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Le nouveau contenu du nouvel article L. 101-2

UNE CONCEPTION DIFFICILE

Section 1 : Normes et principes directement opposables au PLU

A. Le nouveau contenu du nouvel article L. 101-2

Crée dans le cadre d’une recodification à droit constant188

en remplacement de l’ancien article L. 121-1, le nouvel article L. 101-2 s’est vu, néanmoins, renforcé son contenu par l’intégration des dispositions de l’ancien article L. 110. Ce dernier ayant cédé l’ensemble de ces objectifs à ce nouvel article, s’est contenté de sa célèbre formulation : « Le territoire

français est le patrimoine commun de la nation. » avant d’ajouter que les collectivités

publiques qui en sont « les gestionnaires et les garantes dans le cadre de leurs compétences » harmonisent « en vue de la réalisation des objectifs définis à l'article L. 101-2 (…) leurs

prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace dans le respect réciproque de leur autonomie. »

A l’exception des dispositions relatives à l’aménagement du cadre de vie et à la gestion économe du sol qui ont tout simplement disparues des principes et objectifs généraux, toutes les dispositions de l’ancien article L. 110 sont prévues par le nouvel article L. 101-2. La question se pose donc si l’étalement urbain ne constitue plus un souci du gouvernement.

Le nouvel article L. 101-2189 reprend l’obligation du respect du principe d'équilibre entre les

populations résidant dans les zones urbaines et rurales, prévue auparavant à l’ancien article L. 110. Il instaure aussi l’objectif, déjà prévu par le même, de la sécurité et la salubrité publiques (4°). Il complète l’objectif de la préservation et de la remise en bon état des continuités écologiques, déjà mis en place par l’ancien L. 121-1, par la possibilité de création de ces continuités (6°). Cette possibilité de création a été déjà prévue par l’ancien article L. 110. Enfin, le nouvel article L. 101-2 réaffirme le principe de la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement et l’économie des ressources fossiles (7). Ces deux objectifs étaient déjà prévus par l’ancien article L. 110.

Ces nouveautés mises à part, le contenu de l’article L. 101-2 demeure très riche en consignes et en objectifs et principes à respecter. Commençant par le rappel du respect des objectifs du développement durable, cet article donne également un contenu général à la politique d'urbanisme et les principes qu’il énonce doivent être appliqués par ceux qui élaborent les documents d'urbanisme. 188 Ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015. 189 En vigueur au 1er janvier 2016.

50 Tout d’abord, l’action des collectivités publiques doit, en matière d’urbanisme, viser l’équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; l’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; la sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; les besoins en matière de mobilité.

Ensuite, d’autres objectifs, non des moindres, sont prévus par l’article L. 101-2 : il s’agit de la qualité urbaine, architecturale et paysagère190 ; la diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile ; la sécurité et la salubrité publiques ; la prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ; la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; la lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie des ressources fossiles, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables. Il ressort donc de cette lecture combinée des anciens articles L. 110 et L. 121-1, et des nouveaux articles L. 101-1 et L. 101-2 que ce dernier n’est en effet qu’une reformulation des anciens articles L. 110 et L. 121-1.

Il ressort aussi de cette lecture, que le contenu de l’article L. 101-1 qui fixe les objectifs à atteindre en matière d’urbanisme aborde d’innombrables thématiques allant de l’urbanisme à l’écologie en passant par les déplacements, l’habitat, le commerce, la prévention des risques, l’environnement,… et le tout sur un fond de développement durable.

Le premier de ces principes est celui d'un aménagement équilibré de l'espace. Ce dernier est une ressource rare qui doit se partager entre plusieurs usages et plusieurs acteurs, d'où la nécessité de parvenir à concilier extension de l'espace urbain et préservation des espaces non urbains, extension des espaces ruraux et préservation des espaces naturels, renouvellement urbain et sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti.

Le deuxième principe est celui de la diversité fonctionnelle et sociale de l'organisation spatiale. Une spécialisation fonctionnelle trop poussée des espaces urbains et une homogénéité sociale trop forte de l'habitat sont porteurs d'effets indésirables tant sur le plan social que du point de vue du développement durable.

