1.2.1.2� Les politiques nationale et municipale de classement des
monuments historiques et touristiques à Tianjin
Nous monterons de quelles natures sont les classements patrimoniaux dans la ville de Tianjin (1.2.1.2.1) avant de présenter les classements touristiques (1.2.1.2.2). Nous analyserons les critères pour montrer que ceux réservés au tourisme se singularisent par leur nombre et leur complexité.
1.2.1.2.1�Classement patrimoniaux dans la ville de Tianjin
Nous avons commencé à répertorier les types de classement mis en place dans la ville de Tianjin. Les classements sont nationaux et, contrairement à d’autres villes chinoises comme Shanghai, il y a assez peu de classements locaux, au niveau du département ou du canton. Cela peut s’expliquer par la proximité de Pékin qui souhaite garder un contrôle sur la politique publique. Tianjin ne bénéficie que d’un label international depuis le classement en 2014 du Grand Canal à l’Unesco. Comme le montre la figure n°8 les premières décisions de classement ont été tardives à Tianjin. La première grande mesure a été lancée par le Bureau de gestion du logement (HMO) en 2005. En mars 2006, le Conseil d’État a approuvé le programme « Ville célèbre de culture et d’histoire » dans lequel 14 paysages historiques et culturels sont définis et protégés35. Parmi eux, 6 zones sont d’ores et déjà considérées comme historiques. 35 L’appelation ��historique et culturel � a été attribuée par la municipalité de Tianjin. Elle regroupe un ensemble de bien qui commémore la culture et l’histoire de la ville.
Figure 10 : Les 14 paysages historique et culturel à protéger
Les zones définis comme protégés sont les suivantes : 1 La vieille ville, 2 L’ancienne rue culturelle, 3 La zone de la rivière Haihe, 4 L’avenue Hanshan, 5 La rue Guyi 6 Jardin du palais 7 Avenue chifeng 8 Zone de commerce, 9 Jardin français, 10 Avenue Chengde, 11 Zone nord de la rue de la libération, 12 Les cinq avenues, 13 Avenue Taian, 14 Zone sud rue de la libération. Les divisions actuelles, ne correspondent pas aux tracés des anciennes concessions, mais à la nouvelle trame urbaine et a l’organisation des rues et des quartiers. (support de carte : ouvrage de la municipalité de Tianjin. Réalisation : Daisy Debelle 2013.)
On compte n°10 catégories de monuments historiques réparties en maisons d’habitation, écoles, banques, centres d’affaires, bureaux, églises, lieux de loisirs, centres de communication, hôpitaux et usines.
On le voit sur la figure 10, les monuments historiques sont très nombreux au sein des anciens quartiers concessionnaires et particulièrement dans l’ancien quartier anglais, notamment son secteur des cinq avenues (Wudadao), qui concentre 90% de ce patrimoine. Viennent ensuite les anciennes concessions française, italienne puis japonaise. Les anciens quartiers russe et autrichien (de l’autre coté de la rivière Haihe) n’ont presque pas de bâtiments classés. Cette cartographie a été effectuée à l’été 2013. Pendant notre terrain, de nombreux bâtiments continuaient à être rasés.
Figure 11 : Monuments historiques de Tianjin en 2012
Il y a une forte concentration de monuments historique dans la concession britannique, italienne et française. Le patrimoine russe est quasi‐inexistant mais aussi le belge. Le classement aux monuments historiques est un système de protection très relatif, qui varie toutefois selon que le bâtiment est classé au niveau national (et bénéficie alors d’une attention particulière) ou municipale (avec une menace de destruction plus présente.) il permet surtout d’alerter la population sur l’importance du bâti et de freiner les aménageurs. (source municipalité de Tianjin et réalisation Daisy Debelle).
Figure 12 : Évolution des monuments historiques à Tianjin entre 1965 et 1986. Ces cartographies issues du travail de Qian Gao offrent une comparaison de la concession entre 1965 et 1986. On peut voir que jusqu’aux années 1980 les bâtiments étaient encore assez bien conservés, ce n’est qu’après qu’on a commencé a détruire et reconstruire (GAO, 2011). 1.2.1.2.2�Un classement touristique national à partir de critères plus nombreux et complexes
Le système de classement touristique national 4A a été établi en 1999 et réévalué en 2004, avec l’introduction de la catégorie 5A. Le référencement dépend du bureau national de l’administration touristique (CNTA).
Aux 5 échelles de classement des sites touristiques chinois de rang A correspondent des critères, 1A étant le niveau le plus bas et 5A le plus élevé ; le rang variant selon différents critères. Les transports sont le premier critère d'évaluation dans la liste. Les infrastructures de transport doivent être pratiques et sont également classées selon un système de points. Un site classé 5A doit posséder un minimum de 900 points sur un maximum possible de 1000. La distance avec l'aéroport le plus proche par exemple est un critère primordial ‐ il faut être situé à moins de trente kilomètres environ de l'aéroport le plus proche.
