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Les deux visages des études sur l’Asie du Sud : les limites tendues entre les positions sociales des chercheurs et leurs théories les positions sociales des chercheurs et leurs théories

Dans le document Anthropologie politique de la vie académique (Page 103-112)

2. TISSER LES RÉSEAUX : LES HÉRITIERS ET LES « HUSTLERS »

2.2. Les deux visages des études sur l’Asie du Sud : les limites tendues entre les positions sociales des chercheurs et leurs théories les positions sociales des chercheurs et leurs théories

2.2. Les deux visages des études sur l’Asie du Sud : les limites tendues entre les positions sociales des chercheurs et leurs théories

Il m’avait pris en affection, par un de ces mouvements d’une sympathie obscure à elle-même qui s’enracine dans l’affinité des habitus.

Pierre Bourdieu, Esquisse pour une auto-analyse, 2004, p. 41-42.

Afin de répondre à une telle question, nous pouvons consulter une littérature importante qui s’intéresse aux dynamiques de reproduction des dominances de caste et classe dans le cadre de réseaux professionnels relativement bien payés et socialement prestigieux. Une telle littérature montre bien le persistant malaise de la part d’un champ de recherche aujourd’hui consolidé et qui est toujours mal à l’aise avec la question de la reproduction des inégalités de caste. Que ces travaux soient souvent menés par des chercheurs venus des hautes castes ne me semble pas être un fait anecdotique, surtout quand il est question d’une enquête anthropologique sur la vie académique.

Les travaux de Christopher Fuller et Haripriya Narasimhan (2014) sur les brahmanes tamouls dans l’industrie des technologies de l’information (IT) à Chennai sont un bon exemple d’enquête qui vise à comprendre les rapports complexes entre classe et caste dans le domaine professionnel depuis une perspective à la fois historique et ethnographique, mais qui finit par tomber dans une piège évidemment insoutenable d’un point de vue théorique du moment où il est question des dynamiques de reproduction des inégalités de caste à l’intérieur d’un métier prestigieux. La position théorique défendue par les deux chercheurs montre bien les deux visages d’une certaine littérature qui explore ces dynamiques de caste et classe en même temps qu’elle en reste la prisonnière. C’est-à-dire que pour la présente thèse une telle enquête porte un intérêt à la fois théorique – car il s’agit, certes, d’une référence bibliographique pour mes propres réflexions – et ethnographique – puisque ces « théories » laissent voir les ambigüités propres aux positions sociales de caste et de classe des chercheurs en question dans l’écriture des sciences sociales sur l’Inde. Je m’attarderai ainsi dans les prochaines pages sur l’ouvrage de Fuller et Narasimhan afin de montrer comment ce double visage se laisse apercevoir. Pour ce

faire, je restituerai d’abord leur approche historique de la dominance brahmane dans un métier hautement qualifié (et par conséquent très lié à la formation universitaire dans ce domaine) pour ensuite avancer quelques considérations sur leurs positions théoriques sur les articulations entre caste et classe.

Comme Fuller et Narasimhan le rappellent pour le cas spécifique de cette caste, fortement associée aujourd’hui au développement de l’IT à Chennai, l’ascension sociale qui les a conduites de la condition de caste rurale vers celle d’une classe moyenne urbaine d’ingénieurs débute avec la fondation des premières institutions d’éducation supérieure en Inde, vers la moitié du XIXe

siècle40

, dans les villes de Madras, Calcutta et Bombay. En montrant que c’est l’accès à l’éducation supérieure allié à la maîtrise de l’anglais qui permettra un accès systématique, voire dominant, de cette caste non seulement à certains métiers de l’administration coloniale britannique, mais aussi aux institutions d’enseignement, ces auteurs dévoilent la présence sans conteste de cette caste dans les postes d’enseignant à Chennai.