190

51 Le dernier est celui de la soutenabilité des choix urbanistiques. L'idée est d'intégrer les objectifs du développement durable dans les choix d'aménagement, en prenant en compte par exemple la préservation de la qualité de l'eau, de l'air, du sol et du sous-sol, ou bien encore les risques naturels et technologiques.

Devant cette vision globale, qu’a le code de l’urbanisme, de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme, il devient légitimement nécessaire de se poser la question sur les effets que peuvent avoir ces dispositions sur le plan du droit.

B. Effets de l’article L. 101-2 à l’égard du PLU

Tout d’abord, il faut rappeler que le principe d'équilibre de l'ancien article L. 121-1191

, aux termes duquel « Les documents d'urbanisme déterminent les conditions permettant, d'une

part, de limiter l'utilisation de l'espace, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et paysages naturels ou urbains, de prévenir les risques naturels prévisibles et les risques technologiques et, d'autre part, de prévoir suffisamment d'espaces constructibles pour les activités économiques et d'intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'habitat », valait loi d’aménagement et

d’urbanisme et s'imposait en tant que règle supra communale aux élus locaux. Le respect de ce principe devait guider les choix d'aménagement arrêtés dans les documents d'urbanisme, sous peine de sanction par le juge administratif.

H. Jacquot en déduisait que cet article « pose un principe de diversité qui s’impose aux

planificateurs au même titre que le principe d’équilibre entre aménagement et protection. »192

Supprimant la catégorie des lois d’aménagement et d’urbanisme, la loi SRU a maintenu le principe d’équilibre et l’a rendu expressément opposable aux documents d’urbanisme : SOT et PLU sont désormais soumis au respect des objectifs et des équilibres prévus dans cet article. La même solution s'appliquait aux cartes communales.

L’ordonnance du 23 septembre 2015, remplaçant l’article L. 121-1 par le nouvel article L. 101-2, a élargie le champ d’application de ce dernier : désormais, il s’impose à toute action des collectivités publiques en matière d’urbanisme alors que son prédécesseur ne s’imposait qu’au SCOT, PLU et carte communale. Ainsi, dans sa nouvelle version l’article L. 101-2 peut concerner un ensemble d’actions comme les directives territoriales d’aménagement et de développement durable (DTADD), les PIG, les OIN…

Néanmoins, eu égard à leur formulation générale, l’opposabilité des principes énoncés par l’article L. 101-2 doit se comprendre en un sens précis : dans la mesure où cet article assigne simultanément aux documents d'urbanisme plusieurs objectifs ayant tous la même valeur juridique mais qui, de toute évidence, ne sont pas spontanément convergents, il s'ensuit que les documents d'urbanisme ne sont pas soumis à une obligation de conformité à chacun de ces objectifs considérés individuellement, mais à une obligation globale de conciliation, de sorte que c'est seulement le non-respect manifeste d'un des principes figurant à l'article L. 101-2 qui est sanctionnable193.

191

Version en vigueur du 1er janvier 1997 au 6 juillet 2000. 192

H. JACQUOT, « D’un urbanisme de séparation à un urbanisme de mixité », Droit et ville, 1992, n° 34, pp. 99. 193

D. BRAYE, L. NEGRE, B. SIDO et D. DUBOIS, Projet de loi portant engagement national pour l'environnement,

52 Dans sa décision écartant le recours contre la rédaction de L. 121-1, le Conseil constitutionnel, chargeant les collectivités et le juge d’assurer le lien concret entre les principes et les mesures pratiques des documents d’urbanisme, confirme cette formule comme « imposant aux auteurs des documents d’urbanisme d’y faire figurer des mesures tendant à la

réalisation des objectifs qu’elles énoncent. » Ainsi, n’incombe expressément au juge

administratif qu’une mission de « simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par

lesdits documents et les dispositions précitées de l’article L. 121-1 »194

.

Certes le contrôle strict de conformité aux principes est évité mais la compatibilité pourra s’apprécier plus précisément qu’avant car le SCOT se limite au respect des équilibres définis par les principes, tandis que le PLU définit un droit des sols et des règles générales qui permettent d’atteindre les objectifs de l’article L. 101-2.

