1.2.1.1� Éléments de définition
Nous nous attacherons ici à distinguer classement et label (1.2.1.1.1) avant de présenter les labels patrimoniaux (1.2.1.1.2). 1.2.1.1.1�La notion de labels et de classementsAvec l’ouverture de la Chine dans les années 1970, le pays a pris conscience de l’importance de son patrimoine et on a vu émerger un intérêt grandissant pour la valeur économique et culturelle de cet héritage. Nous étudierons dans ce chapitre les différentes politiques de classement de la ville chinoise.
Nous réfléchissons donc ici au développement des politiques de labellisation et de classement, notamment en ce qu’elles concernent le patrimoine architectural des centres historiques. En effet, à ce jour, à défaut de projets de développement cohérents, les anciens ensembles urbains sont progressivement détruits quand ils ne sont pas classés. Nous reviendrons d’abord sur quelques éléments de définition des labels et des classements pour mieux en saisir les enjeux. La présence du label est souvent perçue, en France, comme un indice de dynamisme pour le territoire, mais qu’en est‐il de la Chine ?
Ici, le terme de labellisation est donc pris au sens large et revêt diverses formes : classement par hiérarchisation (« villes d’art et d’histoire » ; « paysage pittoresque »), certification culturelle ou touristique (classement international de l’Unesco, classement touristique national chinois).
En termes de communication, le label permet d’apporter un gage de qualité du territoire au citoyen et au client. Nous nous intéresserons ici à deux types de label : les labels patrimoniaux et les labels touristiques. En France comme en Chine, ils peuvent être de deux ordres : nationaux, lorsqu’ils sont décernés par les pouvoirs publics, ou internationaux, lorsqu’il s’agit d’organismes internationaux. Dans le monde touristique, il existe plusieurs labels reconnus propres à chaque domaine de ce vaste secteur
économique. On citera par exemple le guide Michelin et ses étoiles pour la restauration, les recommandations de différents guides pour l’hébergement comme Le Routard.
En Chine, leur équivalent correspond au système d’étoiles décernées par le gouvernement. À l’inverse de la France, en tourisme comme en culture, tout est essentiellement géré par le gouvernement et nous étudierons les limites d’un tel système. Valia Filloz et Valérie Colomb établissent une distinction entre les classements et les labels : « […] dans le foisonnement des labels, les classements sont issus de définitions juridiques ou de distinctions de la valeur ajoutée liée à la qualité, ou tout à la fois ». Ainsi, alors que le classement est plutôt issu d’une normalisation par des entités agréées, la labellisation est le fruit d’un travail collectif, de débats et de négociations qui permettent de légitimer le label.
Pour le formuler autrement, on pourrait avancer l’hypothèse selon laquelle le label émerge de façon horizontale – des pairs, des membres d’une même activité discutent entre eux – tandis que le classement, imposé par une autorité exogène, fonctionne de manière verticale, n’appartient pas aux représentants de l’activité en question, mais s’impose à eux. Des évolutions sont possibles et le classement peut acquérir les caractéristiques d’un label, voire un classement être perçu comme un label. Ainsi le classement Unesco est‐il souvent perçu comme un label de qualité. Enfin, on peut aussi faire l’hypothèse qu’un label émerge de façon souvent endogène alors qu’un classement est souvent exogène.
Il semblerait que le rôle du label Unesco ait évolué depuis sa création. Au moment de la préparation de la Convention, l’objectif était la protection, afin d’éloigner la menace de disparition ou d’altération irréversible. Mais aujourd’hui, avec le développement du tourisme, de plus en plus de pays instrumenalisent la liste à des fins de promotion touristique (PRINGENT, 2013).
1.2.1.1.2�Nature des classements et labels patrimoniaux en Chine
Le label permet de lancer et de guider des pratiques culturelles et touristiques. Il peut aller jusqu’à faire norme (règle conforme à un modèle) voire certification (procédure gérée et garantie par un tiers) ou marque (signe distinctif destiné à rendre reconnaissable et marquer la propriété). Certains ont un caractère contractuel alors que d’autres ne sont que déclaratifs. Il est souvent perçu comme un indice du dynamisme des territoires. Le terme de labellisation est donc ici pris au sens large et revêt diverses formes : classement par hiérarchisation («villes d’art et d’histoire»), certification (Unesco), sélection par concours pour accéder à un titre (« best tourist city »). Ces formes peuvent parfois être mixtes. En termes de communication, le label permet d’apporter un gage de qualité, de valeur du territoire au citoyen et au client. Il n’existe pas de liste officielle de labels dits culturels ou touristiques en France ou en Chine ni de typologie pour un classement (FILLOZ et COLOMB, 2011).
En France, le label est compris comme un outil d’accompagnement, de sensibilisation et de pédagogie des publics et des élus. En Chine, son usage est plus limité, plus récent aussi. On trouve en Chine en 2014, 47 sites inscrits au patrimoine mondial. Le processus d’inscription est long et technique. Les états déposent chaque année un inventaire des biens qu’ils souhaitent voir inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Chaque dossier doit comporter des informations techniques sur le bien pour être ensuite étudié par des experts compétents dans ce domaine, membres de l’Icomos34.
