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Place du médecin généraliste dans le dépistage du VIH par l’autotest salivaire

Dans le document THESE UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (Page 80-87)

C. Place du médecin généraliste dans la réalisation de l’autotest salivaire

2. Place du médecin généraliste dans le dépistage du VIH par l’autotest salivaire

Dans notre étude, 30% des personnes envisageant de réaliser un autotest salivaire

souhaiteraient le réaliser chez le médecin généraliste. Lors d’un bilan réalisé en 2012 sur

l’expérimentation du TROD par les médecins généralistes libéraux en Guyane, 85% des 213

patients participants avaient déclaré qu’ils accepteraient de faire un TROD si un médecin

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être un acteur dans la réalisation de l’autotest salivaire, en plus de son rôle nécessaire dans l’information auprès des personnes souhaitant le réaliser seules à domicile. Son intervention

dans la réalisation de l’autotest salivaire avec une prise en charge globale permettrait d’en

limiter ses inconvénients potentiels :

Isolement physique

L’utilisation de l’autotest salivaire de dépistage du VIH sous-entend l’absence de

counselling et de consultation post-test permettant l’annonce du résultat. Cet entretien

permet d’éviter un isolement qui pourrait être perçu négativement et entrainer une

détresse morale en cas de résultat positif.

Lors de son avis sur la commercialisation de l’autotest salivaire, le CCNE soulignait un

problème éthique : l’absence de soutien personnalisé dans l’utilisation de l’autotest salivaire

(41). La révélation d’une séropositivité pourrait provoquer des réactions émotionnelles très

fortes pouvant déséquilibrer les défenses psychiques d’un individu fragile et vulnérable dans

sa solitude. Le CCNE proposait alors que le médecin généraliste intervienne comme un relais

et puisse remettre lui-même l’autotest.

Une étude réalisée à Singapour entre décembre 2008 et août 2010 afin d’évaluer la

performance de l’autotest salivaire, a été menée chez des personnes d’âge moyen de 32 ans

n’ayant jamais réalisé d’autotest auparavant pour le dépistage du VIH (38). Les 994 participants, dont 200 étaient séropositifs, avaient réalisé un autotest salivaire seul en

s’aidant d’une notice explicative puis l’autotest était à nouveau réalisé par une personne du domaine médical entrainée. Parmi les participants, 89% préféraient réaliser ce test en privé

et 95% estimaient qu’il était facile à réaliser. Cependant 72,5% estimaient que le counselling pré-test était nécessaire et 74,9% estimaient que le counselling post-test était nécessaire.

Une autre étude, l’enquête Webtest, menée en France en 2009, évaluait l’utilisation

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via un questionnaire accessible sur plusieurs sites internet (46). Parmi les 9 169 participants, 44,4% indiquaient qu’ils n’étaient pas intéressés par l’autotest car ils ne voulaient pas

découvrir une éventuelle séropositivité en étant seuls.

Cependant, il est à noter que l’accompagnement offert dans le cadre du dépistage en

laboratoire de ville s’avère fréquemment insuffisant ou inadapté au regard des

recommandations de bonnes pratiques en vigueur alors que cela concerne au moins 8

personnes sur 10 ayant recours au dépistage. L’enquête réalisée par SIDA Info Action en

2010 révèle que 78% des participants ayant réalisé un test de dépistage en laboratoire

n’avaient pas reçu d’explication lors de la réception des résultats (47).

Retard de prise en charge

Un des avantages de l’autotest est l’assurance de récupérer son résultat. Il diminue

donc le risque d’ignorance de son statut séropositif.

Cependant, lors de la réalisation d’un autotest salivaire le patient se retrouve seul avec

son résultat. Le fait d’être seul peut entrainer une anxiété majeure et une attitude de déni

face à un résultat positif et il est donc possible que la personne ne fasse pas de démarche

nécessaire pour confirmer le résultat et entrer dans le système de soins. Par conséquent,

cela pourrait entrainer un retard dans la prise en charge.

Dans notre étude, 62,5% des personnes envisagent de réaliser un autotest salivaire pour se rassurer. Cela peut sous-entendre qu’un résultat négatif suffirait à rassurer une

personne et qu’elle ne songerait pas à le confirmer par un test standard plus fiable afin d’éviter le risque de faux négatif.

Une étude menée en CDAG de l’hôpital Saint-Antoine à Paris en 2010 sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’utilisation des TROD montrait que 20,7% des 2 448 personnes ayant

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test sanguin. Ils se contentaient donc du résultat négatif du TROD (7). Ce risque pourrait être limité par l’intervention du médecin généraliste en informant ses patients.

Dépistage des infections sexuellement transmissibles et hépatites virales

Actuellement, l’autotest salivaire permet uniquement de dépister le VIH. Il n’est donc

pas possible de rechercher les autres IST et les hépatites virales dans le même temps.

Dans notre étude, 22,5% des personnes interrogées envisagent de réaliser un autotest

salivaire avant l’arrêt de l’utilisation du préservatif. Ces personnes ne pourront donc pas

dépister les autres IST dans le même temps avant d’envisager l’arrêt de l’utilisation du

préservatif. La réalisation de l’autotest salivaire peut donc avoir un impact négatif sur le

dépistage des autres IST et des hépatites et entrainer une absence de prise en charge de ces

infections comme le montre un article concernant les TDR (54). Il s’agit d’une étude réalisée

en 2011-2012, sur 15 mois, dans des CDAG et CDDIST d’Orléans et de Blois, qui mesurait

l’impact de l’introduction des TDR sur le rendu des résultats des autres infections dépistées,

comme l’hépatite B, l’hépatite C, la syphilis et le Chlamydia trachomatis. Parmi les 445

participants, âgés de 28 ans en moyenne, 44,3% bénéficiaient d’un TDR et les autres

bénéficiaient d’une sérologie classique pour le dépistage du VIH. Le taux de non rendu des

résultats autre que le VIH était plus élevé chez les personnes réalisant un test par un TDR

que par une sérologie classique, soit 19,8% versus 13,2% avec une différence significative. Au total, le médecin généraliste se révèle être l’acteur de choix dans l’information,

l’encadrement et la réalisation de l’autotest salivaire selon les patients.

