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Chapitre 3 – Analyse des trajectoires de développement agricole au Mexique (1991 – 2007) :

A. Contexte mexicain et questions posées

3. Des politiques d’accompagnement du libre-échange : PROCAMPO, PROCEDE et

Etant donnée la sensibilité du secteur agricole et du milieu rural, le choix d’un rythme de libéralisation lent et d’un accompagnement politique a été fait :

Ouverture progressive du marché mexicain du maïs

2500 2600 2700 2800 2900 3000 3100 3200 3300 3400 1998 2000 2003 2008 ton ne s m é tr iqu e s ( *1 0 0 0 ) 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 %

138  le PROCAMPO, politique de transfert monétaire direct et découplé (des productions) ciblé sur les parcelles agricoles. Il a été initialement conçu sur 15 ans (de 1994 à 200842) pour atténuer la baisse du revenu agricole des agriculteurs. Pour les éleveurs, son équivalent PROGAN existe. Les objectifs du PROCAMPO étaient les suivants : éviter une hausse brutale des niveaux de pauvreté en anticipation d’une forte baisse du prix du maïs, permettre la modification de l’offre agricole et faciliter l’acceptabilité sociale du libre-échange (même les agriculteurs et ménages agricoles acheteurs net le reçoivent, alors qu’ils bénéficient de la baisse du prix du maïs ...). Il a concerné 3,3 millions de producteurs, 14 millions d’hectares et représentait environ 85 US$/ ha (environ 1200 pesos / ha) soit 35% du budget agricole national,

Le PROCEDE débuté dès 1992 : programme de mesure des parcelles agricoles et d’octroi de titres de propriété fonciers, censé activer un marché foncier largement gelé par les institutions héritées de la réforme agraire mexicaine depuis les années 1930 (location et achat-vente interdites dans les Ejidos), accompagné de la légalisation législative des transactions foncières (location et achat-vente).

le programme PROGRESA aujourd’hui appelé OPORTUNIDADES a été mis en place spécifiquement pour lutter contre la pauvreté et investir dans le capital humain (Yunez- Naude, 2002). Il s’agit d’un transfert monétaire direct ciblé sur familles pauvres (urbains et ruraux) et conditionné à l’assiduité scolaire des enfants et à des visites médicales régulières des enfants et des parents. Nous ne détaillerons pas Oportunidades ci-dessous mais le prendrons en compte dans la mesure des revenus totaux des ménages agricoles enquêtés (voir chapitre 4).

a. PROCAMPO : subventions agricoles découplées pour atténuer l’impact de la baisse du prix réel du maïs

Le PROCAMPO consiste en un paiement fixe par hectare transféré à celui qui cultive la parcelle, que ce soit l’agriculteur propriétaire, ou l’agriculteur loueur ou métayer. Le paiement est découplé des utilisations ultérieures de la terre et est identique dans tout le pays. L’éligibilité a été déterminée une fois pour toutes et aucune autre nouvelle règle n’a été ajoutée depuis 199443.

Ce programme a été mis en œuvre au Mexique durant le cycle agricole d’hiver 1994, à la suite de l’entrée en vigueur de l’ALENA. Le programme a été initialement conçu pour durer 15 ans, période de transition vers le libre-échange, et devait se terminer en 2008. Il a été prolongé depuis (jusqu’à aujourd’hui, 2015).

L’éligibilité et le montant maximum reçu dépendaient des agriculteurs et de ce qu’ils produisaient avant le PROCAMPO. Durant les 3 années / cycles agricoles précédant août 1993, les producteurs semant et récoltant une (ou plusieurs) des 9 cultures suivantes étaient éligibles : maïs, haricot, riz, blé, sorgho, orge, soja, coton, cardamone. En fait, l’éligibilité concernait les parcelles plutôt que les agriculteurs.

Encadré : les modalités d’octroi du PROCAMPO (Ruiz-Arranz et al., 2006).

Il y a deux cycles agricoles par an, le PROCAMPO peut donc être délivré deux fois par an. En pratique, seuls les agriculteurs ayant accès à l’irrigation peuvent réellement cultiver durant le cycle

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Le PROCAMPO existe toujours mais a changé de nom : il s’appelle en 2015 le PROAGRO.

43 Excepté le programme PROCAMPO CAPITALIZA qui permettait aux agriculteurs, dès 2006 de recevoir d’un

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automne-hiver (cycle dit « OI » pour Otoño Invierno) et recevoir le PROCAMPO deux fois par an. Les paiements correspondent aux terres cultivées, celles-ci ne pouvant pas dépasser les terres déclarées lors de la détermination initiale de l’éligibilité avant 1994.

Les paiements sont des chèques distribués au bureau CADER, et, en 1997, étaient en moyenne de 329 US$ par bénéficiaires et de 68 US$ par hectare. Un bénéfice additionnel lié au programme est que le certificat de réception du PROCAMPO peut être utilisé comme garantie pour des emprunts bancaires ou des vendeurs d’intrants agricoles, bien que souvent à des taux très élevés.

