et même, pour pouvoir simplement envisager de produire un discours à ce sujet. Cela ne facilite pas le travail de l'enquêteur, mais livre d'emblée une indication sur le sentiment de surabondance de discours dont la pertinence est mise en doute par mes interlocuteurs.

Quoi qu'il en soit, il m'a fallu manier avec beaucoup de circonspection les éléments biographiques me concernant au cours de l'enquête. Pour qui je travaillais ? Je répondais le plus souvent « l'INRA » lorsque j'enquêtais dans des zones rurales, m'étant parfois trouvée en difficulté lorsque j'essayais d'expliquer que je travaillais au Muséum National d'Histoire Naturelle mais que je m'intéressais aux hommes et aux femmes, ce qui  m’attirait  des  regards  amusés  et  parfois  incrédules14. Et pour une autre raison moins avouable, qui était le prestige dont continue de jouir cette institution et son association presque systématique avec l'âge d'or où les élus, les scientifiques et les représentants professionnels agricoles semblaient tous travailler dans le même sens. Mal m'en a pris parfois, lorsque je me trouvais confrontée à un test de connaissances agronomiques en bonne et due forme, dont je ne me sortais pas toujours avec les honneurs...

Mais quelle était donc ma spécialité ? Je disais que je pratiquais les sciences sociales et employais des termes généraux pour dire que je m'intéressais à l'expérience des gens qui vivent ici, que je voulais comprendre de quelles transformations ils avaient été les témoins...

Et que mon travail allait-il produire ? Et comment faisais-je mes courses ? Etais-je bretonne, si oui, d'où ? Parlais-je le breton ? Mes parents étaient-ils paysans ? Connaissais-je tel scientifique, illustre ou supposé tel, qui avait dit ceci ou cela ? Quelle était ma position sur tel ou tel sujet ? Quels étaient mes résultats ? Autant de questions auxquelles j'étais régulièrement confrontée, et dont j'ai pris mon parti : dire toujours la vérité, mais de la façon la plus laconique et la plus générale possible, admettre avec honnêteté mes limites et ne jamais m'instituer en représentante des savoirs reconnus comme valables, mais ne pas jouer, non plus, la carte de la naïveté : je ne « savais »   rien,   mais   j’avais   lu ou entendu telle et telle chose, dans telles circonstances.  Il  était  possible  de  me  parler,  parce  que  j’avais  rencontré  déjà  un  certain  nombre  de  personnes.   Je me suis donnée cette ligne de conduite au printemps 2010, après m'être prise moi-même en flagrant délit de lâcheté face à un éleveur retraité de la baie de Douarnenez qui avait assumé de nombreux mandats électifs

14 Le montage qui a permis cette thèse est un peu particulier :  le  Muséum  National  d’Histoire  Naturelle  était  la  structure   porteuse   du   projet   de   recherche.   Il   centralisait   les   financements   provenant   de   l’INRA,   du   Conseil   régionale   de   Bretagne, de la préfecture de région Bretagne, des Conseils   généraux   des   Côtes   d’Armor   et   du   Finistère   qui   y   contribuaient   financièrement.   Il   était   donc   mon   employeur.   Mais   j’étais   rattachée   scientifiquement   à   parité   au   Muséum  et  à  l’INRA,  et  ai  été  hébergée  dans  les  deux  institutions.  

locaux, et qui m'a demandé tout simplement à quoi étaient dues selon moi les algues vertes, après avoir abordé lui-même le sujet au cours de l'entretien. Je savais ce que lui pensait. J'ai essayé de rester dans ses bonnes grâces, car il me restait beaucoup de choses à apprendre de lui. J'en suis sortie avec le rouge au front. Lorsqu'il s'agit de présenter des résultats intermédiaires, là encore, c'est parfois difficile. J'en prendrai trois exemples, parmi de nombreux autres, choisis parce qu'ils mettent en évidence les enjeux attachés à l'expression publique sur le sujet pour une diversité d'acteurs.

