• Aucun résultat trouvé

1.4.1� LES  ÉTAPES  DU  DÉVELOPPEMENT  TOURISTIQUE  EN 

CHINE  

 

Après  avoir  expliqué  chronologiquement  les  phases  du  développement  touristique  chinois  (1.4.1.1)  nous  nous  intéresserons  au  développement  du  tourisme  urbain,  plus  tartif et à ses spécificités (1.4.1.2). 

 

1.4.1.1� Les phases de développement 

 

Le  tourisme  chinois  est  encore  un  phénomène  récent  qui  a  moins  d’un  demi‐siècle  (1.4.1.1.1) mais qui depuis les vingt dernières années a pris d’importantes proportions  (1.4.1.1.2). 

1.4.1.1.1�Une mise en tourisme tardive (1970‐1980) 

 

Dans  sa  thèse  de  doctorat,  Wang  Xiaoyu  (2008)  distingue  quatre  étapes  dans  le  développement  du  tourisme :  une  première  étape  en  1920,  une  seconde  sous  la  république entre 1949 et 1977, une troisième dans les années 70 avec les réformes de  Deng  Xiaoping  et  enfin  une  dernière  en  1990  avec  la  grande  ouverture  et  le  développement économique du pays. 

 

 Une  première  vague  prend  donc  naissance  dans  les  années  1920  avec  notamment  la  création de l’Agence nationale de Chine à Shanghai en charge d’assurer les voyages des  Chinois  et  des  étrangers.  Dans  un  second  temps,  une  nouvelle  étape  apparaît  sous  la  République populaire entre 1949 et 1977. Mais à cette époque, en fait de tourisme, les  déplacements  étaient  plutôt  professionnels  ou  politiques.  Le  pays  était  aussi  régulièrement fermé aux étrangers (WANG, 2008).  

 

C’est  à  partir  du  début  des  années  1970,  pendant  la  période  dite  des  «  quatre  modernisations  »  et  l’arrivée  au  pouvoir  de  Deng  Xiaoping  que  l’on  commence  à  accorder  un  réel  intérêt  au  développement  du  tourisme  en  Chine.  Dès  lors,  les  déplacements se multiplient bien qu’ils restent réglementés par l’État central. L’agence  principale en charge était alors la CBTT (le bureau chinois du voyage et du tourisme). 

Cette  agence  est  aussi  en  charge  de  superviser  la  CITS  (l’agence  internationale  de  voyage).  Cet  organisme  avait  pour  vocation  de  contrôler  les  voyageurs  étrangers  et  dépendait  du  ministère  des  Affaires  étrangères.  L’autre  grande  agence  était  la  CTS  (l’agence de voyage de Chine) en charge du tourisme chinois non continental. Malgré la  multiplication de ces organes il semblerait que la gestion touristique était alors encore  assez faible. 

 

Une  troisième  période  s’ouvre  à  la  fin  des  années  1970  et  dure  jusqu’au  début  des  années 1990. La situation commence à changer avec notamment la tenue de la première  conférence  sur  le  tourisme  à  Pékin  en  1978,  appelant aux  développements  des  infrastructures touristiques et à limiter les restrictions d’entrée pour les étrangers sur le  territoire. Elle sera suivit en septembre 1979 d’une autre dans le complexe maritime de  Beidaihe dont l’objectif sera de passer de 3 à 5 millions de touristes internationaux d’ici  1985����������������.  

 

On assiste aussi au développement des bureaux touristiques de proximité notamment  motivés  par  la  création  de  nouveaux  complexes  touristiques  côtiers.  Le  tourisme  commence  à  être  considéré  comme  un  élément  important  et  distinct  de  la  politique  nationale, et en 1983 le CNTA est créé ‐ l’administration nationale touristique de Chine.  En  1986,  le  comité  permanent  du  Conseil  d’État  adopte  le  plan  de  développement  du  tourisme pour les années 1986 à 2000.  

 

À partir de 1988, les pouvoirs publics commencent à réfléchir à la manière d’intégrer le  développement touristique dans le 5ème plan quinquennal. Les premières destinations à  être mises en tourisme sont les paysages clés comme la ville d’Hangzhou, le Mont Emei, le Grand Bouddha, le mont Taishan, le Huangshan et la ville de Xian, des sites combinant  beauté  et  patrimoine  culturel.  En  1982  le  conseil  d’État  classe  44  sites  comme  parc  nationaux, avant la promulgation en 1985 d’une première loi concernant ce classement.    

