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POUR AMELIORER LA PRESCRIPTION

3. Cerner l’activité de médiation judiciaire et forger ses outils d’évaluation

Comme nous l’avons précisé, l’équipe a rencontré de nombreuses difficultés pour accéder aux informations permettant de cerner et d’évaluer l’activité d’une juridiction. Les magistrats eux-mêmes maîtrisent assez mal cette information. Les outils statistiques aujourd’hui à disposition ne permettent pas de comptabiliser précisément le nombre de médiation réalisées, leur déroulement et, ce qui est plus dommageable, leur issue. Si certains éléments ont pu être obtenus, si des situations dispositif par dispositif ont pu être éclaircies et détaillées, nous sommes loin de l’exhaustivité sur l’ensemble d’un tribunal, qui plus est sur l’ensemble d’un ressort de cour d’appel.

Pour favoriser la prescription, les porteurs de projet de médiation judiciaire ont la nécessité de s’appuyer sur des éléments communicables. Or, s’ils ne sont pas absents, ils sont souvent bien trop succincts et se limitent au taux d’accord qui ne reflète qu’en partie l’activité de médiation. Comme le soulignait il y a deux ans le rapport de l’IGSJ, « les juridictions qui s’engagent dans un processus volontariste de développement des MARD ne disposent d’aucun outil leur permettant de s’en prévaloir, notamment dans le calcul des effectifs et moyens mis à leur disposition. Tant le travail du greffe que celui des magistrats n’est pas reconnu, et ce, alors même qu’il a nécessité un investissement important » (IGSJ, 2015, p. 39). Ainsi, construire un outil statistique spécifique et ajustable à ceux déjà existant permettrait non seulement d’agir favorablement et efficacement sur la prescription, d’élaborer un pilotage national de la médiation judiciaire, mais également de reconnaitre l’investissement des promoteurs et, sans aucun doute, de susciter l’investissement d’autres74. En quelque sorte, ce serait faire de la prescription (et du suivi) de la médiation une mission alors qu’elle s’apparente aujourd’hui à une charge supplémentaire, de rendre banal le recours à la médiation judiciaire alors que de nos jours il est dépendant de la bonne volonté de certains.

74 Cette proposition n’est pas neuve. Non seulement nous l’avons retrouvé dans le discours de certains de nos

interlocuteurs au fait du développement de la médiation et de ses difficultés, mais elle apparait explicitement dans le rapport de l’IGSJ de 2015 et dans le rapport Le juge du 21ème siècle (Delmas-Goyon, 2013).

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« Il y a une espèce de dynamique globale qui… Il y a aussi, ce qui est souvent évoqué, notamment par X., l’outil statistique. Alors il est important, mais un jour – alors je ne sais

pas si c’est lui qui en a parlé ou quelqu’un d’autre en disant – vous savez que les juridictions ont maintenant des indicateurs de performance… (…) Ca, l’indicateur de performance c’est dangereux parce que si on dit par exemple dans l’indicateur de performance

de la juridiction, on va compter comme positif mettons si on a 5% d’affaires qui font l’objet de médiation ou 15%, 20%, ça va être un objectif et donc on va y faire passer aussi des affaires qui ne mériteraient pas ou qui n’auraient pas été suffisamment préparées. Moi le terme d’indicateur de performance c’est très dangereux, parce que ça veut dire qu’on n’analyse

pas le contenu, qu’on quantifie la décision. Alors la statistique, c’est immense, on est très en retard. Il y a des années qu’on en parle, au plus haut niveau même. Mme Arens, première présidente de Paris, etc. J’arrive pas à comprendre pourquoi – enfin à ma connaissance ça a

pas changé – pourquoi dans les statistiques, c’est des codes informatiques, c’est pas très compliqué… », Pierre Garbit, coordinateur de l’Office des Modes Amiable – Lyon.

L’attente des acteurs est présente. Comme notre interlocuteur le précise, il ne s’agit pas de fixer des objectifs, qui d’ailleurs, pour ce qui est de la médiation, ne trouveraient aucun argument rationnel de justification tant la connaissance en la matière est faible75. Mais, très souvent les porteurs de projet ressentent la nécessité de faire valoir leur action ; Ils ont alors recours à des données chiffrées. Cependant, leur analyse est circonstanciée et circonscrite à leur expérimentation. Se doter d’outils statistiques communs permettrait d’opérer des comparaisons, d’échanger sur tel ou tel fonctionnement, de rendre plus performant et cohérent le processus de médiation judiciaire, quelle que soit la juridiction.

Proposition n°3 : Connaître l’activité de médiation judiciaire

· Créer une nomenclature d’indicateurs spécifique à la médiation en collaboration avec la sous-direction de la Statistique et des Études du ministère de la justice :

ü indications sur qui ordonne la médiation et à quelle date ;

ü indications sur l’issue de la médiation avec les catégories suivantes : - accord avec homologation

- accord sans demande d’homologation

- accord sans demande d’homologation + désistement

- pas d’accord + suite de la procédure : désistement, retour juridiction, etc.

ü indications sur la forme de la médiation (nombre de séances, co- médiation, …)

ü indications sur les modalités de prescription, etc.

· Publier un bilan statistique détaillé sur l’activité de médiation pour chaque ressort de cour d’appel

· Alimenter l’Observatoire des médiations via une collaboration rapprochée avec les associations de médiateurs qui pratiquent des médiations judiciaires

75 Comment déterminer a priori combien d’affaire entrant dans tribunal devraient être traité par la médiation ?

Actuellement, aucune étude ou recherche ne permet de répondre à cette question. Ainsi, fixer un taux de litiges devant emprunter la médiation relèverait d’une mesure arbitraire de gestion des flux judiciaires mais en rien d’une décision pour favoriser ce mode amiable.

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