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Une histoire du phénomène au travers de sa construction scientifique

Chapitre 3. Le cas breton Les algues vertes, compagnes indésirables de la modernité

I. Une histoire du phénomène au travers de sa construction scientifique

Les acteurs scientifiques jouent un rôle déterminant dans l'articulation des échelles de prise en charge du problème et dans la construction de dispositifs normatifs puissants, dont la dimension contraignante participe largement à reconfigurer les termes possibles d'un arrangement avec les algues vertes.

Enfin, dans la gestion de ce problème difficile, les acteurs prennent largement et intensément appui sur les formes d'objectivation que proposent les chercheurs et les disciplines scientifiques, pour tenter de construire ou d'empêcher l'émergence de régulations négociées. C'est pourquoi la compréhension des chapitres qui suivront dépend largement de l'exposé de la dynamique des connaissances mobilisées autour du phénomène.

1. Une documentation parcellaire des origines

Malgré son caractère relativement récent, les connaissances sur l'émergence du phénomène en Bretagne restent encore parcellaires et discutées. Qu'importe, peut-on penser, puisqu'il est là désormais ? Mais les conditions et les circonstances de son apparition constituent un enjeu pour les acteurs.

Un enjeu scientifique, d'abord, parce que la mise en relation d'une date d'apparition du phénomène avec une mesure de l'abondance des nitrates à la même date a été considérée comme un indicateur pour déterminer finement des seuils de sensibilité des sites touchés : dater la première occurrence d'une prolifération, c'est participer à construire une perspective de disparition.

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Enjeu également, parce qu'au travers de la question de l'étiologie des proliférations d'algues vertes, c'est la question de l'origine, en son double sens de lieu et de cause, qui est posée et largement enrôlée dans la controverse socio-technique qui entoure, depuis les années 1990, la prise en charge du phénomène. A titre d'exemple, le fait de pouvoir démontrer que des blooms sont observés depuis longtemps (par exemple avant- guerre) peut permettre de remettre en question le lien entre la modernisation et l'orientation productiviste de l'agriculture et le développement des marées vertes. Cela peut aussi, à l'inverse, conduire à dénoncer l'incurie des pouvoirs publics qui, depuis tout ce temps, n'ont pas pris la mesure de la gravité de la situation.

Enjeu enfin, parce que, d'un point de vue anthropologique, les incertitudes sur l'origine constituent un espace d'indétermination qui ouvre la possibilité de constructions interprétatives qui vont nous intéresser au premier chef.

1.1. Documenter l'origine : épistémologie des enquêtes sur les dates d'apparition des proliférations

Au nom du Centre d'Etude et de Valorisation des Algues (CEVA), Thierry résume, au printemps 2011, le sens que son équipe donne à la recherche sur les moments d'apparition du phénomène, aux membres de la Commission littoral et estuaires du SAGE de la baie de Lannion :

« L'objectif, c'est tout d'abord de savoir jusqu'où il faut aller pour pouvoir définir les moyens de lutte adaptés [...], il faut savoir à combien de milligrammes de nitrates on devra retourner. Donc pour ça […], la grande approche reine dont on parle le plus c'est la modélisation, bien sûr. Et puis, [...] quand on a des années avec des flux particulièrement bas, c'est intéressant de regarder à quel flux on a une réaction marquée de la marée verte avec moins d'algues, pour avoir en vraie grandeur, parce que là c'est vraiment le système dans son ensemble, la nature on va dire [...], qui se passe du coup d'hypothèses de modélisation [...]. Enfin, troisième élément, c'est les niveaux historiques quand la marée verte est apparue, donc c'est de voir en quelle année les algues vertes sont devenues nuisantes (sic), à quel niveau de nitrates on était, et ce qu'on peut en dire sur les niveaux à atteindre. »

(Thierry, ingénieur du CEVA, mai 2011) Il s'agit donc, selon lui, de l'un des deux modes complémentaires à la modélisation, servant à analyser la réaction possible des baies touchées à un moindre flux de nutriments. Il y a les indications du modèle, celles, qui ont sa préférence, données par la « nature » via l'observation des conditions qui prévalent les années où les algues se développent moins, et enfin les données historiques, qui sont susceptibles de construire une situation de référence, celle du déclenchement des proliférations sur un site donné. Mais comment enquêter sur l'origine ?

