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américain n'accepte pas les films doublés. Ce handicap alourdit de

20 % environ les budgets. L'œuvre, produite avec de gros moyens peut cependant être une œuvre de grande qualité. Encore faut-il que les sujets choisis transmettent la culture européenne dans ce qu'elle a de spécifique et d'original . Pour promouvoir la culture française, euro ­ péenne, il faut dépasser le problème linguistique, peut-être avec des

grands sujets tirés du fonds culturel européen, comme le proposent

intelligemment nos partenaires italiens (cf. « Quo Vadis » ou « Chris ­ tophe Colomb », coproduits par la R.A.I. ). Mais il faut aussi veiller

à la qualité des scénarios, de la réalisation et, surtout, à l'homogénéité

de l'interprétation ;

– en second lieu, votre rapporteur qui , depuis 1982, estime que

la création de F.M.I. a été une erreur, considère avec Mme Delorme

qu'il existe un vrai problème concernant la cession des droits pour l'étranger à F.M.I. ; elle n'hésite du reste pas à en conclure que le monopole de cette société encourage les chaînes à renoncer à leurs

droits de commercialisation au profit de producteurs indépendants auxquels elles s'adressent. Il est bien évident – et les responsables de F.M.I. ne sont pas en cause, car il leur faut assurer une mission proche de l'impossible – que ceux qui prennent en charge une pro ­ duction sur un plan artistique sont les plus motivés et les mieux armés pour en assurer la diffusion à l'étranger.

Le bilan paraît donc inquiétant, pour ne pas dire désastreux. Les critiques formulées par M. Jack Lang, ministre de la culture, à Mexico, en juillet 1982 , étaient sans doute prémonitoires. « Trop souvent, nos pays acceptent passivement une certaine subversion d'images fabri ­

quées à l'extérieur (...) qui sabotent les cultures nationales et véhiculent un mode uniformisé de vie que l'on voudrait imposer à la planète entière. Au fond, il s'agit là d'une modalité d'intervention dans les affaires intérieures des Etats ou, plus grave encore, dans les conscien ­ ces des citoyens des Etats. » On eût préféré plus de modestie dans le

ton et plus d'ambition dans l'action . Ce ne fut pas le cas ( 1 ).

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Annexe 4 /. – lu

règles du jeu soient établies pour assurer un véritable pluralisme de

l'information. Votre rapporteur estime, pour sa part, que cette notion protectrice des consciences des téléspectateurs devrait s'appliquer à l'ensemble des émissions. Il craint qu'en période de difficultés finan ­

cières, la multiplication des mécanismes de financement et de subven ­

tionnement des projets de création audiovisuelle, après agrément de

comités divers et variés mais dont les membres sont désignés par le

Gouvernement permette, dans l'avenir, une reprise en main « cultu ­

relle » de la télévision . C'est ainsi que l'ombre de Gramsci se profile derrière la manne financière promise par M. Jack Lang.

1 . – Le pluralisme de l information.

La loi du 29 juillet 1982, dont les dispositions sont reprises mot à mot par le cahier des charges des trois chaînes, précise que le service public a pour mission de servir l'intérêt général : « en assu ­ rant l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information ».

Si l'on exclut les temps d'antenne réservés dans le cadre d'émis ­ sions spéciales , sous le contrôle de Haute Autorité, aux assemblées parlementaires, aux partis politiques , aux syndicats et aux associa ­ tions, c'est sans aucun doute à l'occasion des journaux télévisés d'in ­

formation que ce principe doit s'exercer. Il est certes toujours délicat de porter un jugement équilibré sur l'information télévisée assurée par le service public. Néanmoins , il semble que malgré les améliorations apportées par l'intervention de la Haute Autorité, les Français conser ­ vent une certaine méfiance vis-à-vis du service public. Un sondage réalisé par Télérama en janvier 1985 a montré que 42 % des télé ­

spectateurs estimaient que les journalistes « seraient plus libres » pour les informer au sein de télévisions commerciales appartenant à des sociétés privées, contre 23 % considérant qu'il n'y aurait pas de différence . Un autre , plus récent, réalisé par B.V.A. à la demande de l'Institut de la communication sociale ( 1 ) montrait que les Français manifestaient un solide attachement à une conception pluraliste et démocratique de l'information : à toute forme d'information officielle à une voix , ils préfèrent pour 40 % d'entre eux le débat contradictoire.

Or, volonté des hommes politiques ou des journalistes, les chaînes consacrent toutes, des émissions permettant à un homme politique de

s'exprimer, les questions étant formulées par des journalistes ; aucune n'a inscrit dans sa grille de programmes des débats contradictoires à

échéance régulière. Le débat entre M. Fabius et M. Chirac, programmé1

le 27 octobre 1985 sur T.F. 1 fait exception à cette règle.

( 1 ) A l'occasion du premier symposium de la communication gouvernementale,

30-31 mai 1985 à Paris.

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2. – Le pluralisme menacé.

Mais réduire le pluralisme à des émissions d'information serait

commettre une erreur ; il doit s'étendre à l'ensemble des program ­

mes. C'est de la diversité que naît la liberté.

