A L'ÉCLATEMENT DES STRUCTURES
les 3 chaînes françaises et 2 francophones (belge et suisse)
(1) Jean Autin, Sept défis audiovisuels, Economica 1984
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La démultiplication, qui pourrait être source de diversité et
d'élimination des corporatismes sclérosants, connaît cependant une limite qui protège les sources mêmes du corporatisme. La situation des personnels est uniformisée par un régime de convention collective
nationale unique.
Le service public semble, en France, balotter entre deux ten
dances sans jamais pouvoir atteindre un point d'équilibre et tenir le
cap des objectifs fixés. Entre la lourdeur centralisatrice et sclérosante
de l'O.R.T.F., source de blocage et de gaspillage, et la pléthore de sociétés qui agissent davantage en concurrentes que dans un esprit de coordination, ce qui engendre d'autres types de gaspillages, la
voie n'est pourtant pas si étroite.
La concurrence entre les sociétés de programme peut être facteur d'émulation et de créativité. Elle peut aussi être source de
surcoût. La volonté d'obtenir le meilleur taux d'écoute et, par voie
de conséquence, la meilleure position sur le marché publicitaire, incite les dirigeants des chaînes de télévision à rechercher les specta cles les plus attractifs, souvent aux dépens de la qualité.
Les épisodes à rebondissement des liens entre les chaînes de télévision et les autorités de la Ligue ou des clubs de football en sont un exemple révélateur. L'intervention de la Haute Autorité pour
coordonner la position des différentes chaînes a été à chaque fois
nécessaire et bienvenue.
La loi du 29 juillet 1982 a, en effet, confié à la Haute Autorité des pouvoirs en matière d'harmonisation des programmes ( 1 ). Ses membres consultent les présidents des sociétés nationales de pro gramme. Ils définissent des « normes » sous forme de recomman
dations qu'ils rendent publiques. En cas de manquements graves ou répétés à ces recommandations, ils peuvent, conformément à l'ar ticle 26 de la loi, adresser des injonctions, spécialement motivées, aux présidents des sociétés concernées , en leur demandant de prendre, dans un certain délai, les mesures nécessaires pour faire cesser ces manquements. Certes, l'injonction n'est pas sanctionnée juridique ment, mais le « poids » de la Haute Autorité fait que, jusqu'ici , les
présidents s'y sont soumis. En vertu de l'article 22 de la loi, la
Haute Autorité adresse au Président de la République et au Parlement
un rapport annuel qui porte notamment sur l'exécution, par les sociétés de programme, des recommandations en matière d'harmo
nisation.
( 1 ) L'article 21 a, en outre, confié à la Haute Autorité l'organisation de la représentation
de l'ensemble des sociétés et établissements dans les organismes internationaux non
gouvernementaux compétents dans le domaine de l'audiovisuel.
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La tâche de la Haute Autorité apparaît très complexe et l'on a pu craindre en 1983 , notamment, qu'elle ne joue un rôle trop discret. Le rapport commandé au Centre d'études d'opinion et livré en janvier 1983 , qui préconisait une action plus coordonnée, n'a pas
été immédiatement suivi d'effet.
Les membres de la Haute Autorité se sont heurtés à la mauvaise
volonté des présidents de chaîne, ce qui a amené la présidente, Mme Michèle Cotta , à rappeler plusieurs fois à l'ordre MM . Hervé Bourges (T.F. 1 ) et Jean-Claude Héberlé (A. 2 ) à l'occasion de la refonte des grilles de programmes dans l'atmosphère fébrile du contrôle effectué trois fois l'an par le Centre d'étude des supports de publicité (C.E.S.P.).
Le développement des radios privées locales a conduit, plus par réflexe protecteur que par raison, Radio-France à développer ses structures décentralisées, sans que celles-ci répondent réellement à un besoin de service public. Cette démultiplication des structures
est source de surcoût administratif. A chaque station régionale, à chaque station locale, il faut un directeur, une direction et une admi
nistration , alors que l'audience de ces stations est faible.
S'adapter aux modifications du paysage audiovisuel est une nécessité ressentie, mais il est probable que les bouleversements actuels nécessiteront une redéfinition de la nature et des obligations du service public, dont certaines ne se justifiaient que par l'existence du monopole. Demain, la concurrence du secteur privé répondra à
certains besoins et à certaines des obligations du service public : la
distraction notamment.
Adapter aux besoins le service public ne voudra pas forcément dire concurrencer le secteur privé en tous les créneaux, mais en cou
vrant réellement les besoins d'intérêt public.
Adapter le service public ne voudra pas forcément dire unifier ou démultiplier davantage, mais supprimer ce qui n'est plus indispen sable à la satisfaction des besoins d'intérêt public.
A cet égard, les modalités d'ouverture aux télévisions privées
retenues par la loi du 29 juillet 1982, par le biais de concession de
service public, paraissent très ambiguës. Elles n'existent, semble-t-il,
que pour conserver au Gouvernement un pouvoir discrétionnaire
de décision. En effet, il parait exclu, et le récent contrat de concession
entre l'État et le groupe Seydoux, Riboud, Berlusconi en témoigne,
d'imposer aux chaînes privées, fussent-elles gestionnaires de service
public, des obligations aussi contraignantes que celles imposées aux
chaînes publiques. Dès lors, s'il n'y a plus d'égalité au sein du
service public, pourquoi maintenir cette fiction ?
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C'est pourquoi , lors de l'examen par le Sénat en première lec
ture du projet de loi relatif aux télévisions locales privées, le Sénat
a adopté un amendement tendant à la suppression du régime de la concession de service public.
En vain puisque, quatre jours plus tard, le Gouvernement signait, dans des conditions dont on appréciera la transparence, un contrat de concession d'un réseau multiville avec un groupe dont il a lui-même suscité la constitution , composé de MM. Seydoux, Riboud
et Berlusconi .
Dans le document
SÉNAT PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1985-1986 Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1985.
(Page 103-106)