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La mise en place du dispositif méthodologique : une approche compréhensive fondée sur les acteurs de la filière

La construction de ce dispositif passe dans un premier temps par la mise en place d'un protocole précisant les modalités de collecte des informations de terrain. Le caractère qualitatif de notre démarche justifie l'emploi de l'entretien semi-directif plutôt que de l'enquête fermée. Ce choix inscrit notre recherche dans le champ de l'analyse des stratégies d'acteurs, et s'appuie ainsi largement sur le courant de la Sociologie des Organisations. Notre entrée par la sphère privée nous amène à réfléchir en premier lieu sur les acteurs de la filière et sur le statut méthodologique de cette notion. Loin de constituer un acteur à part entière, la filière se conçoit comme un espace stratégique de confrontation des logiques. C'est ensuite à partir de la filière que peuvent être identifiés les acteurs "territoriaux" à enquêter, qu'ils relèvent du domaine public (élus locaux, agents de développement…) ou privé (partenaires économiques, professionnels du tourisme…). Cette démarche de nature compréhensive se différencie d'une entrée où les maillages administratifs sous-tendraient les choix des acteurs, même si au final, les logiques privées rencontrent forcément les politiques publiques. C'est quoi qu'il en soit sur la base de ces types d'acteurs hétérogènes qu'ont été élaborés les guides d'entretien, dont la vocation est double :

- permettre la reconstruction des trajectoires (démarche monographique),

- permettre la construction d'indicateurs de développement (démarche comparative). Cette partie reprend donc un à un les points qui viennent d'être évoqués et répond à ces questions fondamentales : Quel outil utiliser pour les enquêtes ? Quels sont les interlocuteurs à enquêter ? Quelles sont les informations à collecter ?

1.

L'entretien semi-directif comme outil privilégié pour la reconstruction

des processus

1.1. La Sociologie des Organisations comme grille de lecture des stratégies d'acteurs

La démarche qui est la nôtre nous a effectivement amené à privilégier une entrée résolument tournée vers les acteurs et leurs stratégies. En cela, notre recherche s'appuie sur les travaux issus du courant de la Sociologie des Organisations, qui à travers l'élaboration et la formalisation d'un vocabulaire et d'une structure de pensée spécifiques, propose une grille de lecture apte à rendre compte des objets (filière, territoire) et des processus (développement) qui nous intéressent. Ce courant est fondé sur le principe de la contingence des comportements individuels, qui est à l'origine du caractère socialement construit, et négocié, des organisations humaines. A propos de la notion d'acteur, M. Crozier et E. Friedberg synthétisent dès les années 1970 un certain nombre de données toujours valables aujourd'hui :

- "L'acteur n'a que rarement des objectifs clairs et encore moins des projets

cohérents, ceux-ci sont multiples, plus ou moins ambigus, plus ou moins explicites, plus ou moins contradictoires,

- pourtant son comportement est actif. S'il est toujours contraint et limité, il n'est

- c'est un comportement qui a toujours un sens (…). Il est rationnel, d'une part par

rapport à des opportunités et à travers ces opportunités au contexte qui les définit et, d'autre part, par rapport au comportement des autres acteurs,

- c'est enfin un comportement qui a toujours deux aspects : un aspect offensif, la

saisie d'opportunités en vue d'améliorer sa situation, et un aspect défensif, le maintien et l'élargissement de sa marge de liberté, donc de sa capacité à agir,

- il n'y a donc plus à la limite de comportement irrationnel. C'est l'utilité même du

concept de stratégie que de s'appliquer indifféremment aux comportements en apparence les plus rationnels et à ceux qui semblent tout à fait erratiques"

(Crozier, Friedberg, 1977, p. 78).

La perspective géographique et territoriale ne rend pas les acteurs moins omniprésents. Les développements les plus récents de la discipline sont largement imprégnés de cette notion, qui est au cœur des mécanismes de construction territoriale. Les pratiques comme les représentations des acteurs sont en effet d'importants vecteurs de territorialisation. Nous avons également montré comment les caractéristiques des territoires imprégnaient en retour ces pratiques et ces représentations. Notre grille de lecture fondée sur l'ancrage territorial s'inscrit donc en entièrement dans ce paradigme de l'acteur.

