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Matériels et méthodes

REPARTITION DES PATIENTS SELON LEUR PROXIMITÉ DE L'HÔPITAL

D. Étude des caractéristiques des consultants :

3) Habitudes des consultants aux urgences :

Concernant la définition du recours itératif aux services d’urgences, il n’y a pas de consensus dans la littérature :

 M.J. Tobie-Gueguen a adopté comme définition une fréquence de 3 consultations et plus, sur un délai de 12 mois.

 Alors que C. Roustit et C. Vitoux-Brot, avec la même fréquence de consultations, ont arrêté le délai à 6 mois.

 Et en fin, L. Maugein et al. ont préféré compter comme fréquence 5 consultations et plus sur une durée de 12 mois.

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Cependant dans notre étude nous n’avons pas instauré une limite de temps (car la période de l’étude, à savoir un mois, est trop courte pour étudier un paramètre tel que le recours itératif), et nous avons différencié entre « les

habitués des urgences », les « consultants itératifs » et « les non habitués des urgences ».

Les habitués des urgences sont une minorité dans notre étude, seul 11 sur les 1 000 consultants ont été détectés n’utilisant que les services d’urgences pour gérer la santé de leurs enfants, en y consultant plus de 10 fois.

Néanmoins, 242 (moins du quart) des usagers ont consulté plus de 2 fois aux UMP, et on y compte une grande partie des enfants suivis par les services hospitaliers de l’hôpital.

Comme retrouvé dans la littérature : la maladie chronique représente un motif de récurrence de la consultation aux urgences.929394

Toutefois la majorité des consultants (75%) ne sont pas des habitués des urgences : 36% de nos consultants n’ont jamais utilisé les urgences, et 39% n’y ont consulté qu’une seule fois.

92

C. Roustit et C. Vitoux-Brot, « Profil des utilisateurs itératifs des urgences pédiatriques ».

93

Tobie-Gueguen, « Recours aux urgences pédiatriques du CHRU de Brest ».

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F. Référence, auto- référence et motifs de recours :

Seul 16% de nos patients étaient référés par un autre médecin, et les 84% restants s’étaient auto-référés aux urgences, ce taux est resté stable par rapport à l’étude de 1991 menée au sein de notre service.95

Cela ne veut pas pour autant dire que le deuxième groupe qui s’est auto-référé n’a pas consulté au préalable avant de se présenter aux urgences.

La proportion des consultants qui sont venus directement de leur domicile n’est que de 39%, pour les 61% restants, ils ont consulté soit au privé ou au public, auprès d’une structure de soin, un médecin ou un professionnel paramédical.

L'accusation de « court-circuitage » pour accéder directement à l'hôpital ne paraît donc pas ici pertinente.

Surtout si l’on considère plus généralement le taux d’utilisation des services de soins primaires pour la ville de Rabat seule, avec ses 25 centres de santé, qui accueillent pour chacun, en moyenne 2200 consultations curatives mensuellement (total de 656 975 consultations pour l’année 2015)96, ce qui équivaut à un nombre moyen de 1.1 consultations médicales curatives par habitant ; dont une bonne partie sont pédiatriques, en dehors des consultations vaccinales ou de suivi du développement infantile normal.

95

N. DARKAOUI et al., « L’utilisation d’un service hospitalier d’urgences pour les soins de première ligne (étude à l’Hôpital d’Enfants de Rabat, Maroc). »

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Pour expliquer ces données nous allons nous aider de l’étude marocaine de N. BAKRY et al. publiée en 1999 et qui avait pour objectif d'analyser les facteurs influençant l'observance des patients à la décision du médecin de les référer.97

Plusieurs disfonctionnements ont été relevés, dont : la mauvaise organisation hospitalière et la complexité des circuits, responsables des délais souvent très longs avant un rendez-vous de consultation hospitalière spécialisée, pour un patient référé depuis un centre de santé (la longueur du délai entraînant une baisse significative de l'observance) ; la pénurie en moyens matériels et humains, également soulignée par les médecins. Le volet sociologique de l’étude a aussi décrit une pauvreté de la communication et une mauvaise qualité de l'accueil, qui influencent l'observance après la référence.

Dans cette étude, ce sont surtout les centres de santé qui sont mis en cause, le passage obligatoire par ces centres pour obtenir un document donnant accès à l'hôpital est source d'une grande frustration chez les usagers.

Cette frustration mène les consultants à prendre la décision de s’adresser aux urgences du grand hôpital le plus proche, devant une urgence ressentie, sans s’encombrer des délais imposés.