La jurisprudence relative aux anciens articles L. 110 et L. 121-1 est aussi opposable à cet article.

Ainsi, le contenu de l’article L. 101-2, remplaçant l’article L. 121-1 et intégrant partiellement les dispositions de l’ancien article L. 110, s’impose lors de l’élaboration des documents d’urbanisme. Une telle opinion semble confirmée par le Tribunal administratif de Montpellier195 et le Conseil d’État, statuant à propos d’une zone de préemption créée par le département196.

Le Conseil d’État a aussi reconnu qu’au regard des principes posés par cet article, le juge de l’excès de pouvoir pouvait procéder au contrôle d’un document d’urbanisme ; il l’a admis pour le POS et pour le schéma directeur de la région Ile de France. Les énonciations de l’article en question paraissent aussi bien pouvoir être opposés à une DTA.

Le juge administratif exerce un contrôle minimum du respect des dispositions de l’article L. 101-2. Des POS ont été contrôlés ainsi s’agissant de la création d’une zone NA en matière

d’intégration dans l’environnement197

ou encore d’un zonage susceptible de méconnaître un objectif de « salubrité publique »198.

Le contrôle restreint limité à l’erreur manifeste d’appréciation a également été appliqué dans

le cadre de simples mutations de documents d’urbanisme : révision d’un POS199

ou

modifications des orientations d’un schéma directeur200.

En outre, il semble que les dispositions proclamatrices de l’article L. 101-2 s’imposent à l’ensemble des administrations susceptibles d’émettre des actes administratifs relatifs à la

gestion et à l’utilisation de l’espace. Et bien que la circulaire n° 91-57 du 13 juillet 1991201

niait à l’ancien article L. 110, notamment dans sa partie transférée au nouvel article L. 101-2, un quelconque caractère normatif, le Conseil d’État a reconnu qu’il en avait bien ce caractère. En effet, le Conseil d'Etat a adopté à maintes reprises une solution contraire en jugeant que

194 2000-436 DC du 7 décembre 2000. 195

TA Montpellier, 9 février 1994, Féd. Espaces naturels et env. catalan, EF, septembre 1994, p. 48. 196

CE, 3 juillet 1998, DA, 1998, B. LAMORLETTE, comm. n° 334. 197

CE, 21 octobre 1994, Cne de Bennnwihr, Rec., T. 1235 ; RDP, 1996, p. 284. 198

TA Pau, 26 mars 1997, Sepanso Landes, AFDUH, 1998, n° 2, p. 14. 199

CE, 21 octobre 1994, Cne de Bennwihr, préc. 200

TA Bordeaux, 30 juin 1988, SA château-Bourcaut, req. n° 86487. 201

53

ses dispositions sont opposables à un zonage de POS202, à la création des zones

d’aménagement différé203

ou encore à des permis de construire dans les communes non dotées

de POS rendu public ou approuvé204.

Cependant, les hypothèses dans lesquelles l'article L. 101-2 peut être opposé à certaines autorisations d’occupation du sol sont limitées : dans le cas de l'article L. 111-3 qui pose le principe général de la constructibilité limitée du sol en l’absence d’un document local de planification urbaine, le préfet, s'il juge que le projet n'est pas contraire aux objectifs de l'article L. 101-2, pourra passer outre le refus du permis de construire et ainsi autoriser la construction. Si la commune dispose d'un PLU, l'article n'est pas opposable au projet de construction.

Dans un arrêt du Conseil d’Etat, il a été considère que les objectifs énoncés dans l’ancien article L. 110 (aujourd’hui énoncés par l’article L. 101-2) ne sont pas opposables « aux

décisions individuelles à intervenir sur les projets de construction dans les communes ou dans les parties de communes dotées d’un POS rendu public ou approuvé »205

.

S’il ressort de ce qui précède que l’opposabilité au PLU des principes généraux du droit de l’urbanisme, dotés certes d’une densité normative variable, soulève encore des difficultés, l’opposabilité au PLU d’autres documents relevant de la planification urbaine ne cesse de se confirmer et de se renforcer.

