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Les transports constituent un domaine clé dans les relations Suisse-UE et ont été source de contentieux. La Suisse est, dans le contexte des échanges entre pays membres de l’Union européenne, à la fois un obstacle physique et juridique, en même temps qu’un fournisseur de capacités de transport 3; cela apparaît clairement à la lecture des pages 155-61 du Rapport.

La politique des transports est une politique sectorielle: les rela-tions difficiles entre la Suisse et l’UE résultent des objectifs

diffé-1 Ibid., p. 150.

2 Cf. Cédric DUPONT, Caroline EGGLI et Pascal SCIARINI, Entre cohé-rence et efficacité: la Suisse face à l’Union européenne dans les négocia-tions bilatérales, Genève, Travaux et communicanégocia-tions de l’Université de Genève, 1998; les mêmes, “Taxe poids lourds: évitons un nouvel hors-jeu européen”, Le Temps du 15 septembre 1998.

3 Giuseppe PINI, “La politique suisse de régulation du trafic de transit”, Revue de géographie alpine, 1993, no 4, pp. 63-76.

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rents que la Suisse et l’UE assignent aux transports, à savoir la pro-tection de l’environnement (Suisse) et l’intégration et la conver-gence économiques (UE) 1. Jusqu’aux négociations bilatérales, la Suisse a conduit une politique des transports limitant le transit rou-tier générateur d’effets négatifs externes, contrariant la stratégie po-litique et économique de l’Union européenne d’intégration et de co-hésion entre Etats membres, à la fois facteur de bien-être et de sta-bilité pour l’Europe, et cause d’une augmentation substantielle des échanges et donc de trafic (marché unique).

Dans ses principes de base – ceux de garantir la mobilité des personnes et des biens, de permettre le libre choix du mode de transport et d’accorder une priorité aux transports publics – la poli-tique suisse des transports ne diffère pas de celles des autres pays industrialisés de l’UE 2. Il n’y a donc pas incompatibilité entre les principes comme cela d’ailleurs apparaît à la lecture du Rapport. En revanche, les mises en œuvre et les arbitrages entre principes et ob-jectifs (consistant, en Suisse, à réduire les effets négatifs sur l’environnement, à coordonner le fonctionnement des modes de transport et à limiter l’accroissement du trafic privé) ont différé et diffèrent: cet aspect n’est, à mon sens, pas assez souligné dans le Rapport.

La Suisse entend mettre en pratique l’internalisation des coûts externes dans sa politique des transports (principe du pollueur-payeur); ce principe est aussi contenu dans le Livre blanc de la Commission de l’Union européenne 3 portant sur une “approche globale pour la détermination d’un cadre communautaire garant d’une mobilité durable”: “l’internalisation des coûts externes devrait donc être un élément essentiel d’une politique des transports qui in-tègre la défense de notre milieu de vie”. Sur le fond donc, aucune opposition Suisse – UE. En revanche, on observe comment diffère la mise en application temporelle de ce principe: l’objectif prioritaire actuel de la Suisse est la minimisation des atteintes à l’environnement alpin dues au trafic routier; l’objectif prioritaire de l’UE est la convergence économique des pays qui la composent. Pour

1 Rapport sur l’intégration, p. 155.

2 Les transports – hier, aujourd’hui, demain, Berne, Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communi-cation, 1998.

3 UE, “Livre blanc du 22 juillet 1998 sur les redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures”, COM (98) 466 final.

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la Suisse, l’horizon temporel de l’application du principe est 2001, pour l’UE… 2010. De plus, le principe de base de la politique suisse des transports, celui d’internalisation des coûts externes ou du pol-lueur-payeur, n’est pas l’équivalent au principe d’utilisateur-payeur de l’UE. Cette différence de taille est illustrée par la difficulté à s’accorder, lors des négociations bilatérales, sur le niveau de taxa-tion à la tonne/km dans la Redevance des poids lourds liée aux prestations (RPLP). Le niveau de taxation de 2,7 cts par t/km convenu par les deux parties en négociation (mais pas encore accep-té par certains Etats membres de l’UE) met le passage d’un poids lourd par les Alpes suisses au même prix que le passage des Alpes par le Brenner, le Fréjus ou le Mont-Blanc: pouvons-nous affirmer que ces dernières taxes de passage couvrent l’ensemble des coûts ex-ternes? La réponse est bien évidemment négative.