Le second critère est la qualité des guides touristiques qui doivent avoir reçu une formation adéquate. La connaissance des langues étrangères est bien entendue très importante. Les guides doivent être capables de fournir aux touristes des informations sur les sites, qui doivent être à la fois exactes et prouvées scientifiquement, le tout de manière élégante et personnalisée. Les conditions sanitaires représentent le troisième critère d'évaluation. En 2009, la Chine comptait quelques 20 000 sites pittoresques dont 2429 disposaient d’une classification de rang A. En 2007, 66 sites disposaient de la classification 5A ; 785 la 4A ; 521 la 3A et 927 la 2A, sachant qu’il y avait aussi 130 1A. Ce système de classement a pour vocation de faciliter et d’améliorer la mise en valeur des sites. Les sites 5A sont directement gérés par l’État central, les 4A le sont par le niveau régional puis les autres par les niveaux municipal et local.
À Tianjin, on recense 13 sites classés situés dans l’ancien quartier colonial : 2 de rang 2A, 10 3A, et 1 de rang 5A. Au total la municipalité compte 84 sites classés : �� ���������� �� ����������� �� ���������� �� �������� 1A 2A 3A 4A 5A Concession ‐ 2 10 ‐ 1 Ensemble de la municipalité ‐ 20 47 15 2 Figure 13 : Sites touristiques classés dans la ville de Tianjin On peut voir que la ville ne dispose pas de de site 1A et peu de sites 5A, c’est donc dans l’ensemble des sites de moyennes envergures. Beaucoup de sites 3A sont situés dans les anciennes concessions de Tianjin (Source Daisy Debelle 2012). La question de l’authenticité n’est pas posée dans les mêmes termes selon le classement.
Sur la liste des sites classés à Tianjin, on trouve beaucoup de mémoriaux et de musées militaires. Les lieux de mémoire sont nombreux avec 5 mémoriaux et 16 musées. La période coloniale s’illustre à travers 6 d’entres eux : le quartier italien, l’hôtel Astor, la rue européenne Xiaobailu, le parc d’exposition des anciens quartiers coloniaux, le Mémorial Yihetuan et la maison de l’empereur Pu yi. Mais la plupart des sites touristiques sont toutefois des parcs d’attractions, tandis qu’on en dénombre dans la municipalité de Tianjin plus de 13.
Pour les sites nationaux et internationaux, les classements dépendent désormais du ministère de la construction. Depuis les années 2000, les mesures prises à destination du quartier concessionnaire de Tianjin sont de plus en plus nombreuses. Cette reconnaissance du tourisme intervient peu après la transformation de la Chine dans les années 1990 vers ce que François Godement qualifie de « capitalisme d’État »36. Où l’on voit alors la société changer, à travers notamment les campagnes de privatisation des logements publics dans les années 1998 et l’accès au loisir du plus grand nombre.
Le tourisme devient dès lors un outil éducatif entre les mains du parti. Il est important de noter qu’en Chine le développement touristique est mis en place par les institutions locales ou préfectorales – rarement nationales. En revanche, il faut toujours obtenir l’accord de l’État pour développer le moindre projet. Ainsi, contrairement à son voisin russe, le pays a conservé après 1978 un haut niveau de contrôle sur le développement touristique du pays. Plus encore, plusieurs auteurs (NIYRI 2006, TAUNAY 2011, SHEPERD 2013) ont démontré que la Chine éduquait sa population à travers le tourisme.
36 Marie Claire Bergère, Fran�ois Godement & Jean‐Luc Domenac, 27.03, Questionnement sur le nouveau capitalisme chinois. Conférence à Science Po Paris.
Figure 14 : Principales attractions touristiques des grandes villes chinoises
Source Rapport du tourisme urbain chinois WTO 2012 (chiffre 2007), Réalisation Daisy Debelle.
Les sites de rang A sont les plus représentés sur le tableau avec plus de 692 sites. Sur les 20 villes chinoises majeures que comprend l’étude de l’organisation mondiale de tourisme de 2012, Tianjin se positionne assez bien avec de nombreuses attractions touristiques majeures. Ainsi, elle se place en 6ème position des sites nationaux
pittoresques de rang A, 3ème dans le classement des réserves nationales d'eaux, 4ème dans le classement des réserves naturelles nationales et 5èmedans le classement patrimoine mondial.