1.2. La concrétisation de la démarche à travers la réalisation de 250 entretiens

Afin de mettre en évidence ces éléments, la collecte des informations sur le terrain s'est principalement appuyée sur la technique de l'entretien semi-directif. Cet outil se révèle en effet le mieux adapté à notre recherche dans la mesure où il permet une certaine liberté dans l'expression de la personne enquêtée, liberté qui s'inscrit malgré tout dans un cadre prédéfini, permettant ensuite la confrontation, voire la comparaison des discours. A travers le choix de thématiques appropriées, les entretiens visent dans un premier temps à décrypter les pratiques et les représentations des acteurs, et dans un second temps à reconstruire, notamment dans leur dimension historique, les organisations (filières), les territoires et les trajectoires de développement (construction de ressources, coordination).

Près de 250 entretiens ont ainsi été effectués sur une période d'environ deux ans, d'une part dans les différents terrains d'étude, et d'autre part auprès d'interlocuteurs ayant une portée nationale. L'exploitation de ces entretiens a été rendue possible par une retranscription du discours, à travers l'enregistrement des entretiens. Sans être intégrale, cette retranscription thématique a permis ensuite le travail de reconstruction évoqué plus haut, à travers un travail de confrontation et de recoupement d'informations. L'enregistrement avait également pour but de pallier l'inévitable perte d'information induite par la seule prise de notes. Ainsi, comme on a déjà pu le voir, la présentation des résultats est enrichie par de nombreuses citations, dont le but est de permettre au lecteur de mieux appréhender la réalité du terrain. En dépit de son caractère subjectif, un extrait de discours se révèle très souvent beaucoup plus évocateur qu'une description au style indirect. Afin de permettre une lecture plus fluide, les hésitations, silences et autres interruptions n'ont pas été conservés dans ces extraits, leur présence n'ayant pas été jugée utile dans l'optique de cette recherche. Il convient désormais de s'interroger sur les acteurs à qui administrer cet outil, et aux logiques qui vont présider à leur sélection.

2.

Les acteurs à enquêter : de la filière au territoire

Le choix des acteurs à enquêter s'appuie sur une démarche en deux temps, qui part en premier lieu de la notion de filière pour aboutir ensuite aux acteurs du territoire.

2.1. Le concept de filière pour rendre compte des relations entre acteurs de différentes natures

La définition des limites de notre objet de recherche, en l'occurrence la filière AOC, constitue le point de départ dans le choix des acteurs à enquêter. Lorsqu'il mobilise la notion de filière, J.-P. Diry fait référence aux liens qui existent entre les agriculteurs et les industries d'amont (fournisseurs) et d'aval (transformateurs). Le fait de travailler sur des produits d'appellation induit un élément supplémentaire : l'existence d'une structure regroupant l'ensemble de ces acteurs, même si l'AOC n'a pas le monopole d'un tel type d'organisation. L'introduction de cette dimension institutionnelle nous permet de fixer plus aisément les limites de l'objet étudié. Ainsi, une filière AOC désigne l'ensemble des acteurs impliqués de manière directe dans la fabrication, la transformation et la commercialisation du produit, et soumis aux mêmes règles de fonctionnement mises en place dans le cadre du syndicat d'appellation. Trois grandes familles peuvent donc être identifiées :

- les acteurs de la production (producteurs de lait, producteurs fermiers),

- les acteurs de la transformation / commercialisation (fromagers, affineurs, producteurs fermiers en vente directe),

- les dirigeants, personnels et services rattachés à l'organisme institutionnel.