En janvier 2011, mes partenaires du Conseil général du Finistère me demandent de présenter les conclusions de mon enquête exploratoire en assemblée plénière15. Je m'exécute, en me donnant pour objectif principal d'affiner la lecture faite par la presse des deux rassemblements concurrents ayant eu lieu simultanément sur une plage de la baie de Douarnenez en septembre précédent. J'essaye alors de montrer, données à l'appui, qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une opposition entre « écologistes » et « agriculteurs », qu'il se trouvait des personnes de sensibilité écologiste qui se joignaient aux « agriculteurs » et des agriculteurs qui participaient à la manifestation « écologiste ». Que des enjeux identitaires, économiques, politiques, des ambiguïtés discursives, complexifiaient le paysage. Après mon intervention, Blaise, un Conseiller général, lui-même agriculteur et élu d'une commune de la baie de Douarnenez, me prend à partie avec virulence et beaucoup d'émotion. Il estime que je stigmatise les paysans. Il met ensuite en cause la qualité de mon enquête et mon objectivité. Il en veut pour preuve le fait que j'aie sciemment occulté le « blasphème » dont les militants écologistes se sont rendus coupables en parodiant le pardon de Sainte-Anne-la-Palud, déguisés en religieux et transportant sur un plateau non pas la statue de Sainte-Anne, mais un cochon doré. Son discours s'adresse manifestement, par dessus mon épaule, à la majorité socialiste du Conseil général, qui a jugé utile de mettre la question à l'ordre du jour ; mais il n'acceptera jamais d'engager un dialogue avec moi lorsque je le solliciterai par la suite, et cet événement me causera quelques difficultés. « C'est le dernier de sa

sorte », me dira philosophiquement à son sujet un élu d'une commune voisine de la sienne, rendant justement

compte de son isolement dans cette assemblée.

En juin 2011, j'interviens dans un séminaire scientifique d'ethnologues en région parisienne. Ma présentation porte sur la phénoménologie des proliférations d'algues vertes et notamment sur les représentations qui les associent aux excréments animaux, et qui se fondent à la fois sur l'expérience sensorielle et sur la constitution de différents systèmes de sens donnés au phénomène. Le chercheur chargé de discuter mon intervention prend la parole un peu avant la fin, et explique d'abord qu'il est originaire de la baie de Saint- Brieuc, et qu'il connaît bien, donc, le problème dont il est question. Tout en restant fort courtois, il explique longuement qu'à son sens je n'ai pas parlé de ce qui est essentiel, à savoir que c'est une pollution terrible dont les éleveurs de porcs sont responsables, et que, de fait, le reste n'a que peu d'importance. Le dialogue s'engage ensuite, et ce chercheur viendra me voir à la fin de la séance, s'excusant presque de son attitude et l'attribuant a posteriori à une expérience personnelle le rendant particulièrement sensible au sujet, qu'il n'a du coup pas pu aborder avec le recul qu'il aurait eu habituellement.

En avril 2013, j'interviens à la demande de l'association Eau et Rivières de Bretagne sur le thème des changements de pratique en agriculture, à son colloque annuel. Il s'agit d'une intervention très générale, dans laquelle je reprends les grands résultats de la sociologie rurale à ce sujet, que j'illustre en m'appuyant sur les territoires d'enquête sur lesquels j'ai travaillé. Plusieurs militants prennent successivement la parole, me reprochant de ne pas avoir parlé du problème qui leur paraît essentiel : l'absence d'éthique en agriculture. Je réponds en expliquant que selon moi, il existe une pluralité d'éthiques environnementales, y compris au sein du monde agricole. Je tente d'en livrer quelques exemples. Mes interlocuteurs sont très virulents et maintiennent leurs positions. Plus tard, Lise, une militante que je connais bien, me dit : « C'est vrai, tu n'en

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J'ai longtemps cru qu'en tenant des propos modérés, en annonçant toujours les limites qui affectaient mes données et l'interprétation que je pouvais en faire, en insistant sur la suspension du jugement qui caractérisait la posture du chercheur en situation d'enquête, je pourrai arriver à engager un dialogue constructif avec mes interlocuteurs,  quels  qu’ils  soient,  sur  mes  recherches : . Cela ne suffit pas, bien sûr. Car la confrontation à une situation « chaude » pose un problème de taille : peut-on et doit-on adopter une posture critique ? Manifestement, c'est ce qu'une partie de mes interlocuteurs attendent de moi, à la fois dans le monde académique et sur le terrain. Pour eux, ne pas adopter une posture explicitement critique, c'est de fait prendre parti pour l'ordre existant, fut-il injuste. Il existe une forme d'injonction critique multiforme, d'autant plus forte que notre cas d'étude s'apparente à bien des égards à un exemple des « conflits environnementaux

intraitables » (Putnam et Wondolleck, 2003) qui « engagent les adversaires dans des interactions vives et

instables, impliquent des comportements stratégiques qui sont souvent déroutants, frustrent les parties impliquées, et se présentent comme une insoluble impasse. » (P.36).

