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CHAPITRE 1 : Etat de l’art

II. Les polyélectrolytes p-conjugués :

Les polyélectrolytes p-conjugués (CPEs) sont définis comme étant des polymères avec une structure électronique p-délocalisée et des chaînes pendantes portant des groupements ioniques.39 Les propriétés de ces matériaux combinent la complexité des polyélectrolytes avec la nature hydrophobe et rigide des polymères p-conjugués.40 Contrairement à la majorité des polymères p-conjugués, les CPEs peuvent être dissous dans des solvants polaires, ouvrant la porte à un grand nombre applications notamment,

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biologiques tels que l’imagerie médicale, les biocapteurs...40,41

Cette solubilité orthogonale à celle des matériaux organiques neutres leur permet également d’être utilisés avec succès dans le domaine de l’électronique organique tels que les OLEDs, les OFETs ou encore le photovoltaïque.42,43

Dans cette section, nous décrirons brièvement les différentes méthodes de synthèse de ces polymères, leurs propriétés physico-chimiques puis leurs applications dans les biocapteurs, plus particulièrement, dans la détection de l’ADN. Ce dernier point est en relation avec un des objectifs de la thèse : la compréhension des paramètres régissant l’interaction de CPEs cationiques avec l’ADN (Chapitre 3).

1.

Synthèse des polyélectrolytes p-conjugués :

Les CPEs peuvent être divisés en deux catégories suivant la nature des groupements ioniques présents sur les chaînes pendantes : les CPEs cationiques (CCPEs) et les CPEs anioniques (ACPEs).44 Les groupements cationiques les plus couramment utilisés dans les CCPEs sont les groupements ammoniums quaternaires (NR3+) et pyridinium alors que dans le cas des groupements anioniques pour les ACPEs, les groupements carboxylates (CO2-) et phosphonates (PO32-) et sulfonates (SO32-) sont les plus rencontrés.

Figure 1-5 : Exemples de méthodes de polymérisation permettant la synthèse des

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L’introduction de ces groupements ioniques sur le polymère p-conjugué peut être réalisée soit par modification des chaînes en post-polymérisation, soit par couplage direct des monomères chargés. Par exemple, les polyélectrolytes à base de polythiophènes sont généralement obtenus à partir de poly(3-bromoalkylthiophènes)45, soit par polymérisation oxydante catalysée par du FeCl3.46 La plupart des autres poly(arylènes) (phénylène, fluorène, 2,1,3-benzothiadiazole) sont généralement préparés par des couplages de Suzuki.47 Les poly(arylvinylènes) et les poly(arylèneéthynylènes) sont quant à eux obtenus respectivement par des couplages de Heck48 et de Sonogashira.49 Ces méthodes de polymérisation sont représentées dans la figure 1-5.

2. Propriétés physico-chimiques des CPEs :

Les propriétés optiques des polymères p-conjugués sont déterminées par la structure chimique et électronique du squelette p-conjugué. Ainsi, des spectres d’absorption et de photoluminescence similaires sont habituellement observés pour les polymères p-conjugués neutres et les CPEs ayant le même squelette p-conjugué mais des groupements latéraux différents.39a,40a

Figure 1-6 : (a) Structure des poly(arylèneéthynylènes) cationiques et anioniques et (b)

Fluorescence des solutions de PPE-Ar-SO3- dans le MeOH sous illumination proche UV (de la gauche vers la droite : Ph, Py, Th, EDOT, BTD).50

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En effet, Reynolds et al. ont montré que des poly(arylèneéthynylènes) ayant le même squelette p-conjugué mais des groupements ioniques différents possédaient des propriétés optiques similaires (absorption et émission) (Figure 1-6).50 Les maximas d’absorption et émission étaient seulement influencés par la nature du groupement aryl présent dans le squelette p-conjugué (Figure 1-6). De la même manière, les mesures électrochimiques des niveaux d’énergie HOMO et LUMO de copolyélectrolytes poly(phénylène-co-fluorène)s portant des groupements ammoniums de différentes natures ont révélé que la nature des groupements chargés n’influençait pas leur valeur.40a

