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L’O BSERVATOIRE DES M EDIATIONS : UN OUTIL RENFORCE

2. La prescription chez les avocats

2.1. La posture d’accompagnant en médiation

L’avocat n’est pas un médiateur. Mais il peut amener son client, en fonction du litige, à envisager d’utiliser les modes amiables de règlement et en particulier la médiation. Cependant, cette posture est brouillée par une autre qui verrait l’avocat de muer en médiateur. L’ambiguïté est grande et la nouvelle accréditation d’avocat-médiateur crée par le CNB n’est pas pour clarifier la situation, puisque il n’y pas de définition précise de ce que pourrait être l’avocat-médiateur, notamment dans sa pratique. Le Centre National de Médiation des Avocats créé pour la circonstance, est un centre d’information et de formation dont l’objectif est à la fois de promouvoir la médiation mais également la place de l’avocat dans le processus de médiation. Les deux postures sont donc retenues sans qu’il ne soit fait de distinction fondamentale entre les deux51.

Nous le verrons dans le point suivant, il y a des avocats qui deviennent des médiateurs ou bien qui en font une activité importante de leur vie professionnelle. Ici, nous nous pencherons sur la place de l’avocat, qui demeure le conseil et le défenseur de son client, ce dernier ayant opté pour la médiation pour parvenir à une solution à son problème. C’est ainsi que peut se définir la posture d’accompagnement à la médiation qui possède de facto une dimension de conseil, précisément de prescription pour choisir le mode amiable.

51https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/avocats-mediateurs-demandez-votre-referencement-aupres-du-centre- national-de-mediation-des-avocats

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Sans être sûr qu’il existe un biais, puisque l’enquête a été diffusée très largement dans deux barreaux, la très grande majorité des avocats qui ont répondu à la question avait déjà suggéré un mode amiable à leur client52. Autrement dit, les modes amiables font partie intégrante de l’activité courante de conseil de ces avocats.

Pratique de suggestion de la médiation au client chez les avocats (au moins une fois)

Total Eff. % Rep.

oui 46 90,2%

non 5 9,8%

Total 51 100%

Les modes amiables suggérés sont multiples (plusieurs avocats mobilisent plus d’un mode amiable). Mais la médiation se singularise parce que non seulement elle rassemble la moitié des modes cités, mais en plus sur les 40 répondants 30 signalent la médiation. Nous avons donc une confirmation que la médiation est bien identifiée comme le principal processus qui peut être prescrit, suggéré ou conseillé à un client.

Les modes amiables suggérés par les avocats53

Eff % Eff %

arbitrage 1 1,7% médiation 30 50,8%

conciliation 7 11,9% négociation 5 8,5% droit collaboratif 2 3,4% procédure participative 1 1,7% mandat ad hoc 1 1,7% transaction 12 20,3%

Total 59* 100,0%

* nombre de réponses (les répondants pouvaient fournir plusieurs modes amiables)

L’attitude que nous venons de mesurer relève de l’information (« savez-vous que votre problème pourrait-être régler par une médiation avec l’autre partie ? ») voire de l’incitation, puisque l’avocat demeure un sachant, un homme, une femme qui connait le droit. Accompagner réellement un client en médiation place le travail de l’avocat dans une autre dimension, qui a trait au conseil et au soutien juridique tout au long du processus.

La part des avocats qui ont accompagné un client en médiation est assez importante. 70% de ceux qui ont répondu à la question l’on fait. Malheureusement, 13 avocats n’ont pas répondu à la question. Il est difficile d’interpréter ces non réponses, mais si on en tient compte, le taux

52 Si l’on tient compte dans le calcul des non réponses, le taux fléchit pour atteindre 72%.

53 La question était ouverte, c’est-à-dire que les avocats pouvaient fournir et décrire le mode amiable comme bon

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chute à 56%. Ces précautions prises, un peu plus de la moitié des avocats ont accompagné un client en médiation ce qui confirme que ce processus est loin d’être méconnu par ces professionnels.

Pratique d’accompagnement du client en médiation

Effectifs % Rep.

oui 36 70,6%

non 15 29,4%

Total 51 100%

Cet accompagnement est par contre assez peu pratiqué. À la question de la fréquence de l’accompagnement d’un client en médiation, la très grande majorité indique le faire de manière parcimonieuse (1 à 2 fois par an). Une minorité pratique l’accompagnement en médiation de manière systématique. Ce profil d’avocat est pour le moins singulier, notamment ceux qui indiquent le faire systématiquement pour tous les litiges. À l’évidence, ce sont des avocats qui ont fait évoluer considérablement leur pratique, qui font de la médiation un outil professionnel de premier plan, voire qui relève plus de la posture professionnel du médiateur que de celle de l’avocat.