Le CEVA, créé en 1982 dans les Côtes d'Armor à l'initiative du Conseil général, s'est investi dès sa création dans la recherche sur les algues vertes. Au cours des années 1990, la petite équipe de chercheurs qui suit l'évolution du phénomène s'efforce d'en savoir davantage sur ses conditions d'émergence, en récoltant des témoignages auprès des habitants.

Quentin et Thierry, tous deux chercheurs au CEVA, semblent très attachés à cette approche, que je les entends promouvoir à différentes reprises. Mais ils regrettent de ne pas lui avoir consacré davantage de temps et de ne pas avoir pu « reporter là-dessus », comme le dit Quentin. Nous évoquons ensemble la montée en puissance plus ou moins rapide du phénomène, qui rend sur certains sites la datation plus difficile, comme sur la baie de Douarnenez :

« M.Machin, le vieux, il doit être mort maintenant...[...] Un monsieur qui habitait tout en bas, là, près du camping.[...] Lui, il disait « pendant la guerre il y en a eu, plusieurs fois, des...des phénomènes d'algues vertes il y en a toujours un peu eu en baie de Douarnenez ». Mais c'était

sporadique. […] A Lannion, c'est l'impression que c'est arrivé après le Torrey Canyon110, donc c'est pour ça qu'on a dit que ça venait, la marée verte, de la marée noire.»

(Quentin, écologue marin et phycologue au CEVA, mai 2010) Quentin s'est souvent déplacé sur les baies touchées et les témoignages constituaient, pour lui, une source importante d'information : sur chacune d'entre elles, ils prenaient un relief différent. Du fait des difficultés éprouvées à organiser, mettre en forme et, peut-être, à donner un statut épistémique à ce type de données, Quentin et Thierry ne les ont pas réellement partagées. Ils continuent toutefois à évoquer ces recherches inabouties avec quelque regret.

« Ah, si on peut retrouver des traces ! [...] Nous ce qui nous intéresse vraiment c'est […] quand il y a une perception d'anormal […]. Par exemple, on a des photos de Saint-Michel-en-Grève dans les années 60, là, où on voit pas bien la couleur. Ca c'est des gens qui nous ont envoyé ces photos-là, c'est (Thierry) qui avait regardé ça, on voit bien quand-même, il y a le gamin qui est dedans, on voit bien que l'eau monte, mais ça colle pas comme des algues vertes, c'est plutôt... de la mousse111. Et puis bon, c'était quand ? C'était par forte marée, avec l'inclinaison du soleil et la hauteur de la mer, on voyait bien que c'était plutôt des mortes eaux, le gosse avait un bout de pain, c'était l'heure du goûter, donc c'était plutôt dans l'après-midi...(rires).[...] Ah oui, on était allés assez loin pour réfléchir là-dessus... »

(Quentin, ibid.) Il leur est en revanche plus facile d'intégrer dans leurs présentations les photographies issues des campagnes aériennes de l'Institut Géographique National (IGN), sur lesquelles apparaissent parfois des masses sombres qui évoquent très fortement des cordons d'algues vertes dans la zone de déferlement des vagues, ou sur l'estran. Mais les photographies sont, hélas, en noir et blanc, et le caractère instantané de ces prise de vue fait mauvais ménage avec la soudaineté avec laquelle les proliférations apparaissent et disparaissent au grès des conditions climatiques : il est difficile d'en tirer des conclusions solides.

Des recherches du CEVA sur la date d'apparition des marées vertes, il ressort finalement que les premiers sites touchés, qu'ils identifient comme les plus « sensibles », ont été les baies de Lannion et de Saint-Brieuc, où des épisodes de blooms ont été observés dès les années 1960.