Other colleges were established later, in provincial centres as well as Madras city; one that has been especially important to Tamil Brahmans is Kumbakonam Government Arts College, founded in 1867, which in the 1880s was said to have « long had the monopoly of all the best Native teaching in the (Madras) Presidency, » all its teachers and 90 percent of its students being Brahmans. (Ibid., p. 64)

Concernant le rapport entre caste, classe et éducation supérieure, ils continuent :

Incidentally, from the 1890s, the reports regularly noted – as one would expect – that the majority of students in law, medicine, and engineering were the sons of landholders or officials, and belonged to the « richer and middle » classes. In other words, continuities of class as well as caste were operating in the educated professions. In the Bombay Presidency, it is noteworthy that Brahmans were also greatly overrepresented among students in the professional colleges, though less extremely than in Madras; no breakdown by caste is available for Bengal. (Ibid., p. 68)

Fuller et Narasimhan argumentent que l’ascension économique de ce groupe fut notamment liée à ce qu’ils appellent une « flexibilité » (Ibid., p. 67) qui leur a permis d’adapter leurs compétences selon les transformations en cours et les opportunités qui se présentaient à eux. Cette souplesse est concrètement représentée par l’investissement, à partir du XIXe

siècle, dans l’éducation et leur formation à de nouveaux métiers, tels que l’ingénierie, le droit et la médecine, qui n’intégraient pas auparavant leur éventail d’occupations traditionnelles, et qui

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Ils font référence spécialement à la fondation de la Madras High School en 1841, qui deviendrait le Presidency College en 1853, et qui serait incorporée à l’University of Madras créée en 1857.

figuraient même parmi les métiers vus comme impurs et par conséquent proscrits. En somme, l’étude soutient que leur réussite en termes de position économique et de statut social s’explique par leur capacité à se reproduire en tant que classe sociale, une classe qui a su s’adapter aux transformations économiques propres à la modernité, et beaucoup moins à la persistance de privilèges de caste en soi. Cet argument est fondamental pour comprendre leurs conclusions concernant la dominance de cette caste dans le milieu de l’IT à présent. Selon eux, c’est précisément une telle plasticité face aux mutations sociales et économiques qui leur a permis de naviguer entre les métiers les plus attractifs à chaque moment historique, notamment du droit, profession de prestige à la moitié du XIXe

siècle, vers les sciences et surtout l’ingénierie, qui deviendront plus rentables et prestigieuses à partir du début du XXe

. Cette transition, qu’ils affirment être plus liée à la classe qu’à la caste, aide à comprendre leur présence massive dans l’industrie de l’IT contemporaine. Par ailleurs, à cela s’ajoute leur maîtrise de l’anglais, que Fuller et Narasimhan considèrent être au cœur de leur prédominance dans les métiers plus prestigieux et rentables, puisqu’il s’agit d’un type de capital social lié autant à la classe qu’à la caste. En traitant de la présence massive de cette caste dans l’industrie des technologies de Bangalore, qui en 2004-2005 représentait 48% des professionnels dans ce domaine41

, ils insistent sur le fait que :

The plain fact is that caste background is irrelevant for securing jobs in the major IT companies, where candidates are selected in their thousands through standardized procedures, although caste-based patronage networks do sometimes matter in family firms and smaller organisations, where personal contacts count for more. [...] Hence the first and foremost reason why so many Tamil Brahmans are recruited by Chennai’s top software companies – as well as major manufacturing companies – is that so many of them have « good English » [...]. (Fuller et Narasimhan, 2014, p. 121)

À leurs yeux, quoiqu’on pourrait y voir la survivance de privilèges de caste qui remontent à la période coloniale, cette continuité est à peine relative et latérale, moins importante qu’on ne pourrait supposer dans le contexte des grandes entreprises alors que cela « sometimes matter » dans les entreprises à petite échelle, où les connexions familiales peuvent jouer un rôle plus important. Ces castes n’ont jamais eu, à leur sens, le pouvoir de contrôler les marchés et les industries pour leur bénéfice propre, sinon de profiter des conditions historiques précises pour se reproduire en tant que groupe économique grâce à la maîtrise de certains capitaux symboliques comme la langue anglaise et la scolarisation. À cet égard, les auteurs

