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Les émotions

Dans le document Anthropologie politique de la vie académique (Page 171-178)

4. UN TERRAIN INCARNÉ : CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES

4.2. Les émotions

4.2. Les émotions

Revenons à mes expériences au Laboratoire. Comme je le dis au début de ce chapitre, les premiers mois de mon terrain m’ont été émotionnellement et physiquement épuisants. Ma première réaction à ces ressentis était de la culpabilité. À cela s’ajoute ces silences et résistances, que souvent je considérais comme étant le résultat de mon manque de compétence pour le travail ethnographique. Ce sera plus tard seulement que je réaliserai qu’il s’agit précisément de cet état d’esprit – ou de corps – qui réveillerait en moi une sensibilité concernant les affects et le corps comme outil méthodologique et épistémologique. Car c’est précisément à cette période qu’émergeait en moi un intérêt nouveau pour la corporalité que j’allais nourrir tout au long de mon terrain : les vêtements, les gestes, la voix, le regard, l’accent, le mouvement de la tête. Mes notes de terrain portaient souvent sur ces ressentis, mais surtout leurs possibles – et alors inconnues pour moi – significations et usages, voire leur pertinence, dans le contexte de mon terrain : comment incorporer ces affects à une opération de connaissance anthropologique ? Heureusement, je n’étais pas le premier à me poser telles questions. Elles ressemblaient énormément à celles que Michael Jackson explore dans le contexte de sa propre enquête de terrain chez les Kurankos de la Sierra Leone dans les années 1970.

L’ethnographe conte comment son état de profonde et continuelle anxiété au regard de la santé de son épouse, Pauline, qui était enceinte à l’époque de son terrain, a donné lieu à des échanges tout à fait uniques – comme ceux que nous « n’arrivons pas à décrire » –, tels que des consultations avec le devin local, qui lui ont permis de construire un autre entendement sur la finalité de l’anthropologie en tant que système de connaissances. Plutôt que dans la formulation de grandes lois sur des phénomènes sociaux, écrit Jackson, l’intérêt de l’anthropologie réside « in its capacity to explore, in a variety of contexts, the ways in which people struggle, with whatever inner or worldly resources they possess, to manage the immediate imperatives of existence » (Jackson, 2010, p. 47). L’anthropologie se réalise comme exercice de compréhension du sens attribué et partagé aux expériences.

Plus précisément, c’est l’état d’anxiété de Jackson qui lui permettra d’établir une sorte de communication et d’échanges qui produiront d’autres sortes de liens, et, par conséquent, de compréhension avec ses interlocuteurs. « Understanding comes of separation and pain. To understand is to suffer the eclipse of everything you know, all that you have, and all that you are. », dit-il (Ibid., p. 43). Dans ses considérations sur les relations entre travail de terrain et subjectivité, Miriam Grossi a recours à des débats propres à la psychanalyse pour avancer que c’est « par l’angoisse qu’il est possible de “produire de la connaissance” » (Grossi, 1992, ma

traduction). Les réflexions de l’anthropologue partent de son questionnement du fait que très peu d’ethnographes se disposent à parler de la souffrance sur le terrain de manière à y explorer ses potentialités heuristiques. En citant les travaux de Loring Danforth sur la mort en Grèce rurale, Grossi nous rappelle que, ainsi que le soutient Michael Jackson, des émotions vécues sur le terrain peuvent en déclencher des interprétations nouvelles80 :

Over the course of my fieldwork these “exotic” rites became meaningful, even attractive alternatives to the experience of death as I had known it. As I sat by the body of a man who had died several hours earlier and listened to his wife, his sisters, and his daughters lament his death, I imagined these rites being performed and these laments being sung at the death of my relatives, at my own death. It was a comforting thought, it made sense. When the brother of the deceased entered the room, the women gathered there began to sing a lament about two brothers who were violently separated as they sat clinging to each other in the branches of a tree that was being swept away by a raging torrent. I thought of my own brother and cried. The distance between Self and Other had grown small indeed. (Danforth, 1982, p. 7)

