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H1b : Les différences en matière de composition des CA (pourcentage d’administrateurs indépendants et séparation des fonctions de

direction générale et de présidence du CA) se sont estompées au

cours des années récentes dans les trois pays européens étudiés.

1.2 Le courant de la spécificité

Le point de vue défendu par une majorité de membres de la communauté académique est diffèrent de celui présenté préalablement. En effet, les travaux théoriques et empiriques, extrêmement nombreux depuis une vingtaine d’années, ont tendance à prôner une spécificité des conseils d’administrations. autrement dit, l’idée même de l’existence d’un « bon CA » n’a pas grand sens. La composition doit être liée aux caractéristiques des entreprises et de leur environnement (hermalin et Weisbach, 2003).

La modélisation de raheja (2005) illustre parfaitement les réflexions de ce courant de pensée. Cet auteur se préoccupe de la taille des CA et de la proportion « optimale » d’administrateurs externes indépendants qui doivent siéger au CA. Il avance que ces derniers ont un désavantage informationnel sur les administrateurs internes, qui font partie de l’entreprise (ce sont typiquement des cadres de l’entreprise) et possèdent donc des informations spécifiques sur la qualité des projets d’investissement.

Cela étant, ils ne sont pas nécessairement incités à révéler leurs informations spécifiques lorsque les projets initiés et mis en œuvre par les dirigeants sont de

« faible » qualité, pour éviter d’entrer en conflit avec ces dirigeants (et donc risquer de perdre leur emploi). Dans un tel cas, les administrateurs indépendants jouent un rôle essentiel, puisqu’ils ne craignent pas d’entrer en conflit (leur emploi n’est pas menacé) avec des dirigeants « opportunistes », dont les intérêts divergeraient de ceux des actionnaires. Cependant, dans la mesure où des coûts sont supportés par les administrateurs indépendants pour collecter des informations spécifiques et pour contrôler les dirigeants, il est possible que des projets de « faible » qualité soient malgré tout entrepris. Dans ces conditions, la composition « optimale » du ca dépend de deux principaux facteurs : l’information spécifique détenue par les administrateurs internes et le coût de collecte de ces informations par les administrateurs externes. Deux principaux résultats sont obtenus.

Premièrement, lorsque les intérêts des dirigeants sont « mieux alignés » sur ceux des actionnaires, le CA est de plus petite taille, parce que les administrateurs internes sont incités à révéler leurs informations spécifiques et, par conséquent, les coûts de collecte d’informations spécifiques sont plus faibles pour les administrateurs indépendants. C’est le cas, par exemple, lorsque des fortes pressions sont exercées sur les dirigeants par des actionnaires de contrôle, ou par le marché des biens et services (c’est-à-dire par les clients et les concurrents dans un environnement très concurrentiel).

Deuxièmement, lorsque le coût de contrôle de la qualité des projets est moindre, notamment parce que l’activité de l’entreprise est mois complexe, alors la proportion d’administrateurs indépendants est plus élevée. C’est le cas, par exemple, dans le secteur de la grande distribution. En revanche, dans les secteurs de haute-technologie, où les entreprises développent des activités d’une grande complexité, l’auteur considère que les coûts de collecte et de traitement d’informations supportés par les administrateurs externes indépendants sont élevés. Ceci explique que la proportion d’administrateurs internes y est largement supérieure à celle du secteur de la grande distribution. L’étude de la composition du CA de deux grandes entreprises américaines confirme les résultats de cette modélisation.

Ces arguments permettent de mieux comprendre pourquoi les études empiriques ne parviennent pas à mettre en évidence une relation significative entre la composition des CA et la performance des entreprises (Bhagat et Black, 1999), alors que des différences ont été constatées en matière de composition des CA (par exemple, Denis et Sarin, 1999 ; Boone, Field, Karpoff et Raheja, 2004, pour les Etats-Unis ; Godard et Schatt, 2005b, pour la France ; Prevost et al., 2002, pour la Nouvelle-Zélande). En fait, le « bon CA » d’une entreprise dépend des caractéristiques de cette entreprise et des caractéristiques de son environnement.

parmi les caractéristiques spécifiques de l’entreprise, la structure de propriété des entreprises exerce en principe une influence significative sur la composition du CA. En fait, si l’actionnariat est fortement concentré, alors, toutes choses égales par ailleurs, une pression supérieure est exercée sur les dirigeants par les actionnaires de contrôle et, par conséquent, la proportion d’administrateurs indépendants est plus faible (Raheja, 2005).

Cet argument est particulièrement important en Europe, où l’actionnariat des entreprises est relativement concentré, si l’on excepte le Royaume-Uni (Faccio et Lang, 2002). Les incitations des détenteurs de blocs de contrôle sont fortes pour contrôler les dirigeants, ce qui permet de justifier une faible proportion d’administrateurs indépendants. par ailleurs, si on admet l’idée que des conflits d’intérêts potentiels existent entre les détenteurs de blocs de contrôle et les actionnaires minoritaires (Shleifer et Vishny, 1997), une faible proportion d’administrateurs indépendants se justifie encore plus aisément. en effet, les détenteurs de blocs sont alors incités à occuper les postes de direction et des sièges au ca, pour pouvoir prélever plus aisément des bénéfices privés. autrement dit, lorsque l’actionnariat est plus concentré, la proportion d’administrateurs indépendants est plus faible.

Lorsque l’actionnariat est dilué, des conflits d’intérêts entre les actionnaires minoritaires et les dirigeants ont été identifiés (Jensen et meckling, 1976). Les actionnaires ne peuvent pas contrôler directement le dirigeant (problème classique du passager clandestin), ce qui va les inciter à voter pour des administrateurs indépendants, chargés de défendre leurs intérêts. Autrement dit, les actionnaires minoritaires préfèrent une proportion supérieure d’administrateurs indépendants, mais également une séparation des fonctions de direction générale et de présidence du CA, parce que cette séparation limite la latitude des dirigeants.

au final, ces divers arguments nous conduisent à formuler quatre hypothèses.

On anticipe, d’une part, que la composition des CA est fonction de la structure de propriété des entreprises (h2a et h2b). d’autre part, des modifications de la composition des CA, constatées au cours du temps, devraient s’expliquer par une modification de la structure de propriété des entreprises (h3a et h3b).

H2a : La proportion d’administrateurs indépendants augmente