Les chercheurs de l'IFREMER ont également utilisé les photographies aériennes de l'IGN, dès les premières publications sur le sujet, comme élément de datation. Jean-Yves Piriou, de la Direction de l'Environnement et des Recherches Océaniques (DERO) réalise la première synthèse bibliographique sur le sujet en 1985, en même temps qu'il entame un certain nombre d'expériences sur la croissance des ulves (Piriou, 1986), qui l'associeront pour une période longue avec Alain Ménesguen, un collègue océanographe. Pour dater l'apparition des marées vertes, il cite les travaux de Victor-Honoré Vincent, directeur de la station d'agronomie de Quimper dans les années 1920 (Vincent, 1924) 112 , et mobilise les campagnes photographiques de l'IGN de 1952 et 1966 qui « indiquent très nettement des proliférations algales en bas de l'eau   dans   ces   zones   […].   Sans   qu'il   soit   possible   de   l'affirmer avec une certitude absolue, il semble qu'il s'agisse déjà d'ulves. En effet, les photos aériennes prises par l'IFREMER en 1985, avec vérité terrain à l'appui, donnent une même impression de frange au bas de l'eau et d'échouages dispersés en chevelu quand la mer se retire. » (P.2). Travailler sur l'origine des marées vertes implique donc un travail interprétatif et un croisement des sources. Et c'est finalement les archives des journaux régionaux qui sont les plus précises.

« Il est donc vraisemblable que les proliférations d'ulves ont existé depuis très longtemps sur les côtes bretonnes et déjà en assez grande importance dans les secteurs les plus touchés aujourd'hui. Les marées noires de ces 20 dernières années et la diminution qui s'en suivit des animaux brouteurs

110 La marée noire du Torrey Canyon a lieu en avril 1967.

111 Quentin évoque ici les cas de blooms impliquant  d’autres  espèces  que  les  ulves,  qui  se  produisent  de  temps  en  temps   sur certains sites. Au sujet des efflorescences de glandour (laine  d’eau,  en  breton), voir : Levain, 2010.

112 « L'été, sur les côtes de la Manche, le flot en apporte journellement qui, avec les autres algues, forment une sorte de bourrelet dessinant le niveau de la mer » (P. 19). Cette citation est souvent mobilisée, depuis, dans le débat public.

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(bigorneaux, oursins...) ne font donc pas partie des causes majeures du phénomène. […] Les marées vertes n'ont vraiment été révélées par les médias qu'à partir de 1968 en baie de Lannion, en 1972 en baie de Saint-Brieuc, en 1979 en baie de Douarnenez , en 1980 en baie de Concarneau. Ces années correspondent, dans la courbe de progression du phénomène, à un premier niveau critique : celui où les marées vertes deviennent une gêne préoccupante pour les riverains. Un deuxième niveau critique est atteint lorsque débute le ramassage sur les plages : 1973 en baie de Lannion et baie de Saint-Brieuc, 1980 en baie de Douarnenez, 1981 en baie de Concarneau. » (Piriou, 1986 : 9) Lors des entretiens réalisés avec Jean-Yves Piriou et Alain Ménesguen, tous deux mobilisent, comme le fait aussi Quentin, comme source la plus digne de digne de foi les délibérations du Conseil municipal de Saint- Michel-en-Grève de 1971 et leur donnent un statut de preuve. Mais pour Alain Ménesguen, la donnée fondatrice est bien la chronique des nitrates à l'échelle de la région, mise en relation avec la délibération de Saint-Michel.

« La teneur naturelle d'un bassin versant ici en Bretagne, c'est entre 1 et 3 milligrammes de nitrates. Et donc ils me disent « vous n'avez aucune preuve »113. Mais si. C'est pas moi qui ai fait les mesures. Dans la base de données de l'Agence de l'Eau, les mesures régulières commencent en 1971. Il y a 160 mesures. La moyenne est de 4,4 milligrammes.[...] En 1971, déjà, la marée verte de Saint- Efflam114 était tellement importante que c'est la première année où il y a eu une plainte des habitants à la mairie dénonçant cette pollution insupportable de leur plage. En 1971. A ce moment- là, il y avait donc une immense marée verte à Saint-Efflam, et la teneur des rivières en Bretagne était de 4,4 milligrammes de nitrates en moyenne. On est à presque 10 fois plus. ».

(Alain Ménesguen, chercheur à l'IFREMER, Plouzané, mars 2010) Le témoignage d'Alain Ménesguen montre à quel point la datation des premières marées vertes est devenue progressivement un enjeu, même s'il ne précise pas qui est ce « ils » dont il parle. La question est parue suffisamment délicate et importante pour que la recherche d'une date, d'un point de départ des proliférations, suscite l'intérêt des deux missions interministérielles successives qui se sont intéressées à la problématique des marées vertes sur la période la plus récente.

