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Les problèmes de déficit de normativité et d’imprécision

UNE CONCEPTION DIFFICILE

L ' INSCRIPTION DU PLU DANS LA HIERARCHIE DES NORMES

A. Les problèmes de déficit de normativité et d’imprécision

Dans sa décision du 21 avril 2005, le Conseil constitutionnel confirme, pour la première fois, la nécessité pour la loi de prescrire, en autorisant ou en interdisant, et de sanctionner. Déclarer des intentions ou des orientations, n'est pas légiférer. Les lois doivent bien, selon la célèbre formule de Portalis, poser des commandements. Sur ce point, la décision censure ce que, jusqu'à présent, elle se contentait de relever au détour d'un considérant, sans prononcer

d'annulation633. Retenons de la décision que désormais des « dispositions manifestement

dépourvues de toute portée normative » comme celle qui définit les objectifs de l'école au II

de l'article 7 sont contraires à la Constitution au motif, tiré de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que la loi a pour « vocation d'énoncer des règles ». Déjà, le Conseil avait annulé des dispositions redondantes dans une loi organique, au nom du même

considérant de principe, mais en retenant cet argument parmi d'autres634. Dans la décision du

21 avril, il va plus loin et annule un dispositif au seul motif de son absence d'impérativité. Il sanctionne la tendance contemporaine de la loi à procéder par affirmations, dénuées de portée

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Voir, par exemple la décision relative à la pérennisation des arrêtés Miot : n° 94-350 DC, 20 décembre 1994, Loi relative au statut fiscal de la Corse, cons. 4 et 5, (Rec., p. 134). V. aussi les décisions n° 2000-428 DC du 4 mai 2000 (Rec., p. 70), n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000 (Rec., p. 164), n° 2002-460 du 22 août 2002 (Rec., p. 198) et n° 2002-461 du 29 août 2002 (Rec., p. 204), où est posée la question de la valeur normative des annexes ; voir S. GUY, RDP, 2002, p. 1251.

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Déc. n° 2004-500 DC, 29 juillet 2004, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales (Rec., p. 116).

172 normative réelle. Il s'agit d'affirmations de principe, de définitions, d'objectifs non assortis

d'engagements précis, dont la présence est de plus en plus fréquente dans la loi635.

Cette position du conseil constitutionnel nous fournit un arrière-plan à notre réflexion sur le faible degré de normativité des principes généraux d’urbanisme opposable au PLU (a), auquel s’ajoute le problème de l'utilisation de notions très générales (b) et l’absence de sanction de certaines dispositions (c).

a. L’incertitude normative affectant les principes généraux de l’article L. 101-2

Comme leur nom l'indique, il s’agit de principes et se pose naturellement la question de savoir s'ils sont des normes, des droits voire des moyens d'annulation en droit français.

Si « le législateur peut, sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la

Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée »636. Or, les principes d’urbanisme formulés par l’article L. 101-2 sont parfois trop imprécis pour pouvoir imposer des obligations aux collectivités territoriales ou à leurs groupements sans que se pose le problème de leur valeur normative.

Pour mesurer l’ampleur de ce problème, il faut remonter à la loi SRU qui a donné, dans son article premier, une nouvelle rédaction à l’article L. 121-1, lequel regroupait et développait les principes fondamentaux qui figuraient jusqu’alors dans l’ancien article L. 121-10 et dans les articles relatifs à chaque document d’urbanisme. Ces principes fondamentaux concernent tous les documents d’urbanisme y compris les DTA.

Remplaçant l’article L. 121-1 abrogé par l’ordonnance du 23 septembre 2015, le nouvel article L. 101-2 recoupe trois sortes de préoccupations :

- équilibre entre aménagement, développement et protection ; - mixité urbaine et sociale ;

- gestion économe de l’espace et respect de l’environnement.

Aucune de ces préoccupations n’était vraiment absente des textes antérieurs, mais la réécriture du nouvel article L. 101-2 lui donne, sans doute, une valeur nouvelle. Tout laisse à penser que la jurisprudence qui avait commencé à se développer sur le fondement des anciens articles L. 121-10 et L. 121-1 et qui était à l’origine de l’annulation de certains documents d’urbanisme pour non-respect des principes généraux ne pourra que se développer.