Cette  difficulté  est  à  mettre  en  relation  avec  la  dimension  politique  de  l’anthropologie  appliquée,  trouvant  sa   place dans une situation de gestion et de controverse fortement instrumentées par les sciences (Barbier, 1998), ce qui implique une réflexivité particulière sur le statut des résultats livrés, et sur leur mise en forme. Les ethnologues se sont souvent engagés historiquement auprès de groupes souffrant de rapports de force profondément dissymétriques, dans la tradition de l' « advocacy anthropology » (Singer, 1990 ; Layton, 1996 ; Kellett, 2009). Or, dans l'ethnologie du proche que j'ai pratiquée, l'identification de victimes pose parfois problème et l'implication auprès des acteurs n'implique pas pour moi ipso facto une posture de dénonciation, du fait notamment des divisions internes aux communautés étudiées (Wade, 1996). Critiquer le « système » et les verrous qui empêchent une véritable prise en charge publique de la pollution des eaux est aussi une possibilité. Il y a, forcément, dans un travail et une situation de ce type, une réflexion sur les formes de domination à l'oeuvre. Mais une anthropologie critique ne saurait s'en tenir à leur explicitation, à mon sens, et doit être complétée par une très forte réflexivité en cours d'enquête (Fassin et Bensa, 2009) et une responsabilité particulière concernant les modes de restitution, pour faire vivre une forme de réciprocité avec le terrain (Ervin, 2000). Je réaffirme de ce fait mon attachement à la neutralité axiologique, comme horizon et non comme prétention, en considérant que la critique est déjà prise en charge au sein de la « communauté d'enquêteurs » (Cefaï, 2009) dont je fais partie. Cette critique est, par ailleurs, portée par les enquêteurs non professionnels par le biais des formes de problématisation du phénomène qu'ils ont opérées, et qui fournissent une partie de la matière de cette thèse (Barthe et al., 2013).

2. Une  éthique  pour  l’ethnographie  du  chaud  et  du  proche :

Comment concilier rigueur et implication ?

Le montage qui a permis à cette recherche doctorale de voir le jour est singulier. En effet, il implique de nombreux partenaires, qui y contribuent financièrement, d'une part, mais qui, par ailleurs, sont parties prenantes des dynamiques qu'elle tente d'analyser. Si à aucun moment de ce travail cette situation n'a influé sur l'orientation et le contenu des analyses, il reste qu'il a fallu (et il faut encore) trouver une façon d'articuler les attentes des partenaires, pris dans une situation difficile et bousculée, et qui attendent des productions les plus opérationnelles possibles, et les caractéristiques propres à enquête ethnologique. Deux points sont particulièrement épineux : la question de l' « utilité sociale » de la thèse, et le caractère relativement nouveau d'une approche du problème par le truchement des sciences humaines et sociales.

2.1. Distinguer la thèse du projet de recherche

Sur le premier point, je me suis efforcée de développer, dans les rapports élaborés à destination des partenaires, les points les plus proches des préoccupations qu'ils exprimaient. J'ai ainsi formulé une série d' « enjeux sociaux » de la recherche, formulés au début de la collaboration et d'entretiens réguliers avec eux. Nos échanges ont permis de questionner et de reformuler la question de « l'acceptabilité sociale » des changements ou de « l'utilité sociale » de la recherche16 (encadré 1).

Encadré 1. Enjeux sociaux identifiés dans la présentation du projet

1. Contribuer à l'élaboration des stratégies de réduction des risques et de leurs impacts, y compris socio-économiques. 2.  Contribuer  à  l'analyse  des  capacités  d’adaptation  au  changement  des  anthropo-écosystèmes côtiers :

- par la définition de modes d'intervention susceptibles d'accroître la capacité de traitement des enjeux qui y sont associés

- par la mise en évidence des articulations d'échelles et la compréhension des conditions de développement des innovations.

3. Contribuer à l'identification des modes de construction de l'accord entre les parties, en augmentant la lisibilité du positionnement des acteurs au sein des instances locales et, plus largement, au sein du débat vif entourant la question des marées vertes.

