• Aucun résultat trouvé

Introduction

Depuis 1991, La Poste connaît une vague de changements d’une ampleur inédite : ils sont tout autant de nature technologique, organisationnelle, commerciale ou managériale. La chronologie de la modernisation de l’opérateur laisse à constater l’ampleur de ce processus de transformation42. La cadence est telle que le personnel s’installe dans le changement, comme si

tout processus, toute règle, toute organisation – toute direction ou tout sigle – semblait éphémère [de la Burgade et Roblain (2006)].

Bien évidemment, la modification des environnements juridique et concurrentiel des structures postales européennes agit comme un catalyseur sur la transformation de l’opérateur postal français. Celui-ci fait face à l’adoption et à la transposition de directives européennes qui ouvrent progressivement son marché à la concurrence : aujourd’hui, 71% de son chiffre d’affaires est réalisé sur un marché concurrentiel. Non seulement il est confronté à la libéralisation progressive de son marché ; mais encore il devient un opérateur indépendant – au moins financièrement – de sa tutelle administrative. Sa transformation en exploitant public par la loi du 2 juillet 199043,

requalifié par la jurisprudence en établissement public à caractère industriel et commercial44, lui

confère davantage d’autonomie. Dans ce contexte, La Poste s’interroge à la fois sur son positionnement concurrentiel et sur sa capacité à résoudre son équation économique. Performance et efficience deviennent les nouveaux standards du management. Cependant, des rapports parlementaires intitulés Sauver La Poste ou La Poste : le temps de la dernière chance45pointent

le retard de l’opérateur postal face à la concurrence européenne : la transformation paraît donc inéluctable.

Les changements sont d’autant plus inévitables que l’opérateur doit tenir compte des évolutions sociétales. Jusqu’alors, La Poste tirait son épingle du jeu en instaurant des trafics de substitution à des trafics en voie de disparition (mandats, télégrammes, courrier C-to-C) ou en répercutant, sans difficulté et sans véritable contrecoup, l’évolution de ses coûts dans ses prix. Pourtant, ne serait- ce que sur les usages du courrier, les inquiétudes grandissent. Si le chiffre d’affaires du courrier a longtemps progressé en dépit de la baisse du volume du courrier entre les ménages (C-to-C), c’est en raison du volume croissant du courrier publicitaire (B-to-C) : en 2001, selon une étude sur les usages du courrier46, les entreprises et les administrations émettent 87% de la totalité du courrier

42Cf. annexe III.

43Loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications,

Journal officiel de la République française, n°157, 8 juillet 1990, p.8069.

44Tribunal des Conflits, 19 janvier 1998, Préfet de la région Île-de-France, req. n°3084 ; Conseil d’État, Assemblée,

13 novembre 1998, Syndicat professionnel des médecins de prévention de La Poste, req. n°188824-188826.

45Larcher G., Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique, Rapport d’information sur La Poste, opérateur public de

service public face à l’évolution technique et à la transformation du paysage postal européen, Paris, Commission des affaires

économiques et du plan, Les rapports du Sénat, n°42, 1997 ; Larcher G., La Poste : le temps de la dernière chance, Rapport

d’information sur la situation de La Poste dans la perspective du contrat de plan en cours d’élaboration et sur les mesures à prendre pour lui permettre de relever les défis qu’elle a à affronter, Rapport d’information au Sénat, Paris, Commission des affaires

économiques et du plan, Les rapports du Sénat, n°344, 2002-2003.

adressé alors que les ménages sont les principaux destinataires avec 65% du courrier reçu. Le risque est d’autant plus grand pour l’opérateur postal que les évolutions technologiques influent de plus en plus sur le trafic courrier des entreprises. L’essor du courrier des entreprises s’est d’ailleurs essoufflé au cours de l’exercice 2006 puisque, pour la première fois, La Poste a annoncé une baisse du volume de courrier traité sur cet exercice. Si même il paraît a priori plus significatif dans les échanges C-to-C, le risque de substitution courrier/mél s’accroît également, en réalité, dans les échanges B-to-C et C-to-B. Nombre d’entreprises proposent désormais à leurs clients l’envoi de relevés ou de factures par mél, et non plus par voie postale. Au-delà de ce risque de substitution, d’autres évolutions technologiques qui font disparaître certains échanges épistolaires sont à prendre en compte. Le développement de la carte vitale réduit, par exemple, de plus de 15% la correspondance de la Sécurité sociale. Bien que la substitution courrier/mél du courrier publicitaire semble aujourd’hui encore prématurée, le trafic courrier affronte tout de même de nouveaux enjeux.

La Poste s’inscrit donc dans un environnement économique concurrentiel où l’entreprise est tenue de défendre son marché et, pour cela, d’innover tant du point de vue organisationnel que du point de vue marketing. Les plans de modernisation de l’outil de production témoignent des enjeux croissants de rentabilité et d’efficience. Parallèlement, le développement de nouvelles prestations démontre que l’innovation se situe au cœur du processus de compétition dans lequel La Poste s’inscrit désormais.

À titre liminaire, il n’est pas inutile d’expliciter dans un premier chapitre la démarche méthodologique et le paradigme épistémologique dans lequel la thèse s’inscrit pour en légitimer les résultats. La démarche de recherche-action autorise à partir d’un raisonnement inductif de bâtir une première modélisation théorique de la conception dans les services. Cette modélisation implique l’insertion du chercheur au sein de l’entreprise pour mieux y appréhender le fonctionnement et les processus.

Le second chapitre justifie le choix de La Poste comme terrain d’observation idoine pour y observer les logiques d’innovations au sein d’une entreprise de services. L’objectif est non seulement de cerner l’organisation et le fonctionnement de l’opérateur postal mais aussi de préciser les potentialités de La Poste à partir de l’étude généalogique de son organisation et de son système de prescriptions : la bureaucratie ou la prescriptocratie bride-t-elle l’innovation ?

Chapitre II.1

Quel processus de conception dans une entreprise

Outline

Documents relatifs