Dans ce troisième groupe, il est fait référence aux services et compétences qui dépendent directement du syndicat. Certaines filières AOC disposent par exemple de leur propre service technique (contrôle laitier, insémination artificielle, analyses, appui aux entreprises…) ou de promotion. Cette situation est fréquente dans les cas où la filière a atteint une taille lui permettant d'acquérir une certaine autonomie vis-à-vis des organismes extérieurs (chambres d'agriculture, laboratoires…). Appréhendée de cette manière, la filière ne renvoie pas à un découpage arbitraire du système productif, dans la mesure où l'objet ainsi délimité revêt également une signification pour les acteurs. Au cours des entretiens réalisés sur le terrain, l'expression de "filière AOC" est porteuse de sens pour la plupart des interlocuteurs, qu'ils soient eux-mêmes dans la filière ou hors de celle-ci. L'autonomie de décision et d'action induite par la présence d'un syndicat et de services rattachés permet parfois d'assimiler la filière AOC à un acteur à part entière, capable de stratégie. La notion de filière se rapproche alors de celle de système, dans la mesure où elle revêt des caractéristiques similaires : une organisation d'éléments en interaction, une autonomie relative, l'existence de buts, un environnement extérieur et une évolution dans le temps. Cette vision systémique est mobilisée par F. Auriac, qui même s'il ne parle pas de filière, montre comment le vignoble languedocien, confronté à un contexte commercial changeant, parvient à maîtriser ses contradictions internes et à s'adapter à ce nouvel environnement. Le vignoble a en quelque sorte "fait système" pour assurer sa reproduction (Auriac, 1983). Toutefois, aborder la filière uniquement à travers l'approche systémique reviendrait à l'assimiler à un acteur à part entière, et de ce fait à occulter les logiques hétérogènes souvent conflictuelles qui sous-tendent sa construction. Pour ouvrir cette "boîte noire" et éviter ainsi toute personnification abusive, d'autres approches prennent alors le relais :

- l'approche par les stratégies d'acteurs, déjà évoquée plus haut, qui fait de la filière un espace stratégique où se confrontent – et s'affrontent – des logiques souvent divergentes. Cet espace cohabite avec d'autres cadres de négociations liés au statut des acteurs (exploitation, concurrence internationale…)111,

- l'approche par les conventions, qui constitue un prolongement de l'approche stratégique, en privilégiant l'étude des motivations des acteurs et des logiques qui sous-tendent leur stratégie. Les formes de coordination sont fondées sur des principes liés aussi à la nature des acteurs considérés112.

Les filières AOC oscillent donc constamment entre les deux pôles de cette même réalité : système autonome et cadre stratégique, ce qui rend leur analyse d'autant plus complexe. Les entretiens réalisés ont quoi qu'il en soit porté sur ces différents types d'acteurs (producteurs, transformateurs, responsables des services éventuellement rattachés). Le très grand nombre d'interlocuteurs n'a bien entendu pas permis un travail exhaustif, des choix ont du être faits en fonction de divers facteurs (représentativité des acteurs, disponibilité…). Nous avons ainsi été amené à privilégier les acteurs directement impliqués dans la filière, à travers leur présence dans le conseil d'administration du syndicat. Ces acteurs sont apparus comme les plus intéressants à rencontrer, dans la mesure où ils étaient "en première ligne" dans les dossiers et faisaient vivre la filière au quotidien. Le principal biais induit par cette démarche réside principalement dans le contenu du discours des dirigeants, qui n'est pas forcément représentatif du reste de la filière. Nous nous sommes donc efforcé autant que possible de rencontrer des acteurs "de la base", notamment des producteurs, ceci afin d'avoir des points de vue aussi divers que possibles. Cette manière de procéder a néanmoins permis de mettre en évidence de fortes oppositions entre les différents protagonistes et d'identifier ainsi les principaux points d'achoppement. En revanche, nous n'avons pas cherché à rencontrer des acteurs positionnés "hors" de la filière, dans la mesure où notre question de recherche porte sur l'inscription des produits d'appellation dans le développement, et non pas sur la recherche d'un différentiel entre production AOC et production générique. L'identification des acteurs au niveau de la filière a donc constitué la première étape du travail. Ce n'est que dans un deuxième temps que la démarche a été élargie à d'autres types d'acteurs.

2.2. Les territoires révélés par la filière : partenaires économiques et autres types d'acteurs

La perspective territoriale de notre recherche nous a conduit à nous intéresser aussi aux acteurs que nous qualifierons pour simplifier de "territoriaux", même si cette expression apparaît vague et trop réductrice, tant la diversité de ces interlocuteurs est grande. Cette diversité a nécessité une réflexion préalable quant au choix des acteurs à solliciter. Du fait de notre entrée par la sphère privée, il n'était pas question de nous appuyer sur des échelles

111

En Economie Industrielle, cette approche stratégique est notamment développée par M. Porter, qui identifie trois grandes formes de stratégies : domination par les coûts, différenciation et spécialisation sur un segment de marché (Porter, 1990). Une application de cette approche aux filières AOC nous est donnée par C. Fourcade- Pornet, qui à propos de l'interprofession roquefortaise propose la notion de "monopole bilatéral" pour caractériser l'intérêt convergent entre les producteurs de lait et les industriels (Fourcade-Pornet, 1975).