Renato Rosaldo (1993) soutient lui aussi l’importance de ses propres expériences de deuil pour la compréhension, rétrospective dans son cas, de la relation entre la mort, le deuil et la rage chez les chasseurs de tête [headhunters] ilongots des Philippines. Entreprenant une quête sur la « cultural force of emotions », Renato Rosaldo mentionne la disparition de son frère en 1970 et de son épouse en 198181

comme des événements qui lui ont permis de revisiter critiquement ses notes de terrain sur les chasseurs de têtes et la rage dérivée de la mort de proches. Renato Rosaldo considère que pendant son premier terrain il n’était pas suffisamment sensible pour capter les récits sur ces dimensions de la vie. Ce seront ces expériences de perte de deux personnes proches à lui combinées avec ce qu’il avait appris chez les ilongots qui lui permettront de saisir la « force de la rage » dont les ilongots parlaient lors de leurs conversations sur la chasse de têtes : « Ilongot anger and my own overlap, rather like two circles, partially overlaid and partially separate » (ibid., p. 10). Rosaldo est soucieux de pointer que cela ne signifie pas d’attribuer à une autre culture des catégories et interprétations propres à la sienne, sinon de trouver « a balance between recognizing wide-ranging human differences and the modest truism that any two human groups must have certain things in common » (ibid.).

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Veena Das (2007, p. 50) fait référence au même livre de Danforth, dans le contexte de ses réflexions sur le corps et le langage.

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Il s’agit de l’anthropologue Michele Rosaldo, qui est décédée dans un accident pendant le terrain qu’elle menait conjointement avec Renato Rosaldo.

Autrement dit, certaines émotions fonctionnent parfois comme l’élément catalyseur nécessaire à la formulation d’une sorte de connaissance décentrée et sensible qui me semble nécessaire à l’anthropologie. Plutôt que de la simple observation, ou de la prétentieuse empathie, il est question ici de trouver des points de croisements entre les expériences du chercheur et de ses interlocuteurs et qui ouvrent des nouvelles voies de compréhension sur le monde sur lequel on enquête. Il ne s’agit pas de croire naïvement à une forme d’empathie qui soutient la fausse possibilité de vivre l’expérience d’autrui comme lui-même, sinon d’accepter que ces moments de croisée de significations accordées à certaines expériences (rites, interactions, institutions, etc.), en quoi consiste l’anthropologie en grande partie, a souvent lieu au travers des expériences phénoménologiques très peu élaborées elles-mêmes anthropologiquement.82

Chez les Kaxinawa de l’Amazonie brésilienne, Elsje Maria Lagrou comprend comment les émotions et la communication non-verbale tissent des liens fondamentaux au travail ethnographique :

Je me suis aperçu qu’il était important pour eux que j’admettais éprouver du manque

[estar com saudades]. Éprouver le manque de mes proches, spécialement de mes

parents, me transformait en une personne. Un Kaxinawa, Antônio, m’a dit que ceux qui n’ont pas la nostalgie des leurs, jusqu’au point de pleurer, ne sont pas des personnes. C’est comme yuxin, l’esprit qui vagabonde sans jamais rentrer nulle part. Ceux qui arrivent ici et disent vouloir rester pour toujours sont en train de mentir. Quand on passe trop longtemps loin des siens, on veut mourir. On en a besoin comme on a besoin de l’eau. Cette leçon m’a aidé à comprendre ce qu’est la parenté pour les Kaxinawa. (Lagrou, 2016, p. 48, ma traduction)

C’est l’expression du sentiment de manque, de mélancolie, qui permet l’approximation avec ses interlocuteurs, mais surtout un état de compréhension de leur système de parenté. Lagrou parle aussi du fait que son intégration avec les femmes de la communauté était médiée par la circulation des photos de ses parents et ses chansons d’enfance, qu’elle devait chanter en portugais. Plus important, le rapport corporel à ces gens était à la fois signe d’approximation et moyen de compréhension :

Il y a aussi énormément de poux. Chercher des poux dans la tête de quelqu’un est une activité plus intime que celle de percer les piqûres d’insectes et est un vrai soulagement.

