C. Tests possibles pour le dépistage du VIH
3. Autotests
Désormais, suite à un arrêté du 9 novembre 2010 fixant les conditions de réalisation des TROD, en plus de situations d’urgence, ils peuvent être proposés par les médecins dans
leur cabinet libéral ou par les médecins, biologistes médicaux, sages-femmes, infirmiers,
techniciens de laboratoire exerçant dans un établissement de santé ou dans des structures
de prévention ou associatives habilitées (34). Les salariés ou bénévoles, non professionnels
de santé, ayant reçu une formation et intervenant dans une structure de prévention ou une
structure associative, peuvent également proposer les TROD.
Le développement des TROD en cabinet de médecine générale fait partie du PLNS
2010-2014, afin de faciliter l’accès au dépistage des populations dont le recours au dispositif
actuel est insuffisant par rapport à leur exposition au risque et d’améliorer l’accès aux
résultats du dépistage (19).
3. Autotests
a) Principes
Il s’agit de tests de dépistage à résultat rapide. La seule différence est que le
prélèvement et l’analyse du test sont effectués directement par l’intéressé et non par une
tierce personne, permettant à toute personne de réaliser et de lire elle-même le résultat
d’un test de dépistage sans consultation pré ni post-test. Ce sont des dispositifs de
diagnostic in vitro.
Les autotests sont clairement définis dans un rapport du CNS (35):
Tests unitaires permettant la détection des anticorps anti-VIH 1 et anti-VIH 2.
Réalisés directement par l’intéressé, sans recours à une tierce personne.
Délivrés sans prescription médicale, disponible dans le commerce.
Ne nécessitent pas d’instrumentation spécifique autre que celle mise à disposition.
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Ils requièrent deux étapes : l’auto-prélèvement puis l’auto-analyse du résultat après recueil soit de sang total par prélèvement capillaire, soit de liquide créviculaire par
prélèvement salivaire. Les autotests reposent actuellement sur la technique de
l’immuno-chromatographie. Le liquide prélevé est déposé sur une bandelette et doit
entraîner une réaction colorée, simple ou double, au terme d’un délai inférieur à
trente minutes. Une réaction du réactif de révélation laissera apparaître une ligne
colorée au site de contrôle (C) indiquant le bon fonctionnement du dispositif puis en
cas de résultat positif, une réaction de l’antigène laissera apparaître une seconde ligne
colorée au site de test (T), indiquant la présence d’anticorps anti-VIH.
Le résultat est donné dans un délai court, en général en moins de 30 minutes.
Le résultat doit être impérativement confirmé par un dépistage reposant sur des techniques de laboratoires standardisés.
b) Performance de l’autotest salivaire
Les autotests peuvent être réalisés à partir de deux liquides biologiques, le sang ou la
salive. Nous nous intéresserons dans notre étude essentiellement à l’autotest salivaire OraQuick® In-Home HIV car il s’agit de l’autotest validé aux Etats-Unis par la Food and Drug
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Une étude de phase III a été réalisée par la société OraSure, incluant 5 385 participants réalisant un autotest salivaire OraQuick® In-Home HIV à domicile et sans observation (…).
Selon cette étude, la spécificité de cet autotest a été établie à 99,98%, pouvant être jugée
très satisfaisante mais sa sensibilité a été établie à 92,9%. La sensibilité de ce test est donc
nettement diminuée lorsqu’il est réalisé seul car elle est établie à 99,3% lorsque ce même
test est réalisé par une tierce personne entraînée.
Une étude menée à Singapour entre 2008 et 2010, évaluant la performance de
l’autotest salivaire OraQuick® In-Home HIV, retrouve une performance meilleure que celle
établie par la société Orasure avec une sensibilité à 96,9% (36). Cependant cette étude
établit la performance du test en le comparant à son utilisation par du personnel médical
entraîné. Inversement, une étude menée à Cape Town, en Afrique du Sud, en 2012, évaluant
la performance de l’autotest salivaire OraQuick® In-Home HIV auprès de personnel soignant
de statut VIH inconnu, retrouve une performance nettement inférieure à celle établie par la
société Orasure avec une sensibilité à 66,7% (37). La performance du test est établie en
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Performance de l’autotest salivaire OraQuick® In-Home HIV selon plusieurs études.
c) Historique et limites de l’autotest salivaire
En France, la question de la mise sur le marché d’autotests de dépistage du VIH se
pose depuis 1998. Le CNS a rendu à deux reprises, en 1998 et en 2004, un avis défavorable
devant la présence de trop nombreux inconvénients. Ces tests laissent le sujet seul face à son diagnostic, ouvrent une brèche dans la santé publique en laissant le dépistage sans
support financier et ils pourraient conduire à des usages contraires aux droits des personnes, avec une fiabilité insuffisante.