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adoptent une position inspirée des travaux de Pierre Bourdieu afin de construire une analyse qui prend en considération le rôle joué par les discours de traditions intellectuelles associées à cette caste et qui nourrissent les investissements familiaux réalisés dans leurs enfants en vue de la reproduction de cette même tradition. Ainsi, dans l’optique du sens commun partagé par ces groupes, une prétendue tradition d’excellence en mathématiques – souvent vue comme innée à cette caste – serait l’explication suffisante du fait de leur dominance historique en ingénierie, en même temps que, d’un point de vue sociologique, elle s’avère le facteur moteur des hautes attentes familiales et des conséquents investissements (tels que des cours privés dans cette discipline) qui assurent les dispositions à la fois émotionnelles et matérielles de cette réussite en forme de prophétie auto-réalisatrice, qui confirme sa propre véracité42.

Toujours en termes de classe sociale, la conversion des brâhmanes en classe urbaine en a constitué un autre élément dans la mesure où cette urbanisation accorde l’accès à un capital culturel et social caractéristique des métropoles, bien représenté dans la notion d’« exposure » – beaucoup de mes interlocuteurs disaient ainsi que leur séjour d’études à Delhi s’était révélé un véritable « eye-opener ».

Si on veut pousser l’argument de l’ouvrage plus loin, il serait possible de tracer des parallèles entre la constitution de réseaux académiques (gravitant autour de centres de recherche, colloques et lignages académiques) et l’accès aux « family firms and smaller organisations » où, selon Fuller et Narasimhan, les affinités de caste peuvent jouer un rôle plus important. Cependant, le risque implicite dans l’argument avancé par eux concernant les grandes entreprises réside dans son aspect potentiellement tautologique, à savoir : les brahmanes tamouls (en tant que caste) arrivent à assurer historiquement leur position sociale et économique (en tant que classe) non grâce à leurs privilèges de caste, mais plutôt par leur capacité de développer des stratégies afin de se reproduire en tant que classe. Dans cette

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C’est-à-dire, en termes bourdieusiens, qu’on constate l’existence d’un habitus qui se réalise à la fois comme structure structurante et structure structurée : « Structure structurante, qui organise les pratiques et la perception des pratiques, l’habitus est aussi structure structurée : le principe de division en classes logiques qui organise la perception du monde social est lui-même le produit de l’incorporation de la division en classes sociales » (Bourdieu, 1979, p. 191). Une autre lecture possible, depuis un point de vue bourdieusien, pourrait avoir recours à sa discussion sur les stratégies de reproduction des conditions de production des dispositions nécessaires à la domination de certains groupes. À cet égard, malgré les critiques tout à fait pertinentes à l’idée de domination, la notion de stratégie de sociodicée est fort pertinente pour la compréhension des dynamiques en place : « Les stratégies d’investissement symbolique sont toutes les actions visant à conserver et à augmenter le capital de reconnaissance (aux différents sens), en favorisant la reproduction des schèmes de perception et d’appréciation les plus favorables à ses propriétés et en produisant les actions susceptibles d’être appréciées favorablement selon ces catégories (par exemple montrer la force pour ne pas avoir à s’en servir). Les stratégies de sociodicée, qui en sont un cas particulier, visent à légitimer la domination et son fondement (c’est-à-dire l’espèce de capital sur laquelle elle repose) en les naturalisant » (Bourdieu, 1994, p. 6).

logique, le fait que la majorité de personnes embauchées dans ces postes de prestige et donc appartenant à une classe moyenne, dans le cadre d’une économie moderne organisée sous la logique des classes, soient d’une caste spécifique s’expliquerait non pas tellement par des privilèges historiques de caste qui s’actualisent, mais par le fait que ces privilèges leur auraient accordé dans le passé l’accès à un certain capital social et culturel qu’ils ont su reproduire tout au long du dernier siècle et demi au travers de stratégies de classe, alors que la caste serait devenue progressivement peu importante.