La première mission interministérielle, composée de quatre hauts fonctionnaires115, avait pour objectif d'expertiser globalement la problématique des proliférations d'algues vertes après l'accident ayant, en juillet 2009, occasionné la mort d'un cheval et le malaise de son cavalier, enlisés dans un mélange d'algues vertes en décomposition et de vase à l'estuaire de la rivière du Roscoat, en baie de Lannion. Elle devait proposer les grandes lignes d'un Plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes. Sa lettre de mission précisait qu'elle « étudier(ait)   l’ampleur   du   phénomène   des   marées   vertes   et   des   risques   associés, en veillant à identifier les lacunes existantes en matière de connaissances scientifiques, notamment en matière de risques sanitaires. » (Ministères   de   l’écologie   et   de   l’agriculture, 2009). Au moment de traiter de la question du ramassage et du traitement des algues, le rapport de la Mission précise qu' « il convient de ne pas confondre présence et prolifération des algues, phénomène plus récent et conséquence de milieux eutrophisés. Pour la Bretagne,  les  témoignages  convergent  pour  situer  l’apparition  de ces proliférations dans les années 1970. » (p.63). A l'appui de ce constat, les rédacteurs du rapport mobilisent deux types de données. D'abord, des documents administratifs :

« Un rapport du 27 juillet 1972 de la DDE des Côtes-du-Nord s’inquiétait de dépôts importants d’algues vertes apparus en baie de Saint-Brieuc à Hillion et Yffiniac (environ 40 000 m3), dépôts qui rappelaient ceux de juin 1971 dans la baie de Saint-Michel-en-Grève. S’interrogeant alors sur les causes de ces manifestations, l’auteur du rapport avançait avec prudence l’enrichissement en matières organiques de l’eau et les conditions climatiques. » (p.63)

113 Nous reviendrons dans le sous-chapitre suivant sur ce « ils »...

114 Petite station balnéaire rattachée à Plestin-les-Grèves, proche de la commune de Saint-Michel-en-Grève.

115 Philippe   Quévremont,   au   titre   du   Conseil   général   de   l’environnement   et   du   développement   durable   ;;   Dominique   Dalmas,  au  titre  de  l’Inspection  générale de  l’administration  ;;  Roland  Moréa,  au  titre  de  l’Inspection  générale  des   affaires sociales ; Vincent Frey, au titre du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux.

Dans un second temps, le rapport fait état d'une étude réalisée par la Direction régionale de l'environnement (DIREN) de Bretagne « sur la base d'enquêtes faites auprès de techniciens et d'élus », dont la synthèse est présentée sous forme de tableau. Celui-ci distingue la date du « premier signalement » et celle à laquelle la situation paraît « anormale » ou « gênante »116.

Tableau 5. Tableau de synthèse issu d'une étude de la DIREN (2008), mettant en relation chroniques de nitrates et date d'apparition des marées vertes sur différents sites bretons117

Légende du tableau:

La méthode a consisté à chercher à contacter un interlocuteur local jugé compétent, de préférence un édile ou un fonctionnaire municipal, dont le témoignage généralement unique sert de point de référence. Les éléments collectés sont croisés avec les chroniques de nitrates dans l'étude initiale, mais ce croisement n'est pas repris par la Mission Interministérielle. Evalués seuls, les témoignages, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer la première occurrence de « signalement d'algues vertes », reflètent la diversité des grilles de lectures : du « très ancien », prenant appui sur la toponymie, à l'assimilation du signalement avec la plainte et la « gêne », la date de premier signalement semblant déduite a posteriori de la gêne documentée (généralement le début du ramassage) qui intervient entre trois et cinq ans plus tard...

Pour la mission, ces données permettent d'affirmer la réalité du phénomène de prolifération (ce qui semble-t- il était pour ses membres encore, ou devenu, nécessaire), tout en mettant en évidence son irrégularité :

« il n’est pas discutable que depuis une quarantaine d’années, les algues se sont installées dans le paysage, réapparaissant à chaque printemps, au prix néanmoins de variations annuelles significatives. » (p.64).

