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Chapitre 2 – Analyse des trajectoires de développement agricole dans le monde à l’échelle

E. Analyse des contrastes entre différents types de trajectoires

110 On réalise une classification ascendante hiérarchique (CAH) sans imposer de nombre de

classes, sur les seules 9 variables suivantes caractérisant les trajectoires de développement agricole :

 Productivité du travail agricole : en 1980, 2005 et son taux de croissance,

 Nombre d’hectares travaillés par actif agricole : en 1980, 2005 et son taux de croissance,  Productivité de la terre : en 1980, 2005 et son taux de croissance.

Une troncature automatique forme 5 classes de pays homogènes35.

Les objets centraux et barycentres (moyenne de chaque variable pour les pays appartenant à cette classe) de ces classes sont les représentés dans le tableau 2.6 suivant, à la droite duquel, nous avons également indiqué les valeurs prises par ces variables au Mexique (à titre indicatif, étant donnée la suite de ce document (chapitres 3 et 4 consacrés au Mexique)).

A grands traits, la classe 1 rassemble des pays en développement, la classe 2 également, la classe 4 les pays développés, la classe 3 n’est composée que de l’Australie et de la Mongolie, deux pays très à part du fait de valeurs de surface par actif agricole très élevées, la classe 5 de deux pays asiatiques (Japon et Corée du Sud) et de très petits pays de type « île » où la terre est un facteur rare (par rapport au travail).

Le Mexique appartient à la classe 1.

La croissance de la productivité du travail agricole est très variable d’une classe à l’autre (de seulement +41% dans C1 à +506% dans C5). Dans les 5 classes, la productivité de la terre a augmenté (de +51% à +197%). Le facteur discriminant est donc véritablement la

surface par actif agricole qui décroît dans C1 et C2 et croît dans les autres classes.

Le taux de croissance de la productivité du travail agricole est le plus élevé dans la

classe C5, ce qui s’explique par une très forte augmentation de la surface par actif agricole

(+159%) (partant et arrivant néanmoins à des niveaux pourtant très faibles) et à une forte

35 Les 88 pays de la classe 1 sont : Afghanistan, Albania, Angola, Argentina, Bahrain, Bangladesh, Benin, Bhutan,

Bolivia, Botswana, Brazil, Burundi, Cambodia, Cameroon, Cape Verde, Central African Republic, Chad, Colombia, Congo, Côte d'Ivoire, Cuba, Cyprus, Democratic Republic of the Congo, Djibouti, Dominican Republic, Egypt, El Salvador, Fiji, French Polynesia, Gabon, Gambia, Ghana, Grenada, Guatemala, Guinea-Bissau, Guyana, Haiti, Honduras, Hungary, India, Indonesia, Iraq, Jordan, Kenya, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Malaysia, Mali, Mauritania, Mauritius, Mexico, Morocco, Mozambique, New Caledonia, Nicaragua, Niger, Oman, Pakistan, Panama, Paraguay, Peru, Philippines, Poland, Portugal, Qatar, Romania, Rwanda, Saint Lucia, Senegal, Sierra Leone, Somalia, South Africa, Sri Lanka, Suriname, Swaziland, Syrian Arab Republic, Thailand, Togo, Tunisia, Turkey, Uganda, Uruguay, Venezuela, Viet Nam, Zambia, Zimbabwe.

Les 16 pays de la classe 2 sont : Algeria, Belize, Burkina Faso, Chile, China, Costa Rica, Ecuador, Guinea, Iran, Kuwait, Laos, Myanmar, Nepal, Nigeria, Sudan, Tanzania.

Les 2 pays de la classe 3 : Australia, Mongolia.

Les 24 pays de la classe 4 sont : Austria, Barbados, Belgium et Luxembourg, Bulgaria, Canada, Denmark, Finland, France, Germany, Greece, Israel, Italy, Lebanon, Libya, Netherlands, New Zealand, Norway, Saudi Arabia, Spain, Sweden, Switzerland, United Arab Emirates, United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, United States.

111 augmentation de la productivité de la terre (+116%) : malgré un niveau moyen en 1980 déjà extrêmement élevé, il a continué de croître.

Les pays de la classe 1 ont la productivité du travail agricole la plus faible en 2005 (2581 US$) et elle a peu augmenté (+41% seulement, ce qui est également la plus faible croissance parmi les classes). Cela s’explique par la baisse de la surface par actif agricole de - 6% qui a été peu compensée par l’augmentation de la productivité de la terre (+51%, la plus faible de toutes les classes).

Les pays de la classe 2 ont eux aussi une productivité du travail agricole faible en 2005 (3139 US$) mais ils se différencient de la classe 1 car elle y a plus que doublé (+117%), et ce, grâce à une très forte progression de la productivité de la terre qui a presque triplé (+197%) et malgré une forte baisse de la surface par actif agricole (-28%).

