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La pleine normativité de l’inclusion des administrateurs indépendants dans les conseils : quelle plausibilité ?

Dans un premier temps, nous montrons que l’inclusion d’administrateurs indépendants au sein des conseils est avérée, en particulier dans le cas français, et, dans un second temps, que cette inclusion fait l’objet de nombreuses évaluations de la part des acteurs de l’industrie de la gouvernance.

2.1.1. une orientation effective sur la composition des conseils d’administration

En référence au dernier rapport publié en 2008 par l’Autorité des Marchés Financiers sur le gouvernement d’entreprise et le contrôle interne, 92 % des sociétés de l’échantillon «Eurolist A/B» précisent que leur conseil comprend un ou plusieurs administrateurs indépendants et que la moyenne des ratios [administrateurs indépendants/nombre total d’administrateurs] est d’environ 54 %. Par ailleurs, il est montré que 83 % de ces sociétés retiennent la définition du rapport consolidé afep/

MEDEF. En ce sens, la norme telle qu’énoncée dans le rapport sus-cité oriente bel et bien les comportements tant dans la définition de l’administrateur indépendant que dans la proportion recommandées. Ce constat s’observe également au niveau des comités spécialisés issus du conseil :

près des trois-quarts des comités de rémunération sont composés au moins

• pour moitié d’administrateurs indépendants. On note une orientation des comportements encore plus marquée avec une progression dans la proportion

13 Nous faisons ici référence à différences sources : codes nationaux et internationaux, d’initiative privée (Institut Français des Administrateurs, AFEP-MEDEF par exemple) ou publiques (AMF, Commission européenne et OCDE).

moyenne d’administrateurs indépendants siégeant dans ce comité qui passe de 56% à 68 % en l’espace d’une année.

61 % des administrateurs siégent au sein des comités de nomination sont

• indépendants et dans 63 % des cas, le président de ce comité est un administrateur indépendant.

83% des présidents des comités d’audit sont administrateurs indépendants.

Les comportements des entreprises sont d’autant mieux orientés que les codes fournissent un véritable cahier des charges, qui définit l’indépendance, les critères associés (cf. annexe 2) ainsi que la proportion souhaitée au sein des conseils. Le rapport Bouton (2002) considère ainsi qu’« un administrateur est indépendant lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement » (p. 9)14.

2.1.2. un éventail de mesures de la conformité

L’industrie de la gouvernance participe quant à elle à l’évaluation de la conformité à la norme. En effet, de plus en plus, agences de notation, sociétés de conseil en vote, consultants en gouvernance jugent, notent, évaluent les dispositifs de gouvernance des entreprises, à la demande ou non de leurs dirigeants (Rose, 2007). Des organismes de notation spécialisés ont ainsi vu le jour : Governance Metrics International (gmiratings.com), Riskmetrics Group (www.riskmetrics.com), Standard&Poor’s (standardandpoors.com), The Corporate Library (thecorporatelibrary.com) ou encore Deutsche Bank (db.com). Les agences de notation sociétales participent également à cette évaluation de la gouvernance au même titre qu’elles évaluent le respect de l’environnement ou des droits de l’homme.

Pour mieux comprendre les enjeux et les pratiques de cette démarche de notation, au regard de la norme de l’indépendance de l’administrateur, nous avons étudié le cas d’une agence de notation sociétale15, en empruntant une démarche qualitative reposant sur l’observation, l’entretien et l’analyse de documents.

14 cette définition complète celle fournie par le rapport Viénot 2 (1999, p. 17), à savoir

« un administrateur est indépendant de la direction de la société lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société ou son groupe qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement » en précisant que « l’absence de relations avec la société ou son groupe doit aussi viser les relations avec la direction de la société ou du groupe »..

Il ressort les faits suivants :

L’agence assoit la légitimité de sa notation sur la conformité aux standards

• nationaux et internationaux publiés dans les codes de bonne conduite. Le référentiel normatif utilisé est avant tout celui des principes de gouvernement d’entreprises de l’OCDE, complété par le rapport Bouton français, et deux codes anglais (le Combined Code et le Higgs Report), ce qui témoigne de l’influence des codes anglo-saxons dans la démarche d’évaluation.

La démarche d’évaluation repose principalement sur le triptyque opposabilité

• des objectifs, reproductibilité et traçabilité de la notation.

Concernant le conseil d’administration, l’agence évalue en particulier sa

• capacité à exercer un contrôle sur les dirigeants et les conseiller. Pour ce faire, elle a choisi d’observer le conseil sous l’angle de cinq critères :

la séparation de la position de Président et de Directeur Général et le rôle des 1. administrateurs indépendants dans le conseil sont jugés fondamentaux ;

L’expérience et la compétence des administrateurs : la diversité des 2. expériences et expertise doit permettre aux administrateurs indépendants

de prendre du recul par rapport aux affirmations des dirigeants ;

La composition du conseil : une proportion importante d’indépendants est 3. jugée comme un élément central puisque « ces personnes peuvent jouer un rôle déterminant dans l’exercice d’un contrôle objectif et impartial sur les dirigeants exécutifs » ;

Le processus de nomination des administrateurs à travers l’existence d’un 4. comité de nomination composé en grande partie d’indépendants, afin que

« les administrateurs formellement indépendants le soient également en pratique » ;

L’accès à l’information et à la formation pour les administrateurs ; 5.

Il apparaît donc que la notion d’indépendance de l’administrateur intervient pour chacun des cinq critères utilisés par l’agence que nous avons rencontrée.

L’agence évalue alors le conseil d’administration au regard de ces critères en les déclinant en items, pondérés selon l’importance que leur accorde l’agence. Pour chaque item, une note allant de 1(la moins bonne) à 4 est attribuée. Dans ce processus de notation, nous observons que la norme de l’indépendance de l’administrateur tient une place importante :

une note de 4 est attribuée aux entreprises pour lesquelles le comité de nomination

• et le comité d’audit sont exclusivement composés d’indépendants ; une note de 4 est attribuée aux entreprises dont le conseil est composé de

plus

de 50% d’indépendants (au sens du rapport Bouton).

Au-delà de ces notes, certaines agences de notation participent également à la fabrication d’indices boursiers. C’est ainsi que l’agence ISS en collaboration avec le producteur d’indices Financial Times a créé des indices boursiers qui rassemblent les entreprises ayant obtenu une bonne notation sur leur gouvernance. Pour les entreprises, l’appartenance à ces indices peut être un objectif dans la mesure où il démontre leur engagement vis-à-vis d’une bonne gouvernance. Finalement, qu’observe-t-on, sinon des codes de bonne conduite sur lesquels reposent des notations qui permettent ensuite de construire des indices boursiers, qui de fait ne font que perpétuer les critères renfermés dans ces codes, en particulier l’inclusion des administrateurs indépendants, ce qui confirme à la fois la fonction d’orientation des comportements et la fonction d’évaluation, corroborant ainsi P1.

Les acteurs de l’industrie de la gouvernance exercent donc par leur évaluation et l’utilisation qui en est faite par les investisseurs et gérants d’actifs une pression économique sur les destinataires de la norme, ce qui renvoie alors à l’intensité normative et à ses déterminants.

2.2. Les déterminants de l’intensité normative : quelle force