Dès  1979,  bien  avant  que  le  tourisme  intérieur  se  développe  pleinement,  Pékin  lance  une première revue touristique, “Tourist” en 1979 publiée par la Beijing Tourism Press.  Alors que “Tourist “ était considérée comme une revue plutôt populaire, une revue plus  pointue et classique voit le jour en 1983 à Kaifeng sous le nom de littérature de voyage 

(luyou wenxue). Ces revues ne sont que les premières d’une longue série et, en 1988, on  recense en Chine 28 revues et magazines sur le tourisme (NYIRI, 2006). Une étude de  Lina  Zhongi,  Bihu  Wu,  Alastair  M.Morrison  (2013)  analyse  le  nombre  de  journaux  publiés sur le tourisme en Chine et comptabilise au total 24 revues sur le tourisme et 36  autres revues qui ne sont pas directement des revues sur le tourisme mais publient des  articles sur le sujet. Les auteurs sont essentiellement étrangers – 319 sont chinois sur  818  recensés,  soit  38%,  une  minorité,  donc,  d’articles  d’auteurs  chinois.  Cette  étude  comprend de nombreuses limites puisqu’elle ne s’interesse qu’aux revues académiques  publiées en langue anglaise.    1.4.1.1.2�Une explosion du tourisme (1990)     On parle de tourisme domestique pour la première fois dans le discours du secrétaire  général  Hu  Yaobang  en  1985,  alors  que  la  même  année  l’administration  nationale  du  tourisme  crée  un  premier  bureau  en  charge  du  tourisme  domestique� �������� �����.  Mais  c’est  réellement  dans  les  années  1990  que  le  phénomène  prend  de  l’importance  avec en 1995, une réduction la durée du travail hebdomadaire de 44 à 40 heures et, en  1996,  l’introduction  de  l’année  des  loisirs  et  vacances  faisant  partie  integrante  de  la  campagne de loisirs culturels lancé par le gouvernement�(WANG, 2008). Entre 1992 et  2001, la Chine entreprend une phase de décentralisation encourageant le secteur privé.  Dans sa thèse de doctorat Wang Xiaoyu insiste sur l’importance du tourisme intérieur et  de régional, issu de pays comme le Japon. Ce constat est partagé par Benjamin Taunay  (2011).    Le tourisme se défini par ses fins récréatives, ce qui exclut les mobilités fondées sur des  intentions non ludiques (KNAFOU, STOCK, 2003). A partir des années 1980, une partie  de la société chinoise disposant de revenus et de temps libre, se met en mouvement à  des  fins  de  découverte,  de  jeu  ou  de  repos.  Depuis  le  milieu  des  années  1990,  une  nouvelle  classe  de  « loisirs »  a  vu  le  jour  dans  les  métropoles  chinoises  (GOODMAN,  1996).  Ces  nouvelles  pratiques  sont  essentiellement  le  fruit  des  classes  moyennes  urbaines. Certes, cette classe n’est pas la seule à s’engager dans le tourisme, mais, par  son  nombre,  c’est  elle  qui  induit  les  transformations  économiques  et  spatiales.  Ce  tourisme  chinois  se  caractérise  par  un  mélange  de  pratiques  imitées  du  modèle 

occidental  et  d’autres  inventées  à  partir  des  héritages  culturels  (TAUNAY  et  VIOLIER,  2014).  

 

Il est intéressant de noter que le tourisme a été lancé et encadré par le gouvernement.  Contrairement  à  l’Occident,  la  Chine  n’évalue  pas  le  nombre  de  visites  au  nombre  de  nuitées  d’hôtel  mais  au  nombre  de  billets  vendus  sur  les  scenic  spots.  Ceci  montre  l’importance  de  ces  sites  dans  la  culture  chinoise  mais  aussi  du  tourisme  national  et  régional. 

 

D’après le Bureau National des Statistiques, le tourisme représentait en 2012 plus de 4%  du PIB chinois. D’après les chiffres officiels, le tourisme chinois comprend plus de 110  secteurs  et  emploient  80  millions  de  salariés61.  En  2009,  les  revenus  du  tourisme  atteignaient semble‐t‐il, 185 milliards de dollars soit une hausse annuelle de 9%. Cette  hausse  est  principalement  due  au développement  du  tourisme  intérieur.  En  Chine,  il  s’est effectué 1,9 milliard de voyages en 2008, un commerce de 1 000 milliards de yuans,  en hausse de 15% par rapport à 2007. Près de 300 millions de Chinois ont visité leur  pays en 201262.  

