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CHAPITRE I : LE CHOIX D’UN RÉGIME MONÉTAIRE

2. Politiques monétaires des pays de l’accord d’Agadir

2.3. Description des politiques monétaires des pays du groupe d’Agadir

2.3.3. Politique monétaire au Maroc

Les statuts de Bank al Maghrib (BAM)47 ne prévoient pas son indépendance vis-à-vis du Trésor (FEMISE, 2004). En 1993, une loi bancaire a été promulguée dans le but de limiter l’indépendance des autorités monétaires en subordonnant les prises de décisions de la BAM aux organes consultatifs suivants :

● Le Conseil national de la monnaie et de l’épargne (CNME). Il donne son avis sur les orientations et les moyens de mise en œuvre de la politique monétaire.

● Le Conseil des établissements de crédit (CEC). Il est consulté pour les aspects techniques des instruments monétaires.

La hiérarchisation des objectifs finaux et des cibles intermédiaires de la politique monétaire de Bank al Maghrib n’est pas formellement spécifiée. Des doutes planaient concernant le caractère officieux de l’objectif de maîtrise de l’inflation. Il apparaissait que les autorités monétaires marocaines poursuivaient une stratégie de ciblage monétaire en annonçant comme principal objectif opérationnel une norme de croissance de l’agrégat M1 (fixée dans une fourchette de 6-7%). Bien que l’objectif officiel des autorités monétaires était la stabilité de la monnaie, officieusement, la stabilité des prix figurait comme objectif prioritaire de la BAM.

Les nouveaux statuts de la BAM, promulgués au début de 2006, stipulent clairement que la stabilité des prix est la mission fondamentale de la BAM.

Les classifications du FMI (2004 d, 2005 a et 2006 d) mettent en exergue le ciblage intermédiaire du taux de change nominal par rapport à un panier monétaire. En 2001, les autorités monétaires ont modifié la composition du panier en limitant ses composantes à l’euro et au USD. Les poids attribués sont respectivement de 80% et 20% (FMI, 2007 g)48.

47 Bank al Maghrib (BAM) est la Banque Centrale du Maroc.

48 La dominance de l’euro dans le panier monétaire reflète l’importance de l’UE en tant que partenaire

commercial du Maroc. Par ailleurs, la progression de la part de la dette extérieure libellée en USD (autour de 60%) nécessite d’attribuer un poids non négligeable à la monnaie américaine.

Paradoxalement, aucun support officiel n’indique que la responsabilité de la politique de change incombe à la BAM.

En privilégiant le contrôle strict des mouvements des capitaux et une politique d’ancrage du taux de change, le Maroc a choisi une combinaison permettant d’éviter une contrainte extérieure pesante sur sa gestion macroéconomique. La politique de rattachement du taux de change par rapport à un panier monétaire persiste à être une politique monétaire appropriée pour l’économie marocaine. Cependant, à terme, les autorités monétaires envisagent la transition vers un régime de change plus flexible et une politique de ciblage de l’inflation49 (FMI, 2007 g). À ce sujet, le FMI (2006 b) classe le Maroc en tant que

candidat potentiel à l’adoption du ciblage de l’inflation à moyen terme (entre 3 et 5 ans). Au Maroc, la cible opérationnelle de la politique monétaire est la base monétaire. L’orientation de la BAM est de maintenir des taux d’intérêt bas en vue de relancer l’investissement. Toutefois, il y a un risque de conflits d’objectifs entre le maintien de taux d’intérêt bas et la maîtrise de l’inflation.

Depuis les réformes structurelles engagées au Maroc en 1983, le marché monétaire a connu un nouvel essor. Ainsi, en 1988 le marché monétaire a été ouvert à l’ensemble des institutions financières. L’accès à ce marché couvre les entreprises publiques et privées, les personnes physiques et les non-résidents à compter de 1995.

Avant la réforme de 1995, le système de refinancement des banques par Bank al Maghrib (BAM) était très administré et laissait peu de place aux interventions sur le marché monétaire. À partir de juin 1995, la BAM a abandonné son outil d’encadrement du crédit en faveur des opérations d’open market. De nouvelles techniques de refinancement des banques auprès de la BAM ont été introduites. Ces techniques regroupent les appels d’offre hebdomadaires, les prises de pension à 5 jours et les avances sur 24h.

49 À cet effet, en collaboration avec le FMI, les autorités monétaires marocaines ont organisé un séminaire sur

La BAM a la latitude de faire varier le taux des réserves obligatoires dans une limite maximale de 25% des dépôts à vue et de 10% des dépôts à terme.