En créant l'article L. 101-2, le législateur a voulu redonner une place aux règles de fond encadrant le contenu des documents d'urbanisme. Cet article est devenu le cadre commun des

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J.-P. CAMBY, « La loi et la norme (À propos de la décision no 2005-512 DC du 21 avril 2005) », RDP, 01 juillet 2005, n° 4, p. 849.

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173 SCOT, schémas de secteurs, PLU et documents d’urbanisme en tenant lieu. Toutefois, est-il que la nature juridique des principes énoncés par l’article L. 101-2 n’est pas évidente.

Le nouvel article L. 101-2 constitue en grande partie une réécriture de l’ancien article L. 121-1 et L. 121-1121-10 : il fixe les objectifs des documents d’urbanisme à partir des grands principes du droit de l’urbanisme. Il assigne aux documents d’urbanisme une longue liste d’objectifs à poursuivre : satisfaire les besoins d’urbanisation, tant pour les activités économiques que pour l’habitat, et s’attacher au cantonnement de cette urbanisation, justifié par la protection des espaces naturels, des sites et des terres agricoles et par la prévention des risques naturels et technologiques637. En ajoutant de nouveaux objectifs (développement durable, diversité des fonctions urbaines, mixité sociale dans l’habitat…) à ceux qui figuraient dans l’ancien article L. 121-1, le législateur donne expressément une valeur normative aux divers objectifs que doivent remplir les documents d’urbanisme.

En somme, cet article définit « les principes que doivent respecter les politiques

d’urbanisme »638

. Ces principes sont opposables à tous les documents de planification urbaine et ne sont pas soumis au principe de la compatibilité limitée.

Toutefois, la détermination de la nature exacte des principes énoncés par l’article L.101-2 n’est pas évidente. On ne peut à cet égard qu’être frappé par la variété des qualifications que le code de l’urbanisme attache aux dispositions qu’ils énoncent : tantôt objectifs (art. L.101-1 et L. 101-2), tantôt principes (art. L.141-1, L.151-1).

Et cette obligation est loin d’être platonique puisque c’est au règlement de fixer, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-2 (art. L. 151-8).

C’est notamment sur la base de ces considérations que les députés, auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel ont fait grief aux principes de l’ancien article L.121-1 en dénonçant le leur caractère flou et, plus spécifiquement, de l’objectif de mixité sociale.

En réalité, il résulte de cet article, une obligation pour les PLU, d’atteindre les objectifs qu’ils mentionnent (art. L.123-1 dans sa version issue de la loi SRU, devenu L. 151-1).

Cette interprétation a été confirmée par le Gouvernement dans ses observations sur les recours dirigés contre la loi SRU. On peut y lire : « la loi précise que les auteurs d’un PLU

déterminent des règles adaptées aux circonstances locales pour permettre la réalisation des objectifs définis par les articles L.110 et L.121-1. Cette disposition permet la prise en compte des particularités et ne méconnaissent donc pas le principe d’égalité ».

Elle a été validée par le Conseil constitutionnel qui a décidé, au regard des travaux parlementaire, que les dispositions de l’article L. 121-1 « doivent être interprétées comme

imposant seulement aux auteurs des documents d’urbanisme d’y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu’elles énoncent ; qu’en conséquence, il appartiendra au juge administratif d’exercer un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par

637

J.-P. LEBRETON, « L’encadrement des DTA… », op. cit., p. 38. 638

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les dits documents et les dispositions (…) de l’article L.121-1 ; que sous cette réserve, les dispositions critiquées ne sont pas contraintes aux articles 34 et 72 de la Constitution »639.

La décision du Conseil constitutionnel est donc déterminante pour la nature du contrôle du juge administratif : la jurisprudence Association pour la défense des sites de Théoule se trouve ainsi confortée640 et les objectifs généraux énoncés à l'article L 101-1 « risquent de

fragiliser les PLU »641.