 

Le nombre de voyages à l’étranger que les touristes chinois ont effectué a augmenté de  +3,6%,  un  chiffre  qui  concerne  donc  47,5  millions  de  voyageurs.  Mais  en  2009,  le  nombre des voyages en Chine effectués par les touristes étrangers a baissé de 3%. Les  raisons de cette baisse sont à trouver parmi la crise financière et la menace de la grippe  aviaire (WANG, 2008). Selon une étude du cabinet KPMG publiée fin janvier 2013, les  voyages  à  l’étranger  des  Chinois  ont  augmenté  de  71%  en  201263.  Ils  seraient  80  millions à avoir visité au moins un pays étranger en 2012 (figure 29).

 

      

61 http://www.marketing‐chine.com/analyse‐marketing/age‐or‐tourisme‐chinois 

62 Les  statistiques  données  dans  ce  paragraphe  n’ont  pu  être vérifié  avec  exactitude  et  mérite  d’être  questionnés. 

63 Etude KPMG, Paris, le 18 mars 2013, ��Les consommateurs chinois, toujours plus amateurs de produits  de luxe, privilégient les achats à l’étranger Ils sont de plus en plus nombreux à envisager l’achat de ces  produits  sur  internet. �  https://www.kpmg.com/FR/fr/IssuesAndInsights/ArticlesPublications/Press‐ releases/Documents/2030318‐etude‐KPMG‐marche‐luxe‐Chine.pdf 

Le  25  avril 2013,  le  Comité  permanent  du  12ème  Congrès  lors  de  la  deuxième  session  nationale a édicté une nouvelle loi sur le tourisme qui vise a soutenir un développement  durable du secteur et à assurer une meilleure protection des voyageurs64.         Figure 29 : Nombre de touristes et revenues touristiques en Chine  Ce graphique montre bien l’importance des revenus générés par le tourisme domestique par rapport au  tourisme extérieur, bien que jusqu’en 2011 le nombre de touristes sortant était plus important. Enfin on  constate qu’au cours des années 1990 le tourisme intérieur est encore très faible comparé au tourisme  étranger (China Statistical Yearbook 1990 ‐ 2011.)    Ainsi en 2002, pendant la semaine d’or du 1er au 7 octobre, 90 millions de billets ont été  vendus pour des zones touristiques65. – c’est 12% de plus que l’année précédente66. En  2011, les 119 sites les plus touristiques du pays ont reçu un total de 34.25 millions de        

64 Texte de loi disponible sur le site de la ville de Tianjin : 

http://www.tjlyrcw.com/system/2013/05/24/011133566.shtml 

65 Les scenic spots s’insèrent dans des tourist zones, qui sont des espaces plus larges. 

66 Créent  pour  favoriser  le  tourisme  intérieur  chinois,  les  semaines  correspondent  aux  deux  semaines  annuelles de congés payés accordées par le gouvernement chinois à partir des années 2000. La première  intervient pendant la fête nationale du 1er au 7 octobre et la seconde est celle du festival de printemps qui  commence  en  janvier  ou  en  février  la  date  changeant  selon  celle  du  nouvel  an  chinois.  Il  existait  auparavant une troisième semaine qui a été supprimé en 2007. 

visiteurs pendant ces vacances, soit 20% de plus qu’en 2010 à la même période67. Le 1er  octobre 2013, ils étaient des dizaines de milliers dans la vallée Jiuzhaigou68 alors qu’un  demi‐milliard de personnes devait se déplacer entre le 1 et le 7 octobre 201469

 

Les  scenic  spots  en  Chine  sont  très  différents  de  ce  qu’on  peut  attendre  en  Occident  puisqu’il s’agit majoritairement de réserves naturelles auxquelles s’ajoutent des palais et  des mémoriaux révolutionnaires (NYIRI, 2006). Si la méthode de comptage est toujours  la  même,  cela  signifie  que  les  sites  occidentaux  ne  sont  pas  comptabilisés  dans  les  statistiques  ce  qui  n’est  pas  vraiment  important  pour  nous  ici  puisque  le  centre  historique de Tianjin ne comprend pas de scenic spot, le plus proche étant la montagne  Pan situé à 120km de notre site d’étude. 

  

On constate que depuis le milieu des années 2000, le marché touristique chinois s’est  beaucoup développé en ligne : le tourisme des Chinois voyageant à l’étranger connaît de  nos  jours  un  boom  sans  précédent,  tandis  que  les  stratégies  marketing  évoluent  rapidement également sur ce marché70. Enfin, la Chine reste le 3ème pays en termes de  contribution au tourisme mondial71. Concernant les dépenses, les Chinois ont déboursé  91 milliards de dollars en 2012, se plaçant en tête. Les entreprises et les pays étrangers  ont vite compris le potentiel que cela représentait.  