En dépit d’une certaine similitude entre les régimes de politique monétaire en Tunisie et au Maroc (notamment le rattachement au FRF jusqu’au début des années 80 et l’ancrage intermédiaire du taux de change par rapport à un panier monétaire par la suite), il apparaît que la BAM est incapable de maîtriser l’inflation aussi bien que la Banque Centrale de Tunisie. Dropsy et Grand (2004) constatent que sur la période 1960-2004, l’inflation est plus persistante et volatile au Maroc qu’en Tunisie. L’impact inflationniste des chocs est temporaire pour la Tunisie et persistant pour le Maroc. Cette situation est due aux facteurs suivants.

En premier lieu, l’économie marocaine est plus exposée aux chocs exogènes (chocs du prix du pétrole et chocs d’offre réelle dus aux désastres climatiques notamment la sécheresse50) et endogènes. La vulnérabilité de l’économie marocaine aux chocs semble avoir été mieux maîtrisée en 2005. En effet, l’économie marocaine a été affectée principalement par un choc d’offre réelle (dû à la baisse de la production agricole en raison de la faible pluviométrie), un choc de demande réelle étrangère (lié au démantèlement des accords préférentiels avec l’UE sur le textile) et un choc énergétique (hausse du prix de pétrole). Pourtant, le taux de croissance du PIB non agricole a dépassé les 5% et l’inflation s’est maintenue à un faible niveau (FMI, 2006 f). D’ailleurs, en estimant un modèle VAR de l’économie marocaine, Ziky et Mansouri (2003) trouvent que les chocs de demande étrangère n’entraînent pas d’effets significatifs sur les variables économiques marocaines51. En revanche, les auteurs remarquent que les effets des chocs de termes d’échange sont considérables sur toutes les variables endogènes52.

50 Ces performances s’expliquent par le rôle important de l’agriculture dans l’économie marocaine. Malgré sa

faible contribution dans le PIB (16%), 44% de la population active est employée dans l’agriculture.

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Ce résultat surprenant est confirmé par tous les outils d’analyse : les statistiques F, les fonctions de réponse des chocs et la technique de la décomposition de la variance.

52 Cette vulnérabilité de l’économie marocaine aux changements des termes d’échange est accentuée par la

concentration des exportations marocaines sur un nombre limité de produits mais aussi sur une zone géographique spécifique (UE).

En deuxième lieu, le faible degré d’indépendance de la BAM par rapport au système bancaire ne lui procure pas beaucoup de moyens pour agir contre l’inflation (la BAM continue à détenir des parts dans plusieurs banques marocaines).

Mécanisme de transmission de la Politique monétaire au Maroc

Au Maroc, le canal monétaire ne semble pas avoir la capacité de transmettre les changements de la politique monétaire aux variables économiques fondamentales. Ce résultat peut être dû au faible contrôle exercé par la BAM sur les agrégats monétaires (canal monétaire), notamment en raison de la faible indépendance de la BAM par rapport au système bancaire. Par conséquent, les autorités monétaires marocaines ne peuvent pas adopter une stratégie d’objectif intermédiaire de ciblage de M2 sans mettre en place des réformes du système financier au préalable. Le canal crédit ne transmet pas les chocs monétaires à l’économie réelle marocaine. Ce résultat peut être attribué à une mauvaise orientation des crédits à des secteurs supposés prioritaires.

Le canal taux de change joue un rôle important dans la transmission des chocs monétaires à l’économie réelle marocaine soit directement (effet direct sur le PIB réel) soit indirectement à travers les prix. Neaime (2007) souligne qu’au Maroc, le taux de change nominal est un canal de transmission effectif des changements de la politique monétaire (variations du taux d’intérêt) aux prix et à la production. Néanmoins, Boughrara (2003) note que le sens de la variation de la production réelle est contradictoire avec la théorie économique. En se référant aux hypothèses, l’existence du canal taux de change ne peut être confirmée que sous deux conditions : 1) le choc monétaire résulte en une appréciation de la devise domestique; et 2) cette appréciation génère un déclin de la production réelle et des prix53. Or, la production réelle marocaine affiche une hausse. Ce résultat peut être lié au régime de rattachement fixe du taux de change par rapport à un panier monétaire. Il est important de souligner que sous un régime de change fixe, le canal taux de change peut être actif, mais à l’image de l’expérience marocaine, ses effets sur l’économie réelle peuvent être transformés.

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2.3.4. Politique monétaire en Tunisie