Les objectifs visés par l’article L. 101-1 sont donc à prendre en compte par les documents d’urbanisme concernés dans le cadre d’un rapport de compatibilité et non de conformité. Cela signifie, pour le PLU comme pour le SCOT, que « les orientations d’urbanisme et

d’aménagement du PADD, sans être entièrement conformes à ces objectifs et principes, doivent aller dans leur sens, sans forcément reprendre et traduire localement dans le document d’urbanisme l’ensemble de ces objectifs et principes et les évoquer expressément, elles ne sauraient ni les ignorer, ni aller à leur encontre. »642

Toutefois, les dispositions de l’article L. 101-1 ne régissent que les seuls documents

d’urbanisme dont le juge vérifie s’ils méconnaissent – ou non – lesdites dispositions643

. Parmi ces documents, sont à inclure les plans de prévention de risques naturels prévisibles644. Le juge administratif s’est référé à de multiples reprises aux principes énoncés par les dispositions de l’ancien article L. 121-10 afin d’examiner la légalité d’un classement nouveau par un POS.645

Il est exercé un contrôle normal sur la compatibilité des dispositions d’un POS avec les

principes énoncés par cet article.646 Le juge vérifie précisément que les objectifs énoncés par

les auteurs du POS sont compatibles avec les principes de l’article L. 121-10 ancien.647

De l’ensemble des contraintes qui précèdent, on peut bien douter du caractère normatif de l’article L. 101-2. Autrement dit, ces deux articles, constituent-ils au regard du caractère vague des dispositions qu’ils contiennent, une catégorie de normes opposables aux documents d’urbanisme, et notamment aux SCOT et aux PLU ? Certains auteurs ont parfois dénié une

639

Décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2000/2000436/index.htm ; L. TROUVET, « La loi « SRU » à l’épreuve du Conseil constitutionnel », BJDU, 6/2000, p. 379 ; J.-E. SCHOETTL, « Le Conseil Constitutionnel et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains », AJDA, 2001, p.186.

640

CE, 10 févr.1997, Rec., p. 35 ; DA, 1997, n° 117 ; BJDU 1/97, p. 21, concl. L. TROUVET ; RFDA, 1997, p.436 ; D. 1997, IR, p.88 ; TA Nice, 25 septembre 1997, Préfet des Alpes Maritimes c/Communes de Mandelieu-La Napoule, DA, 1998, n° 76 ; BJDU 1/98, p.21, concl. A. POUJADE ; CE, 15 mars 1999, Cne Le François, Const.-Urb., 1999, n° 217.

641 P.-P. DANNA, Panorama des dispositions d’urbanisme de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains, Exposé présenté le 15 mai 2001 à la Faculté de Droit et de Sciences économiques de l'Université de Nice – Sophia Antipolis dans le cadre des réunions-débats du GIR, Maralpin, p. 4, consulté sur http://www.gir-maralpin.org/conferences/conferences_fichiers/DannaSRU.pdf.

642

P. HOCREITÈRE, « Plan local d’urbanisme et projet d’aménagement et de développement durable », RDI, janvier-février 2003, p. 16.

643 CE, 30 octobre 2002, Cne du Lavandou, req. n° 247443. 644

CE, 3 décembre 2001, SCI des 2 et 4 rue de la Poissonnière, req. n° 236910. 645

CE, 24 octobre 1994, Cne de Bennwihr, D. 1996, somm. 272, obs. CHARLES ; Rec., T. p. 1235 ; DA, 1994, n° 695. CE, 4 décembre 1995, Chambre d’agriculture de la Mayenne, Rec., T., p. 1078 ; BJDU 6/1995, p. 449, concl. D. PIVETEAU ; DA, 1996, n° 53, obs. D. PIVETEAU.

646

CE, 10 février 1997, Assoc. pour la défense des sites de Théoule, BJDU 1/1997, p. 19, concl. L. TOUVET ; DA, 1997, n° 117, obs. L. TOUVET.