 

À  partir  du  milieu  des  années  1990  le  tourisme  devient  un  véritable  moteur  de  l’économie  chinoise,  en  1996  les  pouvoirs  publics  l’institutionnalisent  en  créant  une  année  des  vacances  et  des  loisirs.  En  1999,  la  décision  du  gouvernement  de  fixer  officiellement des périodes de vacances afin de soutenir la consommation et le tourisme  fut un bouleversement comparable à nos congés payés de 1936. Aujourd'hui, les deux Semaines d’or, l'une en février ou janvier selon le nouvel an chinois, l'autre pendant la        

67Global  Times,  2012‐10‐8  14:02:05  ��Golden  Week'  justifies  title  with  rise  in  tourism  revenue � 

http://www.globaltimes.cn/  

68Floruz  Michelle,  4.10.13,  « China's  'Golden  Week'  National  Holiday  Creates  Tourism  Chaos »  http://www.ibtimes.com/ 

69 Waldmeir  Patti,  30.09.14,  « Half  a  billion  Chinese  plan  to  travel  for  ‘golden  week’  holiday »  Financial  Times., http://www.ft.com/  70 Etude KPMG, Paris, le 18 mars 2013, ��Les consommateurs chinois, toujours plus amateurs de produits  de luxe, privilégient les achats à l’étranger Ils sont de plus en plus nombreux à envisager l’achat de ces  produits sur internet. �   https://www.kpmg.com/FR/fr/IssuesAndInsights/ArticlesPublications/Press‐ releases/Documents/2030318‐etude‐KPMG‐marche‐luxe‐Chine.pdf  71 http://www.marketing‐chine.com/chine/le‐marche‐du‐tourisme‐en‐chine 

première  semaine  d'octobre,  donnent  lieu  à  de  gigantesques  déplacements  de  population.  De  là  viennent  des  débordements  qui  transforment  ces  semaines  en  cauchemar.  Six  cent  dix  millions  de  Chinois  se  sont  retrouvés  sur  les  routes  pour  la  deuxième semaine de congés de 2013, selon l'agence de presse officielle Chine Nouvelle.  Résultat  :  des  embouteillages  monstrueux  ont  provoqué  des  pics  de  pollution.  En  octobre 2013, quelque 500 000 visiteurs étaient sur la place Tiananmen lorsque plus de  180  000  étaient  enregistrés  pour  la  Cité  interdite  sur  le  premier  jour  du  mois,  soit  le  double de sa capacité72.       Figure 30 : Place Tianamen  175 000 visiteurs par jours pendant la semaine d’or d’ octobre 2013  Ces semaines de vacances causent  des grandes difficultés de circulation en Chine et provoquent des dégradations importantes sur les sites  touristiques (Source Figaro, crédit Alexandre F. Yuan/AP)   

Sans  compter  la  Muraille  de  Chine  recouverte  de  touristes  sur  ses  9  000  km,  de  nombreux  touristes  bloqués,  des  mouvements  de  foule...  «  La  semaine  du  chaos  »,  comme l'appellent les dizaines de milliers de blogueurs qui se défoulent sur la Toile, a  contraint le gouvernement à promettre une réorganisation des vacances73.            72 Brion Christel, O9/12/13, ��La Chine aux Chinois �, Le nouvel observateur.  73 Saint Paul Patrick, 07/10/2013 ��Tourisme : la �semaine d'or� vire au cauchemar en Chine �, Le Figaro,  (source  web :  http://www.lefigaro.fr/international/2013/10/07/01003‐20131007ARTFIG00238‐ tourisme‐la‐semaine‐d‐or‐vire‐au‐cauchemar‐en‐chine.php?pagination=2) 

Une  loi  à  même  été  proposée  en  2008  pour  entériner  des  congés  d'ancienneté  supplémentaire afin de répartir davantage les grandes migrations. Mais son application  était laissée au bon vouloir des employeurs. Il faudra donc attendre 2020 pour qu'elle  s'impose à tous74. Va t‐on en Chine vers des nouveaux modèles de villes tournées vers le  tourisme  ?  En  témoignent  les  travaux  de  Benjamin  Taunay  sur  les  grandes  villes  touristiques comme Guilin et Beihai (TAUNAY, 2011). Ainsi qualifier Guilin et Beihai est  problématique, sont‐elles des villes « touristifiées » ; des villes à « fonction touristique » ;  des « villes stations » ?    

Outline

Documents relatifs