Chapitre II : LA PERI-URBANISATION
Tab 1 Les points essentiels des définitions de la périurbanisation
Appellations Auteurs Points essentiels des définitions Clefs de lecture
Périurbanisation
A-M Seronde- Babonaux (1985)
Diffusion des lieux de résidence urbains
Mobilité résidentielle Diffusion des lieux de résidence
urbains B. Dezert
(1991)
Influence et croissance de la ville centre
Ruralité persistante Conservation des activités rurales et
agricoles
J. Paris (1993)
Extension de l’aire d’influence des villes sur les campagnes proches
Qualité de vie Marché foncier Accession à la propriété Flux "domicile travail" Infrastructures routières Recherche d’un cadre de vie meilleur
Recherche de loyers moins onéreux Accession à la propriété à moindre coût
Amélioration des moyens de transport pour les migrations quotidiennes Source : V. Hervouet 34
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I-2: LA RURBANISATION
Ce vocable contraction d’urbain et de rural et couramment employé dans les pays anglo-saxons. Selon les dires de M. Berger35 ce nouveau mot est apparu en
1975, les premiers à l’avoir utilisé sont Bauer.G et Roux J.-M, ils disaient que : « La rurbanisation résulte du déploiement et de la dissémination [idée de répartition en de nombreux points écartés] des villes dans l’espace; en conséquence, est “rurbaine” une zone rurale proche de centres urbains, et
subissant l’apport résidentiel d’une population nouvelle, d’origine
principalement citadine […], caractérisée cependant par la subsistance d’un espace non urbanisé très largement dominant ».
G. Bauer et J.-M. Roux36 insistent sur le fait que « c’est en cela surtout que son
organisation spatiale se distingue de celle de n’importe quelle banlieue traditionnelle constituée jusqu’à présent en contiguïté totale avec la ville mère et apparaissant comme leur prolongement spatial ». Ils ajoutent deux précisions essentielles à leurs yeux: la première est qu’ « en considérant la croissance démographique la plus extrême, il est tout à fait exclu que se remplisse l’espace interstitiel [espaces rurbains/ville-centre], tout au moins dans un délai de l’ordre du siècle, et même plus”. La seconde indique que “pour la majorité des actes de consommation, [le “ rurbain”] reste avant tout citadin: les achats importants se font en ville et aux supermarchés; la ville est le lieu où l’on travaille, la maison [le lieu] où l’on vit, le village n’apparaissant pas dans cette opposition ». La rurbanisation est clairement un fait spatialisé.
Ainsi on peut dire que l’originalité du concept de rurbanisation réside dans le fait que l’espace rural subi de faible transformation et qui n’est que partiellement urbanisé Par contre l’influence urbaine se faisait sentir dans les comportements des rurbains que dans l’espace (discontinuité spatiale)
35
- Berger Martine, (1980), Rurbanisation et analyse des espaces ruraux périurbains, in Espace géographique t. IX, n° 4, oct.-déc. pp. 303-313.
36
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Défendant une différenciation périurbanisation / rurbanisation, B. Dezert rejoint Bauer et Roux puisqu’il argue que la rurbanisation « qualifie des secteurs de la campagne transformés en douceur, mais aussi en profondeur, par l’intrusion des modes de vie urbains ». Cependant, il affirme une divergence de vue en estimant que «le phénomène rurbain n’est pas lié spécifiquement à l’existence d’une ville centre, ni même de villes tout court »; cette vision aspatialisée du processus est très voisine de celle que E. Juillard37 avait développé sous le nom
« d’urbanisation des campagnes».
Cette entente des auteurs cités ci-dessus sur l’utilisation du néologisme de rurbanisation, n’a pas empêché en 1980, M. Berger38 qui a soulevé de
nombreuses objections à son utilisation. Elle dit que « le concept a été forgé à l’origine par les pays anglo-saxons et que comme on ne trouve en France ni les mêmes conditions de densité de population dans l’espace périurbain, ni les mêmes types d’évolution des utilisations agricoles et forestières, ni le même contexte institutionnel, la transposition est impossible». Elle émet également des réserves sur la possibilité de définir un seuil de densité entre le rurbain et le pavillonnaire périurbain. Elle ajoute que contrairement à ce que pensent Bauer et Roux qui réfutent l’hypothèse selon laquelle l’installation rurbaine a toujours des motivations autres que celle des lotissements pavillonnaires de l’entre-deux- guerres; elle insiste sur le rôle déterminant et contraignant du marché foncier (prix des terrains à bâtir). Cependant, la critique de fond émise par M. Berger porte sur le fait que la rurbanisation « n’est que l’une des modalités spatiales de la croissance urbaine, un stade transitoire et non un type d’espace car d’une part, le maintien d’une population rurale locale voire l’arrivée d’une population originaire de campagnes plus ou moins lointaines allant travailler en ville est possible et d’autre part, une tendance permanente à la densification existe ».
37
- Julliard E, (1961), L’urbanisation des campagnes en Europe occidentale, Etudes Rurales, n01, pp ; 18-31
38
- BERGER M., (1985), Dynamique des sociétés périurbaines en région Ile-de-France. L’exemple des départements de l’Essonne et des Yvelines, Les Périphéries Urbaines, Géographie Sociale, n ° 2, p. 11 5 - 122.