Évidemment, dans le cadre d’une pensée ponctuellement influencée par Bourdieu concernant la reproduction des classes, les deux auteurs accordent la place nécessaire à l’incarnation d’une vision du monde et d’un sens de maîtrise de codes tacites qui permettent à ces personnes d’incorporer les bonnes raisons d’agir, alors que ces mêmes codes demeurent inconnus pour ceux qui ont grandi au sein des classes populaires :

Exposure, which is usually mentioned in conversations about improving educational or career prospectus, mainly denotes the process of enhancing social skills and cultural knowledge through new opportunities, challenges, experiences, and sources of information, as well as the improved state that ensues. It follows that the people who have acquired exposure are far more likely to understand its importance that those who have not, so that they are better able to improve their position still further. (Fuller et Narasimhan, 2014, pp. 119-120)

L’argument général peut-être mieux compris en rapport à un passage qui tisse un parallèle direct entre le système économique et social indien et celui « occidental ».

The Tamil Brahmans’ disproportionately large share of professional and managerial employment is maintained, in other words, by a process of class reproduction within a modern society and economy that is, despite its extreme character, fundamentally the same as the process in class-stratified Britain or other Western capitalist countries. (Ibid., p. 121)

Quoique les rapprochements entre le fonctionnement des classes sociales en Angleterre et en Inde soient de plus en plus fréquents (Fernandes, 2006), les auteurs semblent oublier des marqueurs intersectionnels d’importance majeure pour les inégalités de classe en Europe, tels que la race et le genre. Peut-on vraiment dire que la reproduction des inégalités de classe en Angleterre est le résultat d’inégalités fondées par, et uniquement par, la classe elle-même et que

la race et le genre n’ont aucune place dans ces dynamiques d’intersectionnalité43

, soit de manière explicite ou implicite ? Il est vrai que le débat sur l’analogie race/caste est long et est loin d’être clos (Dumont, 1966 ; Oommen, 2002), mais je voudrais suggérer que de la même manière que les inégalités de classe fondées aussi sur la caste acquièrent des formes plus subtiles qu’auparavant, les discriminations raciales influençant les inégalités de classe ne se reproduisent plus à présent comme il y a quelques décennies. Les privilèges de caste peuvent toujours exister – à l’instar des privilèges de race – au niveau de représentations apparemment naïves et neutres, mais profondément naturalisées concernant, par exemple, ce qu’est un « bon ingénieur » ou, en l’occurrence, ce qu’est un « bon intellectuel » – c’est-à-dire, quel ensemble de caractéristiques constitue « le bon ensemble » ; et l’image du « bon intellectuel » est ainsi facilement construite à l’aide d’éléments culturels, épistémiques et politiques apparemment neutres mais liés à un groupe social (une caste) spécifique – et dans lequel les nouveaux-arrivants doivent s’inscrire, pas toujours volontiers, pour y accéder.

Fuller et Narasimhan reconnaissent, par exemple, l’aspect métonymique de la maîtrise de l’anglais, en affirmant que « One of the Brahmans’ decisive advantages lies in their ‘good English’, which serves as a metonym for all the forms of social and managerial upper-middle class of Chennai and other cities » (Fuller et Narasimhan, 2014, p. 121). Autrement dit, les représentations autour de l’appartenance à une classe moyenne moderne – comme celle dans laquelle s’inscrivent ingénieurs et chercheurs – comprend une série de traits nécessaires dont la maitrise de l’anglais est un élément prégnant. Cependant, les deux anthropologues déconsidèrent d’autres éléments fondamentaux à cette reconnaissance sociale qui appartiennent eux au domaine des distinction de caste. Encore de nos jours, appartenir à cette classe moyenne moderne signifie la maîtrise et l’incorporation de traits, goûts, dispositions intellectuelles et émotionnelles et moralités qui ne relèvent pas seulement de l’éducation ou de l’érudition (c’est-à-dire, de l’accès payant au milieu urbain, à des espaces culturels distingués ou à l’école privée, tout cela rendu possible grâce à l’appartenance à une classe économique donnée), mais aussi de langages, codes et dispositions mentales et morales dans lesquels