J’étais très reconnaissante quand, soudain, une jeune fille a fait basculer ma tête avec force en arrière et a commencé à chercher et compter les poux, en les tuant avec ses doigts devant moi et disant “piwe !” (“mange !”). (Ibid.)

Roberto DaMatta, à son tour, récupère la notion d’anthropological blues forgée par Jean Carter Lave pour parler des « aspects interprétatifs du métier d’anthropologue », ces « aspects extraordinaires ou charismatiques » propres à tout rapport humain (DaMatta, 1978, pp. 3-4, ma traduction), y compris entre ethnographe et interlocuteurs. Dans ce texte, DaMatta problématise les tensions inhérentes à un processus propre à l’anthropologie contemporaine : le double mouvement de, à la fois, « rendre exotique ce qui nous est familier » et « rendre familier ce qui nous est exotique »83

. Si ces mots sonnent aujourd’hui comme un lieu commun de la discipline, le processus subjectif par lequel on réalise cette opération semble toujours peu discuté dans sa transmission quotidienne. Il semble, au contraire, que cette constatation des années 1970 est toujours d’actualité : on ne reconnaît toujours pas que « telle intrusion de la subjectivité et de la charge affective qui vient avec elle [la situation ethnographique], dans le contexte d’une routine intellectualisée de recherche anthropologique, est une donnée systématique de la situation » (DaMatta, 1978, p. 7.). À partir d’une situation ethnographique où un enfant Apinayé de l’Amazonie offre un collier à son fils sans rien demander en échange – étant, lui, habitué à échanger des colliers pour des perles –, DaMatta interprète sa prise de conscience concernant son rapport à ces indigènes par le biais des émotions bouleversantes qu’il a expérimentées face à ce geste de « générosité ». Si ces moments ethnographiques sont les plus difficiles à restituer textuellement, c’est précisément parce qu’ils sont les plus complexes et débordants de sens. Comme le dit DaMatta, il faut défendre une posture assumée du « côté humain et phénoménologique de la discipline » sans laquelle on finit par « ne pas assumer intégralement le métier d’ethnologue » (Ibid., p. 3).

Ces mêmes questions font long feu au sein des études anthropologiques sur les émotions. Dans son étude sur les pratiques d’incorporation des sentiments nationalistes dans les écoles du Maharastra indien, Véronique Bénéï prône une anthropologie phénoménologique intéressée à la « very political socialization of these bodies » qui non seulement permettent à ces citoyens de « “feel” the nation into their own bodies », mais aussi de « enacting and embodying “India” into existence » (Bénéï, 2008, p. 23-24). Que la socialisation passe par des pratiques

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Le sens du mot « exotique », extrêmement connoté par ses usages racistes, peut être compris à partir de son sens étymologique premier : « ex-optico ». En ce sens, l’exotique est tout ce qu’on ne connaît pas par le regard, ou moins littéralement par l’expérience, l’empirie ou le vécu.

corporelles, nous rappelle Bénéï, est aujourd’hui un truisme chez les anthropologues. De même, qu’une certaine anthropologie des émotions conteste depuis les années 1970, au moins, les divisions artificielles entre émotions et raison n’est en rien nouveau84

. Toutefois, argumente Bénéï, il semble que les études anthropologiques sur le corps et les émotions n’aient pas su dépasser une perspective limitée dans la manière d’appréhender ces dimensions de la vie.