Les mécanismes agricoles à l’origine de la forte croissance de la productivité de la terre dans les pays de la classe 2 sont ceux de l’intensification à l’hectare : une très forte progression de la fertilisation par hectare (de 6 à 20 kg d’engrais / ha), de l’irrigation (de 5% à 8% des surfaces) et du stock de capital net par hectare (de 39000 à 69000 US$). Les pays de la classe 1 connaissent aussi un certain processus d’intensification agricole mais il est moins prononcé, en taux de croissance, sur la fertilisation, l’irrigation et le stock de capital que dans les pays de la classe 2.

Dans les classes 1 et 2, la baisse de la surface par actif agricole de -6% (C1) et de -28% (C2) s’explique par une croissance du nombre d’actifs agricoles de +35% (C1) et de +56% (C2) peu compensée par la croissance de la surface travaillée (+12% dans C1 et +9% dans C2).

Les pays de la classe 4 (pays développés) ont une productivité du travail agricole élevée en 2005 (32153 US$) et qui a triplé en 25 ans (+199%). Cela s’explique par un presque doublement de la surface par actif agricole qui passe de 27 à 50 ha / actif agricole (+97%) concomitante d’une progression plus modérée de la productivité de la terre (+64%). La population active agricole a baissé en moyenne de 31% et la surface agricole presque stagné (+2%), ce qui explique l’élévation de la surface par actif agricole.

En ce qui concerne les variables non agricoles dont l’évolution fait sens avec ce qui précède, on note la très faible croissance de la productivité du travail non agricole dans C1 (+7%) comparé à C2 (+51%) mais une croissance du PIB total réel / habitant identique à la classe C4. Les très forts taux de croissance de la population active non agricole (+167% et +172%) des classes C1 et C2 indiquent que ces effectifs sont davantage fonction de l’inertie

démographique que de la réallocation interne des actifs agricoles vers les secteurs non agricoles. Cela confirme l’interprétation que nous avons donné au signe négatif associé à la

variable « taux de croissance de la population active non agricole » dans RégLinA_4 et RegLinA_4’ : cette variable, loin de représenter la « création d’emplois nouveaux » dans le

secteur non agricole et la réallocation d’actifs agricoles dans l’économie non agricole, est « emportée » par la dynamique démographique.

La taille économique (PIB) des secteurs non agricoles croit dans C1 et C2 beaucoup plus fortement qu’ailleurs car ces secteurs partent de niveaux très bas.

112 En ce qui concerne les variables démographiques dont l’évolution fait sens avec ce qui précède, on note que les classes C1 et C2 ont les plus forts taux de croissance démographique (+73% et +77%) (et passent d’indices de fécondité de 6 à 4 enfants par femme : ils sont engagés dans la transition démographique).

On retrouve l’idée selon laquelle la croissance des secteurs NON agricoles ne suffit pas pour permettre un réel développement agricole : il semble qu’il faille également une baisse du nombre des actifs agricoles (ceux-ci continuent d’augmenter malgré la hausse du nombre des actifs NON agricoles dans les classes 1 et 2) pour permettre de déclencher le moteur le puissant à cette fin, à savoir l’élévation progressive de la surface agricole travaillée par actif agricole.

On peut représenter les trajectoires de ces classes de pays par des droites dans l’espace à 4 dimensions préalablement défini (surface agricole travaillée par actif agricole en abscisses, productivité de la terre en ordonnées, courbes d’iso-productivité du travail agricole ; temps (le point sur chaque extrémité de droite correspond à l’année 2005).

Figure 2.15 : Trajectoires de développement agricole moyennes de 5 classes, composées de pays aux trajectoires statistiquement similaires.

PW2500 PW6000 PW15000 PW25000 PW40000 PW75000 PW100000 0,0 2000,0 4000,0 6000,0 8000,0 10000,0 12000,0 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 P ro d u ct ivi d e la t e rr e Ha / actif agricole

Trajectoires agricoles moyennes des 5 groupes de pays

classe 1 classe 2

classe 3 ici non visible classe 4 classe 5 PW2000 PW2500 PW3000 PW20000 PW25000 PW30000 PW35000 PW45000

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classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5

N pays 88 16 2 24 5

Objet central Maroc Iran Australie Liban Japon Mexique (classe 1)