Les bilans (répercussions) sur la Suisse présentés dans le Rap-port des quatre scénarios (adhésion, participation à l’EEE, accords sectoriels, et statu quo) mettent sur un pied d’égalité des mesures précises de politique des transport prises et appliquées par la Suisse (percements de deux tunnels et leur financement, financement du ferroutage, RPLP, etc.) avec des intentions de politique des trans-ports non encore opérationnalisées et acceptées par les pays mem-bres de l’UE (eurovignette, redevances routières 1, réseau transeuro-péen dont le financement est hypothétique, création de couloirs de ferroutage). Pour certaines mesures, il est erroné de prétendre qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux politiques de transport et cela surtout en ce qui concerne les échéances d’application.

Le scénario du statu quo consiste en l’application des accords de transit de 1993: cette situation n’est pas très défavorable à l’UE (la mise à disposition par la Suisse aux pays de l’UE de deux tunnels ferroviaires de base et d’un couloir de ferroutage pour les poids lourds de quatre mètres de haut est prévue par les accords: cet im-portant apport financier de la Suisse de l’ordre de 15 à 20 milliards de francs suisses correspond ni plus ni moins à une redistribution de fonds suisses à des consommateurs et entreprises européens bé-néficiant, en très large partie, des effets macro-économiques positifs de ces infrastructures et services). En revanche la RPLP, qui sera

1 Le Livre vert pour des “prix justes et efficaces dans le domaine des transports” décrit la stratégie à venir de l’UE: redevances routières kilomé-triques (en fonction des dégâts à l’infrastructure), redevances en zone ur-baine sensible ou encombrée; taxes carburants.

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perçue même dans l’hypothèse du statu quo, renchérira de 25 francs à 300 francs le passage des Alpes suisses pour les poids lourds à l’horizon 2005-07.

“[…] la Suisse a accepté, d’ici à 2005, d’augmenter la limite de poids des véhicules lourds à quarante tonnes (changement de para-digme) si une telle mesure s’accompagne en parallèle d’une aug-mentation de la fiscalité routière” 1. – Le Rapport parle de chan-gement de paradigme concernant le relèvement de vingt-huit à qua-rante tonnes de la charge maximale des poids lourds. Est-ce un changement de paradigme de remplacer une limite de charge (vingt-huit tonnes) par une limite du nombre de passages de poids lourds? Le vrai changement de paradigme de la politique suisse est de croire que les mesures économiques incitatives (fiscalité routière) sont plus efficaces que les mesures techniques contraignantes pour atteindre les objectifs fixés. En cela, il y a convergence de vue avec l’Union européenne.

“La capacité de la Suisse d’influer sur l’avenir de la politique eu-ropéenne, voire transalpine, des transports sera faible si notre pays reste en dehors des institutions de l’UE” 2. – Cette affirmation est discutable: ce qui s’est passé ces dix dernières années prouve le contraire. La Suisse a montré l’exemple à l’UE: promotion de la complémentarité modale, protection de l’environnement, ferroutage, transport combiné, fiscalité routière. Il y a dix ans, certaines mesu-res de politique suisse des transports faisaient sourire à Bruxelles; à présent la politique suisse est prise d’autant plus au sérieux que la Suisse a su dégager les ressources financières (30 milliards de francs) pour mener à bien cette politique. De plus, la Suisse, même si elle reste à l’extérieur de l’UE (scénario du statu quo), n’est pas le seul pays à être confronté aux problèmes du trafic de transit (Autri-che, France), et sa politique des transports est soutenue par une large partie des opinions publiques des populations alpines direc-tement touchées par le transit.

L’acceptation par le peuple et les cantons, fin novembre 1998, du paquet financier (30 milliards de francs) relatif aux grandes infras-tructures ferroviaires (dont les NLFA) donne à nos autorités les moyens et le soutien politique nécessaires à la nouvelle politique des transports et en augmente ainsi sa cohérence et sa faisabilité in-terne au pays. Reste à convaincre certains Etats membres de l’UE de

1 Rapport sur l’intégration, p. 156.

2 Ibid., p. 159.

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l’opportunité politique, économique, sociale et environnementale d’une telle politique.

Effets économiques de l’intégration pour la