Schéma 1-9 : Structure du

poly((9,9-bis-(6’-N,N,N-triméthylammoniumbromure)hexyl)-fluorène-co-alt-4,7-(2,1,3-benzothiadiazole)) avec différents contre-ions anioniques.51

A contrario, la nature du contre-ion compensant la charge positive ou négative de ces CPEs influence leurs propriétés en modifiant les interactions interchaînes. Ainsi, Bazan

et al. ont notamment montré qu’en faisant varier la nature du contre-ion dans un

copolyélectrolyte (le poly((9,9-bis-(6’-N,N,N-triméthylammoniumbromure)hexyl)-fluorène-co-alt-4,7-(2,1,3-benzothiadiazole)) (Schéma 1-9), le rendement quantique de fluorescence dans le MeOH et l’eau pouvait considérablement augmenter en passant de l’anion Br

à l’anion BArF4-.51 Ce résultat fut expliqué par la plus faible agrégation du copolymère avec le contre-ion BArF4- par rapport à celui avec Br-, réduisant ainsi les

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interactions interchaînes et donc, les voies de désexcitation non-radiative. La nature du solvant joue également un rôle important dans l’agrégation des CPEs et donc, influence les propriétés photophysiques de ces polymères. En effet, bien que l’introduction des groupements chargés permettent aux CPEs d’être incorporés dans des environnements aqueux, la nature hydrophobe du squelette p-conjugué constitue une force motrice pour l’agrégation.49,52

Ainsi, si la fraction volumique en eau dans un mélange MeOH/eau augmente, les interactions hydrophobes-hydrophobes vont minimiser les contacts du squelette p-conjugué en favorisant le p-stacking entre les chaînes de polymères dans les agrégats. Les maximas d’absorption et d’émission vont ainsi se déplacer vers le rouge et les rendements quantiques de fluorescence seront plus faibles.

Les propriétés optiques des CPEs peuvent être modulées par l’ajout de surfactants.40c,53 La taille, la composition et la conformation des complexes CPE/surfactants ainsi formés peuvent être ajustées en jouant sur la concentration, le ratio CPE :surfactant et la nature des surfactants utilisés.53a Ainsi, à faible concentration de surfactants, une extinction de la fluorescence est notée, en raison de l’association des charges opposées et la formation d’agrégats.54 Quand une concentration supérieure à la concentration micellaire critique est atteinte, un accroissement de la fluorescence est observé ; il est dû à la transformation des agrégats précédents en une structure où les différentes chaînes de polymères sont séparées par les molécules de surfactant.53b Cet écrantage permet de réduire la désexcitation non radiative.

Enfin, les copolymères à blocs incorporant un bloc CPE constituent également une autre stratégie permettant d’ajuster les propriétés optiques et d’organisation de ce type de matériaux.45a,53a,55 Scherf et al. ont ainsi synthétisé des copolymères à blocs comprenant un bloc organosoluble polyfluorène lié chimiquement à un bloc cationique polythiophène.55 En jouant sur la nature du solvant, des changements dans les spectres d’absorption et d’émission de ces polymères sont observés, indiquant la présence de différentes structures supramoléculaires avec différents niveaux de transfert d’énergie entre le polyfluorène et le polythiophène. Ces copolymères présentent également l’avantage de s’auto-assembler sous forme de vésicules bicouches.55a

Un des objectifs de ce travail étant de synthétiser des copolymères à blocs avec un bloc CPE, nous nous attacherons à analyser les propriétés optiques et d’auto-organisation de ces édifices suivant la nature des solvants (MeOH, eau, …). L’efficacité d’un dispositif

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dépendant à la fois des propriétés optoélectroniques et de la morphologie du polymère à l’échelle nanométrique (les deux étant intimement liés), la compréhension des paramètres et des processus physiques influençant la morphologie et les propriétés optoélectroniques des copolyélectrolytes à blocs synthétisés dans ce travail est importante.