Cependant, de nombreux autotests salivaires de dépistage du VIH sont disponibles à
l’achat sur Internet malgré l’absence d’autorisation de mise sur le marché en France. Et
depuis 2006 le CNS souligne l’urgence de faire évoluer le dispositif de dépistage en France
avec une nécessité de le banaliser.
La question a donc été à nouveau soulevée et le CNS, après avoir pris en considération
les caractéristiques et les performances des nouveaux tests, a rendu un avis favorable à la
mise sur le marché des autotests le 20 décembre 2012 (20). Secondairement, fin 2013, la
Ministre de la Santé s’est déclarée favorable à la mise en place des autotests comme outil
Etude Objectif Lieu Date Population Taille de
l'échantillonSensibilité Spécificité
Will an Unsupervised Self-Testing Strategy for HIV Work in Health Care Workers of South Africa? A Cross Sectional Pilot Feasibility Study (39) Evaluer la performance de l’autotest salivaire Cape Town, Afrique du Sud 2012 Personnel soignant de statut VIH inconnu 251 66,7% 100%
Accuracy and User-Acceptability of HIV Self-Testing Using an Oral Fluid-Based HIV Rapid Test (40)
Evaluer la performance de l’autotest salivaire réalisé par des personnes non entrainées en comparaison à son utilisation par des personnes entrainées Singapour 2008-2010 Population se présentant dans des centres de dépistage du VIH, n'ayant jamais réalisé d'autotest 994 dont 200 séropositifs 96,9% 99,6%
The Uptake and Accuracy of Oral Kits for HIV Self-Testing in High HIV Prevalence Setting: A Cross-Sectional Feasibility Study in Blantyre, Malawi (41)
Evaluer l'utilisation et la précision de l'autotest salivaire dans la population générale
Malawi,
Afrique 2010
Population
générale 260 97,9% 100%
Will Patients “Opt In” to Perform Their Own Rapid HIV Test in the Emergency Department? (42)
Evaluer la faisabilité et la précision de l'autotest réalisé par des personnes non initiées en comparaison à des personnes entrainées
Baltimore, Etats-Unis 2008-2009 Population se présentant aux urgences 478 99,8% 100%
42
complémentaire dans l’offre de dépistage du VIH. Elle a déclaré le 1er décembre 2014 qu’ils seraient mis en vente à partir du 1er juillet 2015 avec le marquage CE à un prix d’environ 20
euros qui pourra être fixé librement par les fabricants. Il n’est pas prévu actuellement qu’ils
soient pris en charge par l’assurance maladie mais ils seraient délivrés gratuitement par
certaines associations.
L’avis favorable du CNS en faveur des autotests est cependant associé à plusieurs
recommandations :
Un bon encadrement de leur diffusion avec une information de qualité pour leur bonne utilisation.
Le résultat doit être systématiquement confirmé par un test biologique conventionnel car ils présentent une bonne spécificité mais leur sensibilité apparaît encore
insuffisante, notamment en phase de primo-infection.
Les autotests doivent être accompagnés du dépistage des autres IST.
Les modes d’accès doivent être diversifiés et adaptés aux besoins, comme la vente libre en pharmacie, parapharmacies et sur internet. Il faut également assurer une
distribution par différents opérateurs pertinents comme le médecin généraliste et les associations avec une distribution aux populations fortement exposées au risque de
transmission du VIH.
Le kit doit contenir différents documents, dont les coordonnées de supports d’assistance.
Le CCNE a également donné son avis sur la mise à disposition de l’autotest salivaire en
mars 2013 et recommande que des précautions soient prises par les autorités sanitaires
dans de nombreux domaines (41). En effet, la réalisation de cet autotest pose la question
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d’accompagnement et par une moindre fiabilité des résultats dans son utilisation par des personnes non entrainées. La simplicité de la réalisation du test pourrait faciliter la pression
immédiate d’un partenaire, de la famille ou du milieu professionnel.
Dans son rapport de 2013 portant sur la prise en charge médicale des PPVIH, le groupe
d’experts dirigé par le Professeur Morlat se montre favorable à la mise sur le marché des
autotests susceptibles de compléter l’offre de dépistage (18). Ce groupe recommande un
bon encadrement de leur diffusion. Il attire l’attention sur le besoin d’accompagnement des
utilisateurs via une ligne téléphonique et sur la nécessaire diffusion d’autotests gratuits aux
populations les plus à risques car le coût de l’autotest peut être un frein à son accès. Il attire
également l’attention sur le besoin de financement d’un programme de recherche sur
l’utilisation des autotests en France.
