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Chapitre I : LE CONCEPT DE POLITIQUE FONCIERE

I-3 : LES FISCALITES FONCIERES

L’inefficacité comme nous l’avons vu du mécanisme d’agir sur l’offre et la demande du marché foncier pour faire face aux spéculateurs, nous laisse analyser d’autres moyens. Ces moyens on les trouve parmi les outils fiscaux qui peuvent être utilisés de deux manières, soit en jouant de la fiscalité sur la détention des terrains qui oblige les propriétaires qui ne font pas de leur terrain un usage en rapport avec sa valeur pour diminuer la pression sur les prix, en augmentant les quantités offertes sur le marché, soit de la fiscalité sur les mutations, qui réduit au contraire les quantités mises en vente.

Donc, additivement à l'impôt annuel assit sur la valeur du terrain, s'est progressivement développé depuis quelques décennies une floraison de plusieurs mécanismes fiscaux qui ont des objectifs variés. On peut les classer selon :

La nature du redevable (particulier, société, occupant ou propriétaire), selon aussi le fait générateur de l'impôt (la détention, la mutation, la construction, la modification du zonage, la réalisation des équipements de desserte), puis selon le choix de l'assiette (valeur vénale, valeur locative, évaluation administrative, prix déclaré), et finalement selon le bénéficiaire (Etat,

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collectivité locale, établissement public foncier). Le regroupement des principaux mécanismes de la fiscalité foncière peut se faire selon trois catégories qui sont ; la fiscalité annuelle sur la détention des terrains, La fiscalité des mutations et la fiscalité de l’aménagement.

I-3-1: la fiscalité annuelle sur la détention des terrains

L’impôt annuel sur le propriétaire du terrain est l’une des formes les plus anciennes de fiscalité que l’on rencontre dans tous les pays. Généralement cette forme de fiscalité est indolore sur le propriétaire et sans effet, car sur le plan incitatif (offre ou demande de terrains) elle reste inefficace. Son importance est donc marginale, et la très grande majorité des terrains constructibles bien situés, à forte valeur vénale, paie un impôt dérisoire, JOSEPPH COMBY15

décrivant l’inefficacité de cette fiscalité ainsi : « Archaïsme des évaluations, inadéquation de l’impôt annuel au fonctionnement des marchés fonciers, rendement faible, absence d’effet incitatif et gestion coûteuse caractérisant la plus part des pays européens ».

Un cas assez abouti de ce type de fiscalité peut être évoqué dans notre étude ; c’est celui du Danemark, où dans un contexte socioéconomique différent, offre un exemple assez intéressant de ce que peut produire une telle fiscalité. A partir d’un système sophistiqué d’évaluation foncière et immobilière, dans un contexte de parfaite transparence des marchés, le Danemark peut appliquer « la

méthode de site value taxation »16, c'est-à-dire que seul le terrain est taxé, qu’il

soit bâti ou qu’il ne le soit pas, sur la base de sa valeur de situation, c’est-à-dire ce que serait son prix de marché dans le meilleur usage possible compte tenu des règles d’urbanisme ;

Un tel système constitue évidement une puissante incitation à utiliser au maximum les possibilités données par les règles d’urbanisme.

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- Joseph Comby et Vincent Renard (1985), L’impôt foncier. Paris. PUP.col « Que sais-je ».

16

- Vincent Renard, (1994) la politique foncière au danemark. Planification, évaluation et fiscalité foncière, Paris, ADEF.

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Mais il faut aussi mesurer les conditions qui seules permettent d’appliquer une telle méthode : stabilités des règles d’urbanisme, transparence du marché, excellente coordination entre l’administration fiscale et celle de l’urbanisme pour faire les évaluations.

I-3-2: la fiscalité des mutations

Techniquement, asseoir l'impôt sur les mutations est plus facile, car acheteurs et vendeurs font une demande volontaire qui donne lieu à un enregistrement par les autorités. Bien qu’il n’y ait aucun fondement économique particulier au fait de taxer les mutations, si ce n’est de couvrir le coût administratif de la mutation, qui ne dépassera guère en général 1% du prix bien vendu, pratiquement tout les pays du monde perçoivent des droits de mutation « droits d’enregistrement » en Algérie.