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Aussi, estime-t-elle que la « “rurbanisation” ne peut être conçue que comme un processus évolutif qui affecte la périphérie des agglomérations urbaines. A petite échelle, elle s’intègre dans le processus global de concentration de la population dans les régions urbaines, au détriment de l’espace rural où sévit encore l’exode. A grande échelle, elle participe au desserrement des activités et des fonctions urbaines dans un espace de plus en plus vaste, qu’il y ait une forte croissance urbaine ou non ». Certains autres auteurs, enfin, font peu de différence entre périurbanisation et rurbanisation. C. Taffin39, définit cette
dernière comme « une tendance à quitter les centres urbains pour une petite ville ou une campagne proche, souvent en devenant propriétaire d’une maison
individuelle » Tab n°2 : les points essentiels des définitions de la Rurbanisation
Source : V. Hervouet
39
- TAFFIN C, Accession à la propriété et « rurbanisation », Economie et Statistique, n°175, pp55-67.
Appellations Auteurs Points essentiels des définitions Clefs de lecture
Rurbanisation
G. Bauer – J.-M. Roux (1975
Illusion d’optique car surtout vers lieux moins chers et non rejet de la
ville Discontinuité spatiale
Morceau de ville Mode de vie urbain Ruralité persistante Déploiement et dissémination des
villes dans l’espace
Phénomène très localisé à l’échelle locale (quelques parcelles)
Peu d’intégration locale des rurbains
M. Berger (1980)
Recherche d’un cadre de vie agreste
Echelle d’observation Caractère transitoire Processus évolutif qui affecte la
périphérie des agglomérations urbaines
Concentration de populations dans les régions urbaines à petite échelle Desserrement des activités et des fonctions urbaines à grande échelle Processus actif qu’il y ait croissance ou non
B. Dezert (1991
Secteurs de campagne transformés en
douceur mais en profondeur Processus aspatialisé Mode de vie urbain Intrusion des modes de vie urbains
Urbanisation des
campagnes
E. Juillard (1961)
Développement de lotissements dans les campagnes
Processus aspatialisé Développement rural Pas la nécessité d’une ville -centre
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I- 3 : L’EXURBANISATION
La multiplication des termes et expressions, peut troubler surtout quand aucune définition claire n’est donnée pour justifier leurs apports au concept premier.
Justement l’“exurbanisation” semble pouvoir être classée dans cette catégorie de terme. En effet, dans le peu d’articles où ce mot apparaît, son sens n’est pas défini et il disparaît parfois même au profit d’autres expressions plus communes. Le premier chercheur a l’avoir utilisé, P. Buléon40, qui a intitulé son rapport
d’introduction ; “exurbanisation et réurbanisation des mobilités complexes” sans qu’à quelque moment que ce soit, l’exurbanisation ne soit définie. L’auteur s’en sert comme un élément de sa démonstration sans jamais l’expliciter. De même, J.Jeanneau41 n’insiste aucunement sur une quelconque spécificité de
l’exurbanisation alors que le mot même apparaît dans le titre. Au contraire, il use, en lieu et place de celui-ci, d’expressions telles “déconcentration urbaine”, “périurbanisation” ou “desserrement de l’habitat”.
Seul R. Brunet42 apportait une définition claire de l’exurbanisation qui est la
suivante: « Mouvement par lequel la population urbaine semble “sortir” de la ville pour se placer dans les espaces périurbains ». Il ajoute que « c’est en fait, [le] phénomène par lequel les villes s’accroissent en gagnant de l’étendue » et que « le coût élevé du centre, la concurrence des bureaux, le développement de la voiture particulière entraînent l’expansion des banlieues toujours plus éloignées, et parfois la diminution de la population dans la commune centrale». Mais il précise bien que «ce n’est en rien un affaiblissement de la concentration urbaine, seulement une extension en volume et en étendue ».
40
- Buléon.P,(1991), Exurbanisation et réurbanisation : des mobilités complexes. Rapport d’introduction, Géographie sociale, n°11, pp.21-24- actes du colloque Dynamiques urbaines du Mans des 20 et 21avril1989.
41
- Jeanneau.J,(1991), L’exurbanisation des citadins d’Angers dans les années quatre- vingt,Géographie Sociale,n°11,pp.93-101- actes du colloque Dynamiques Urbaines du Mans des 20 et 21 Avril 1989.
42
- Brunet. R. Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Montpellier, Paris, La documentation Française, 470-(collection Dynamiques du Territoire.
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Cependant cette définition n’apporte pas de frappante différence avec celle de la périurbanisation. Aussi, peut-on s’interroger sur la pertinence de l’appellation « exurbanisation » quand dans le même temps celle de « périurbanisation » est admise, connue et reconnue de tous.
Tab n°2 : les points essentiels des définitions de l’exurbanisation
Appellations Auteurs Points essentiels des définitions Clefs de lecture
Exurbanisation
P. Buléon
Desserrement de l’habitat
phénomène par lequel les villes s’accroissent en gagnant de l’étendue Le coût élevé du centre
la concurrence des bureaux
le développement de la voiture particulière
Source : V.Hervouet