97

N. BAKRY et al., « Pourquoi les patients n’adhèrent-ils pas à la décision de référence faite par le médecin généraliste ? »

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Les rapports de l’ONDH publiés en 201298 et 201799 rapportent les mêmes constats :

Le RAMED a été instauré pour renforcer la politique de régionalisation et inciter à « La responsabilisation des patients, en les obligeant à respecter une

filière de soins ».100 Mais sans mise à niveau du système de santé, le patient se

retrouve à vite remonter cette pyramide pour atteindre son sommet, par le chemin le plus court (les services d’accueil aux urgences) et éviter par cela un circuit de santé trop complexe, dans lequel le consultant reste obligé de passer par le centre de santé, et supporter à ses frais les coûts indirects liés au déplacement et à l’attente à chaque étape du circuit ; un circuit limité en ressources sanitaire et de configuration administrative, avec des horaires de travail administratifs [qui finissent pour la plupart vers 14H au lieu de 16H].

Participant ainsi à rallonger le délai d’attente et à accentuer le stress du patient et de son entourage, qui couplé à la douleur, font craindre l’aggravation de la maladie.

En plus, c’est un circuit administratif où ce consultant n’a eu que peu d’interactions avec le médecin, alors qu’il est venu voir un médecin, avec des questions à propos de l’état de santé de son enfant, pour le rassurer et lui permettre de comprendre sa maladie101.

98

Observatoire National du Développement Humain, « Etudes sur les disparités dans l’accès aux services de base au Maroc, éducation et soins de santé ».

99

Observatoire National du Développement Humain (ONDH), « Rapport d’évaluation du RAMed, par l’ONDH. »

100

Observatoire National du Développement Humain (ONDH).

101

Observatoire National du Développement Humain (ONDH), « Etudes sur les disparités dans l’accès aux soins de santé au Maroc ».

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« Le médecin généraliste prescrit des analyses ou des examens lors de la

première consultation et, éventuellement, demande la consultation d’un spécialiste. Le patient doit donc prendre plusieurs rendez‐vous successifs qui s’échelonnent dans le temps, aboutissant à un cumul de délais. Son parcours de soins peut alors s’étaler sur une période allant de 3 à 9 mois, voire plus. »102

Cette situation n’est par inhérente aux seuls ramédistes, elle concerne toute personne ayant choisi de se soigner au public.

En cherchant la comparaison avec les résultats de notre étude, on retrouve ici tous les motifs invoqués par les usagers motivant leur choix de consulter aux urgences.

Et si l’on prend en considération la référence verbale (officieuse) de la part du médecin traitant, non prise en considération dans notre étude, car non documentée, et pourtant mentionnée par les consultants : « mon médecin m’a conseillé d’aller consulter aux urgences si ça ne s’arrangeait pas » ou « j’ai été aux urgences de l’hôpital régional mais ils m’ont dit qu’ils ne prenaient pas en charge les cas de pédiatrie », le taux de référence serait de 40%.

Tous ces paramètres et obstacles font que la population n’a pas confiance en le système de santé. Les parents n’ont pas recours au système de santé pour un suivi régulier, ce qui est primordial pour le développement de l’enfant et pour sa famille, afin de les accompagner, les guider et avoir un point de repère en cas de souci ou de maladie.

102

« Observatoire National du Développement Humain (ONDH), Régime d’Assistance

Médicale aux économiquement démunis (RAMed), Rabat, 2017. Format

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« Aussi, lorsqu’un patient surmonte l’ensemble des obstacles physiques,

culturels et financiers et décide de chercher des soins modernes, la garantie de trouver un médecin généraliste public disponible n’est pas toujours assurée. De plus, une fois cet obstacle dépassé, la qualité relationnelle et de la prestation médicale ne permet pas toujours de développer la relation de confiance nécessaire à des soins centrés sur le patient. […] Donc la population n’a recours au système que de manière ponctuée en cas de maladie. […] Néanmoins, et malgré ces difficultés, le centre de santé était cité comme la structure préférée pour la consultation médicale. La majorité des participants utilisait les structures de soins disponibles mais la qualité des soins était souvent jugée non satisfaisante. »

_enquête menée dans différentes villes du Maroc dont Salé_103

L’hôpital n’a pas besoin d’être un CHU pour être attractif à la population, seule son offre de soin et son niveau de référence comptent, comme le soutient les résultats de l’étude marocaine à propos de 10 hôpitaux du sud104, qui n’étaient pas des CHU, dont on ne retrouve qu’un taux de 15% de recrutement par référence médicale.