I-3-3: la fiscalité d’aménagement

Le phénomène d’urbanisation est cher, car l’ensemble des travaux d’infrastructure (voirie et réseaux divers) plus la réalisation des équipements publics de quartier (écoles, établissement sanitaire etc.) rapportés aux logements représenté une part importante de la charge financière pour réaliser une nouvelle extension. De se fait une question qui s’impose, c’est à qui faire payer cette charge ? Surtout quand il s’agit d’une opération périphérique qui nécessite plus de moyens pour réaliser les voies de desserte et les réseaux divers (eau, assainissement, gaz, etc.) ?

Il semble qu’il existe autant de réponse a apporté à une telle question et le choix de réponse à apporter, constitue en lui même un enjeu important des politiques foncières.

En effet, dans le monde, il existe trois logiques, selon que l’on décide de faire payer : Premièrement c’est les propriétaires, parce que les équipements précités donnent de la valeur aux terrains qu’ils desservent.

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Le deuxième cas de figure ce sont les contribuables, parce que ce sont simplement des équipements publics.

Enfin, c’est les constructeurs parce que ce sont les constructions nouvelles qui rendent nécessaire la réalisation de nouveaux équipements.

Une quatrième possibilité mérite d’être évoquée c’est celle qui consiste à remplacer les équipements publics par des prestations commerciales (publiques ou privées). Une part des charges d’urbanisation disparaît alors, au profit d’investissements réalisés sur fonds publics ou privés qui seront ensuite amortis grâce à la vente des services correspondants.

Analysons maintenant chaque possibilité de financement selon les trois logiques citées ci-dessus.

I-3-3-1: Les propriétaires

C’est la première possibilité et qui consiste à faire payer les équipements publics par les propriétaires des terrains qu’ils desservent et qu’ils valorisent.

D’un point de vue historique, c’est le système le plus ancien, on le retrouve partout dans le monde, un exemple connu de chez nous, c’est celui qu’on trouve dans nos anciens établissements humains (l’habitat vernaculaire) et qui veut que les ruelles, soient pavées et entretenues par les riverains.

Un autre exemple cette fois ci, en Suisse et qui veut que le coût d’une station d’épuration est à la charge de tous les riverains des terrains desservis alors même s’ils n’ont pas l’intention de construire ni de se brancher.

De nombreux pays, notamment européens ou américains (du nord et du sud) utilisent cette redevance sous des appellations diverses (« contribution de plus-value » en Suisse, « valorizacion »en Colombie, « special assessment »aux Etats-Unis).

L’Angleterre travailliste utilisait, une autre méthode moins brutale pour arriver au même résultat « planning gains », Elle se résume en la taxation des plus-values foncière réalisées par les propriétaires lors de la vente des terrains

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équipés et l’affectation de cette taxe au financement des équipements qui ont augmentés la valeur des terrains. Mais cette méthode a vite révélait ces effets pervers, qui se manifestait par un gel des terrains qu’on voulait justement urbaniser à cause de la taxe qui s’exerce lors de la vente.

La mise à contribution des propriétaires desservis par l’équipement à financer, s’avère difficile et les conséquences sont périlleuses surtout d’un point de vue politique (électoral).Toutes ces raisons ont obligé les autorités en place à chercher des méthodes moins douloureuses à appliquer. Ainsi, on trouve la procédure qui consiste à soumettre l’ensemble des propriétaires à une contribution annuelle à raison de la valeur de leur terrains avec l’idée que cette valeur est liée au niveau d’équipement de la zone et que la taxe annuelle est assimilable a une sorte de loyer que paierait le propriétaire pour disposer des équipements en question.

En Algérie l’imposition annuelle des propriétaires reste de toute façon relativement modeste en comparaison de ce que l’on observe dans les pays comme les Etats-Unis ou la « property tax » peut atteindre jusqu’à 3% de la valeur vénale réelle des biens immobiliers.

I-3-3-2: Les contribuables

La solution la plus utilisée dans la plupart des pays et qui ne vise pas uniquement les propriétaires, mais qui consiste à faire supporter le financement de l’urbanisation par les budgets publics donc par l’ensemble des contribuables locaux.

