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l’indice prospectif

8. Le sommeil dans le cancer du sein

8.1 Une plainte bien connue

8.1.1 Les types de plaintes

De nombreuses études ont évalué la qualité et/ou les difficultés de sommeil de patientes à l’aide de

questionnaires validés, tels que l’index de sévérité de l’insomnie (ISI) et l’index de qualité de sommeil

de Pittsburg (PSQI). Les troubles du sommeil font partie des plaintes les plus fréquentes dans le cancer du sein. Une étude a évalué les différentes types de plaintes de sommeil de patientes traitées pour un cancer du sein évalués à l’aide du Duke Structured Interview for Sleep Disorders, et les a regroupés en 7 catégories (Otte et al., 2016) : l’insomnie, les troubles respiratoires, tels que les apnées du sommeil, les troubles des mouvements, comme le syndrome des jambes sans repos, les troubles du rythme circadien, l’hypersomnie, les parasomnies (ex : terreurs nocturnes, bruxisme), les symptômes isolés (non reportés).

Cette étude a révélé que 97 % des patientes avaient plus d’un de ces symptômes. L’insomnie (98% des patientes) et les troubles du rythme circadien (84%) étaient les plus rapportés. Jusqu’à 70 % des patientes rapportent des symptômes cliniques de l’insomnie (ex : difficultés d’endormissement, réveils nocturnes) contre seulement 30% des sujets sains (Fiorentino & Ancoli-Israel, 2006; Thomas Roth, 2007). Cette plainte d’insomnie est très fréquente chez ces patientes et importante à prendre en considération au vu de son impact sur le fonctionnement diurne. Cependant, pour connaître le rôle du

cancer et de ses traitements sur l’apparition et la persistance des symptômes d’insomnie, il est

nécessaire d’évaluer la qualité de sommeil avant diagnostic.

Une étude longitudinale récente, réalisée sur 173 patientes nouvellement diagnostiquées, a montré

que 17% des patientes avaient des symptômes d’insomnie avant même le diagnostic de cancer du sein

et 8% un syndrome d’insomnie (Fleming et al., 2019). Les patientes étaient classées dans le groupe « syndrome d’insomnie » si elles prenaient un traitement pour leur sommeil et/ou rapportaient des difficultés de sommeil, au moins 3 fois par semaine, depuis 1 mois minimum, avec un impact

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psychologique et/ou sur le fonctionnement diurne. Les patientes du groupe « symptômes d’insomnie » ne rapportaient pas l’ensemble de ces symptômes. Après diagnostic, 28% des patientes étaient considérées comme ayant des symptômes d’insomnie et 18% un syndrome d’insomnie. Cette

augmentation de la plainte au moment de l’annonce du diagnostic confirme l’impact négatif de l’annonce du cancer sur la qualité de sommeil subjective des patientes.

8.1.2 Les facteurs de risque associés à la survenue et la persistance

de la plainte de sommeil

Impact des traitements adjuvants

Jusqu’à présent, les études se sont plutôt intéressées à l’impact négatif des traitements sur la qualité de sommeil. Dans leur revue, Costa et al. (2014) ont observé chez les patientes traitées par chimiothérapie et radiothérapie une plainte de sommeil fréquente et élevée, alors que suite à la chirurgie et au cours du traitement par hormonothérapie celle-ci est plus hétérogène.

Une étude longitudinale réalisée auprès de 502 patientes a observé après diagnostic, que 60 % d’entre

elles évaluaient leur sommeil comme étant de mauvaise qualité (PSQI > 5), caractérisé par des difficultés d’endormissement et des éveils nocturnes supérieurs à 30 min (Fontes et al., 2017). Un an après le diagnostic, 47% des patientes rapportaient une augmentation des difficultés de sommeil et 40% une amélioration de leur qualité de sommeil. Parmi les patientes ayant un bon sommeil au moment du diagnostic, la radiothérapie était un prédicteur significatif de la diminution de qualité de sommeil. Une tendance était également observée pour les patientes ayant subi une mastectomie et/ou reçu un traitement par chimiothérapie.

