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Chapitre 3 – Analyse des trajectoires de développement agricole au Mexique (1991 – 2007) :

A. Contexte mexicain et questions posées

2. L’Accord de Libre Echange Nord-Américain, la baisse tendancielle du prix réel du

L’ALENA est entré en vigueur le 1er janvier 199440. Cet accord plurilatéral entérine l’annulation plus ou moins progressive (selon la «sensibilité sociale » des produits) des barrières douanières entre Canada, Etats-Unis et Mexique. Selon la typologie des formes d’intégration régionale élaborée par Balassa, l’ALENA correspond à la forme la plus sommaire (d’Agostino, 2003). L’ALENA est en effet un processus d’intégration strictement

commercial, sans un tarif extérieur commun entre les pays membres, ni même une libre

circulation des personnes et ne constitue encore moins une intégration politique : pas de coordination des politiques économiques et monétaires, pas d’institution supra nationale41.

L’accord est cependant un symbole du changement de modèle de développement

du Mexique, et ses conséquences économiques sont importantes y compris pour le secteur agricole.

Jusque dans les années 1980, la recherche par le Mexique de la sécurité alimentaire passait par celle de l’autosuffisance alimentaire (Appendini, 2008). Selon cette stratégie, c’est la production intérieure qui était soutenue pour satisfaire les besoins intérieurs. Le recours au marché mondial devait rester marginal, le modèle global de développement étant basé sur la substitution aux importations. Pour ce faire, dans le secteur agricole, l’intervention de l’Etat était forte : droits de douane élevés sur les importations, intrants subventionnés (fertilisants, herbicides, etc.), prix garantis pour les grains de base (maïs, haricot, orge, blé, sorgho, soja et autres oléagineux et protéagineux), crédits et assurances bonifiés ou octroyés à fonds perdus, entreprises publiques (CONASUPO (Compania Nacional de Subsistancias Populares)) d’achat, de stockage et de commercialisation au détail, subvention aux consommateurs sur le prix de la tortilla.

Au Mexique le maïs était et reste la principale production agricole en volume et en

superficie semée. Pour la majorité des producteurs, le maïs joue un double rôle de culture

vivrière et de culture commerciale génératrice d’un revenu monétaire. Pour les consommateurs également, c’est un symbole culturel (d’origine ancestrale, le Mexique est le berceau de la téosinte, la plante « ancêtre » du maïs) et un aliment quotidien des ruraux comme des urbains, consommé après transformation en tortilla, ou directement consommé en épi.

Durant la période de développement dite de « substitution aux importations », le

soutien du prix du maïs avait trois objectifs spécifiques :

1. surélever le prix intérieur par rapport au prix international pour augmenter le revenu des producteurs,

2. réduire la variation intra annuelle des prix en fixant un prix garanti, 3. réduire la variabilité inter annuelle des prix.

40

A l’époque, l’ALENA est la plus grande zone de libre-échange du monde : elle rassemble près de 430 millions d’individus au sein des trois pays : le Canada (30 millions), les Etats-Unis (300 millions) et le Mexique (100 millions).

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En 2007, le Mexique est engagé dans 12 accords de libre-échange avec plus de 40 pays et plus de 90% de son commerce se fait au sein de ces accords (d’après CIA World Fact Book, 2007). Les accords commerciaux concernent les pays suivants : Colombie, Venezuela, Costa Rica, Bolivie, Nicaragua, Chili, Union européenne, El Salvador, Guatemala, Honduras, Panama, Jamaïque, Equateur, Pérou, Trinidad et Tobago, MERCOSUR et Israël). Le Mexique entre aussi dans l’APEC (« Asia-Pacific Economic Cooperation »), participe aux réflexions sur le FTAA (« Free Trade Area of the Americas »), intègre l’OCDE et avait déjà rejoint le GATT en 1986.

136 L’ALENA prévoyait que la plupart des tarifs douaniers seraient annulés en 1999 (tous secteurs confondus), sauf pour certains secteurs sensibles mexicains comme l’agriculture pour lesquels la période d’élimination progressive serait plus longue. Dans la nomenclature de l’ALENA, les biens sont classés par groupe en fonction de la rapidité de leur déprotection tarifaire. Les productions agricoles mexicaines sensibles, essentiellement les grains de l’alimentation de base, comme le maïs et les haricots (frijoles), appartiennent à la catégorie pour laquelle les droits de douane doivent être éliminés en 15 étapes d’égale réduction à partir du 1er janvier 1994, et doivent être nuls au 1er janvier 2008.

Le système employé pour l’élimination progressive des droits de douane est celui des

Tariff Rate Quotas (TRQ) : le quota d’import augmente tous les ans et le droit de douane sur

les quantités échangées hors quota diminue au même rythme. Le tableau ci-dessous, illustre la baisse des droits de douane appliqués par le Mexique sur les importations agricoles en provenance des Etats-Unis dans le cadre de l’ALENA.

Cette politique commerciale a eu pour conséquence la baisse tendancielle du prix réel du maïs entre 1993 et 2007 au Mexique. Cette baisse tire elle-même à la baisse la

productivité de la terre des producteurs de maïs. On peut ainsi d’ores et déjà vraisemblablement écarter un des mécanismes d’élévation de la productivité de la terre (qui a elle, été bien réelle entre 1980 et 2007, comme nous l’avons indiqué en introduction de ce chapitre) : l’élévation des prix relatifs agricoles.

Quota (*1000 tonnes métriques) Droit de douane hors quota (%) Quota Droit de douane hors quota (%) Quota Droit de douane hors quota (%) Quota Droit de douane hors quota (%) maïs 2815 172 2986 145,2 3263 98,8 0 0 haricots 58 111,2 61 93,9 67 58,7 0 0

orge (grain et malt) 182 102,4 20 72,9 0 0 0 0

Poudre de lait 45 111,2 48 93,9 52 58,7 0 0

2003 2008

1998 2000

Tableau 3.2 : Processus de libéralisation des produits agricoles assujettis aux Quotas selon l'ALENA (quotas en milliers de tonnes métriques).

137 Figure 3.1 : Ouverture progressive du marché mexicain du maïs (à gauche) et Prix réel du maïs au Mexique (en pesos de 1994) (à droite) - Sources : SIACON pour le prix courant du maïs et Banco de Mexico pour le taux d’inflation ayant servi à calculer le prix réel.

Ces observations amènent aux questions suivantes : pour qu’ait augmenté la productivité de la terre, les agriculteurs ont-ils augmenté les rendements ? modifié la nature des spéculations ? Quelles contraintes ont pesé et pèsent sur ces décisions micro- économiques ? Comment ces différentes réactions des producteurs se distribuent-elles dans l’espace géographique et agricole mexicain ?

3. Des politiques d’accompagnement du libre-échange : PROCAMPO,