Les avantages de l’autotest salivaire par rapport à l’autotest sanguin sont qu’il est plus
simple dans son exécution et que l’ensemble des composants ne doit pas être éliminé
comme les « déchets par activité de soin à risques infectieux ». Cependant, il apporte des
résultats moins fiables que l’autotest pratiqué sur du sang total (sensibilité à 93% versus
98,5%).
Un des objectifs de la mise à disposition de ces autotests est de dépister les personnes
qui n’utilisent pas les méthodes de dépistage classiques ou qui ne se font pas dépister. L’autotest salivaire pourrait permettre en France, selon des hypothèses réalisées par les
autorités sanitaires américaines, de découvrir 4 000 nouvelles séropositivités et d’éviter 400 nouvelles infections (21). Cependant, si l’autotest était seulement utilisé par les personnes
qui utilisent les méthodes de dépistage classiques, compte tenu de sa moindre sensibilité, la conséquence pourrait être négative avec une diminution du nombre de nouveaux
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d) A l’étranger
Aux Etats-Unis, la FDA a approuvé depuis 1996 un « Home Access HIV1 Test System »,
un test anonyme de dépistage de l’infection au VIH par un auto-prélèvement capillaire à domicile avant l’envoi de l’échantillon à un laboratoire et avec le rendu du résultat et des
conseils remis par téléphone. Ceci a permis d’élargir le dépistage comme le montre une étude réalisée aux Etats-Unis pour évaluer l’utilisation de ce test durant la première année
de commercialisation (42). Sur une année, 174 316 kits ont été vendus, permettant le
diagnostic d’infection au VIH chez 0,9% des utilisateurs, dont 49% n’avaient jamais réalisé de
test auparavant. Parmi tous les utilisateurs, 60% n’avaient jamais réalisé de test de
dépistage.
Puis la FDA a approuvé en novembre 2012 un TROD sur prélèvement salivaire,
l’OraQuick, test réalisé par une tierce personne entrainée. Enfin, l’autotest salivaire de
dépistage du VIH, l’OraQuick® In-Home HIV, a été autorisé le 3 juillet 2012 par la FDA,
permettant sa vente libre depuis octobre 2012 et sa réalisation sans supervision médicale.
Les autorités sanitaires américaines, FDA et Centers for Disease Control and
Prevention, ont réalisé une étude d’impact de l’introduction des autotests aux États-Unis
(21) (35). L’évaluation du rapport bénéfices / risques apparaissait complexe à réaliser. Les
risques recouvraient le nombre de faux négatifs parmi les personnes qui optaient désormais
pour l’autotest et le nombre de transmissions du VIH non évitées en raison de ces faux
négatifs. Les bénéfices recouvraient le nombre de nouveaux diagnostics d’infection au VIH et
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L’évaluation de l’autotest par les autorités américaines s’appuyait sur plusieurs facteurs en retenant plusieurs hypothèses :
La sensibilité du test : 93% selon l’évaluation de phase III de la FDA.
Son usage par des populations données : 25% parmi les hommes homosexuels, 25% des UDI, 10% des hétérosexuels à bas risque mais 0% des hétérosexuels à haut risque.
La part des usagers au regard du dépistage : L’hypothèse était que 39% des personnes dépistées positives au VIH par un autotest et confirmées par un test conventionnel
n’auraient pas été identifiées par les dispositifs classiques car elles ne les fréquentaient
pas.
Le nombre de transmissions du VIH évitées : 10 contaminations évitées pour 100 nouveaux diagnostics.
Différents calculs ont permis d’établir que son introduction et sa commercialisation la
première année aux Etats-Unis pourraient permettre de diagnostiquer 44 000 nouvelles
infections et prévenir 4000 nouvelles infections au VIH.
Les évaluations d’impact permettent de considérer que les bénéfices l’emporteraient sur les risques et elles soulignent l’enjeu de toucher les publics peu ou pas dépistés pour
maximiser les effets bénéfiques de l’introduction du nouvel outil. Cependant l’argumentaire développé aux Etats-Unis pour autoriser la vente libre de l’autotest ne tient pas compte du
prix, s’élevant à 39 $. De plus, aucun résultat d’étude sur l’évaluation post-marketing n’est
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IV. Matériels et méthodes