647

175

quelconque portée juridique des proclamations des textes648, d’autres au contraire soutiennent

qu’une loi demeure « quel que soit son contenu…une loi » 649

et que s’il est une question, « c’est moins celle de savoir si (l’article L.110) est une norme que celle d’évaluer si la norme

en question, à raison de son caractère général, est utilisable dans le cadre du cadre du contrôle des actes qui lui sont subordonnés » 650.

b. Le problème de l'utilisation de notions très générales

L’ordre juridique supérieur au PLU exprime, « à des degrés divers, des volontés

d’aménagement localisées, assorties le plus souvent d’un discours juridique ou incantatoire, auquel le juge finit tôt ou tard par trouver un sens, même s’il n’en a pas… » 651

Ce type de réglementation précarise non seulement sa propre force juridique, mais aussi celle du PLU. Il est sans doute possible de tenter d'opérer une typologie de cette faible normativité, en fonction du caractère plus ou moins opératoire de la disposition en cause.

Ainsi, on trouve des normes floues, auxquelles la jurisprudence devra donner une consistance

réelle652. Les normes floues remplissent incontestablement une fonction juridique : ce sont des

notions dont la détermination exacte va être laissée au juge qui n'est pas ainsi seulement la bouche de la loi mais en devient l'interprète, voulu par le législateur. Le juge ne se contente donc pas d'appliquer une notion, il en définit le contenu. Les exemples de normes floues sont

très fréquents en droit de l'urbanisme. On peut citer la notion d'espaces proches du rivage653,

contenue dans l'article L.146-4-II du Code de l'urbanisme, celle de parcs et ensemble boisés les plus significatifs de la commune (article L. 146-6 du même code), celle « d’espaces remarquables » ou encore des notions comme celles de « capacité d’accueil » ou « d’extension limitée de l’urbanisation » qui sont à l’origine d’un abondant contentieux. De telles notions, par leur plasticité même, pourront mieux s'adapter à des cas concrets auxquels on n'a pas songé au moment où la disposition est conçue. Les normes floues n'épuisent pas leurs effets dans une seule application, elles évoluent en fonction de l'état de la

société, elles sont mieux adaptées au travail du juge auquel elles laissent un large pouvoir654.

Elles ne semblent pas touchées par la censure, en ce qu'elles sont opératoires. À l'inverse, on pourrait alors reprocher au législateur d'être, dans certains cas, resté en deçà de sa compétence655.

Il est clair à cet égard que le juge entend pratiquer systématiquement un contrôle normal toutes les fois par exemple qu’est en cause l’application des diverses notions issues de la loi Littoral : notions d’espaces urbanisés, d’espaces proches du rivage, d’extension limitée de l’urbanisation, etc. Ces notions très générales ne sont pas définies par la loi qui, doit-on le rappeler, vaut pour l’ensemble du territoire national et qui ne distingue pas en fonction des caractéristiques géographiques des différentes portions du littoral français. Il ne pouvait être question, dans l’esprit du juge, de laisser à l’autorité administrative un pouvoir d’appréciation

648

Pour plus de détails, v. P. HOCREITÈRE, « Sur la portée normative de l’article L. 110 du Code de l’urbanisme », DA, novembre 1993, p. 1.

649 J.-P. LEBRETON, « L’encadrement des DTA… », op. cit., p. 38. 650

Ibid.

651

A. GIVAUDAN, op. cit., p. 870. 652

Voir V. FORTIER, « La fonction normative des notions floues », Droit Prospectif, 1991-3. 653

Notion précisée par la jurisprudence : CE, 12 février 1993, Cne de Gassin. 654

Pour un plaidoyer en ce sens, voir V. LASSERRE-KIESOW, « Comment faire les lois : l'éternel retour d'un défi », in R. DRAGO, La confection de la loi, PUF, 1995, p. 209.