§. 2 : Les documents de planification urbaine directement opposables au PLU

La planification urbaine peut être définie comme une « action visant à fixer, pour un territoire

donné, les objectifs de développement et de localisation harmonieuse des hommes et de leurs activités, des équipements et des moyens de communication »206. Cette définition qui introduit le critère d’harmonie place la planification des villes dans la perspective d’un idéal à atteindre.

Pour concrétiser cet idéal à travers un processus méthodologique d’aménagement, le droit de l’urbanisme est passé d’une régulation parcellaire à une régulation planifiée ce qui a entraîné une multiplication des documents d’urbanisme. Il s'est divisé en deux parties : l'une concerne la planification urbaine, appelée également contrôle de l'utilisation des sols, ou encore gestion des sols et l'autre concerne la maîtrise de l'aménagement urbain ou l'utilisation des sols. L'action de contrôle de l'utilisation des sols, qui nous intéresse ici, est une démarche essentiellement globale qui dépasse le seul cadre communal.

Ce cadre de pensée qui privilégie la norme a donné naissance à un cadre juridique plus complexe, plus touffu, le moins ordonné et le plus délicat à mettre en œuvre dans le cadre d’un PLU.

202 CE, 21 octobre 1994, Cne de Bennnwihr, Rec., T. p. 1235 ; RDP, 1996, p. 284. 203

CE, sect., 3 juillet 1998, Département des Yvelines, Préfet des Yvelines, EDCE, 1999, n° 50, p. 52 ; BJDU, 1998, n°6, p. 440, concl. Lamy ; Rec., p. 276 ; EF, 1998, n° 80, p. 56

204

CE, 17 mars 1993, Calvo, Rec., T. p. 1077 ; Quot. jur. 6 janvier 1994, p. 2 ; EF, juin 1993, p.56, note ; RDI, 1993, p.366 ;

D.1994, somm. p.195, note H. CHARLES ; DA, 1993, chron. n° 3, comm. P. HOCREITÈRE ; CAA Bordeaux, plén., 13 juin

1996, Comité de liaison, req. n° 95BX01147 : Juris-Data n°1996-45927. 205

CE, 17 mars 1993, Calvo, précité. 206

54 Pour apporter de l’ordre, les législations qui se sont succédées ont instauré des rapports internes entre le PLU et le SCOT (1) sans pour autant négliger les rapports externes avec d’autres documents qui s’intéressent ou intéressent de plus près le droit de l’urbanisme local notamment les plans de déplacements urbains (2) et les programmes locaux de l'habitat (3).

1. Les schémas de cohérence territoriale

Les SCOT ont remplacé les schémas directeurs, en application de la loi SRU du 13 décembre 2000.

Le SCOT est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification stratégique intercommunale, à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine, dans le cadre d’un projet d’aménagement et de développement durables (PADD).

L’intérêt majeur du SCOT est de servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, notamment celles centrées sur les questions d’organisation de l’espace et d’urbanisme, d’habitat, de mobilité, d’aménagement commercial, d’environnement.... Il en assure la cohérence, tout comme il assure la cohérence des documents sectoriels intercommunaux : PLU intercommunaux, PLH, PDU, et des PLU ou des cartes communales établis au niveau communal.

Les PLU doivent ainsi être compatibles avec les SCOT et une commune non couverte par un SCOT207 ne pourra ouvrir à l’urbanisation des secteurs non urbanisés, afin que les choix stratégiques retenus par le schéma ne soient pas mis en cause par les actions de communes qui sont limitrophes de son périmètre.

Mais l’importance d’un SCOT ne se limite pas uniquement à la possibilité donnée aux communes d’ouvrir à l’urbanisation des secteurs non urbanisés puisqu’en présence d’un SCOT, les normes supérieures perdent le lien direct avec le PLU. C’est l’application du principe de compatibilité limitée en vertu duquel le SCOT fait office d’ « écran » entre la norme supérieure et le PLU (A) et limite l'obligation hiérarchique du PLU à la seule compatibilité avec le SCOT (B).

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