Nous reviendrons ici sur quelques uns de ces classements méconnus. Le National wetland parks (ou parc national de zone humide) est une convention qui a été ratifiés par 168 pays en 1971 à Ramsar en Iran et dont le dépositaire est l’Unesco. La Chine a 41 sites inscrits depuis 1992. Sur 168 Etat parti en 2013 la Chine avec 41 sites est le 14e pays comprenant le plus de sites derrière la France (42) mais surtout l’Angleterre 16937. Le classement National resort (Complexe hôtelier, de loisir national) fut instauré par le CNTA en 1993, on comptait 13 sites lors de la création. L’inscription comprend 10 critères comme la qualité de l’environnement, les ressources touristiques, l’accessibilité du site et les transport, la nature du marché touristique, l’aménagement du site ; qualité des infrastructures, qualité des équipements de séjours, qualité des équipements de loisirs, la gestion du site et sa sécurité (RYAN & HUIMIN 2008). 37 http://www.ramsar.org/ Villes Site( national( pittoresque( de(rang(A Réserve( nationale( d'eau,(site( pittoresque Parc( géologique( national Parc( forestier( national Réserve( naturelle( nationale Site( national(du( tourisme( industriel Site( national(du( tourisme( agricole Site( historique( pittoresque( national Site(du( patrimoine( mondial Site( touristique( national Parc( national(de( zone( humide Complexe( hôtelier,(de( loisir( national Zone( national(de( vacance 1 Pékin 173 2 3 15 2 13 11 0 6 2 0 0 0 2 Chongqing 63 1 5 23 1 4 9 7 1 0 0 0 0 3 Qingdao 46 1 0 3 1 7 9 0 0 0 0 0 1 4 Nanjing 43 1 9 5 1 43 1 1 1 0 0 0 0 5 Suszhou 42 1 1 2 0 9 30 0 0 0 0 0 0 6Tianjin 35 2 1 1 3 6 8 1 1 0 0 0 0 7 Ningbo 31 2 0 3 0 6 8 1 0 0 0 0 0 8 Wuhan 31 2 1 1 0 0 3 1 0 0 0 0 0 9 Wuxi 30 0 2 1 0 1 11 1 0 0 0 0 1 10 Xi'an 27 0 0 6 3 2 1 2 1 0 0 0 0 11 Guilin 27 0 1 4 2 1 11 1 0 0 0 0 0 12 Hangzhou 26 2 2 5 0 3 6 2 0 0 1 0 0 13 Dalian 23 1 1 2 4 3 3 2 0 0 0 0 0 14 Shanghai 20 3 1 4 2 15 16 0 0 0 0 0 0 15 Chengdu 19 0 4 4 2 1 6 4 4 0 0 0 0 16 Huangshan 19 0 1 4 2 7 5 2 0 0 0 0 0 17 Guangzhou 18 1 1 2 3 2 1 0 0 1 0 0 0 18 Kumming 9 0 1 4 1 0 1 1 0 0 0 1 0 19 Xiamen 7 0 0 1 0 1 0 1 0 0 1 0 0 20 Shenzhen 3 0 0 1 0 0 2 0 0 0 0 0 1
Enfin, les sites classés National Demonstration Sites of Industrial et agricultural Tourism sont aussi très nombreux (124 industriels, 142 agricoles). On voit bien que les sites touristiques chinois peuvent paraître difficile à classer de part leurs nombreux critères, et la variété de leur site, d’autant que beaucoup de sites combinent plusieurs classifications dont les critères sont en réalité très proches. Un site peut ainsi être à la fois classé site touristique national AAAA, parc national et historique et parc industriel (JIA, 2010).
1.2.2� IMPACT DE L’INSCRIPTION
Après avoir montré quels étaient les impacts de l’inscription pour les visiteurs (1.2.2.1), nous reviendrons sur leur importance pour l’État (1.2.2.2). Le label influence l’attractivité du site mais joue aussi un rôle dans la dynamique des territoires en favorisant la compétitivité.
1.2.2.1� Pour les touristes: le rôle des labels dans le choix d’une
destination touristique
Nous reviendrons donc sur le lien entre attractivité et fréquentation des sites (1.2.2.1.1) avant d’insister sur le rôle de l’image dans cette mise en valeur (1.2.2.1.2). 1.2.2.1.1�Étude du lien entre attractivité et fréquentation Les politiques de classement dans le tourisme ne sont pas un phénomène nouveau. En témoigne le guide Michelin qui, depuis le début du XXème siècle, donne des indications sur les sites touristiques et, depuis les années 1920, des étoiles aux restaurants. La politique de labellisation touche désormais aussi le patrimoine, qui y voit un outil permettant d’augmenter son attractivité.L’inscription sur la liste de l’Unesco est habituellement accueillie par les acteurs locaux comme un heureux présage : elle induit souvent une augmentation de la fréquentation touristique et, surtout, une source de développement économique. Toutefois, évaluer l’impact de cette mesure reste un exercice complexe en raison du grand nombre de sites aujourd’hui répertoriés, mais aussi de leurs différences de taille, d’emplacement, de popularité, et d’état de conservation.
A priori, il existe des indices d’un effet de fréquentation : parmi les 10 premiers pays par le nombre de sites inscrits sur la liste de l’Unesco, 7 font partie des 10 premiers pays d’accueil des touristes internationaux. Les sites du patrimoine mondial sont des attractions touristiques majeures, qui captent entre 15 et 20 % du marché. Les statistiques publiées attribuent généralement au label Unesco cette fréquentation, des chiffres souvent corroborés par Atout France (PRINGENT, 2013).