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Une nécessité de s’adapter en sortant des sentiers battus

La Poste, un terrain de recherche privilégié : quel compromis entre prescriptocratie et innovation ?

I. Une entreprise de services à la croisée d’une longue tradition d’innovations et d’un héritage bureaucratique

I.2. Un héritage de service public innovant

I.2.2. Une nécessité de s’adapter en sortant des sentiers battus

Le courrier est considéré encore aujourd’hui comme une activité « vache à lait » pour La Poste. Cela n’a jamais empêché l’opérateur de rechercher de nouveaux moteurs de croissance. En termes d’offres de service, trois projets ont retenu l’attention, même si la qualification de moteur de croissance serait peut-être exagérée pour les deux premiers. Ces projets montrent toutefois comment la Poste réussit à accroître son activité commerciale. Ce sont la poste automobile rurale, les opérations de polyvalence dans les bureaux de poste et le courrier électronique. Ces opérations de « diversification » sont d’autant plus remarquables qu’elles s’inscrivent en marge, voire en dehors, des missions traditionnelles de l’opérateur postal.

Précurseur à la fois des guichets mobiles et des opérations de polyvalence, la poste automobile rurale, autrement appelée la « poste omnibus automobile rurale », a été créée en 1926. Aux transports du courrier et des colis postaux et à la vente de prestations postales, la poste automobile rurale remplissait également deux autres rôles.

1. D’une part, « spécialement équipés de banquettes, [les véhicules pouvaient] transporter des passagers en plus du courrier ».

72Archives Nationales, F/90/bis, 5688, Rapport du 27 octobre 1901 de la Commission présidée par M. Sainsère,

2. D’autre part, « l’agent préposé [pouvait] même, à la demande, effectuer certaines courses pour les usagers. » [Bertin (1999), p.117] « Leur nature n’était pas réglementée. Elles consistaient aussi bien en achats divers chez les épiciers, bouchers, quincailliers, pharmaciens, cordonniers (du bourg tête de ligne)… qu’en dépôt d’ordonnances médicales ou de réparation de chaussures. Elles comprenaient aussi des livraisons accidentelles ou par abonnement de lait au litre ou au bidon, de pain… » [Charbon et Nougaret (1984), p 136, citant Defoin-Platel (1964)]

L’agent qui conduisait le véhicule était seul : il faisait payer les voyageurs, remettait le courrier aux facteurs des communes desservies, ouvrait le guichet mobile dans ces mêmes communes et faisait en sus des commissions. Le service était généralement rattaché à un bureau et devait desservir un certain nombre de communes rurales isolées. Ce service a connu un relatif succès jusqu’en 1939 avant de disparaître définitivement dans les années 1960. Illustration de ce succès, en avril 1934, sur les 310 circuits de poste automobile rurale, 298 prennent des voyageurs dans des véhicules de dix places en moyenne et le nombre de voyageurs dépasse un million sur un an [Oger (2000)]. Cet exemple de développement est remarquable dans la mesure où la Poste pallie le manque de moyens de transport dans les campagnes : l’absence d’initiatives privées est certainement liée à un manque de rentabilité immédiate. Ce qu’il est surtout intéressant de noter, c’est non pas que la Poste accroît la sphère de ses activités qui pourraient relever du service public, mais qu’elle s’introduit sur un nouveau secteur qui est le transport de personnes : il ne s’agit plus de transporter des objets de correspondances ou des marchandises.

C’est dans la même optique d’amélioration de la desserte des zones rurales que sont lancées au début des années 1980 les opérations de polyvalence dans les bureaux de poste : vente de timbres fiscaux, de vignettes automobiles, de billets SNCF, de bombonnes de gaz ; envoi de demandes de cartes d’identité, de cartes grises, de passeports, de dossiers de Sécurité sociale ; établissement de fiches d’état-civil ; collecte et distribution de messageries du SERNAM ; prêts d’ouvrages envoyés par des bibliothèques ; affichage des offres de l’ANPE ; etc.. En 1985, 3 500 bureaux participent à ces opérations de polyvalence qui permettent, outre de renforcer le lien social avec les habitants, de fournir davantage d’activité à des bureaux situés dans des zones relativement reculées. Dans ce cas, La Poste s’inscrit en marge de ses missions principales sans toutefois dépasser le cadre de ses prérogatives.

La philosophie du dernier service retenu – le courrier électronique, et à travers lui toute autre prestation liée à l’Internet – est sans rapport avec la question de la desserte rurale. Il s’agit dans ce cas de suppléer à la perte de vitesse du courrier des ménages en prenant position sur un marché de substitution potentiel. La Poste a développé des activités de messagerie électronique, de fournisseur d’accès à Internet73, de sécurisation des paiements en ligne, et de commerce

électronique. Le but de l’opérateur postal est de s’adapter au nouvel âge du transport et de la logistique et de réaliser des synergies entre chacun de ses métiers. L’offre de services de commerce électronique s’effectue d’ailleurs en trois parties qui témoignent des complémentarités possibles de l’opérateur : « d’abord, un module logistique-livraison qui est au coeur de notre métier de transporteur. Ensuite, un module de paiement, car c’est au moment où l’acheteur passe commande qu’il accepte le transporteur-logisticien de son vendeur et son intermédiaire de paiement. Et enfin, un module de marketing direct et réseau de distribution qui constitue un avantage concurrentiel certain : le groupe peut ainsi valoriser ses compétences en matière de gestion de fichiers clients et disposer d’un réseau très dense qui lui permet d’être au plus proche

73La Poste a cessé ses activités de fournisseur d’accès à Internet le 30 avril 2005 en proposant à ses clients de

transférer leur compte chez le prestataire technique du groupe Neuf telecom. La Poste avait commercialisé ses premières offres en mars 2003.

du client. »74Avec l’offre Axepro développée en 2001, La Poste propose également de vendre ses

compétences dans l’élaboration de plates-formes de commerce électronique pour les PME. Le commerce électronique apparaît ainsi comme un moyen pour La Poste de développer ses activités, tant de livraison de colis que de marketing direct. Les objectifs de La Poste sont non seulement de prendre position sur des marchés de substitution du courrier – à travers le courrier électronique – mais également de profiter de nouvelles opportunités pour alimenter ses marchés traditionnels. Toutefois, les activités Internet de l’opérateur postal s’inscrivent elles aussi en marge de ses activités traditionnelles.

I.2.3. Des innovations de service théoriquement régulées par le principe de

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