Fréquence de la pratique d’accompagnement du client en médiation

Effectifs % Rep.

une à deux fois par an 26 74,3%

une à deux fois par mois 1 2,9%

une à deux fois par semaine 0 0%

systématiquement pour certains litiges identifiés 2 5,7% systématiquement pour tous les litiges 6 17,1%

Total 35 100%

Il semble donc que la posture d’accompagnant ne soit pas totalement inscrite dans les mœurs professionnelles des avocats. Il y a encore des discussions et des débats sur la position de l’avocat au regard de la médiation. Si certains ont saisi que ce rôle devait être celui de l’accompagnant (environ la moitié des répondants), d’autres en sont plus éloignés et ont sans doute plus de difficulté pour se situer par rapport à ce processus.

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2.2. L’avocat n’est pas le premier prescripteur

Cet embarras face à la médiation explique sans doute que l’avocat n’est pas le principal prescripteur de médiation. De manière assez étonnante, il semblerait même que certains avocats attendent que le magistrat use de son pouvoir de persuasion envers les justiciables pour, à sa suite, soutenir la proposition auprès de son client. Ceci dénote qu’ils ne se pensent pas comme des prescripteurs potentiels, mise à part ceux qui – très minoritaires même dans notre enquête – utilisent la médiation de manière récurrente voire systématique. Au mieux peuvent-ils s’imaginer relayer la prescription initiée par un autre, qui plus est un magistrat.

Ceci explique pourquoi ils sont moins enthousiastes envers une information obligatoire sur la médiation pour chaque procédure. Bien évidemment, cette disposition, qui aurait des caractéristiques rigides et administratives, laisserait peu de place à l’avocat. Mais nous pensons que leur part de réticence nettement plus marquée que les autres acteurs (40%) nous renseigne sur leur relation distanciée à la promotion de la médiation.

Opinion des magistrats, médiateurs et avocats sur l’information obligatoire à la médiation dans chaque procédure

Magistrat Médiateur Avocat Total

Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep.

oui 13 76,5% 28 87,5% 31 60,8% 72 72%

non 4 23,5% 4 12,5% 20 39,2% 28 28%

Total 17 100% 32 100% 51 100% 100 100%

Il semblerait que la majorité des avocats ne font pas la promotion de la médiation – et de sa prescription – une mission particulière qui ne leur incomberait en partie. Ainsi, ce ne sont pas les premiers prescripteurs. Cependant, une faible partie d’entre eux opte pour une posture radicalement différente mais ce ne saurait être pour l’heure le signe d’une tendance générale.

Si les avocats ne se perçoivent pas comme des prescripteurs c’est sans doute en raison d’une distance assez importante avec le monde de la médiation, que ce soit les instances ou les associations ou les médiateurs eux-mêmes. Dans le tableau ci-dessous, on notera la propension affirmée des avocats à ne pas développer ce type de relations (plus des 2/3) alors qu’a contrario, seulement 5 magistrats sur les 17 répondants (soit moins d’un tiers) sont dans ce cas54.

54 Certains magistrats pourraient justifier cette attitude de retrait comme une volonté de s’assurer une neutralité

85 Echanges entre les magistrats, médiateurs et avocats et les médiateurs ou des

instances de médiation

Magistrat Médiateur Avocat Total

Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep.

jamais 3 17,6% 0 0% 24 42,9% 27 24,8%

rarement 2 11,8% 0 0% 14 25% 16 14,7%

de temps en temps 8 47,1% 7 19,4% 10 17,9% 25 22,9%

régulièrement 4 23,5% 29 80,6% 8 14,3% 41 37,6%

Total 17 100% 36 100% 56 100% 109 100%

À l’évidence les médiateurs et les avocats se côtoient peu, bien moins que ne peuvent le faire les médiateurs et les magistrats. Ce manque de lien n’est sans doute pas étranger au fait que la plupart des avocats ne se perçoivent pas comme des initiateurs potentiels de médiation. Lors de nos entretiens, rares ont été les cas où l’avocat a évoqué en premier la médiation. Certes, en médiation judiciaire, l’initiative procédurale est celle du magistrat. Mais ces derniers nous ont souvent fait part de leur grande acceptabilité voire souplesse dans le cas où un avocat ou bien les deux avocats ouvraient la porte à la médiation.

Ces cas de figure semblent rares. Car pour l’avocat, les modes amiables sont du registre de la prise de risque envers le client. Malgré toute la pédagogie que l’avocat peut mettre dans son explication, le client peut avoir l’impression que l’avocat ne défend pas sa cause.