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La portée juridique du PCET à l’encontre du PLU

UNE CONCEPTION DIFFICILE

Section 1 : Normes et principes directement opposables au PLU

B. La portée juridique du PCET à l’encontre du PLU

Bien que la valeur réglementaire ou non de certaines dispositions puisse prêter à discussion, le PCET présente un certain degré de normativité puisqu'il est opposable au PLU, par le biais d’une prise en compte proche de la compatibilité.

En effet, le nouvel article L. 131-5 impose au PLU de tenir compte du PCET et la question qui se pose principalement à ce niveau est de savoir si les dispositions du PCET peuvent être de nature à engendrer des obligations normatives à l’égard du PLU ? Certes, cette notion suppose un lien moins contraignant que la notion de compatibilité mais se rapprochant de celle-ci. Elle implique donc que le PLU une obligation de ne rien prévoir dans le règlement qui peut contrarier ou rendre difficile la réalisation des objectifs du PCET : atténuation des effets du réchauffement climatique et l’adaptation à ce dernier. Plus encore, le PLU doit prévoir des dispositions permettant la lutte contre ce phénomène.

313

Article 75 2° et 3° de la loi Grenelle 2 (Grenelle 2, 2010). 314

R. ALLEMAND, op. cit. 315

Deux mois à compter de la publication. Ce délai est prorogé de deux mois s'il est précédé d'un recours gracieux auprès de l'autorité administrative compétente.

316

86 Philippe Baffert et Olivier Bonneau considèrent que les possibilités de dérogation apparaissent bien limitées, dans la mesure où le PCET est tenu d'être précis sur les objectifs stratégiques et opérationnels, qu'il doit être compatible avec le SRCAE et qu'il doit mettre en œuvre un programme d'action visant à réaliser les engagements de l'État en matière de réduction des GES, objectif qualifié par la loi de priorité nationale (C. env., art. L. 229-1). Dans ce contexte, ils estiment difficile « d'imaginer des dérogations qui pourraient trouver

des justifications suffisantes aux yeux du juge administratif » et concluent que la notion de «

prise en compte » ne doit pas être « systématiquement regardée comme une contrainte de

légalité interne plus légère que l'obligation de compatibilité »317.

De son côté, le « porter à connaissance » transmis par le préfet de département aux communes et leur groupement doit désormais comporter l'ensemble des documents portant sur l'énergie et le climat, dont le PCET qui concernent le territoire en question318.

Enfin, les collectivités concernées, tenues de réviser leurs PCET tous les cinq ans, doivent concilier cette échéance avec le rythme pluriannuel des différents exercices de planification urbaine (PLU, SCOT, etc.). L’intégration des contraintes climat énergie dans leurs politiques d’aménagement et d’urbanisme prendra donc encore des années, selon le rythme de révision de ces documents.

4. Les schémas départementaux d'accès à la ressource forestière

Affirmée à l’article L. 212-1 du code forestier, la politique forestière relève de la compétence de l’État, lui-même propriétaire de forêts. Si les évolutions engagées depuis le début des années 1980 marquent une ouverture, d’une part, vers la dimension européenne et, d’autre part, vers l’échelon régional déconcentré de l’État, il reste que la gestion forestière procède

d’une politique nationale peu décentralisée319

.

À l’inverse, les actes relatifs au droit de l’urbanisme sont majoritairement pris dans le cadre décentralisé créé en 1983 qui a transféré aux collectivités territoriales nombre de compétences, notamment en matière de planification de l’espace et de vocation des sols.

Ainsi, s’agissant de desserte des forêts, l’article L. 153-8320 du code forestier prévoit que les

départements élaborent annuellement un schéma d’accès à la ressource forestière (SDARF), en concertation avec les communes et les EPCI concernés. Ce schéma prévoit des itinéraires empruntant des routes départementales, communales et intercommunales et permettant d'assurer le transport de grumes depuis les chemins forestiers jusqu'aux différents points de livraison. Ces itinéraires sont définis par le programme régional de la forêt et du bois321 en s’appuyant sur les référentiels géographiques et forestiers de l’Institut national de l’information géographique et forestière.

En Corse, le SDARF est élaboré par la collectivité territoriale de Corse en concertation avec les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale

317 Ph. BAFFERT, O. BONNEAU, « La « prise en compte » par les SCOT et les PLU des documents de programmation indépendants du droit de l'urbanisme : de la nécessité de bien s'entendre sur les mots », BJDU, 2012, n° 4, p. 260-264. 318

R. ALLEMAND, op. cit. 319

L. LEFEBVRE, P. ISELIN et D. STEVENS, Cohérence de la mise en œuvre des réglementations applicables à l'espace

forestier, Rapport CGEDD n° 010292-01, CGAAER n° 15083, Février 2016, p. 15.

320

Introduit par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. 321

Le programme régional de la forêt et du bois adapte à chaque région les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois.

87 concernés, dans le respect du plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Il inclut les routes territoriales.