2.2. Distinguer ma recherche de celle de mes interlocuteurs

Sur le second point, la difficulté provient du fait que, pour mes partenaires, l'approche proposée est déjà hyper-spécialisée alors que, d'un point de vue académique et disciplinaire, elle est au contraire très large. Les questions de recherche peuvent s'adresser pratiquement à toutes les disciplines des sciences humaines et sociales (à l'exception, peut-être, de l'économie, du droit et de la médecine!). S'agissant d'une approche anthropologique, cela n'est pas une anomalie. En revanche, répondre à ces questions ne peut se faire qu'avec les  outils  de  l’ethnologie,  et  implique  une  sélection  de  problématiques  qu'induit  le  matériau récolté. Plus le travail avance, plus son caractère exploratoire et le prisme disciplinaire apparaissent nettement aux partenaires. C'est pourquoi j'ai prêté une vigilance particulière à respecter, tout au long de cette recherche, quatre exigences permettant de clarifier le type de connaissances produites (encadré 2).

Encadré 2. Les quatre exigences de la recherche

1. Une exigence de documentation approfondie sur deux plans :

- factuel : une description fine et documentée de l'émergence et des modes d'existence du phénomène écologique et du phénomène politique, multiscalaire et incluant une analyse de la constitution progressive des catégories d'acteurs et de leurs espaces de rencontre

- cognitif : une synthèse et une analyse approfondie des connaissances et de leur mode de constitution et de diffusion Cette exigence est sans doute aussi une étape: elle doit permettre d'affiner les questions de recherche sur le plan de la sociologie des sciences (construction des faits scientifiques) et de l'analyse des réseaux.

2. Une exigence de problématisation et de mise en tension :

- qui fonde la recherche, d'un point de vue théorique et méthodologique,

- qui permette une mise à l'épreuve des références par le terrain de façon systématique.

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3. Une exigence d'ouverture et de recherche de solutions, ou tout au moins de pistes inédites : - qui implique une approche globale des espaces et des collectifs interpellés,

- qui accorde une importance particulière à la question de l'innovation et à son traitement par les acteurs,

- qui affirme un parti pris d'accompagnement des acteurs et de confiance dans leur capacité à développer des capacités d'action individuelle et collective .

4. Il existe une 4ème exigence, transversale, qui est celle de l'accessibilité des travaux à tous, et qui m'apparaît peut- être comme la plus délicate à atteindre. Celle-ci devrait pouvoir se matérialiser :

- dans deux dimensions de la formalisation (l'écriture et la production de supports, audiovisuels par exemple), d'une part, - mais aussi et surtout dans le travail de terrain, par la priorité accordée aux méthodes permettant de mettre en évidence et de reconnaître la parole et l'expérience des acteurs, de même que par l'acceptation d'un dialogue autour d'un travail en cours d'élaboration.

L'enjeu est bien de « rendre familiers et compréhensibles les sujets de notre enquête, qu'ils soient culturellement proches ou lointains » (Olivier de Sardan, 2008).

Cette question dépasse au final largement le cadre de la simple gestion des relations avec les partenaires institutionnels du projet. Devant la densité des questions que mes interlocuteurs se posent et me posent, l'attente de réponses claires qui sont autant de prises de position, j'ai transformé cette difficulté en question de recherche.

2.3. La  mise  en  récit  de  l’expérience  de  recherche  comme  engagement

C’est  finalement  au  travers  des  choix  narratifs  réalisés  pour  la  mise  en  forme  de  ce  texte  que  j’ai  cherché  à   apporter  des  réponses  à  ces  tensions.  En  assumant  une  écriture  à  la  première  personne  et  en  n’effaçant  pas   mes différentes « modalités de présence » (Geertz, 1996) face aux situations rencontrées,   j’ai   cherché   à   rendre compte de cette sensibilité familière qui me lie au territoire, aux groupes et aux personnes avec lesquels   j’ai   travaillé   tout   au   long   de   ce   texte.   Symétriquement,   je   me   suis   efforcée   de   donner   chair   aux   personnes dont la parole y est restituée. Le degré de détail des observations dont ce texte est  ponctué  n’est   ainsi   pas   uniquement  lié  à   l’impératif   de   donner  le   plus   possible   accès  aux   données ;;   il   résulte   aussi  d’un   parti pris vis-à-vis du lecteur.

L’engagement  ethnographique  se  poursuit  donc  avec  la  mise  en  récit :

« Rendre public un texte, c’est devoir répondre d’un acte. C’est avoir la charge d’anticiper les conséquences