PROCAMPO couvre 95% de la surface du Mexique qui était cultivée en maïs, haricot, sorgho et blé. Il concerne 14 millions d’hectares de terres, 3 millions de producteurs chaque année. En 1998, il représentait 919 millions de US$ (courants). PROCAMPO est particulièrement important dans les Ejido où 84% des ejidatarios ont participé et reçoivent un paiement, en moyenne, pour 5,2 hectares.

Puisque le PROCAMPO est distribué par hectare, les grandes exploitations agricoles reçoivent des transferts totaux plus élevés. Les producteurs ayant moins de 5 hectares, représentent 45% des bénéficiaires mais ne reçoivent que 10% des paiements totaux.

Cependant, le PROCAMPO, en étant fixe par hectare et en ne dépendant ni des rendements ni des quantités vendues, tend à redistribuer les transferts vers les petits producteurs dont les rendements et les quantités vendues peuvent être plus faibles. De plus, Le PROCAMPO bénéficie aux producteurs qui ne bénéficiaient pas des soutiens aux prix durant la période pré ALENA puisqu’ils ne vendaient pas (producteurs de subsistance ou d’auto consommation pure, souvent acheteurs net de maïs donc bénéficiaires de la baisse des prix).

b. Le PROCEDE et les différents degrés de libéralisation du marché foncier

On ne saurait mieux décrire que Cochet (2009) la réforme agraire, politique d’ampleur de redistribution des terres mexicaines qui a eu lieu au Mexique entre 1915 et 1992, et qui détermine les types de tenure foncière actuels. Nous en rappelons ici les principaux chiffres, bilans et notions. Nous invitons les lecteurs désireux d’en savoir plus à l’annexe 3.2 ou à se rapporter à la publication citée44.

En 1992, il y a eu « la réforme de la réforme » : d’après Cochet (2009), « est proclamée la

fin de la réforme agraire, présentée parfois comme la fin de sa phase distributive. Une nouvelle loi agraire, d’inspiration néolibérale, est promulguée (…) Les grands principes de la nouvelle loi agraire sont les suivants :

i) (…)

ii) on réaffirme le plafond de la propriété́ privée comme étant égal à 100 ha d’irrigué, ou 200 ha de temporal c’est-à-dire de terres pluviales non irriguées / irrigables), ou 400 ha de pâturage de bonne qualité́, ou 800 ha de « bosque, monte o agostadero en terrenos áridos », ou la surface nécessaire pour entretenir 500 têtes de gros bétail, ou enfin, 300 ha de plantations pérennes,

iii) on réaffirme le caractère illégal du latifundium et on introduit l’obligation, pour le propriétaire, de vendre l’excèdent par rapport au plafond légal,

iv) on libéralise le marché foncier à l’intérieur de l’ejido en légalisant les ventes, locations, contrats à mi- fruit et mises en garantie,

(…) Il s’agit bien (…) de faciliter l’entrée du capital non-paysan dans l’agriculture (…) Dans l’esprit de ses artisans, l’objectif de la réforme est de «transférer la propriété́ des ejidos

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et communautés de la Nation aux ejidataires et comuneros eux-mêmes ainsi que d’établir avec clarté́ les droits individuels et/ou collectifs de chacun ». (…)

Un vaste programme est mis en place pour permettre la mise en application de la loi, le programme PROCEDE (programa de certificación de derechos agrarios). Chaque ejido peut, si il le souhaite, «rentrer» dans la procédure PROCEDE en franchissant successivement les étapes prévues :

1ère étape : parcelamiento ejidal. Il consiste à prendre acte de la répartition interne de la terre au sein de l’ejido, avec un cadastre (…)

2ème étape : dominio pleno ou pleine propriété́ qui doit aboutir à la délivrance (…) d’un titre de propriété́ individuel et définitif.

Le PROCEDE est l’outil (…) pour accélérer l’accès à la propriété́ privée (…). Outil de certification des droits fonciers, il reconnait trois catégories d’ayant droit de la « propriété́ sociale » :

les ejidataires et comuneros de « plein droit »

des posesionarios ayant droit à une parcelle (en général plus petite que les « vrais » ejidataires) mais sans droit de vote aux assemblées.

les avecindados, qui ne disposent que d’un solar (et sont souvent des héritiers potentiels des ejidataires) »

Ces évolutions politiques au Mexique nous conduisent à poser les questions suivantes : comment la productivité du travail agricole est-elle corrélée i) à l’octroi du PROCAMPO aux producteurs et ii) à la tenure foncière et au degré de libéralisation du marché foncier ? Dans la partie C de ce chapitre consacrée à l’identification des déterminants statistiques de la productivité du travail agricole dans les Municipes, nous testerons l’influence de ces

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