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l’indice prospectif

10. Quels liens entre sommeil et cognition dans le cancer du sein ?

Cette partie a fait l’objet d’une revue systématique (soumise, Revue systématique des études ayant

évalué l’association entre sommeil et cognition chez des patients atteints de cancer non-cérébral), retraçant l’ensemble des études ayant évalué le sommeil en association avec la cognition chez des patients atteints de cancer non-cérébral. Aucune étude n’a évalué le sommeil à l’aide de mesures objectives et seulement cinq études sur les 30 recensées avaient pour objectif affiché d’évaluer

spécifiquement l’association entre sommeil et cognition.

10.1 Association entre la plainte de sommeil et la plainte

cognitive

La majorité des études ont mesuré le degré d’association entre la plainte de sommeil et la plainte

cognitive des patients. Les plaintes de sommeil étaient évaluées à l’aide de questionnaires validés tels

que le PSQI et le General Sleep Disturbances Scale (GSDS, qui évalue la nature et l’incidence des

troubles du sommeil, K. A. Lee, 1992), ou de questions non validées du type « Avez-vous des troubles de sommeil en ce moment » ou correspondant à un item issu de questionnaires évaluant la qualité de vie dans le cancer tel que l’European Organization for Research and Treatment of Cancer - Quality of Life Questionnaire (EORTC-QLQ-C30, Aaronson et al., 1993). De même, la cognition était évaluée à

l’aide de questionnaires validés comme le FACT-Cog et l’Attentional FunctionIndex (AFI, qui évalue les difficultés à réaliser des tâches attentionnelles, Cimprich, 1992) ou d’items issus de questionnaires

comme l’EORTC-QLQ-C30.

Ces études ont révélé qu’une augmentation de la plainte de sommeil était associée à une augmentation de la plainte cognitive chez les patients atteints de cancer non-cérébral, notamment chez les patientes traitées pour un cancer du sein (Carroll et al., 2019; Crouch & Von Ah, 2018; Henneghan et al., 2018; Liou et al., 2019)

Sur les 24 études, seules deux n’ont pas montré d’association significative entre une diminution de la

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Naung & Panza, 2020). Dans l’étude de Kim & Abraham (2020), différents types de cancer étaient comparés à des sujets sains et le sommeil était évalué au même titre que le stress et la fatigue. Les

auteurs ont conclu que le sommeil n’était pas un prédicteur indépendant de la plainte cognitive, mais

faisait plutôt partie d’un ensemble de facteurs à l’origine des troubles cognitifs dans le cancer

non-cérébral. Dans l’étude de Naung et Panza (2020), les patientes atteintes d’un cancer du sein étaient évaluées avant chimiothérapie à l’aide des items du questionnaire EORTC QLQ-C30, limitant ainsi

l’évaluation de l’ensemble des symptômes ressentis et sous-estimant potentiellement les plaintes des patientes.

Deux études n’ont pas réalisé de corrélation entre les plaintes évaluées mais ont comparé des patientes avec et sans plaintes de sommeil. Caplette-Gingras et al., (2013) ont évalué l’effet de

l’insomnie sur la cognition de patientes traitées pour un cancer du sein. Pour cela, le groupe de patientes était divisé en fonction du niveau d’insomnie évalué à partir de l’ISI (Bastien et al., 2001) et

de l’agenda du sommeil. Les patientes du groupe insomnie rapportaient des difficultés

d’endormissement, des éveils nocturnes supérieurs à 30 min et/ou des difficultés de sommeil. Cette étude a montré que les patientes insomniaques avaient une plainte supérieure de leur état cognitif et émotionnel (ex : fatigue, tension, concentration) d’après le questionnaire Actual State Scale (Vignola et al., 2000). Van Onselen et al. (2012) ont évalué l’évolution de la plainte de sommeil, à l’aide du GSDS,

avant chirurgie puis au cours des 6 mois suivants. Les auteurs ont distingué trois profils de patientes : avec une plainte de sommeil élevée dès la première évaluation qui restait élevée au cours des 6 mois, avec une faible plainte tout au long des évaluations, et avec une plainte de sommeil élevée avant chirurgie qui tendait à diminuer au cours des mois suivants. Les patientes du groupe rapportant peu de difficultés de sommeil avaient moins de plainte concernant leur niveau attentionnel (mesuré à l’aide de l’AFI) que les deux autres groupes de patientes.

Bien qu’à ce jour aucun lien de causalité n’ait été démontré entre la plainte de sommeil et la plainte cognitive des patients, celles-ci sont fortement associées dans le cancer non-cérébral.