Cependant, l’opinion des médecins généralistes au sujet de l’autotest salivaire a été peu étudiée du fait de sa nouveauté. Les principales études concernant le dépistage rapide

en consultation de médecine générale portent sur les TROD. Cependant, un autotest

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Le CNS préconisait depuis 2006, ainsi que le PNLS 2010-2014, que les TROD soient réalisés en cabinet de médecine générale afin d’élargir leur utilisation. Les professionnels de

santé sont autorisés à utiliser les TROD sur leur lieu d’exercice dans certaines situations

d’urgence depuis l’arrêté du 28 mai 2010 puis en dehors des situations d’urgence depuis

l’arrêté du 9 novembre 2010.

Selon les résultats de l’enquête Baromètre Santé 2009, les médecins généralistes

citaient comme freins à la réalisation du TROD en consultation : la peur de l’annonce d’un

résultat positif dans 29,5% des cas, la durée de la réalisation du test dans 50,4%, le manque

de formation dans 57,4% et la peur d’une erreur de diagnostic dans 56,9% des cas (16).

Une étude DEPIVIH, menée en 2010 auprès de 62 médecins généralistes, évaluait la

faisabilité et l’acceptabilité en médecine générale du TROD à partir d’un recueil d’une goutte

de sang (55). Parmi les 383 patients à qui un TROD a été proposé, 99,7% ont accepté de le

réaliser. Parmi les médecins généralistes, 42% faisaient état de difficultés dans la réalisation

du test et faisaient part du caractère chronophage de ce test. Au total, 59% des médecins

généralistes se disaient prêts à utiliser le TROD en pratique quotidienne. L’acceptabilité du

TROD était donc nettement meilleure chez les patients que chez les médecins généralistes.

Un bilan réalisé en 2012 sur l’expérimentation du TROD par les médecins généralistes

libéraux en Guyane a montré que 64 médecins avaient adhéré au dispositif, soit près des deux tiers des médecins généralistes de Guyane (53). La participation était donc importante.

Dans le cadre de ce bilan, une étude a été menée chez 32 médecins généralistes. Parmi eux, 90% jugeaient cette pratique pertinente et faisable et se sentaient à l’aise. Parmi les

médecins interrogés, 53% estimaient que la réalisation d’un dépistage du VIH par TROD, essentiellement en cas de résultat négatif, paraissait pouvoir s’intégrer dans une

consultation habituelle. Le développement du dispositif était freiné selon eux par la

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l’entretien pré-test, à la réalisation du test et au rendu du résultat qui n’est pas comparable à une consultation standard. Les difficultés étaient surtout présentes pour le prélèvement

capillaire car 54% avaient jugé cette étape difficile.

La seule étude évaluant l’opinion des médecins généralistes sur la réalisation de

l’autotest salivaire en cabinet de ville a été réalisée en Espagne de juin à octobre 2010 (56).

Cette étude montrait que 79,8% des 1 308 médecins généralistes participants étaient

intéressés par le fait de réaliser un test rapide en consultation. Cette étude montrait une

préférence pour la réalisation de l’autotest salivaire par rapport au test rapide sanguin

(28,4% versus 18,5%). Effectivement, l’utilisation de l’autotest salivaire peut être comparée à

la réalisation d’un streptatest®, examen réalisé fréquemment et rapidement par les

médecins généralistes en consultation. Les freins évoqués à la réalisation de l’autotest

salivaire par les médecins généralistes étaient le manque de formation à son utilisation dans

56% des cas, le manque de temps pour la réalisation d’un counselling pré et post-test dans

49% des cas, le manque d’entrainement pour ces consultations dans 34,5% des cas, le

manque de temps pour réaliser l’autotest dans 44% des cas et la barrière du langage dans

31% des cas.

Il serait nécessaire de réaliser des études supplémentaires en France afin d’évaluer

l’opinion des médecins généralistes sur la réalisation d’autotest salivaire en consultation et de définir clairement les freins à cette pratique.

En voyant l’importance des opportunités manquées de dépistage du VIH en France, soit 84% des personnes nouvellement diagnostiquées consultant annuellement un médecin

généraliste (8), avec un impact important sur la santé publique et l’intérêt porté par les patients à l’autotest salivaire, il serait intéressant de le proposer en consultation de

médecine générale. La proposition de l’autotest salivaire par le médecin généraliste

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réserve d’un budget dédié avec une rémunération spécifique de la consultation et la mise en place de formations pour les médecins généralistes intéressés. De plus, l’autotest salivaire

pourrait être disponible gratuitement, au moins dans les cabinets de médecine générale se

situant dans les régions où l’incidence du VIH est la plus élevée, de la même manière que les

streptatests® qui sont fournis gratuitement aux médecins par la sécurité sociale. Le médecin

généraliste pourrait encadrer l’utilisation de l’autotest salivaire et parer à l’absence de

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