Dans certains pays, où c’est la collectivité locale qui prend à sa charge la réalisation des équipements, font face à un problème qui laisse cette solution limitée, du fait de la très petite taille des communes car autant il est possible à une ville dont l’ensemble du territoire dépend d’une seule autorité locale, de prendre en charge financièrement son urbanisation, autant il est impossible à une commune de petite taille de supporter toute seule les coûts de l’urbanisation

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pendant que les communes limitrophes de la même agglomération dans le territoire ne font aucun effort de financement de l’urbanisation et demeurent à l’abri. C’est pour cette raison q’une part plus ou moins importante des coûts publics de l’urbanisation doit donc être assumé par les collectivités ayant des assiettes de contribution plus larges. Le contribuable de la wilaya, régional ou national vient aider le contribuable communal.

I-3-3-3: Les constructeurs

Le recours aux constructeurs pour financer l’urbanisation est une pratique connue dans certains pays, pour faire face à un besoin pressant en équipements.

Le financement des équipements d’un nouveau secteur se font par taxation des nouvelles constructions qui s’y réalisent ou en faisant participer les aménageurs constructeurs à la réalisation des travaux. Mais réellement un constructeur n’est jamais le payeur final.

En France par exemple, quand la ponction financière est effectuée dans le cadre d’un programme d’aménagement d’ensemble (PAE), Zones d’aménagement concerté (ZAC) ou dans toutes autres procédures provoquant un réel différentiel d’imposition par rapport aux autres secteurs déjà équipés, il en résultera une diminution de la valeur des terrains puisque les constructeurs ne seront pas prêts à payer aussi cher des terrains où les constructions seront subordonnées à d’importants impôts. Le coût des équipements sera financé par une amputation de la valeur marchande des terrains.

Toujours en France et en dehors de la (ZAC), dans laquelle le financement des équipements fait l’objet d’une négociation entre la commune et le constructeur, il existe deux outils alternatifs pour le financement des équipements à savoir la taxe locale d’équipement et le programme

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d’aménagement d’ensemble qui ont une origine, une méthode et une logique urbanistique différente17.

La taxe locale d’équipement « TLE » est un mécanisme fiscal simple qui consiste à faire payer au constructeur un certain pourcentage fixe très souvent 1% d’un prix forfaitaire de la construction. C’est donc une composante du coût de l’opération, qui sera naturellement répercutée sur l’acquéreur.

Le programme d’aménagement d’ensemble (PAE) dans lequel la municipalité annonce à l’avance pour l’ensemble de la zone concernée, la règle de jeu qui sera appliquée aux promoteurs en matière de participations par mise à la charge des constructeurs selon le type de programme, délai de réalisation.

Un dernier mode de financement des équipements publics est enfin souvent préconisé depuis quelques années, c’est le financement par les usagers. Il s’agit de rendre payant l’accès aux équipements dont l’usage était traditionnellement considéré comme gratuit. La question du financement des équipements des nouveaux secteurs disparaît alors en tant que telle. Par exemple la construction d’une salle de sport fait partie des équipements de quartier dont il faut trouver le financement. Mais si le fonctionnement de cette salle est tenu par un club de remise en forme et que l’enseignement est assuré par une entreprise commerciale, la construction de cette salle de sport n’est plus que des investissements privés induit par l’urbanisation et dont l’amortissement sera assure ultérieurement grâce à la fréquentation d’une clientèle payante.

En effet, la ville était depuis toujours supposée comme un bien commun mettant un ensemble de services et d’équipement à la disposition de ces habitants qui en prenaient financièrement en charge l’ensemble des services et des équipements. La tendance est aujourd’hui à la facturation. Après l’eau, puis le stationnement payant, voici les autoroutes urbaines à péage, etc. C’est aux Etats -Unis que se phénomène a pris le plus d’ampleur, on assiste aujourd’hui à

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une sorte de privatisation de quartiers entiers, services de sécurité inclus, les vigiles remplace la police.

Est-ce que cette évolution à l’américaine doit être envisagée en Algérie ? Cette question reste subordonnée au fait de déterminer les cas dans lesquels la gratuité d’un bien coûteux demeure d’un point de vue économique rationnelle.