À l’origine, le classement Unesco est un outil technique visant à identifier les sites patrimoniaux menacés ou ayant une valeur universelle. Toutefois, la convention insiste fortement sur la « mise en valeur » du patrimoine (art. 5) et demande aux états « […] d’adopter une politique générale visant à assigner une fonction au patrimoine culturel et naturel dans la vie collective » (art. 5‐1). Or, il apparaît généralement que les sites
Unesco sont utilisés à des fins touristiques, et la plupart sont ouverts à la visite. Finalement, le classement Unesco a été de plus en plus perçu, au fil du temps, comme un label touristique, un gage de qualité, pour les touristes. Figure 8 : Classement touristique et patrimonial des sites chinois On peut voir dans la figure 8 que les classements sont assez récents, les plus anciens remontent à la fin des années 1980. Beaucoup de bâtiments sont classés aux monuments historiques par la municipalité de Tianjin et l’on trouve aussi un bon nombre de site qui dispose d’un classement touristique. (Réalisation Daisy Debelle 2013)
Les labels attribués au paysage naturel au niveau national sont très nombreux en Chine : beaucoup de sites sont concernés par ces labels, dont plus de 225 parc nationaux, 363 réserves naturelles de Chine et 773 forêts nationales. Tous furent créés au début des années 1980.
Figure 9 : Exemple de labellisation nationale du patrimoine naturel en Chine
Type%de%classement Nature%du%classement Administration
Année%de% l'enregistre ment Nbre%de% sites%en% Chine Nbre%de%sites%dans%la% municipalité%de%Tianjin ���� Patrimoine*mondial Inscription*internationale Unesco*relayée*au*niveau*national*par* ����� State*Administration*of*Cultural*Heritage de*1987*à* 2014 45 1 ������ Ville*historique*culturelle Classement*national*(6*catégories) �������� Ministry*of*Housing*and*UrbanMRural* Development*of*the*PRC 1986 *(1982M présent) 121 M ������ Relique*culturelle* (3*niveaux) Classement*national,*municipal*et*du* district ����� State*Administration*of*Cultural*Heritage 1982M2013 *(1982M présent) 4*295* nationaux; 68*473* total 28*reliques*culturelles* nationales 258*reliques*culturelles* municipales ������� Zone*protection*historique*culturelle ��������� Zone*protection*culturelle*historique*du*style*et* trait* Classement*propre*à*Tianjin ������ Tianjin*Planning*Bureau 2005 M 9*zones*protection* historiques*culturelles 5*zones*protection* culturelles*historiques*du* style*et*trait ������ Quartier*historique**culturel********** Classement*propre*à*Tianjin ������ Tianjin*Planning*Bureau 2011 M 14 ������ Monuments*historiques p p j On*compte*10*catégories:*Les*maisons* d’habitations,*les*écoles*les*banques,* siège*commercia,*bureaux, usines,*eglise,**lieux*de*loisir*et*de*sport,* hopitaux,*équipements*de* communication ������������� Tianjin*Municipal*Bureau*of*Land*Resources* and*Housing*Administration*Portal (HMO) 2005M2009 *(2005*M* présent) M 746 ��A��� Classement*touristique *(*Rang*1A*à*5A*) Classement*national* Rang*1A*à*5A* ������ Municipal*Office*Tourisme*de*Tianjin 2001*M*2012 (1999*M* présent) 171*au*5A; 5573*totals* en*2011 96
Ils ne dépendent pas tous des mêmes bureaux, certains étant sous la direction du ministère de la terre et des ressources, d’autres de l’administration nationale des forêts. Le système de protection du patrimoine urbain chinois est institué par le label « Villes, bourgs et villages historiques et culturels ». En 2009, la Chine compte 110 villes classées au niveau national et 180 à l’échelon de la province ; 251 petites villes, bourgs et villages sont classés au niveau national et 529 à l’échelon de la province. Cette classification reflète l’ambition du gouvernement de se doter d’un système de protection ad hoc, tenant compte des échelles et de la diversité des territoires. D’autres éléments urbains d’époques différentes commencent à être protégés à l’échelle locale (DESCHAMPS, 2010).
Il existe de nombreux travaux théoriques qui identifient les spécificités des biens patrimoniaux (BENHAMOU, 2002; RIZZO, THORSBY, 2006 ; MARRELLI, 2008). On l’a vu le classement Unesco est progressivement passé du monumental au patrimoine meuble, voir a l’immatériel. Les règles ne sont pas les mêmes selon que l’on classe un ensemble de monuments comme à Angkor (1985) ou une ville comme Luang Prabang au Laos (BENHAMOU, 2010). Les politiques de conservation à l’échelle de la ville sont plus difficiles à appliquer.
De même il faut prendre en compte la nature juridique du bien, privé ou public. Le patrimoine est constitué de biens tangibles et intangibles qui représentent un condensé de valeur historique, esthétique, scientifique et économique, et une valeur d’appropriation. Les monuments historiques disposent de la qualité de biens publics en France. Un bien devient bien public mondial selon Kaul et Mendoza dès lors que ses bénéfices et ses coûts s’étendent à tous les pays, populations et générations (KAUL et MENDOZA, 2003). L’appartenance au patrimoine mondial ferait basculer la propriété des œuvres et des bâtiments.
Enfin pour être classé à l’Unesco, le bien doit être authentique, ce qui signifie qu’il ne doit pas avoir subi trop de transformations. Or, par nature, les biens patrimoniaux matériels sont altérables.