• Aucun résultat trouvé

Section II. Les systèmes alimentaires au Sénégal

2. Politiques alimentaires et systèmes alimentaires

Aujourd’hui, quel sens faut-il donner aux systèmes alimentaires ? A quelle échelle spatiale faudrait-il les définir? Jusqu’àquelletailledémographiqueetquelniveau deconsommation d’un ou de plusieurs produits par une société peut-on considérerqu’un système alimentaire spécifique -qu’ilestmilicoleou rizicole- existeréellementou n’existepas? Face à ces questions, il nous est difficiled’apporteruneréponsedéfinitivecarlessystèmesalimentairesn’ontjamaisétéposés ainsi ; même si nous reconnaissonsquel’expression estusitéetrèscourammentdepuislafin de la deuxième guerre mondiale. Sorre95 aurait, probablement, après avoir établi en 1943 sa typologie des régimes alimentaires régionaux, identifié les systèmes alimentaires dominants si le problèmeétaitd’actualité.Cesontlaplupartdu tempsdesauteursengagéscommeGeorge96, Ziegler97 et Lacostes98, Pisani99, et d’autres, qui ont tenté, selon leur vision, d’expliquer les systèmes alimentaires mondiaux. Ses auteurs ont compris que si de nos joursl’alimentation d’un grand nombre de population ou de pays passe par un seul pays, cette position dominante entraîne un déséquilibredansl’approvisionnementalimentairedespaysdépendantsetconfèreaux pays dominateurs une influence économique et culturelle.

La mondialisation des produits alimentaires et des modes de consommation donne aux systèmes alimentairesquien sontlesvéhiculesun sensde pouvoiretdemoteurd’expansion économique aux pays qui en sont les porteurs. Raffestin100 a montré comment le contrôle et la gestion de vastesquantitésdesressourcesalimentairespouvaientconstituerlesfondementsd’un pouvoir fabuleux. Il cite (1980, p. 234)101 l’exemplede«la position quasi-monopolistique des Etats-Unis sur le marché céréalier comme étantl’instrumentdepouvoird’unetrèsgrandeefficacitédansla sphère de domination américaine;ced’autantplusquelesmarchésgagnésen préparentd’autres pour des produits industriels. Les systèmes alimentaires ont alors une vocation internationale ».

95Les fondements biologiques de la géographie humaine.

96Comment meurtlautremoitiédu monde.

97La faim dans le monde expliqué à mon fils.

Main bassesurlAfrique. Ledroitàlalimentation.

98Unité et diversité du Tiers-monde : des représentations planétaires aux stratégies sur le terrain Unité et diversité du Tiers-monde : des représentations planétaires aux stratégies sur le terrain.

99La sécuritéalimentaireà léchellemondiale

100op. cite

Ainsiexpliquée,l’alimentation nousapparaîtêtremiseau serviced’autressecteurs.Ellen’est plus cantonnée à satisfaire des besoins biologiques, elle participe plus d’une politique économique de domination plurisectorielle. Et à cet effet, elle est source de « relations dissymétriques »102 entrepaysexportateursetpaysimportateurscommedu restel’ontétéetle sont encore les matières premières dans quelques pays du Sud. Pire encore, elle engendre une fragilisation des territoires dominés en enlevant aux populations locales, acculturées au plan alimentaire, les raisons de développer leur agriculture traditionnelle de subsistance103. Du coup, elle fait disparaître le lien séculaire entre agriculture, alimentation et terroir, un lien fondamental pour la durabilité des territoires. A supposer que ce scénario se réalise, il reviendra donc au pays du Sud deréinventerd’autressystèmesalimentairescarjusque-là les leurs étaient naturellement

o Ensuite, elle englobe plusieurs activités dont une ou quelques-unes sont dominantes et se rapportent directement ou indirectement à la consommation de la population ; politique alimentaire en considérant celle-ci comme une stratégie qui envisage globalement le secteur agro-alimentaire et les mesures sy rapportant en les plaçant dans une vaste perspective économique et politique. L’organisation estimeaussiquelorsdelélaboration d’unepolitiquealimentaireilestcessairedepasserles considérations immédiates pour adopter une optiqueàmoyen termeetqu’ilvautmieux éviterderecouriràdes

o Et enfin, elle peut se reproduire grâce aux interrelations qui lient les éléments le (figure 6 et 8), régional ou local mais en même temps la référence à un système alimentaire nationals’entend demoinsen moins.

