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III-2 L’EMERGENCE DES LIEUX ANARCHIQUES AU NIVEAU DU PERIURBAIN.

Chapitre III : UNE GESTION FONCIERE FAVORISANT UNE PERI-URBANISATION ANARCHIQUE

III-2 L’EMERGENCE DES LIEUX ANARCHIQUES AU NIVEAU DU PERIURBAIN.

Comme nous venons de le voir les espaces périphériques ont été sollicités pour satisfaire les besoins accrus de l’extension de la ville Algérienne, ce qui a induit un renversement du flux de la population. Ce mouvement est entrain de favoriser une extension devenue préoccupante. Les paysages en ces lieux sont devenues le champ de mutations importantes qui se sont traduites par la multiplication des agglomérations ; les petits bourgs, fermes coloniales et village qui, en absorbant la croissance urbaine se sont transformés d’une part en lieux de résidence pour la population démunis des pôles centraux, d’autre part en espace d’activité économiques (secteur privé) et de chalandise.

Ce report de l’urbanisation massive, est entrain de s’effectuer d’une manière anarchique et inachevée et a pris des dimensions alarmantes, confirmant ainsi les dires de Kayser B94.qui remarque que dans les villes sous

développées "l'étalement urbain n’est pas le produit d’une longue maturation comme en occident, mais il s’est mis en place de façon plus rapide, brutale et garde un aspect encore largement inachevé".

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La mobilisation des terrains urbanisables en ces lieux s’est traduite par une agression frénétique du domaine agricole, des milliers d’hectares jouxtant les zones urbaines ont été cédés à la construction entraînant une urbanisation diffuse et des amputations partielles d'exploitations, participant ainsi à la transgression de la surface agricole utile (SAU)95.En effet les autorités et pour

implanter les différents programmes de développement qui caractérisent cette dernière décennie et sous l’effet de l’urgence et de la précipitation, n’hésitent pas à agir parfois en dehors des plans d’urbanismes, une manière de faire , rendue possible réglementairement par les différents comités techniques de wilaya96, Le principe étant d’assurer une disponibilité foncière en intégrant les

terres agricoles appartenant à l’état.

Les conséquences se sont vite manifestées par l’apparition d’un cadre bâti anarchiques où L’emplacement des différents espaces et fonctions urbaines n’a pas été toujours déterminé en fonction des recommandations des instruments d’urbanisme, mais en fonction des disponibilités foncières publiques, entraînant une mauvaise gestion et une quasi généralisation des problèmes fonciers. Les études d’urbanisme (PDAU, POS) ne sont jamais achevées et les délais d’élaboration se trouvent prolongés en raison des mises à jour en matière de réalisation. Il s’agit dans la plupart des cas des réalisations de construction non prévues par ces mêmes plans qui subissent continuellement des modifications en fonction des actions entreprises délibérément par les usagers du sol .Donc nous pouvons dire que dans ces conditions, la volonté manifeste des pouvoirs publics qui tend vers une maîtrise du foncier demeure hypothétique et compromise par les initiatives personnelles des acteurs locaux impliqués dans la mise en œuvre des politiques urbaines et foncières officielles. Ainsi des PDAU ont été incapable de préserver les terres notamment agricoles, confirmant ainsi que le

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- Surface agricole représente une superficie de 2500 000 ha, forme le domaine privé de l’état qui renferme les meilleures terres d’Algérie. Ces terres étaient attribuées en jouissance perpétuelle aux EAC et EAI dans le cadre de la loi 87-19 adoptée en novembre 1987.

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- Comité techniques de la wilaya d’aménagement et d’urbanisme, décret exécutif 485/91 du 15 décembre 1991

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PDAU est incapable d’imposer ses prescriptions, et continue à subir le même sort que son prédécesseur le PUD d’avant 1990 ; et l’absence d’un opérateur unique, c'est-à-dire un maître d’ouvrage permanent en urbanisme, habilité à la mise en œuvre des PDAU et POS, a réduit largement leur pouvoir.

Ce contexte d’enchevêtrement de prérogatives des administrations a engendré un processus, qui n’a pas manqué de provoquer de profonds changements structurels et a contribue à la genèse et au développement d’une nouvelle forme habitat, dont la situation, la morphologie et les espaces de vie se présentent comme des ruptures radicales avec le pole central engendrant un certain nombre de problème parfois irréversible.

Dans la pratique cette situation a favorisé l’émergence de nouveaux lieux, au niveau de l’espaces périurbain, généralement caractérisés par un habitat hétérogène aux formes incontrôlées et anarchiques constitué, généralement par des entités juxtaposées mais distinctes, reflétant chacune d’elles une façon de faire des différents acteurs.

Nous avons l’entité illicite, il s’agit généralement des bidonvilles implantés sur des terrains squattés appartenant à l’Etat. Les origines de ces bidonvilles remontent l’ère coloniale, les autorités coloniales cantonnaient la population dans ces espaces périphériques97, puis d’autres

moteurs sont venus accentués cette colonisation de ces lieux il s’agit de l’afflux de la population rurale en quête d’emploi dans la ville lors des premières décennies de l’indépendance98. Et en fin nous avons La situation sécuritaire des

années 90 qui, a constitué à son tour aussi une raison d’apparition de ces bidonvilles99.

La deuxième entité caractérisant ces espaces périurbains, est constituée par des lotissements sociaux, créés par l’état dans le but d’éradication des bidon

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-Tinthoin, R. (1954) Le peuplement Musulman d’Oran, in bulletin trimestriel de la société de géographie et d’archéologie d’Oran, n° 234, 77, tome 77, pp3-85.