112

Parmi les auteurs, on peut citer L. Boltanski et L. Thévenot, qui dans "Les économies de la grandeur" (1987) analysent les stratégies en termes de justification et identifient des "cités" fondées sur des valeurs spécifiques : cité marchande (principe de concurrence), industrielle (utilité, efficacité), domestique (hiérarchie, respect de la tradition), civique (intérêt collectif), inspiration (créativité) et renom (image de marque). En principe, la combinaison de ces différentes cités permet de rendre compte de n'importe quelle réalité. Voir également les travaux de R. Salais et M. Storper, qui proposent quant à eux la notion de "monde de production" (1993).

spatiales préalables, administratives ou autres, mais sur le(s) territoire(s) d'action de la filière. C'est donc à partir des entretiens réalisés auprès des professionnels AOC qu'ont été sélectionnés les acteurs dits territoriaux. Au travers de l'analyse des pratiques et des représentations, il a en effet été possible de faire émerger des échelles pertinentes, et donc des interlocuteurs et organismes susceptibles d'être intéressants pour inscrire la recherche dans une perspective territoriale. Afin de clarifier l'hétérogénéité des acteurs, une hiérarchie a été réalisée, sur la base des approches théoriques du développement territorial échafaudées dans le chapitre précédent. Les approches en termes de spécification de ressources productives et de coordination en vue de la construction d'un panier de biens nécessitent en effet de mobiliser des types d'acteurs bien distincts, synthétisés dans le tableau suivant.

Tableau 5 : les entretiens auprès des acteurs "territoriaux"

Approche théorique du développement territorial Types d'acteurs à mobiliser Territoire Processus de développement "Spécification de ressources" Fournisseurs, sous-traitants, prestataires de services, acteurs de la R&D Tissu productif

Emergence d'un pôle de services et compétences "Panier de biens" Elus locaux, agents de développement, professionnels du tourisme, associations Construction sociale fondée sur des pratiques

et des représentations

Coordination plurisectorielle / offre

touristique cohérente Réalisé par J. Frayssignes, 2005.

Cette distinction arbitraire est discutable, dans la mesure où la limite entre les deux types d'acteurs peut apparaître relativement ténue. Toutefois, elle a l'avantage de mettre en évidence deux éclairages du développement territorial, qui renvoient à des logiques différentes. Tels qu'ils sont appréhendés, ces deux types d'acteurs méritent une explicitation.

Le premier groupe rassemble ce que nous appelons les "partenaires économiques" de la filière. Ils sont désignés ainsi car ils sont impliqués de manière plus ou moins directe dans l'activité productive, sans pour autant appartenir au syndicat. Ces acteurs assurent en fait un certain nombre de charges dont la filière a besoin pour assurer son fonctionnement. Les producteurs de lait ont par exemple des besoins en termes d'appui technique (insémination artificielle, contrôle laitier, formation) ou d'intrants (matériel agricole pour la traite, aliments pour animaux…). L'activité de transformation requiert quant à elle des compétences variées, parmi lesquelles le transport, l'appui technique, la recherche, l'embauche ou encore la communication. Ces acteurs renvoient ici à un territoire pensé en termes de "tissu économique". A travers la réalisation d'entretiens auprès de ces partenaires, il s'agit d'évaluer la place de l'AOC dans le processus de construction de ressources productives spécifiques. Le deuxième groupe fait quant à lui référence à des acteurs de nature plus diversifiée, étant donné qu'ils relèvent des sphères politiques, sociales et économiques. Du fait de leur statut, ces acteurs sont susceptibles d'intervenir dans les mêmes domaines que la filière AOC (développement agricole et rural, promotion touristique…). Lorsqu'elles existent, les relations sont également plus complexes, elles peuvent prendre la forme de coopérations ou de partenariats, plus ou moins formalisés. Trois sous-ensembles peuvent ainsi être distingués :

