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Portrait des usagers des urgences dans la littérature occidentale :

Matériels et méthodes

REPARTITION DES PATIENTS SELON LEUR PROXIMITÉ DE L'HÔPITAL

D. Étude des caractéristiques des consultants :

3) Portrait des usagers des urgences dans la littérature occidentale :

Plusieurs études ont dressé le statut des usagers des urgences pédiatriques dans les pays occidentaux, soit en s’en tenant aux statistiques ou bien en analysant les raisons motivant les consultants à choisir les services d’urgences publics au lieu d’autres formes de soins, notamment les consultations en médecine de ville.

La synthèse de ces études dépeint l’évolution du statut des usagers des urgences, à l’image de la société en général. En effet ces résultats montrent que les usagers sont majoritairement cultivés avec une proportion de diplômés de l’enseignement supérieur plus élevée, ils vivent à proximité de l’hôpital, dans la même ville, viennent en majorité par leurs propres moyens et sans avoir consulter auparavant57 58. Du point de vue socio-économique, deux grandes typologies ressortent, constituant la majorité selon les études et les auteurs :

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J. R. Mabiala-Babela et P. Senga, « Consultations de nuit aux urgences pédiatriques du CHU de Brazzaville, Congo »; P. Richier et al., « Étude épidémiologique des consultations précoces de nouveau-nés aux services d’accueil des urgences pédiatriques »; Antoine Leblanc, « Les angoisses des parents pour la santé de leur enfant ».

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I. Claudet et L. Joly-Pedespan, « Consultations de routine aux urgences : faut-il gérer ou lutter ? »

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- Les consultants avec une bonne couverture sociale et qui ont un médecin traitant et un niveau socioéconomique élevé, identique à la population du département ou plus élevé. Ceux-ci constituent plus de 60 % de la population étudié selon les résultats des études de E. Lesigne (en 2001)59, décrits par S. Gentile et al. (en 2004)60 et cités dans le travail de I. Claudet et L. Joly-Pedespan (en 2008)61.

- Et une autre majorité faite de consultants socioéconomiquement défavorisés avec une couverture sanitaire minimale, comme souligné dans l’étude de 1992 de C.Alfro et al.62 et qui a constitué 78% de la population étudiée. Ou encore L. Maugein et al. (en 2010)63 qui relie le niveau socio-économique bas à l’utilisation itérative des services d’urgences.

Ces études, et bien d’autres 64 65 66 67, permettent de dire que le déterminisme socio-économique semble jouer un rôle très secondaire au profit

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Emily Lesigne, « L’urgence et ses représentations : enquête auprès des usagers, place de la médecine générale et des services d’urgence ».

60

Stéphanie Gentile et al., « Attitudes et comportement des usagers face à une urgence réelle ou ressentie. »

61

I. Claudet et L. Joly-Pedespan, « Consultations de routine aux urgences : faut-il gérer ou lutter ? »

62

C. Alfaro et al., « Motifs et modalités de recours ambulatoire pédiatrique dans dix hôpitaux de la région Ile-de-France ».

63

L. Maugein et al., « Consultations itératives aux urgences pédiatriques ».

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Jeandidier et al., « Le faux débat des fausses urgences ».

65

M. Berthier et C. Martin-Robin, « Les consultations aux urgences pédiatriques étude des caractéristiques sociales, économiques et familiales de 746 enfants ».

66

A. Martinot et al., « Motifs de recours aux urgences pédiatriques ».

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des stratégies individuelles qui conduisent les familles aux Urgences68. Et témoignent de l’hétérogénéité de la population consultant aux urgences.

Cependant tous les auteurs s’accordent pour dire que dans l’esprit collectif des populations, la définition même de l’état d’urgence a évolué, pour englober tout état de santé ressenti comme « non normal ». D’autant plus que, l’impact qu’a cet événement, non programmé, sur le quotidien d’une journée dictée par le travail, revêt d’autres ampleurs, en vue de ce que cela implique en termes de réorganisation ; créant le besoin de trouver une solution rapide, sans attente, efficace et qui s’intègre dans le train-train quotidien.