Figure 8. Le système alimentaire mondial : les principales routes du commerce agro-alimentaire

Les systèmes alimentaires sont donc un outil de domination aux mains pouvoirs politiques des pays développés qui transforment, reterritorialisent économiquement et culturellement les pays du Sud dans le but de répondre à des besoins extérieurs aux zones de production. Cette dissymétrie des rapports Nord / Sud ressemble à une version moderne de la politique canonnière des vieux pays colonialistes (Raffestin,1980).D’ailleurs,Winston ChurchillcitéparErard et Mounier (1984)105 disait en 1941 que «l’importation deproduitsalimentairesdanslesterritoires allemands occupés était un faux humanisme et que le résultat de tels agissements ne pouvait aboutirqu’àlaprolongation delaguerreetàl’aggravation delamisèrehumaine».

A l’intérieurdespaysdesSud ou entre lespaysdu Sud,ilestarrivéque lesproduitsalimentaires soientutilisésparlesgouvernementspourimposerleurpouvoir.C’estparexemplelecasau Mali en 1993 lorsque le gouvernement, en conflit avec les rebelles Touaregs, décida de bloquer l’aide alimentaire internationale destinée aux populations sinistréesde la région. Mais plus récemment encore, nous avons vu le gouvernement du Soudan interdire aux organisations non-gouvernementalesd’acheminerdel’aidealimentaireaux populationsirrédentistesdu Darfour. L’autre dimension dessystèmesalimentairesc’est la place qui est acquise par les organisations internationales dans l’expansion des systèmes alimentaires106. Ces dernières appréhendent l’alimentation en termededroithumain fondamental.Uneposition quileurpermetdemettreen place des mécanismes transnationaux de diffusion des produits alimentaires de base sous forme deProgrammesd’aide ou deProgrammesd’urgence.Sansquenousnepuissionsleurimputerla responsabilitéentière,ellesontservinéanmoinsà entretenirl’agriculture productivistedes pays du Nord età créerunesorted’habitudesetdedépendancealimentaire entreleSud etleNord.

D’ailleurs,cen’estpaspeut-êtrefortuitquelavulgarisation del’approchesécuritéalimentaire soit davantage le fait des organismes internationaux de développement comme la Banque Mondiale et les Nations Unies à travers la FAO, la PAM, le CILSS, etc.

L’évolution delanotion depolitiquealimentaireàcelledesystèmealimentairesetraduitparun rapprochement des modes de production et consommation.C’estainsi,au niveau despaysde

105Les marchés de la faim:L’aidealimentaireen questions.

106Au cours des années 60, laBanqueMondialeetdesFondationsPries,RockefelleretFord,ontmislaccentsur la nécessité de financer la recherche agricole dans les pays du Sud. Plusieurs centres de recherches internationaux ontétécréésdontlInstitutinternationalderecherchesurle riz(IIRIen 1959),etleCentrepourlamélioration du maïs et du blé au Mexique en 1963. Ces instituts ont élaboré de nouvelles variétés de céréales à haut rendement qui devaient assurer les besoins alimentaires croissants des pays du Sud du fait de la démographie galopante et les faire

l’OCDE etdespaysd’Amériquedu Nord,l’homogénéisation desmodesdeconsommation etle confiagedelaproduction d’alimentsàl’agricultureproductivisteetàl’industrieagro-alimentaire ontconduitàl’effacementdessystèmesalimentaireslocaux d’antan etàl’uniformisation modes de consommation des zones urbaines et rurales. Par contre, au niveau des pays du Sud, en Afrique subsaharienne plus particulièrement, le phénomène est beaucoup plus complexe. Les systèmes alimentairestraditionnelslocaux n’ontpastoujoursdisparus. Maisladiffusion des modes et des produits de consommations de types occidentaux tend à créer des systèmes alimentaires déséquilibrés. Elle amène à la coexistence deux systèmes alimentaires ou alors elle crée un mélange de différents modes de consommation, traditionnelles et modernes107.