3. Détection de l’ADN par des polymères π-conjugués cationiques :

La majorité des CPEs utilisés pour la détection optique sont basés sur un changement de la conformation du CPE après interaction avec la molécule cible.41 Ce changement induit des modifications dans les propriétés optiques du CPE comme par exemple, un changement du maximum d’absorption. Ainsi, une modification de la couleur de la solution est notée, permettant la détection de la molécule cible. Les polymères hydrosolubles et plus particulièrement, les dérivés du PTs ont été étudiés ces dernières années pour de telles applications. Une large variété d’espèces chimiques et biochimiques telles que l’ADN, l’ATP, les peptides, les ions métalliques a ainsi pu être détectée par modification de la conformation de PTs et de ses dérivés en examinant ses propriétés d’absorption et d’émission.41,56

Dans cette section, nous nous focaliserons sur la détection de l’ADN par des PTs cationiques, en accord avec un des objectifs de travail consistant à déterminer l’influence de la nature du groupement chargé et de la conformation du squelette polythiophène sur l’auto-assemblage avec l’ADN (Chapitre 3). L'identification des mécanismes et des paramètres influençant l'auto-assemblage de l'ADN avec les CPEs est essentielle pour établir les relations entre la structure et les propriétés.

La détection de séquences spécifiques d’acides nucléiques est d’importance vitale dans le domaine de la recherche biomédicale et de ses applications, telles que le diagnostic et le traitement des maladies génétiques, l’étude de la réponse aux pathogènes… En 2002, Leclerc et al. ont décrit la détection d’acides nucléiques en utilisant un PT cationique préparé par polymérisation oxydante.57 Ce polymère est jaune en solution avec un maximum d’absorption à 397 nm (Figure 1-7). Lorsqu’il est mis en présence d’un ADN monobrin servant de sonde (ADNp), une structure duplex est formée via les interactions électrostatiques, conduisant à un déplacement bathochrome du spectre d’absorption. Ce déplacement bathochrome se matérialise par l’observation d’une solution de couleur rouge (Figure 1-7). Après addition du brin complémentaire d’ADN (ADNC), la solution redevient jaune et un maximum d’absorption à 421 nm est noté. Ce comportement indique une hybridation de l’ADN et la formation d’une structure triplex entre le CPE et le double-brin

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d’ADN (dsDNA) (Figure 1-7). Ces changements de couleur sont associés à des changements de la conformation du polymère, allant d’une conformation aléatoire en « pelote » au départ à une conformation planaire dans la forme duplex puis enfin, à une conformation non planaire dans la forme triplex.41d Cette méthode de détection est sélective permettant de détecter les non-concordances entre les deux brins d’ADN complémentaires. En effet, lorsque la forme duplex est mise en contact avec un brin d’ADN complémentaire contenant une (ADN1nC) ou deux non-concordances (ADN2nC), peu de changements dans la couleur de la solution sont observés (Figure 1-7). Les limites de détection de cette méthode sont très faibles (2 x 10-7 M).

Figure 1-7 : 1) Spectre d’absorption UV-Visible et photographies correspondantes d’une

solution de (a) PT cationique, de PT cationique : ADNp (b), de PT cationique : ADNp : ADNC (c), de PT cationique : ADNp : ADN2nC (d) et de PT cationique : ADNp : ADN1nC

(e) (concentration du PT cationique : 7,9 x 10-5 M basée sur l’unité monomère et 2) Schéma représentant la détection d’ADN par le PT cationique à travers la formation des structures duplex et triplex.41d

Une détection fluorométrique de l’hybridation des oligonucléotides est également possible à partir des propriétés de fluorescence des PTs. En effet, la fluorescence initiale du polymère est supprimée ou extrêmement réduite lors de la formation du duplex puis augmente à nouveau pour la forme triplex. De la même manière que pour l’absorption, cette méthode de détection est sélective (distinction de non-concordance) et extrêmement sensible (limite de détection : 2 x 10-14 M). Toutefois, un très léger déplacement du maximum d’émission est noté. Afin de pallier ce problème, des systèmes basés sur des

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transferts d’énergie de fluorescence par résonance (FRET) furent développés, permettant la détection d’ADN par une modification de la longueur d’onde d’émission.41