Rajouté à cela, un seuil de tolérance à la souffrance qui est devenu bien moindre, et cela est d’autant plus vrai que si c’est l’enfant qui fait l’objet de cette souffrance69 ; l’instinct des parents couplé à un manque d’expérience ou plutôt la perte d’expérience générationnelle cumulée, va vers la peur de banaliser la situation :

« Les « sages », c’est-à-dire les grands parents, les membres de la famille ne sont plus disponibles pour rassurer, agir avec bon sens et discernement, et

pour freiner les comportements précipités »70

N’empêche que quand le sentiment d’inquiétude est exprimé par les parents, on y trouve corrélation avec un besoin réel de soins urgents. Et

68

Aurélia-Virginie-Cécile VEYRE, « Les motifs de recours aux urgences pédiatriques : étude prospective menée pendant l’hiver 2006 au CHU du Kremlin Bicêtre. »

69

Antoine Leblanc, « Les angoisses des parents pour la santé de leur enfant ».

70

B. Belhadi Daouzli, « Les urgences pédiatriques en urgence ou dans l’urgence ? »; J. Stagnara et al., « Urgences pédiatriques et consultations non programmées — enquête auprès de l’ensemble du système de soins de l’agglomération lyonnaise ».

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inversement : quand la visite aux urgences a un motif autre que l’inquiétude des parents pour l’état de leur enfant, cette corrélation ne trouve plus de sens. 71

Toutes ces considérations renforcent le besoin de trouver la forme de soin la plus adaptée, à son quotidien et à sa représentation temporelle et actuelle de la gestion de la maladie. Par conséquent, les services d’accueil des urgences offrent le cadre idéal, avec une offre de soin riche et sans contraintes de temps ou de rendez-vous.

« Si la population n’a plus le choix de se soigner sans la médecine, les services d’urgence lui permettent d’organiser sa médecine en fonction de ses propres valeurs et représentations. Cette attractivité se traduit par un

consumérisme inflationniste. »72

Cette instrumentalisation de l’hôpital a teinté sur sa fonction sociale d’accueil des indigents, où la valeur du patient est devenue intriquée à sa valeur marchande, son impact sur le budget du service, les recettes de l’hôpital73 et sa capacité à assumer les frais d’hospitalisation. Ainsi que l’intérêt intellectuel de sa pathologie pour le personnel médical.74

Bien évidement ces considérations ne diminuent en rien la qualité des soins ou le dévouement qu’ont les équipes soignantes, et le système de santé en général, envers l’accomplissement de leurs tâches. Comme en témoignent les chiffres et rapports des instances sanitaires qui montrent que la population n’a

71

Aurélia-Virginie-Cécile VEYRE, « Les motifs de recours aux urgences pédiatriques : étude prospective menée pendant l’hiver 2006 au CHU du Kremlin Bicêtre. », p85.

72

I. Claudet et L. Joly-Pedespan, « Consultations de routine aux urgences : faut-il gérer ou lutter ? »

73

P. Richier et al., « Étude épidémiologique des consultations précoces de nouveau-nés aux services d’accueil des urgences pédiatriques ».

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jamais été en aussi bonne santé ; et les nombreuses études dont le but est le perfectionnement des structures d’accueil des urgences, à la recherche de la satisfaction de ses usagers.75767778

Qu’en est-il du portrait à dresser des usagers de notre côté du globe ?

Une recherche interdisciplinaire a été menée par le centre international de l’enfance (CIE) 79 entre 1991 et 1994, et publiée lors de sa dernière année d’activité : 1999 ; conduite en collaboration avec des pédiatres de plusieurs pays en voie de développement (PED), du Maghreb et d'Afrique sub­saharienne francophone ; et en réaction à leurs plaintes concernant l’afflux de malades bénins aux urgences pédiatriques des centres hospitaliers universitaires. Contrecarrant par cela leur mission de centres hospitaliers de référence.

Ce phénomène est décrit dans plusieurs études depuis les années 80.

L’enquête du CIE a souligné la responsabilité de l’attitude des usagers des urgences dans le mauvais fonctionnement du système de santé. Mais l’approche anthropologique de l’étude a été très intéressante, pour comprendre comment les comportements jugés inappropriés des usagers, trouvaient leurs racines dans des contraintes socioéconomiques locales d'une part, et dans de profonds dysfonctionnements des services de santé d'autre part.

75

S. Perret et al., « Familles fréquentant un service d’accueil des urgences pédiatriques : expérience, satisfaction et besoins ».

76

Antoine Leblanc, « Les angoisses des parents pour la santé de leur enfant ».

77

Didier Armengaud, « Le quiproquo des urgences pédiatriques ».

78

S. Manzano et al., « Analyse d’un système de triage ».

79

Anne Tursz, « Utilisation et perception des systèmes de santé par les enfants et leur famille ».

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