- les acteurs institutionnels : élus locaux (communes, structures intercommunales, départements, régions), agents de développement,

- les acteurs socioprofessionnels (chambres consulaires),

La perspective est plus large que le seul aspect productif, puisqu'il est fait référence à l'ensemble des dimensions du territoire. Le processus de développement est fondé sur la recherche de convergences entre ces différentes logiques, en vue de la construction d'une offre touristique apte à qualifier le territoire. Les entretiens doivent nous permettre d'apprécier le rôle joué par l'AOC. Ainsi, à travers l'identification progressive de ces différents types d'acteurs, notre démarche est basée sur une posture compréhensive, dans laquelle les informations qui émergent du discours des acteurs AOC servent de référence dans le choix des autres acteurs à enquêter. Le sociologue J.-C. Kaufmann postule que "les hommes ne sont

pas de simples agents porteurs de structures mais des producteurs actifs du social, donc des dépositaires d’un savoir important qu’il s’agit de saisir de l’intérieur, par le biais du système de valeurs des individus (…). Les faits humains ou sociaux sont des faits porteurs de significations véhiculées par des acteurs, parties prenantes d’une situation inter-humaine"

(Kaufmann, 1996, p. 23 et 29). Le principe défendu par l'auteur, à savoir de partir du terrain pour mettre en évidence les processus sociaux, s'est appliqué à notre recherche. Les territoires ainsi identifiés sont donc d'abord ceux de la filière. Même si elle est souvent vérifiée, leur adéquation avec le maillage administratif relève d'une incidence, et non d'une volonté du chercheur. Les différents niveaux d'analyse préfigurent le travail d'identification des acteurs à partir d'une filière AOC. Les pointillés indiquent le caractère flou des différentes limites.

Schéma 3 : les territoires de la filière – dispositif méthodologique

Le territoire

au sens large

Les partenaires

économiques

(système productif)

Réalisé par J. Frayssignes, 2002.

Logistique Organismes de formation Organismes de recherche / développement Gestion qualité Acteurs privés (professionnels du tourisme, de la restauration, autres filières agroalimentaires…)

La filière au sens strict

- acteurs de la production - acteurs de la transformation /

commercialisation - services rattachés

Structures institutionnelles

(collectivités territoriales, EPCI...)

Acteurs socioprofessionnels

(organismes de développement, associations, chambres consulaires…)

3.

Les guides d'entretien pour recueillir le discours : reconstruction de

trajectoires monographiques et réalisation d'approches comparatives

La population constituée par les différents types d'interlocuteurs identifiés dans la section précédente est donc loin d'être homogène, et nécessite de ce fait l'élaboration de guides d'entretiens spécifiques à chaque catégorie. Ces guides demeurent malgré tout fondés sur une trame similaire, qui comporte de manière récurrente les thèmes suivants :

- la trajectoire personnelle, professionnelle et éventuellement territoriale de l'interlocuteur, et de la structure dont il relève (organisme, entreprise, exploitation…), - la nature de l'activité, les caractéristiques actuelles de la structure évoquée ci-dessus, - liens avec les autres acteurs (issus de la même sphère ou d'une autre),

- les représentations du ou des territoires jugés pertinents,

- les enjeux forts (locaux, régionaux, nationaux…) auxquels l'acteur est confronté. Sur cette base, l'objectif des guides d'entretien est double. Il s'agit d'une part d'appréhender les objets (filière, territoire) pour eux-mêmes, puis dans leur interaction les uns avec les autres, et d'autre part de saisir les processus à l'œuvre (spécification de ressources, construction de paniers de biens, formes de gouvernance) et la place des AOC dans des processus. La compréhension des dynamiques inhérentes à la filière passe ainsi par une approche historique du produit (évolution de l'activité agricole locale) et de la démarche AOC (acteurs à l'origine, objectifs, évolution). Il s'agit ensuite d'appréhender la filière sous différents éclairages, chacun révélant un aspect particulier de l'objet de recherche :

- l'organisation institutionnelle : structuration des acteurs, règles de fonctionnement, - le fonctionnement du syndicat : élaboration du cahier des charges, liens avec l'INAO, - la structure productive : acteurs impliqués, importance économique,