TxCrProdtéWAgric 41% 117% 77% 199% 506% 38% ProdtéWAgric2005 2581,5 3139,5 24412,2 32153,7 47916,9 3290,66 SurfaceParActifAgricole2005 11,3 6,6 751,8 50,4 4,3 12,37 SurfaceParActifAgricole1980 12,9 9,2 818,5 27,3 1,7 12,63 ProdtéTerre2005 630,6 484,0 25,5 1944,4 12625,9 265,95 ProdtéTerre1980 457,2 159,2 11,3 1448,0 7257,3 189,41 TxCrSurfaceParActifagric -5% -28% -8% 97% 159% -2% TxCrProdtéTerre 51% 197% 92% 64% 116% 40% TxCrPopActiveNONagric 167% 172% 103% 79% 94% 152% TxCrPopActiveAgric 35% 56% 0% -31% -58% 6% ProdtéWNONAgric2005 11672,9 11062,5 37859,6 63673,2 49029,5 22545,75 ProdtéWNONAgric1980 12591,5 13714,4 26915,0 58567,5 53739,8 30438,96 TxCrProdtéWNONAgric 7% 51% 19% 22% 46% -26% TxCrPIBtotParHabitant 42% 97% 50% 43% 106% 19% TxCrPIBManufact 235% 362% 75% 105% 216% 93% TxCrPIBMining 223% 414% 125% 58% 214% 91% TxCrPIBConstruction 219% 308% 84% 47% 93% 35% TxCrPIBCommercesrestoHotels 138% 261% 173% 92% 150% 76% TxCrPIBTransport 526% 421% 176% 163% 361% 161% TxCrDémographique 73% 77% 45% 37% 41% 55% Fecondité1968 6,10 6,34 5,24 3,29 3,67 6,78 Fécondité1993 4,44 4,39 2,54 2,09 2,19 3,11 TxCrFécondité -28% -31% -47% -35% -35% -54% PopTot2005 37043 112280 11476 32089 34906 106484 ProportionIrriguée2005 10% 8% 0% 13% 30% 6% ProportionIrriguée1980 7% 5% 0% 9% 23% 5% FertiParHectare2005 49,2 20,3 2,6 82,7 155,4 16,54 FertiParHectare1980 32,4 6,1 1,1 124,1 185,5 10,76 StockNetCapitalParHectare2005 146,9 69,2 15,1 1378,1 8893,4 47,35 StockNetCapitalParHectare1980 82,4 38,9 14,3 1445,6 5214,7 25,80 %PIBagric2005 17% 20% 11% 2% 2% 3% %PIBagric1980 21% 22% 16% 3% 4% 4% LOGProdtéWAgric1980 3,0 2,8 3,8 4,0 3,9 3,38 LOGPIBtotParHab2005 3,2 3,2 3,8 4,4 4,4 3,90 LOGPIBtotParHab1980 3,1 2,9 3,6 4,3 4,1 3,82 TxCrPIBagric 69% 220% 77% 73% 79% 47% TxCrHectares 12% 9% -8% 2% -14% 4% TxCr%Irrigation 89% 109% 122% 130% 71% 21% TxCrFertiParHectare 368% 551% 61% 148% -24% 54% TxCrKnetparHectare 128% 92% -19% 20% 666% 84% P ro d u c ti v it é d u t ra v a il a g ri c o le e t s e s f a c te u rs Economie NON agricole Démographie Agriculture

Tableau 2.7 : Moyennes des variables dans 5 classes de pays aux trajectoires de développement agricole similaires.

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1. Une « course de vitesse » entre hectares et actifs agricoles

Puisque la surface travaillée par actif agricole apparaît empiriquement comme un levier effectif de l’élévation de la productivité du travail agricole, nous allons en étudier les variables unitaires : « surface travaillée » et nombre d’actifs agricoles », ainsi que leurs co- évolution et corrélation temporelles.

On rappelle tout d’abord que le raisonnement « marginaliste » que nous avons mené précédemment permet de conclure que l’influence marginale (l’élévation d’un point de pourcentage) du taux de croissance de la surface par actif agricole est environ 1,5 fois supérieure à l’influence marginale du taux de croissance de la productivité de la terre.

On rappelle aussi que dans la CAH, le « taux de croissance du nombre d’hectares

agricoles » est plus élevé36 dans les classes de pays 1 et 2 à faibles niveau et taux de croissance de la productivité du travail agricole.

De plus, on propose d’analyser la matrice des corrélations de toutes les variables

(dépendantes et explicatives) et de mettre en évidence les coefficients de corrélation dont la valeur absolue est supérieure à 0,5. On surligne en jaune les corrélations entre le « taux de

croissance du nombre d’hectares par actif agricole » et les autres variables. Ce taux est :

positivement corrélé avec « TxCrProdtéWAgric », « LOG ProdtéWAgric2005 » et

« LOGPIBtotParHab2005 »

négativement corrélé, sans surprise, avec le « taux de croissance du nombre d’actifs

agricoles » (-0,76) et de manière très intéressante avec les indices de Fécondité en 1968

et en 1993.

On surligne en rouge les corrélations entre le « taux de croissance du nombre d’actifs

agricoles » et certaines autres variables.

On note que ce taux, est :

négativement corrélé avec les variables :

o « taux de croissance de la productivité du travail agricole » o « LOG de la productivité du travail agricole » en 2005 et en 1980 o « FertiParHectare1980 »

o « LOG du PIB total par habitant » en 1980 et en 2005  positivement corrélé :

o les variables démographiques : « TxCrDémographique », « Fecondité1968 », « Fécondité1993 »

o le « taux de croissance du nombre d’hectares agricoles » (0,53).

On surligne enfin en vert le coefficient de corrélation positif entre le « taux de

croissance du nombre d’hectares agricoles » et le « taux de croissance du PIB agricole »

(0,57) et le taux de croissance démographique (0,54).

36

voire nettement plus élevé : il est positif tandis qu’il est négatif dans les autres classes.