103

Observatoire National du Développement Humain (ONDH), « Etudes sur les disparités dans l’accès aux soins de santé au Maroc ».

104

A. EJLAIDI et M. BOUSKRAOUI, « Enquête multicentrique sur les urgences pédiatriques ».

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En Algérie, l’étude de A. Tursz et al. 105 avait rapporté un taux de 86% d’auto-référence, tandis que l’enquête national de 2006106 avait montré que seulement 7.4% des malades étaient référés. D’autres études107 ont fait mention de disfonctionnements du système de santé similaires aux nôtres.

Dans l’étude Tunisienne de 2002 réalisée au niveau de l’hôpital régional Kébili108, 82.5% des malades étaient auto-référés.

Tandis qu’on retrouve aussi un mode de recrutement direct dans 92.9% des cas selon l’étude publiée en 2007 menée au sein de l’hôpital d’enfant de Tunis109

Dans d’autres études d’Afrique sub-saharienne, on retrouve des taux de référence un peu plus élevés. Comme dans l’étude congolaise menée en 2006 aux urgences du CHU de Brazzaville110, qui s’est intéressée à la comparaison des patients qui venaient la nuit par rapport à ceux qui venaient le jour. Le taux de référence à partir d’une formation sanitaire était, dans le groupe de nuit de 27.3%, et dans le groupe de jour de 22.8%.

De même pour les résultats de l’étude menée en 2015 aux urgences du centre hospitalier de Pikine, en plein milieu de la banlieue dakaroise, au Sénégal, où l’on retrouve majoritairement un mode de recrutement direct :

105

A. Tursz et al., « Étude épidémiologique du recours aux soins curatifs des enfants de moins de 5 ans en Algérie ».

106

Institut National de Santé Publique, « ENQUETE NATIONALE SUR LES URGENCES MEDICO-CHIRURGICALES PRINCIPAUX RESULTATS ET

RECOMMANDATIONS ».

107

M. Mebtoul et al., « Familles et enfants face à l’activité de soins en Algérie ».

108

A. Chetoui et J.P. Papart, « Profil épidémiologique et étude de la satisfaction des usagers/patients Service régional des urgences de Kébili – Tunisie ».

109

Nadia Matoussi et al., « Epidemiologic profile and management pediatric medical emergencie’s consultants of Tunisian child’s hospital ».

110

J. R. Mabiala-Babela et P. Senga, « Consultations de nuit aux urgences pédiatriques du CHU de Brazzaville, Congo ».

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« 71.3% des patients proviennent directement de la maison »111 et un taux de référence de 28.7%

L’auteur dans cette étude a souligné « le non-respect de la pyramide sanitaire par la population », et l’influence de l’accessibilité à l’hôpital de par sa localisation au cœur de la zone urbaine habitée, et de par la facilité d’y accéder par transport commun ou personnel.

Ces résultats s’accordent avec d’autres études menées dans les centres hospitaliers de différents pays d’Afrique avec la même description. Tandis qu’ils diffèrent pour des centres moins accessibles, comme souligné dans plusieurs études, dont celle du CIE112.

En effet la grande majorité des patients dans notre étude provenaient de la zone d’attractivité de l’hôpital, dans un périmètre de 30 km (86.8%) dont près du tiers (29.4%) n’habitent qu’à moins de 10km, périmètre qui représente la ville de Rabat avec la périphérie des villes qui lui sont adjacentes.

Les 13.2% restants habitent à plus de 30 km, dont 8.6% entre 30 et 100 km et 4.6% à plus de >100 km, représentaient les patients référés par d’autres structures éloignées.

Le mode de transport privilégié est le transport commun ou personnel. En ce qui concerne les modalités de transport, le service avait étudié la proportion d’utilisation du transport médicalisé par les usagers des urgences

111

Fatou Ly, « Profil épidémiologique des consultants admis aux urgences médicales pédiatriques du Centre Hospitalier National de Pikine ».

112

Anne Tursz, « Utilisation et perception des systèmes de santé par les enfants et leur famille ».

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référés, sur une période de 6 mois113 . L’étude a trouvé que les transférés l’étaient par le biais d’une ambulance dans 38.9 %, ils étaient accompagnés par un professionnel de la santé dans 7.6 % des cas et ils étaient mis en condition dans 12.1 % des cas.

La majorité des cas transférés (87 %) étaient admis au service des urgences pédiatriques pendant les jours ouvrables de la semaine, bien qu’ils ne l’aient été qu’au-delà de 15 h dans 64.1 % des cas.

Aussi leur transfert était non régulé dans 95.7 % des cas.