Les cahiers des charges des chaînes de télévision eux-mêmes ne sont pas exempts de menaces. Citons, comme la Haute Autorité dans

son avis , la disposition du cahier des charges ( 1 ) qui prévoit que « la

société programme annuellement au moins douze spectacles dramati ­

ques, lyriques et chorégraphiques (...). Les douze spectacles sont choi ­ sis par la société en accord avec le ministre chargé de la culture.

Citons aussi la disposition (2 ) prévoyant un effort particulier dans les

journaux télévisés en faveur des activités culturelles, dont la Haute

Autorité avait décidé la suppression, estimant que « le poids respec ­ tif des rubriques entrant dans la composition des journaux télévisés ne se détermine pas par décret... C'est aux journalistes qu'il appartient d'apprécier chaque jour la part qui doit être faite à l'activité cultu ­

relle ».

Cet activisme du ministère de la culture est renforcé par la multiplication des aides au développement ou à la création audio ­ visuelle. Sans doute importe-t-il de ne pas saupoudrer les deniers publics entre de multiples productions e: « ne doit-on favoriser que celles qui présentent une qualité esthétique et culturelle » ; sur ce point, votre rapporteur ne rejette pas a priori la proposition de Me Jean-Denis Bredin ( 3 ) d'instaurer un contingent d'aides sélec ­

tives dans le cadre du Fonds de soutien aux industries de pro ­

grammes, mais il souhaite que ces aides soient attribuées par une commission offrant toutes les garanties d'objectivité et non comme

c'est le cas actuellement directement par le ministère de la culture.

Se trouvent ainsi visés les aides du Fonds de création audiovisuelle,

les financements de l'Agence Octet ou les agréments ouvrant droit au bénéfice des avantages fiscaux prévus par la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier adoptés par l'Assem ­ blée nationale et rejetés par le Sénat en juillet dernier.

Si l'attribution d'aides ne devait pas être entourée de toutes

les garanties de pluralisme, le système aboutirait à un contrôle d'opportunité très dommageable, auquel les producteurs publics

ou privés cèderaient d'autant plus facilement que cette estampille

( 1) T.F. 1 : article 40 ; A. 2 : article 39 ; F.R.3 : article 39.

(2) T.F. 1 : article 29 ; A. 2 : article 28 ; F.R. 3 : article 28.

(3) J.-D. Bredin, « Les nouvelles télévisions hertziennes », rapport au Premier ministre,

pages 259 et suivantes (mai 1985).

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officielle conditionnerait non seulement l'indispensable apport

financier, mais souvent la réalisation de l'œuvre elle-même. L'audio ­

visuel doit, en tous temps et sous tous les régimes, se garder de

sombrer dans l'art officiel.

Les difficultés financières du service public comportent une menace de même nature au travers des divers financements publics ou privés recherchés par les producteurs et qui leur permettent de proposer aux chaînes des émissions à prix réduit, sous réserve que figure au générique, mais parfois aussi et très sournoisement dans

le corps de l'émission elle-même, le nom du généreux mécène.

Cette pratique ne serait pas condamnable si l'on s'en tenait à des règles simples :

– inscription au générique de la raison sociale du copro ­

ducteur ;

– interdiction de diffuser dans le cadre du programme d'une chaîne des émissions financées par une société publique ou privée

et traitant de cette société ou de son secteur d'activité.

Les règles figurant actuellement dans les cahiers des charges sont sans aucun doute insuffisamment explicites et laissent la porte ouverte à de nombreux débordements, comme votre rapporteur aura l'occasion de le montrer dans la dernière partie de ce rapport.

Autant votre rapporteur peut-il se réjouir de la réalisation du

téléfilm « Le Serment » de Stellio Lorenzi , diffusé sur Antenne 2 et

coproduit par la région Midi-Pyrénées, ou de projets tel celui de la Fondation Total pour la musique de produire et diffuser un opéra de Verdi, ou celui d'I.B.M. adaptant une pièce de Dickens pour F.R. 3 , autant s'inquiète-t-il du risque d'imixion dans le contenu des émissions elles-mêmes que représentent certaines copro ­

ductions régionales ( 1 ) de F.R. 3 ou le projet de M. André Campana sur la même chaîne d'une émission consacrée aux entreprises et

financée par une association « Portes ouvertes » regroupant ces entreprises.

( 1 ) La Haute Autorité de la communication audiovisuelle a adressé au président de F.R. 3, M. André Holleaux, une recommandation visant i assurer « le respect des règles

de pluralisme et d'équilibre » dans certaines émissions de la chaîne coproduites avec une

collectivité territoriale. Cette démarche fait suite à une intervention du député socialiste

et conseiller régional du Loiret, M. Jean-Pierre Sueur, à propos de deux émissions réalisées par F.R. 3 Ile-de-France - Centre avec la collaboration du conseil régional du Centre, dont la majorité appartient 1 l'opposition parlementaire.

« Les conventions liant les partenaires de ces coproductions », écrit la présidente de la Haute Autorité, Mme Michèle Cotta, « devront offrir toutes les garanties contre le risque de voir ces émissions se présenter comme une propagande d'élus, un bilan de mandat ou une apologie politique..»

M. Jean-Pierre Sueur a fait notamment valoir que « lors de ces deux émissions en

cause, vingt-deux conseillers sont intervenus, dont vingt de la majorité régionale et deux

de l'opposition régionale, ce qui ne correspond nullement aux équilibres actuels ».

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C. – LES ÉMISSIONS DE SERVICES