Dans une autre étude longitudinale, menée sur 465 patientes, où l’insomnie (ISI) était évaluée au moment de la chirurgie, puis 2, 6, 10, 14 et 18 mois plus tard, les patientes traitées par radiothérapie rapportaient plus de symptômes d’insomnie tout au long de l’étude (J. Savard et al., 2015). Les patientes traitées par chimiothérapie avaient une plainte plus élevée au moment du traitement que les patientes non traitées par chimiothérapie. Aucun effet significatif de l’hormonothérapie n’était

observé. Cependant les auteurs ont observé chez les patientes traitées par hormonothérapie rapportant des difficultés de sommeil que celles-ci étaient causées par des bouffées de chaleur (chez 100% des patientes ayant rapporté une plainte), des symptômes digestifs, et des maux de têtes. En effet les bouffées de chaleurs et les douleurs articulaires comptent parmi les effets secondaires du traitement par hormonothérapie (N. L. Henry et al., 2008; Mao et al., 2009; M.-H. Savard et al., 2009). Or il est reconnu que ces deux symptômes affectent la qualité de sommeil, et ont tendance à

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Bouffées de chaleurs et difficultés de sommeil sont d’ailleurs des facteurs de non-adhérence à

l’hormonothérapie (Grunfeld et al., 2005). Desai et al. (2013) ont été les premiers à évaluer la

prévalence de l’insomnie chez des patientes traitées par hormonothérapie. Cette étude, réalisée chez 413 patientes, a révélé que 32% d’entre elles présentaient des symptômes liés à l’insomnie et 19% une

insomnie clinique, selon l’ISI. L’insomnie était associée à la douleur, aux bouffées de chaleurs, à

l’anxiété, et à la dépression.

Autres facteurs

Bien que les traitements semblent impliqués dans l’apparition de la plainte de sommeil, plusieurs études ont observé une forte association entre la plainte de sommeil, l’état anxio-dépressif et la fatigue, des symptômes souvent rencontrés chez des patientes traitées pour un cancer du sein (Desai et al., 2013; Fontes et al., 2017; Sanford et al., 2013). Une méta-analyse a récemment mis en évidence que la ménopause, les bouffés de chaleurs, la douleur, les symptômes dépressifs et la fatigue, étaient les principaux facteurs de risque de troubles du sommeil chez les patientes traitées pour un cancer du sein (Leysen et al., 2019). Or ces facteurs sont déjà présents chez certaines patientes avant diagnostic et exacerbés au moment du diagnostic et/ou des traitements. L’intérêt serait donc de savoir s’ils

étaient déjà présents avant le cancer, ou s’ils sont apparus au moment de l’annonce ou des

traitements. Ces informations permettraient de mieux caractériser l’étiologie de l’insomnie chez les

patientes atteintes d’un cancer du sein.

Le modèle des 3P

Le modèle des 3P, développé pour mieux comprendre l’étiologie de l’insomnie (Spielman et al., 1987), distingue les facteurs prédisposants (« predisposing »), précipitants (« precipitating »), et de maintien (« perpetuating »). Ce modèle a été adapté au cadre du cancer du sein et les facteurs sont les suivants (Rhondali & Filbet, 2012; M.-H. Savard & Savard, 2017) :

Les facteurs prédisposants : genre (sexe féminin), âge (personnes âgées), présence de troubles psychiatriques, pathologies cardiovasculaires ou autres.

Les facteurs précipitants : traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie),

effets secondaires associés à l’annonce du diagnostic et aux traitements (douleurs, fatigue, dépression, symptômes de la ménopause).

Les facteurs qui perpétuent l’insomnie : comportements et croyances inadaptés menant à une mauvaise hygiène de sommeil (ex : siestes, excès du temps passé au lit), consommation d’hypnotiques

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L’ensemble de ces facteurs va avoir une influence négative sur la qualité de sommeil des patientes tout au long de leur parcours (voir Figure 12). Chez certaines patientes, le cancer du sein et ses traitements sont capables d’entrainer des symptômes évocateurs d’insomnie qui par la suite peuvent devenir une insomnie chronique et perdurer plusieurs années après le traitement du cancer (Lowery-Allison et al., 2018). Il est donc important d’évaluer les facteurs associés à ces troubles du sommeil. Une évaluation objective aiderait à mieux comprendre leur impact et à déterminer les modifications de sommeil les plus fréquentes dans le cancer du sein. De nos jours, encore peu d’études utilisent une évaluation objective du sommeil dans le cancer.

Figure 12. Les différents types d'insomnies représentés avec le modèle des 3P, figure issue de l'article de Rhondali et Filbet (2012)

8.2 Les troubles du sommeil dans le cancer du sein, un