10.2 Association entre la plainte de sommeil et les

performances cognitives

Les résultats ne sont pas aussi consensuels lorsque le fonctionnement cognitif était évalué à l’aide de

tests neuropsychologiques. En effet, environ la moitié des études ont trouvé une association significative entre plainte de sommeil et troubles cognitifs. Quatre des sept études ayant évalué les

performances cognitives à l’aide d’une batterie de tests neuropsychologiques ont trouvé une

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capacités cognitives (Carroll et al., 2019; Hartman et al., 2015; Jung & Visovatti, 2017; Xu et al., 2018). Carroll et al., (2019) ont montré que l’augmentation de la plainte de sommeil était significativement associée à une diminution des performances en mémoire épisodique, mais seulement chez les patientes porteuses du gène APOE4. Ce gène est connu pour son implication dans le déclin cognitif dans le cancer du sein mais également chez le sujet sain (Ahles et al., 2003; Mandelblatt et al., 2018).

D’autres études ont observé une association de la plainte de sommeil avec les performances de

mémoire de travail et d’attention (Jung & Visovatti, 2017), de fluence verbale (Hartman et al., 2015), et des fonctions cognitives globales (Xu et al., 2018, les scores aux différents domaines cognitifs évalués étaient regroupés en un score composite). Caplette-Gingras et al. (2013) ont révélé que les patientes avec insomnie avaient des performances en mémoire épisodique et fonctions exécutives inférieures aux patientes sans insomnie.

Les études ayant utilisé des outils de dépistage des troubles cognitifs, tels que la MOCA et le MMSE,

n’ont pas montré d’association significative avec la plainte de sommeil. Ces résultats pourraient s’expliquer par un manque de spécificité et de sensibilité de ces tests, limitant l’évaluation des troubles cognitifs subtils rapportés par les patientes.

Le manque d’association, observé dans certaines études, pourrait également s’expliquer par le phénomène de divergence entre évaluations subjective et objective abordé précédemment (voir partie Des difficultés cognitives partiellement objectivées). Une des hypothèses est que la plainte cognitive étant fortement associée aux troubles psychologiques, elle serait le reflet de troubles psychologiques plutôt que d’un réel déficit des performances cognitives. Cette hypothèse est corroborée par les études qui ont montré un effet médiateur de la dépression et de la fatigue, sur

l’association sommeil et cognition (Ferreira et al., 2008; Henneghan et al., 2018; Xu et al., 2018). Bien que ces études révèlent une association entre plainte de sommeil et difficultés cognitives chez les patients atteints de cancer non-cérébral, le manque de groupe contrôle et/ou d’études longitudinales, ne permet pas de connaître l’influence spécifique du cancer et des traitements sur l’apparition et l’aggravation de la plainte de sommeil et des troubles cognitifs. De plus, il serait préférable de réaliser des analyses de médiations afin de mieux comprendre les liens entre les troubles du sommeil et les difficultés cognitives des patients. En outre, aucune de ces études n’a évalué le sommeil de façon objective. Or, au vu des connaissances chez le sujet sain quant à l’influence d’une modification de la structure du sommeil sur la cognition, et des modifications de sommeil observées dans le cancer non-cérébral, il semble primordial pour les prochaines études d’évaluer l’association entre la structure du sommeil et la cognition chez les patientes traitées pour un cancer du sein.

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C’est donc l’un des objectifs du protocole PROSOM-K (Duivon et al., 2018a) et plus spécifiquement de

l’étude 4, évaluer l’influence du sommeil sur la cognition et plus spécifiquement la mémoire

prospective à l’aide d’évaluations objectives.

En bref :

Les troubles du sommeil sont récurrents et bien connus dans le cancer du sein, mais peu d’études ont évalué le sommeil à l’aide de la polysomnographie, le gold-standard de l’évaluation du sommeil. Or le sommeil joue un rôle majeur dans le fonctionnement cognitif et surtout la consolidation

mnésique. À ce jour, aucune étude n’a évalué le sommeil à l’aide de la polysomnographie en

association avec une évaluation cognitive chez des patientes souffrant d'un cancer du sein. Cependant, plusieurs études ont montré qu’une augmentation de la plainte de sommeil était corrélée à une augmentation de la plainte cognitive, et certaines études montrent également une association avec une diminution des performances neuropsychologiques. Cependant, des études

restent à mener afin de mieux comprendre l’impact du cancer et des traitements sur cette relation.

L’ensemble des études ayant évalué la relation entre les difficultés de sommeil et les troubles cognitifs dans le cancer non-cérébral de l’adulte sont répertoriées sous la forme d’une revue systématique

(soumise) présentée ci-dessous.

10.3 Revue systématique des études ayant évalué l’association

entre sommeil et cognition chez des patients atteints de

cancer non-cérébral

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Are Sleep Complaints Related to Cognitive Functioning in Non-Central