655

176 sans contrôle. Dans cette tâche, le juge administratif français demeure au fond fidèle à la conception qu’il se fait de son rôle : le censeur des illégalités qu’il est au premier chef se fait également pédagogue auprès des autorités administratives.

c. Utilisation d’un droit sans sanction

L’utilisation d'un droit sans sanction est une technique assez proche de la précédente, mais elle s'en distingue cependant en ce sens qu'elle décrit un droit subjectif, dont les citoyens pourront, peut-être, se prévaloir. Un exemple de ces affirmations peut être trouvé dans la loi du 9 janvier 1985 relative à la protection et au développement de la montagne qui affirme que : « L'identité et les spécificités de la montagne sont reconnues par la Nation et prises en

compte par l'État, les établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements dans les actions qu'elles conduisent ». La loi du 30 décembre 1996 relative à

l'air et à l'utilisation rationnelle de l'énergie a franchi un autre pas dans cette tendance en stipulant que : « L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs

établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Cette action d'intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l'énergie ».

Rien n'est réellement neutre ou inutile dans cette façon de procéder, aujourd'hui très répandue. La loi devient ainsi à la fois un instrument normatif et un texte descriptif, qui vise davantage à définir des attitudes ou des comportements, à indiquer quelle est la « norme » d'un comportement, l'objectif à atteindre, qu'à imposer ou à prohiber. Tout a donc un sens, même l'euphémisme dans la législation656 : remplacer un mot par un autre n'est certainement pas neutre sous l'angle sémantique, mais la portée de tels changements n'est pas juridique : elle est sociale.

On mesure bien le risque que le législateur affronte lorsqu'il procède ainsi : à force de définir, d'annoncer, d'indiquer, la loi perd une partie de ce qui en constitue la substance même : l'obligation d'être obéie. Cette dilution de l'impérativité législative est particulièrement répandue aujourd'hui et contribue à créer ce qu'il convient d'appeler, faute de mieux, un droit « flou » ou encore « mou ». Le problème de ces « neutrons législatifs » se pose à plusieurs niveaux : encombrement des débats parlementaires par des questions d'autant plus discutées qu'elles seront dénuées d'impérativité mais que leur portée symbolique est forte, risque de création « de vaines espérances, de contentieux à l'issue improbable et, en définitive de

frustrations »657 , imprécision quant au sens du texte, etc. Il remet également un très large pouvoir d'interprétation aux juridictions, lesquelles, à tout moment peuvent s'emparer d'un concept flou et lui conférer une portée ou un sens qui ne résulte pas de la volonté du législateur658.

Enfin, au-delà, on trouve des définitions, des affirmations, ou des incantations, dispositions sans portée, et insusceptibles d'avoir une traduction impérative. Affirmations politiques,

656

J.-L. SOURIOUX et P. LERAT, « L’euphémisme dans la législation récente », Dalloz, 1983, Chron., p. 221. 657

J.-E. SCHOETTL, « La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école devant le Conseil constitutionnel », LPA, 20 mai 2005, n° 100, p. 3.

658

Telle est d'ailleurs l'une des justifications de la censure opérée par la décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 : ne pas laisser au juge un pouvoir d'interprétation qui l'assimile au législateur lui-même.

177 affichage de principes dénués de toute normativité... les lois comportent de nombreux exemples purement déclaratoires. La tendance à l'insertion de dispositions dénuées d'impérativité est moins récente qu'on ne le pense : on peut citer l'exemple, ancien mais révélateur, de l'article 2 de la loi d'orientation sur la ville du 13 juillet 1991 dispose que « la

politique de la ville est un élément de la politique d'aménagement du territoire » et l'article 3

affirme l'intérêt national de la réalisation de logements sociaux, et que les communes ou leurs groupements « doivent permettre la réalisation de tels logements » et apporter un « soin

particulier » à la réhabilitation de quartiers dégradés. Ici encore, comment une abstention

d'une commune pourrait-elle être sur cette seule base, sanctionnée ?

Toutes ces affirmations ne sont certes pas sans portée, mais leur portée est loin d'être juridique : elle confine au symbole. L'intérêt politique de telles mentions est évident, mais le véhicule législatif ne paraît pas le mieux adapté pour leur formulation : le caractère impératif de la loi est ainsi dilué au profit d'affirmations de principe, de postulats sans effet659.

B. Amplification du problème : l’intégration des principes d’environnement

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