D’une part, elle formule une critique de la naturalisation du regard comme sens privilégié de la modernité, y compris au sein de l’anthropologie moderne : en s’appuyant sur la notion forgée par Walter Benjamin de sensorium, l’anthropologue propose une compréhension qui prend en compte une appréhension du monde qui n’est pas seulement « visuelle » (c’est-à-dire, qui n’a pas trait seulement à ce qui est « observable »), mais aussi à ce qui est « tactile et viscéral ». En ce sens, nos expériences quotidiennes d’incorporation du moi et de production corporifiée des institutions, de la nation en l’occurrence, mobilisent forcément « an entire sensory apparatus » (Ibid., p. 26). D’autre part, Bénéï fait écho à la critique d’une anthropologie qui a certes fait avancer la compréhension sur les émotions et le corps, mais tout en reléguant ceux-ci « aux marges de l’analyse » puisqu’excessivement centrée sur la parole et les gestes. Selon elle, c’est une anthropologie phénoménologique, inspirée de Merleau-Ponty, qui est la plus apte à restituer les processus sensibles de production de corps qui sont à la fois individuels et collectifs, mais qui existent aussi au-delà d’une pragmatique de ses simples « usages » ou des « représentations » autour d’eux. L’anthropologie doit, dans cette perspective85

, être capable de saisir les mécanismes sensibles à partir desquels des émotions sont construites et construisent des sujets et des collectivités. Qui plus est, une telle anthropologie voit le corps non seulement comme une plateforme sur laquelle on peut lire des représentations qui y sont inscrites, ou dans leur capacité de maîtrise de techniques motrices86

, mais surtout comme une manière d’exister et d’être en relation avec le monde, d’expérimenter, s’identifier à et s’engager avec un environnement donné : il s’agit bien d’un corps phénoménologique.

La relation entre corps et émotions est complexe et se prête à des amalgames assez récurrents en sciences sociales. Ces deux dimensions anthropologiques ont souvent été l’objet d’analogies floues ou de rapports peu explicités, ce qui n’a pas empêché, paradoxalement,

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Voir Rosaldo (1984), Velho (1992, 2013), Mahmood (2005). Pour un texte précédent ce que deviendra le champ de l’anthropologie des émotions, voir Leenhardt (1971 [1947]).

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Notons que le langage auquel nous sommes accoutumés fait référence incessante aux métaphores visuelles. Pour une critique féministe de la notion de perspective dans la science, voir Haraway (1988).

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l’éventuel développement de deux champs d’études autonomes (celui de l’anthropologie du corps et celui de l’anthropologie des émotions)87

. En ce sens, il me semble que la discussion proposée par Véronique Bénéï à cet égard permet d’éviter autant ces confusions conceptuelles que lesdites divisions thématiques. Premièrement, parce qu’elle insiste sur le fait que penser anthropologiquement le corps s’avère une condition sine qua non pour dépasser une approche des émotions réduite aux productions verbales : les émotions sont ainsi transmises par une expérience corporelle et, à la fois, exprimées par une pratique corporelle. Pour le dire autrement, à partir de son étude de cas, elle montre comment « la nation est incorporée ». Ce premier constat est certainement le plus évident, puisqu’il rejoint le principe aujourd’hui amplement accepté disant que toute socialisation est médiée par des corps, ou que les processus sociaux sont toujours incorporés (Bénéï, 2008, p. 75). Deuxièmement, cette anthropologie phénoménologique permet de considérer le corps comme moyen par lequel la personne dans son ensemble est absorbée, engagée et s’identifie au monde. Corps et émotions ne sont donc ni des catégories équivalentes, ni des corrélats directs ; ils apparaissent plutôt comme deux dimensions intrinsèquement liées de l’expérience.

En ce sens, je suis d’accord avec Véronique Bénéï quand elle affirme que le texte de Michelle Rosaldo (1984) demeure, malgré son ancienneté, d’actualité et apporte une critique toujours nécessaire de la réflexion anthropologique sur les corps et les émotions. Plutôt que de réitérer à l’infini des truismes tels que « les émotions sont des constructions sociales », ou « différentes sociétés signifient et ressentent des émotions différemment », ou même « il y a une rationalité derrière les émotions », il me semble que nos pratiques de recherche, soit au niveau de l’analyse que nous construisons soit au niveau des relations que nous tissons sur le terrain, continuent à reproduire des divisions objectivistes entre raison et émotion que nous critiquons tant et depuis si longtemps. Si les émotions sont, comme le dit Rosaldo, « embodied thoughts », ou « thoughts somehow “felt” in flushes, pulses, “movements” of our livers, minds, hearts, stomachs, skin » (Ibid., p. 143), il nous reste à répondre à la question de pourquoi ces formes de la pensée ne sont-elles pas prises au sérieux par une discipline ancrée dans le travail empirique et dans la construction de relations interpersonnelles du type le plus contingent et charismatique. Si nous reconnaissons que c’est bien un ressenti, l’effet d’être affecté, qui nous