L'étude confère ainsi aux données une importance directement relative à la façon dont la question de l'origine des marées vertes est mobilisée dans les controverses entourant la prise en charge du phénomène.

Deux ans plus tard, la question lancinante des causes des marées vertes contribue à freiner la dynamique du Plan algues vertes : le Préfet de Région, qui pilote le Plan, décide de solliciter une expertise pour répondre de façon très précise à la question des « causes » des marées vertes en Bretagne. Il le fait en deux temps. D'abord, il sollicite les équipes de recherche positionnées régionalement sur la thématique (INRA, IFREMER, CEVA, 2011). Il s'agit de récuser, point par point, les différents arguments mobilisés publiquement par le directeur d'un institut de recherche privé, qui développe des thèses hétérodoxes sur le phénomène des marées vertes. C'est le CEVA qui se charge du premier de ces points (document 1).

116 Ce document m'a été communiqué sans difficulté, mais n'a jamais été diffusé.

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Document 1. Extrait de l'expertise collective INRA-CEVA-IFREMER sur les causes et mécanismes des marées vertes (été 2011)

Sans doute les services de l'Etat ont-ils estimé que le recours à l'expertise de scientifiques déjà bien repérés et actifs dans le débat public ne suffirait pas à surmonter les réticences de certains représentants de la profession agricole à abandonner les arguments mettant en cause les résultats du CEVA et de l'IFREMER. Aussi le Préfet de Région sollicite-t-il une nouvelle mission interministérielle118, qui rend ses conclusions en avril  2012  (Ministères  de  l’Ecologie  et  de  l’Agriculture, 2012). Les auteurs assument pleinement le contexte dans lequel ils interviennent :

« La mise en oeuvre du plan d'action gouvernemental « algues vertes » en Bretagne est perturbée par une campagne de remise en cause des fondements scientifiques expliquant la prolifération de ces ulves. » (p. 3)

Cette contestation, selon les auteurs, « traduit l'inquiétude de la profession agricole directement mobilisée par les mesures correctrices du plan... » (p.3). Bernard Chevassus-Au-Louis et ses collègues se penchent donc à nouveau sur les origines du phénomène de prolifération. Mais ils le font sous un autre angle : ils documentent d'abord l'existence de « marées vertes à ulves » dans différents pays, avant d'en venir au cas breton. Ils reprennent ensuite la bibliographie établie en 1986 par Jean-Yves Piriou, de même que son interprétation des photographies de l'IGN et la revue de presse qu'il avait réalisée. Par contre, ils cherchent à apporter des éléments nouveaux en ce qui concerne les chroniques de nitrates et retiennent trois indicateurs : l'évolution de la densité de la population, l'augmentation des volumes de production animale, la disparition de la moule perlière. Ces trois indicateurs convergent pour confirmer la robustesse des chroniques historiques de concentrations de nitrates dans les rivières bretonnes, contestée par certains acteurs. Cela permet aux auteurs du rapport de déterminer une sorte de « seuil d'eutrophisation côtière » en Bretagne, qu'ils datent au début des années 1970 (p. 27-29).

Les recherches menées sur l'histoire du phénomène, avec des méthodes variées (voir tableau 6) et des objectifs différents – gagner en robustesse ou mieux contenir la controverse socio-technique - , donnent donc des résultats convergents à l'échelle régionale : les marées vertes sont apparues en Bretagne entre 1965 et 1970 sur les sites les plus sensibles, et les conditions nutritives de leur développement ont été réunies à la même période. Il existe des variations sensibles suivant les sites, liées à la configuration de ceux-ci, aux conditions météorologiques, ainsi qu'à l'intensité des apports nutritifs des cours d'eau dans les baies.

118 La mission était composée à parité de membres du CGAAER (Bernard Chevassus-Au-Louis et Bruno Andral) et du CGEDD (Alain Femenias et Michel Bouvier).   Elle   s’est   par   ailleurs   associée   la   collaboration   de   relecteurs   scientifiques :   un   spécialiste   de   l’eutrophisation,   un   spécialiste   des   algues   et   un   spécialiste   des   transferts   de