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- Dr Tedjani B, urbanisation et aménagement urbain en Algérie, OPU, p 87

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villes. Ces lotissements ont été Implantés dans la périphérie soit parce que l’espace central est exigu soit à cause de l’option des autorités pour la solution facile c'est-à-dire l’utilisation des terres agricoles appartenant à l’état et se trouvant le long des axes routiers aux entrées de la ville.

Ces lotissements se sont vite transformés en ce que les gens appellent «les bidonvilles légales », vu l’aspect d’inachèvement qu’ils dégagent et les matériaux de construction utilisés (murs réalisés en parpaings bruts, toit en amiante ondulée etc) et le non respect des règles de construction (extensions en violation du plan de masse), là aussi il s’agit d’une entité qui participe à ternir l’image de ces lieux,

Enfin, L’occupation de cet espace par l’habitat illicite et les lotissements sociaux a été relayée lors de la dernière décennie par des programmes d’habitat collectif, car face à une pénurie de sol, les décideurs ont trouvé dans ces espaces un respectacle pour implanter les nouveaux projets d’habitat collectif, c’est la troisième entité constituant cet espace, il s’agit d’un habitat faisant fi à la planification (instruments d’urbanisme), émanant de décisions administratives ponctuelles, ces implantations sont justifiées sous prétexte du besoin pressant et de l’urgence. Ce nouveau phénomène ne concerne plus uniquement les grandes métropoles de l’Algérie (Alger, Annaba, Oran et Constantine), il commence par avoir son effet même dans les villes intérieures, de grande influence économique régionale tel que Sétif, Batna etc. ; Cette tendance a été confirmée dans nos enquêtes.

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Photo n°2:Affectation des paysages périurbains par un cadre bâti anarchique (Chouf el keddad, Sétif)

Source :Auteur 2012

La ville se trouve donc devant une prolifération de tissus urbains anarchique inachevés, s’étalant dans toutes les directions.

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CONCLUSION

A la différence des espaces périurbains des pays occidentaux caractérisés par l’afflux d’une population en quête de maisons individuelles et de vie dans un milieu proche de la nature en résidence secondaire, notre étude nous a révélé qu’en Algérie, les raisons qui sont derrières l’apparition de ces lieux sont autres ; à l’origine, elles sont dues au fait du cantonnement de la population démunie dans les cités de recasement généralement situées dans la périphérie, puis nous avons l’installation éparpillée des unités économiques et commerciales privées dans les espaces périurbains à proximité des grandes villes.

Aujourd’hui les espaces périurbains sont devenus très convoités que ce soit par les autorités pour implanter les projets d’investissements ou bien la population qui n’a pas les moyens de s’installer dans le pole central.

L’analyse que nous avons menée à travers l’évolution de la réglementation foncière et les filières de production du sol ainsi que les caractéristiques du marché foncier périurbain en Algérie, nous a permis de mettre en relief les implications de ces éléments sur la ville Algérienne, en particulier sur les espaces périurbains.

Nous avons vu que depuis toujours, le foncier a été au coeur de tous les débats et enjeux. Il a été sujet de pouvoir, de pression politique et économique, mais il n’a jamais fait l’objet d’une priorité pour l’élaboration d’une politique urbaine claire visant la maîtrise foncière surtout depuis l’indépendance. L’étude rétrospective sur les filières de production du sol urbain en Algérie nous a montré, comment les différentes politiques foncières à travers leurs opérateurs fonciers ont favorisé l’implantation des groupes puissants dans les espaces résidentiels se trouvant dans les pôles centraux, présentant certains avantages de situation et de branchement aux différents réseaux, alors que les classe démunies ont été casées dans les cites périphériques. Surtout pendant la période qui a

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suivie les événements tragiques d’octobre 1988, Cette façon de faire est à l’origine de la ségrégation socio spatiale périurbaine qui caractérise la ville algérienne jusqu’à nos jours.

Un autre élément qui mérite d’être souligner ; c’est la faiblesse des montages financiers afin d’équiper ces quartiers périphériques, l’Etat se contentait de quelques travaux de bornages des lots afin de permettre aux acquéreurs d’entamer la construction le plus vite possible, car satisfaire en urgence les besoins dans une conjoncture économique, sociale et politique très tendues, passait au premier plan des préoccupations de l’administration. Ce qui explique que la majorité des quartiers issus de cette politique de production de terrain constructible présente énormément de retard en matière de travaux de VRD et d’équipement socioculturels.

L’action foncière comme outil opérationnel d’extension urbaine constitue un palier de l’aménagement qui fait défaut actuellement. Malgré l’arsenal juridique existant sur le foncier et l’urbanisme, la question de l’application des textes reste posée. Les modalités de programmation, de conception, de financement, de réalisation et gestion ne sont pas suffisamment clarifiées.

Le défi majeur, pour les années à venir est donc, de rompre avec les pratiques ponctuelles et de promouvoir des mécanismes de maîtrise foncière, qui dans le temps et dans l’espace permettront de faire de ces nouvelles extensions de véritables projets urbains.

L’intérêt doit être porté sur le rôle de la négociation foncière dans la

chaîne du processus d’urbanisation et de construction, en veillant à ce que projet et foncier s’inscrive dans une même synergie.

Chapitre IV : DESINTEGRATION SOCIO-SPATIALE DES

ESPACES PERI-URBAINS DE LA VILLE ALGERIENNE :