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Certaine anthropologie des émotions au Brésil, bien représentée par Gilberto Velho (1992, 2013), en est un exemple. Cette perspective, très centrée sur les valeurs, projets et représentations, accorde très peu de place au corps. Chez Velho, l’une des questions centrales devient « how individuals express their emotions and sentiments through verbal language » (1992, p. 10). À titre d’exemple, dans l’article en question, intitulé « Project, Emotion, and Orientation in Complex Societies », il n’y aucune référence au corps.

donne souvent à voir des choses que nous cherchons ou non sur le terrain, que nous réveille la conscience envers un code social, une relation ou une institution qui nous paraissait jusqu’alors obscure, en somme, qui nous connecte avec notre terrain et nos interlocuteurs, pourquoi négligeons-nous ces formes d’intelligibilité du monde ?

Paul Stoller figure parmi les premiers à proposer une « sensuous scholarship », qu’il définit comme « an attempt to reawaken profoundly the scholar’s body by demonstrating how the fusion of the intelligible and the sensible can be applied to scholarly practices and representations » (Stoller, 1997, p. xv). Ce questionnement est d’autant plus pertinent que l’univers de la recherche s’affirme en tant qu’espace où le « raisonnement » et la « rationalisation » sont au cœur de l’expérience – et la démonstration de leur maîtrise constitue un acte essentiel dans la production d’une place pour soi – en opposition à des sentiments et corps qui sont « rituellement effacés ». Cet effacement, cependant, doit être relativisé, car il est beaucoup plus normatif qu’effectif – ces corps dont on ne doit pas parler, qui n’ont pas droit de cité dans un processus de connaissance, alors qu’en vérité ils sont au centre d’un ensemble de pratiques et valeurs qui sont très efficaces justement parce que nous n’en parlons pas alors qu’ils se font valoir par le biais du genre, de la race et de la classe, entre autres marqueurs sociaux. L’efficacité du corps et des émotions comme moyens de production d’un champ, réside précisément dans le fait qu’on n’en parle jamais.

Certes, mon terrain n’inclut pas de désenvouteurs, devins, shamans ou des poux, et la manière dont les affects ont émergé en tant que matériaux d’objectivation de vécus n’a trait ni à des consultations de désorcèlement, ni rituels funéraires, ni à l’échange d’artefacts indigènes. Le surnaturel ne joue aucun rôle métaphysique ici, quoiqu’il y soit toujours question de décentrement d’une certaine notion mentaliste de rationalité et objectivation. Il s’agit plutôt de comprendre que ces silences et non-dits propres à l’ethnographie en général, et surtout dans une ethnographie de la vie académique, sont des silences éminemment réciproques, pour ne pas dire complices : d’un côté, des chercheurs enquêtés qui jouent un jeu de mise en silence face à un certain nombre d’enjeux à la fois institutionnels et subjectifs, concernant leurs stratégies et émotions, et de l’autre un chercheur en formation qui doit surmonter des expériences d’angoisse afin d’être capable de recueillir suffisamment de données ethnographiques88

. Sur mon terrain, ce croisement de facteurs a été à la fois métaphorique et

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« On retrouve cette idée d’une connaissance intransmissible par les mots [en parlant du “baptême” qui représente la pratique du terrain] dans l’armée, où tout jeune officier nouvellement diplômé aspire à son “baptême du feu”, et dans l’aviation où l’on parle également de “baptême de l’air”, ce point de non-retour qui marque la

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