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Laurence Boisson de Chazournes, Anne Petitpierre-Sauvain et Urs P. Thomas

Les rapports entre les politiques environnementales de la Suisse et de l’Union européenne sont caractérisés par le fait qu’il y a des di-vergences sectorielles qui sont généralement peu importantes. En certains aspects la législation suisse est plus stricte, en d’autres c’est le cas du droit communautaire. Par exemple, la législation suisse est plus stricte dans les domaines de la protection des eaux, la gestion des déchets, la protection de l’air, ou la protection contre les acci-dents majeurs; par contre la législation de la CE est plus avancée dans le domaine de l’accès à l’information environnementale. En outre, du fait du jeu des clauses de sauvegarde du traité CE, la Suisse aurait en cas d’adhésion la possibilité de maintenir ou d’introduire des mesures plus sévères, cela bien sûr à la condition que ces mesures n’entravent pas le fonctionnement du marché inté-rieur de la CE.

Le Rapport sur l’intégration résume la situation de la politique environnementale de la manière suivante: “La législation suisse est euro-compatible dans une large mesure. Les règles suisses sont ra-rement plus sévères que celles de la CE.” 1

Il faut aussi remarquer qu’il est difficile de préciser d’emblée quelle législation est plus sévère en matière d’environnement. Cela dépend du secteur en question, ou encore de la problématique inter-sectorielle. Une analyse comparative de la législation environne-mentale en Suisse et dans la CE dans le domaine du tourisme par exemple devra prendre en considération plusieurs secteurs, tels le régime des parcs nationaux, la protection du paysage et des plantes menacées de disparition, les règlements concernant les transports, l’énergie, l’écosystème fragile des montagnes, etc.

1 [Conseil fédéral], Suisse–Union européenne: Rapport sur l’intégration 1999, p. 161.

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Si on veut savoir si le tourisme est réglementé de façon plus stricte en Suisse ou bien – pour prendre un pays qui présente une morphologie comparable – en Autriche, il faudrait procéder à une pondération des variables significatives. Le résultat d’une telle com-paraison serait donc sujet à une discussion des valeurs socio-économiques, politiques et culturelles qui sous-tendent une telle pondération. Cet exemple montre bien la difficulté d’une comparai-son entre les législations de la Suisse et de la CE.

L’“eurocompatibilité” de la législation environnementale de la Suisse est accentuée par le fait que la Suisse est partie à un grand nombre de traités relatifs à la protection de l’environnement, traités auxquels sont aussi parties la CE et ses Etats membres. Pour renfor-cer encore cela, la Suisse pourrait – après conclusion des sept ac-cords sectoriels – tenter de conclure un accord bilatéral en matière d’environnement couvrant des domaines tels que sa participation à l’Agence européenne pour l’environnement ou aux activités relatives à un label écologique. Un tel accord donnerait à la Suisse un droit de co-décision limité en matière de politique environnementale eu-ropéenne.

Une deuxième observation concerne l’élaboration de la législa-tion. Les autorités responsables pour les questions environnementa-les, les parlementaires et les milieux intéressés en Suisse et dans les pays de l’UE discutent régulièrement du développement de leur légi-slation. Ils sont informés des divergences possibles. Étant donné que la Suisse évolue économiquement, socialement et politiquement dans le contexte plus large de l’Europe qui l’entoure, elle peut diffi-cilement se soustraire aux tendances générales qui sont en train de marquer le développement de l’UE dans ses domaines de compé-tence.

Il est vrai toutefois que les aspects de démocratie directe pour-raient exercer une influence. Pour ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés par exemple, l’UE est en train de chercher sa position, et la Suisse pourrait éventuellement suivre une voix dif-férente, notamment dans le cas de la nourriture transgénique. Le projet de loi Genlex qui va dans le sens d’une harmonisation Suisse-CE aboutira très probablement à un référendum dont le résultat est incertain.

Dans la majorité des cas cependant, on peut parler d’un effet

“émulation-stimulation”: les politiques de la Suisse et de la CE s’orientent dans la même direction – et on peut espérer qu’elles vont s’encourager mutuellement dans le sens d’une amélioration. Cet

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fet d’entraînement est mutuel. Par exemple la Suisse était relative-ment avancée dans les années septante s’agissant de l’introduction des pots d’échappement catalytiques pour les voitures, tandis qu’à présent elle a perdu du terrain pour ce qui est de la lutte contre la pollution causée par la circulation. Par contre elle joue un rôle de pionnière reconnu par l’Europe dans d’autres domaines, tel que le ferroutage des camions ou la protection des paysages.

En matière de protection du paysage précisément, la politique et la législation suisses ont su profiter de la tradition de protection helvétique du patrimoine et des sites qui ont une importance histo-rique et culturelle. C’est ainsi que la protection de la nature (Natur- und Heimatschutz) intègre depuis longtemps la protection des sites de façon analogue à celle du patrimoine bâti.

Plus récemment, l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage a négocié une série d’objectifs et de mesures planifiées avec une douzaine d’autres offices fédéraux. Cet ensemble de straté-gies environnementales sectorielles a été approuvé par le Conseil fédéral en décembre 1997 sous le titre de Conception paysage suisse (CPS). La CPS a été présentée par le conseiller fédéral Moritz Leuenberger à Aarhus en juin 1998, à la conférence ministérielle

“Environnement pour l’Europe”, en tant que contribution suisse dans le contexte des efforts visant à favoriser l’intégration de la pro-tection de la nature et du paysage dans les politiques sectorielles nationales. Le succès économique de la Suisse confirme le bien-fondé de cette politique qui tient compte non seulement des impéra-tifs économiques à court terme mais aussi des considérations à long terme dans le sens du développement durable.

Pour ce qui concerne d’éventuelles restrictions pour des raisons environnementales dans la circulation des marchandises, la Suisse doit respecter, en tant que membre de l’Organisation mondiale du commerce, les accords conclus au sein de cette organisation. Ceci veut dire que toute restriction est considérée a priori comme une en-trave au commerce et doit être justifiée selon les dispositions de ces accords. Ainsi les restrictions pour des raisons environnementales doivent s’appyuer sur une évaluation du risque selon des critères considérés comme scientifiques, et présenter des entraves minima-les aux échanges.

Cette discussion montre que l’environnement ne doit pas être considéré comme un secteur à part entière, mais plutôt comme une dimension des autres secteurs tels que les transports, l’énergie, l’agriculture, etc., au même titre que les dimensions économiques et

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sociales. Cette articulation étant souvent conflictuelle, les conflits entre les dimensions économiques et environnementales prennent d’autant plus d’envergure dans un contexte de globalisation avan-cée. Les circonstances de la conférence ministérielle de l’OMC tenue à Seattle montrent que les conflits entre commerce et environne-ment sont au centre des joutes politiques et économiques.

Pour conclure, on remarquera que les contraintes imposées par l’appartenance à l’OMC relativisent l’importance en matière d’environnement d’une adhésion éventuelle de la Suisse à l’UE. Les conflits entre environnement et économie ne sont en fin de compte guère influencés par la question de l’adhésion ou de la non-adhésion du pays à l’UE. Les politiques économiques de la Suisse et des pays membres de l’UE doivent être compatibles avec les accords passés dans le cadre de l’OMC.