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Selon Collins et Bilge, « Intersectionality is a way of understanding and analyzing the complexity in the world, in people, and in human experiences. The events and conditions of social and political life and the self can seldom be understood as shaped by one factor. They are generally shaped by many factors in diverse and mutually influencing ways. When it comes to social inequality, people’s lives and the organization of power in a given society are better understood as being shaped not by a single axis of social division, be it race or gender or class, but by many axes that work together as and influence each other. Intersectionality as an analytic tool gives people better access to the complexity of the world and of themselves » (Collins et Bilge, 2016, p. 2)

certains sujets ne sont pas socialisés intimement (même quand ils ont l’accès à l’école privé, par exemple).

Ajoutons le fait que les représentations autour du « bon intellectuel » – ou, en l’occurrence, du « bon ingénieur » – demeurent associées à l’inscription dans certaines traditions – en l’occurrence, les bramâmes Tamouls et leur historique dans l’ingénierie expliquée par leur aptitude innée pour les mathématiques –, dont certains sujets ne font point partie. Il ne s’agit pas ici de souscrire à des théories déterministes ou aux perspectives de la domination, qui ont été amplement revisitées et contestées44

, mais de reconnaître que certaines structures d’inégalité existent toujours, y compris par le biais de la caste, même s’ils se traduisent par des mécanismes aussi complexes, inconscients et ambivalents que les représentations regardant la figure de « l’intellectuel ». Au-delà d’une position d’extériorité par rapport à ces représentations ou d’un non-partage de dispositions requises, il faut désormais mettre en lumière les résistances personnifiées par ceux qui ne désirent pas, parce que cela ne les intéresse pas, incorporer ces traits pour faire partie de ces représentations. Et ces refus de se soumettre de leur plein gré sont au cœur des transformations actuelles que je voudrais aborder plus loin dans ce chapitre.

Dans son analyse sociologique des entreprises indiennes de l’IT les plus importantes selon le National Stock Exchange, Roland Lardinois (2017) se montre également critique de la position prise par Fuller et Narasimhan, et met en relief l’ambiguité de leur approche. Il cite un extrait où les auteurs estiment que l’affirmation sur la sur-représentation de brahmanes dans l’IT, répétée à tout bout de champ, « is just a factoid » dans la mesure où aucune analyse quantitative ne la prouve ; en même temps, quelques phrases plus loin, ils disent que « [a]ctually, we too, are sure that Brahmans are overrepresented » quoiqu’ils ne puissent pas ratifier quantativement les évidences qualitatives et que ce dont il est question ici est moins la

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Je pense surtout aux travaux de Bernard Lahire sur sa « théorie de l’acteur pluriel » (1995) ainsi que ses recherches sur la « réussite scolaire » chez les élèves issus des classes populaires (1996). Son approche à la fois inspirée et critique de Bourdieu informe de manière significative les réflexions menées dans cette thèse. Sa critique de la notion d’habitus avancée par Bourdieu en tant qu’ensemble de dispositions mentales et corporelles précises à la fois produites et productrices d’un milieu social spécifique est bien connue. Lahire cherche à surmonter ce qu’il estime être un aspect excessivement « systématique » et « unificateur » de l’habitus bourdieusien (Lahire 1998, 26). Pour ce sociologue, la notion d’habitus telle qu’elle est avancée par Bourdieu accorderait peu de place aux goûts « dissonants », considérés comme contradictoires et normalement associés à des milieux étanchés et socialement écartés. Pour Bourdieu, ces « habitus clivés » représenteraient des goûts incompatibles : dans les trajectoires de mobilité sociale ascendante, les goûts et dispositions du nouveau milieu l’emporteraient sur ceux associés au milieu d’origine, qui ont, eux, vocation à être effacés et remplacés. Lahire, lui, soutient qu’il faut penser aux sujets

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