Parailleurs,l’emprisedessystèmesalimentairesdominantsesttellequedanscertainspaysdu Sud, dont le Sénégal est un exemple, il est difficile de parler del’existenced’unepolitique alimentaire au sens de l’OCDE. Car au Sénégal, il existe surtout des stratégies d’approvisionnementreconduites,transformées,réajustéesuneannéesurl’autre en fonction des aléas climatiques mais surtout en fonction du marchéinternational.C’estpourquoiparexemple, chaque année,le gouvernementréunielesprofessionnelsdu riz lorsd’un comitéinterministériel pourfixeraveceux lesquotasd’importation deriz nécessairesàla consommation du pays. Ainsi, le gouvernements’assuredel’approvisionnementrégulierdesménagesurbains,tandis quepourcequiestdu milieu rurallastratégieconsisteàlaisserlespaysanss’adonneràleurs cultures vivrières traditionnelles et durant la phase de soudure ou de pénuries, faire appelàl’aide alimentaire internationale.

3. L’ é vol ut i on de s s ys t è me s al i me nt ai r e s

Les systèmes alimentaires mondiaux ou mondialisés tels que nous les découvrons de nos jours témoignentlerésultatd’un long processusde transformation desressourcesnaturelles. Un bref aperçu historique permet de différencier trois principales phases :

- La phase préagricole : Durant cette période les systèmes alimentaires correspondaient à des systèmes de prélèvements des ressources naturelles (cueillette, chasse et pêche) ;

- La phase agricole : Elle remonte à 10 mille ans avant notre ère et marque une évolution humainenotableen cequ’ellemarqueledébutdelaproduction commestratégie alimentaire. Nous assistons alors au changement des rapports homme-nature. Du prélèvement, l’homme passe à l’exploitation. Il exploite, transforme les écosystèmes naturels et crée des paysages agraires. C’est la naissance des systèmes agro-alimentaires, dénommés systèmes d’autosubsistance.

- La phase agro-industrielle : On peut considérerquec’estunephasequiadémarréavec les révolutions scientifiques et industrielles du XVIIIeet du XIXesiècle et qui se poursuit encore denosjours.Ellemarquelafin du systèmealimentaireapparu sousl’âgeagricoleen ayant notamment contribué à accroître les variétés et productions agricoles et à améliorer la productivité des semences. Au cours de cette période, les produits agricoles sont insérés dans un processus économique et dans certains cas sont considérés comme des matières premières destinées à la transformation. Ainsi se sont créés des réseaux ou des systèmes de relations entre l’industrie,l’agricultureetlesgouvernantsdanslebutde subveniraux besoinsmutuelsdesuns et des autres mais également de répondre aux besoins en alimentation de la population.

La révolution industrielle a ouvert une nouvelle ère de consommation alimentaire dans les pays développésgrâced’unepartàlamiseen placed’un systèmeagro-alimentairemondialetd’autre part à la quasi-disparition de l'autoconsommation du fait de la réduction des masses rurales, de la généralisation du revenu monétaire et en même temps de la transformation des cultures traditionnelles vivrières. C’est dans cet élan, qu’à partir des années 50, le système agro -alimentaire américain s’affirme comme un des principaux modèles alimentaires à vocation planétaire. Trois facteurs vont faciliter son exportation et son expansion. Premièrement, il y a l’étatéconomique post-guerre del’Europequiapermisunefacileduplication du modèle agricole américain. Deuxièmement, c’est l’alignement de l’agriculture sur le système de production industrielle et la création de conglomérats agro-alimentaires utilisant tous les secteurs de l’économie.Ettroisièmementc’estla‘‘Révolution verte’’dans les pays du Sud (en Asie, au Moyen-Orient,en AmériqueLatineeten Afrique).Denosjours,l’exportation demodèleagro -alimentaire américain se fait grâce à une position d’avant garde des Etats-Unis au plan scientifiques (organismes génétiques modifiés, la bio-alimentation) et la publicité alimentaire.

Section II. Les systèmes alimentaires au Sénégal

Avant d’aborder en détail les systèmes alimentaires sénégalais, il nous semble important de préciser quelques notions largement usitées et dont le sentimentd’évidencedeleursignification cache néanmoins quelques confusions. Ces notions sont au nombre de trois:l’autosuffisance alimentaire, la sécurité alimentaire et l’auto-approvisionnement en céréales. Apparues à des périodes distinctes, les deux premières notions témoignent la recherche constante à travers le monde de trouver une solution à la demande de consommation alimentaire en premier mais par la suite de prendre en compte les dimensions ou les implications économiques et politiques de l’alimentation.