Si les orientations nationales en matière d’urbanisme se révèlent plus ou moins cohérentes avec la politique forestière, c’est essentiellement au niveau de leur articulation au niveau local que peuvent apparaître des difficultés de cohérence. Ainsi, afin de faciliter l’identification de continuité des parcours d’un département à l’autre, le tracé des itinéraires retenu par le SDARF doit être pris en compte par les PLU. Mais avant d’examiner l’articulation entre ce document d’urbanisme et le SDARF et les effets juridiques qui peuvent en découler, il convient de s’interroger d’abord sur la qualification juridique du SDARF.

Quoi qu'il en soit, le SDARF constituera un acte administratif susceptible de recours en annulation pour excès de pouvoir même s’il n’est pas destiné à produire des effets directs sur les autorisations d’occupation des sols. En effet, l'on ne peut qu’exclure leur opposabilité aux tiers.

Pour autant, le SDARF est un acte administratif dont la nature normative n'est pas évidente, mais qui prête à discussion : la cartographie de la desserte forestière peut apparaître suffisamment précise pour être contraignante.

Par ailleurs, bien que la valeur réglementaire ou non de certaines dispositions puisse prêter à discussion, le SDARF présente une certaine normativité puisqu'il est opposable au PLU, par le biais de la « prise en compte ». Ce rapport normatif interdit au PLU d’ignorer les orientations et les objectifs fixés par le SDARF. Ainsi, qu’il soit de nature réglementaire ou non, ce schéma se caractérise par un certain degré de normativité qui découle des articles L. 131-2 et L. 131-5 qui imposent respectivement aux SCOT et PLU de prendre en compte le SDARF. Certes, il s’agit, comme on l’a déjà vu, d’une simple obligation de ne pas ignorer les orientations de ce schéma, mais il n’en demeure pas moins que ce rapport très vague de prise en compte puisse donner lieu à un rapport beaucoup plus strict lorsque le SDARF comporte des dispositions plus précise tel un tracé d’itinéraires existants auquel le PLU ne peut plus y déroger. En outre, ce schéma qui traduit au niveau départemental les itinéraires prévus par le programme régional de la forêt et du bois, peut instaurer des servitudes spécifique à l’enlèvement des bois322

. Ces servitudes instaurées au profit de la desserte des forêts, sont annexées au PLU.

Dans tous les cas, le SDARF est opposable au PLU et son inscription à l’article L. 131-5, en tant que documents devant être pris en compte par le PLU, remonte à la récente loi du 28

décembre 2016323. Toutefois, la place de ce schéma dans la hiérarchie des normes opposables

au PLU doit être nuancée dans la mesure où d’une lecture combinée des articles L. 131-5, L. 131-2 et L. 131-7, il ressort que le SDARF est à la fois directement opposable au PLU et indirectement opposable à ce même document en l’absence de SCOT.

Concernant l’opposabilité directe du SDARF au PLU est prévue explicitement par l’article L. 131-5 : « Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu prennent en compte le

plan climat-air-énergie territorial prévu à l'article L. 229-26 du code de l'environnement et

322

La mise en place de ces servitudes est possible sur dépôt de dossier par tout propriétaire, commune, syndicat ou association des propriétaires forestiers. La demande d’instauration de servitude peut être déposée à la DDTM qui est chargé de l’instruction et de la prise d’un arrêté de servitude.

323

Loi n° 2016-1888 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, JORF n° 0302 du 29 décembre 2016 - art. 72.

88

les schémas départementaux d'accès à la ressource forestière. » Les effets du SDARF

découlant de cet article, sont sans nul doute directs à l’égard des PLU.

L’article L. 131-2, 6° (modifié par Loi n°2016-1888 du 28 décembre 2016) relatif aux obligations de prise en compte incombant aux SCOT, a ajouté les SDARF à la liste des documents directement opposables au SCOT.

En revanche, l’article L. 131-7 (créé par l’ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015), prévoit qu’en l’absence de SCOT, les PLU, les documents en tenant lieu et les cartes communales prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2 parmi lesquels figurent les SDARF.

Cette double opposabilité directe (L. 131-5) et indirect (L. 131-2 et L. 131-7) du SDARF à l’égard du PLU qui relève bien évidemment d’une simple erreur de la part du législateur, montre la difficulté d’organiser la hiérarchie des normes qui surplombe le PLU et son caractère surchargé et compliqué.

Ainsi, ni cette place confuse des SDARF dans la hiérarchie des normes d’urbanisme, ni son caractère récent ne nous permettent de déterminer quels seront leurs effets sur le PLU.

5. Obligation de compatibilité spécifique aux PLU tenant lieu de plan de déplacements urbains

En plus des obligations de compatibilité et de prise en compte communes aux PLU, l’article L. 131-8, créé par l’ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015, prévoit, pour les PLU

tenant lieu de PDU324, un lien de compatibilité avec le schéma régional du climat, de l'air et

de l'énergie (A) prévu à l'article L. 222-1 du code de l'environnement et avec les objectifs fixés par le plan de protection de l'atmosphère (B) prévu à l'article L. 222-4 du même code, lorsqu'un ce plan couvre tout ou partie du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale.

Le lien de compatibilité concerne uniquement les dispositions relatives aux transports et aux déplacements des orientations d'aménagement et de programmation et du programme d'orientations et d'actions de ces PLU.

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