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I. LA GESTION AXÉE SUR LES RÉSULTATS EN ÉDUCATION AU QUÉBEC

1.1 Éléments de contexte : mondialisation et rationalisation des systèmes éducatifs

1.1.4 Les politiques de régulation par les résultats en éducation

Maroy (2013, p.22) propose que si l’on accepte de se positionner d’un point de vue global plutôt que de s’attarder au détail de leur application et de leurs instruments, si l’on étudie les dispositions générales des différentes itérations des politiques de régulation par les résultats, il en ressort quatre dimensions communes. D’abord, elles « participent, « mettent en acte » et renforcent du même coup un nouveau paradigme politique où l’école est conçue non pas comme une institution, mais comme un « système de production » » (Maroy et Mangez, 2011, p.62). En effet, ce qui est désormais souhaitable en éducation est pensé en fonction d’efficacité, d’efficience et d’équité, de performance en référence à l’individu qui est désormais au centre de l’activité éducative, alors que précédemment, les finalités étaient déterminées en fonction de « valeurs, de normes et de propriétés référées à la socialisation nécessaire des individus, en référence à des entités collectives d’appartenance » (Maroy, 2013, p.23).

Ces objectifs étant exprimés par la forme de données quantifiées que l’on compare à des standards, l’orientation des actions politiques se fera en confrontant les résultats statistiques aux référentiels acceptés. Ainsi, il devient coutumier de gouverner l’éducation par des nombres (Grek, 2008, p.216 ; Felouzis et Hanhart, 2011), ce qui n’est pas

d’ailleurs réservé à cette sphère de l’action publique, mais sous-tend l’ensemble de l’organisation et du pouvoir étatique démocratique :

« Democratic power is calculated power, and numbers are intrinsic to the forms of justification that give legitimacy to political power in democracies. Democratic power is calculating power, and numbers are integral to the technologies that seek to give effect to democracy as a particular set of mechanisms of rule. Democratic power requires citizens who calculate about power, and numeracy and a numericized space of public discourse are essential for making up

self-controlling democratic citizens » (Rose, 1991, p.675)

Cette relation entre la gouvernance par les chiffres et la légitimité du pouvoir est bien visible en éducation : l’utilisation de standards chiffrés confère une légitimité au rôle de l’État en matière d’éducation aux yeux du public, et cherche à rehausser la confiance de ses usagers (Maroy, 2011, p.129 ; Dupriez et Mons, 2011, p.11).

Troisièmement, « les instruments divers d’évaluation des acquis des élèves (testing) sont centraux, même si les modalités de mise en œuvre et d’usage de ces outils d’évaluation peuvent être très variables » (Maroy et Voisin, 2014, p.3). Ainsi, considérant le rôle prépondérant des résultats obtenus à ces outils d’évaluation et des données recueillies grâce à ces instruments dans le processus décisionnel subséquent, leur développement et leur implantation devient éminemment politique (Maroy, 2013, p. 24).

Enfin, les politiques de régulation par les résultats impliquent invariablement des « outils d’action publique (contractuels, financiers, réglementaires) qui organisent les « conséquences » des évaluations de performances et de reddition de comptes » (ibid., p.24). C’est donc dire qu’elles mettent en place des mécanismes incitatifs ou dissuasifs pour appliquer de la pression sur les acteurs de tous les paliers d’un système pour diriger leur action vers des finalités décrétées souhaitables.

Or, si les politiques de régulation par les résultats en éducation partagent ces quatre dimensions dans leur configuration, des variations sont évidemment discernables en ce qui a trait à leurs visées, leurs outils ou la façon dont elles se traduisent dans leur intensité, leur application et leur actualisation. En effet, Maroy et Voisin (2014) proposent une typologie des politiques d’accountability en éducation basée sur « la force

de l’alignement des dispositifs et instruments les uns par rapport aux autres, les objets de la reddition de comptes, les enjeux pour les acteurs, les sanctions ou dispositifs de soutien qui sont prévus [et] l’usage des données et des indicateurs au sein du système » (p.3). Au nombre de quatre, les types de politiques d’accountability répertoriés par ces auteurs sont la « reddition de comptes dure », la « reddition de comptes néo-bureaucratique sur les résultats », la « reddition de comptes et responsabilisation réflexives », ainsi que la « responsabilisation douce ». L’objet n’est pas, ici, de faire le détail des caractéristiques propres à chacun de ces ensembles. Remarquons cependant que leurs simples titres sont évocateurs : il va de soi que les enjeux pour les acteurs et les autres composantes des politiques s’inscrivant au sein de ces idéaux-types suivent, grosso modo, le crescendo que propose les dénominations leur étant associées. Ce tableau récapitulatif proposé au sein même de l’article en question est néanmoins éclairant :

Tableau 1 : Typologie des politiques d’accountability de Maroy et Voisin

Dans ce tableau, les enjeux font référence à « la « force » ou l’importance des conséquences associées aux dispositifs et outils [de la politique de régulation par les résultats] » (ibid., p.4), l’alignement à « l’alignement des différents outils de régulation entre eux et entre les différents paliers du système éducatif » (ibid., p.3), le dosage à

l’importance relative des mécanismes externes à l’acteur où son action est changée par des motivations extrinsèques et pragmatiques versus la responsabilisation dans laquelle on cherche à motiver l’acteur à modifier ses comportements en congruence avec son intériorité à la lumière des données qui lui sont exposées (ibid., p.5). Les acteurs peuvent être considérés (conception de l’auteur) « comme mus prioritairement soit par une logique « rationnelle » ou « utilitariste », soit par une logique « réflexive » et socialement située » (ibid., p.4).

Si, comme nous venons de le voir, les politiques de régulation par les résultats appartiennent à un ensemble érigé sur des principes et modalités communes, il subsiste des différences notables entre les différentes itérations de ce bloc, qu’en est-il de la GAR au Québec? Elle s’inscrit, toujours selon Maroy et Voisin (2014, p.9), dans le champ des systèmes de reddition de comptes néo-bureaucratiques, « à enjeux modérés, voire faibles, privilégiant un ensemble de dispositifs externes couplé à une reddition de comptes serrée de l’ensemble du système engageant la reddition de comptes des acteurs vis-à-vis du palier supérieur ». Puisqu’il s’agit, après tout, de notre objet d’étude, voyons donc plus précisément maintenant comment s’est développée la GAR au Québec.