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Les données présentées dans cette première étude sont issues du protocole CanMem (pour Cancer et Mémoire) réalisé dans le cadre du travail de thèse de Nastassja Morel. Ce protocole a débuté en 2010 au sein de l’unité de recherche U1077 dirigée par le Pr Francis Eustache, dont le promoteur était

le Centre François Baclesse de Caen, le médecin investigateur le Pr Florence Joly et les responsables scientifiques les Pr Bénédicte Giffard et Francis Eustache. Cette étude avait pour objectif principal de

mieux comprendre les troubles mnésiques observés chez des patientes atteintes d’un cancer du sein avant et après traitement par chimiothérapie au moyen de mesures de neuropsychologie et de neuroimagerie. Ce programme de recherche était financé par le Cancéropôle Nord-Ouest, le comité du Calvados de la Ligue Contre le Cancer, le prix Ruban Rose Qualité de Vie 2011 de l’association « Le

Cancer du Sein, Parlons-en ! », la Fondation ARC et l’Institut National du Cancer (INCa).

Au cours de ce protocole, des patientes diagnostiquées pour un cancer du sein, âgées de 45 à 65 ans et des sujets contrôles de même âge ont été recrutés pour un suivi longitudinal de 18 mois composé

d’examens en neuropsychologie et neuroimagerie. Les patientes étaient évaluées avant le début de la chimiothérapie (T1), environ 1 mois après chimiothérapie (T2, soit 6 mois après T1), puis environ 1 an après chimiothérapie (T3, soit 18 mois après T1) (Figure 18). Le bilan neuropsychologique comprenait une évaluation de la mémoire épisodique rétrospective, de la mémoire autobiographique, de la mémoire de travail, des fonctions exécutives et attentionnelles et de la vitesse de traitement. Une évaluation des symptômes anxieux et dépressifs, du self, et de la qualité de vie était également réalisée. Dans le cadre de l’étude 1 de ce travail de thèse, nous nous sommes uniquement intéressés

154 Figure 15. Design du protocole CANMEM

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Étude 1 : Mémoire autobiographique et self dans le

cancer du sein

La mémoire autobiographique se compose d’un ensemble de connaissances sur soi et de souvenirs personnellement vécus nécessaires à la construction d’un sentiment d’identité. Cette mémoire entretient un lien privilégié avec les représentations de soi, c’est-à-dire le self. Selon le modèle self-memory-system de Conway & Pleydell-pearce, (2000), le self, construit à partir de nos connaissances et souvenirs autobiographiques, influence la récupération de nos souvenirs. Une revue a récemment souligné que, suite à l’annonce du diagnostic, les patientes devaient modifier leurs représentations de soi et leur base de connaissances autobiographiques en y ajoutant la période de cancer, période traumatisante qui pourrait avoir une influence sur le self-memory-system chez les patientes atteintes

d’un cancer du sein (Sebri et al., 2020). De plus, les traitements, et notamment la chimiothérapie, sont connus pour affecter la mémoire épisodique et l’hippocampe (Apple et al., 2017; Kesler, Janelsins, et al., 2013), nécessaires à la récupération de souvenirs épisodiques, et pourraient donc affecter la mémoire autobiographique des patientes traitées.

Ainsi, l’objectif de cette étude 1 était d’évaluer le lien entre self et mémoire autobiographique dans le

cancer du sein, et l’impact de la chimiothérapie sur le rappel de souvenirs épisodiques de patientes traitées pour un cancer du sein.

Vingt-six patientes atteintes d’un cancer du sein et 17 sujets sains appariés en genre et en âge étaient évalués à T1 (avant chimiothérapie) et six mois plus tard à T2 (environ un mois après chimiothérapie). La mémoire autobiographique était évaluée à l’aide du TEMPau (Piolino et al., 2003) et le self à l’aide

du questionnaire des représentations de soi (QRS, Duval et al., 2012). La cotation des souvenirs était réalisée selon la méthode proposée par Levine et al. (2002), visant à distinguer les détails sémantiques et épisodiques, puis à les classer en sous-catégories. Dans cette étude nous nous sommes intéressés aux sous-catégories des détails épisodiques : événements, temps, lieu, perceptions, pensées/émotions. Deux scores de self étaient analysés dans cette étude : le score de certitude

reflétant le niveau d’affirmation et de stabilité des représentations de soi, et le score de valence. Ainsi,

des scores de certitude et de valence élevés reflétaient des représentations de soi affirmées et positives. Une batterie de tests neuropsychologiques (mémoire épisodique, mémoire de travail, fonctions exécutives et vitesse de traitement) était également réalisée pour évaluer le profil cognitif des patientes.

Le niveau de richesse des détails épisodiques était similaire à T1 et T2 chez les patientes et les sujets

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avec des capacités cognitives préservées chez les patientes suite au traitement par chimiothérapie. Cependant, un effet significatif du groupe était observé pour la catégorie de détails pensées/émotions avec des patientes qui rapportaient plus de détails que les sujets sains. Plus exactement, une

interaction entre l’effet groupe et le score de certitude de self était observée. Ainsi, à l’inverse des

sujets sains, moins les patientes avaient un self affirmé, plus elles rapportaient de détails épisodiques de type émotions/pensées dans leurs souvenirs.

Cette étude 1 révèle que le self, plutôt que la chimiothérapie, aurait une influence sur la récupération de souvenirs autobiographiques dans le cancer du sein. Les résultats observés suggèrent que les patientes ayant un self peu affirmé pourraient mettre en place des stratégies de coping non fonctionnelles visant à maintenir une représentation de soi stable, à l’inverse des patientes avec un self affirmé qui seraient engagées dans des stratégies de coping fonctionnelles leur permettant d’avoir

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Relationship between self-representations and autobiographical memory in