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Le développement territorial : une analyse en termes d'ancrage à partir des AOC fromagères

De la même façon que les profondes mutations des systèmes productifs ont nécessité un renouvellement de l'analyse de l'ancrage des firmes dans les territoires, elles ont également reposé la question des processus de développement. Nous avons vu comment l'introduction de la variable territoriale redonnait toute sa place à l'idée de l'existence de multiples trajectoires de développement, comme en témoignent notamment les travaux relatifs aux SPL. La mondialisation, loin de provoquer la "fin de l'espace", selon l'expression du géographe R. O'Brien (O'Brien, 1992), révélerait au contraire la diversité des configurations territoriales. Face à ces bouleversements, les travaux économiques et géographiques relevant du paradigme centre / périphérie (polarisation) n'apparaissent pas pertinents et nous amènent à privilégier les dynamiques de développement inhérentes aux échelles locales et régionales. La principale difficulté réside ici dans le passage d'une logique "verticale" (l'ancrage territorial du point de vue de l'acteur économique) à une logique plus "horizontale" (le processus de développement du "point de vue" du territoire). L'article de J. Perrat illustre cette difficulté. En effet, si les processus économiques à l'œuvre (mondialisation) bouleversent le comportement spatial des entreprises, elle ouvrirait également la voie à "de nouveaux chemins d'autonomie pour les

territoires" (Perrat, 1992, p. 808). La réussite d'un processus de développement résiderait

donc dans la capacité des acteurs à devenir des "points de passage obligés" pour les entreprises, qui seraient "forcées" de territorialiser davantage leur stratégie vis-à-vis des ressources disponibles (matière première, formation, compétences…).

La remise en question de l'analyse des processus de développement n'est pas uniquement imputable aux dynamiques évoquées par les économistes. L'évolution du contexte institutionnel est un deuxième facteur déterminant. Les lois successives de décentralisation et l'émergence de la logique de contractualisation occasionnent l'apparition de nouveaux territoires d'intervention, qui transcendent fréquemment les divisions administratives classiques, même si nous verrons que celles-ci exercent encore une prégnance forte. Le développement résulte donc de la confrontation entre logiques économiques et logiques institutionnelles. A noter que ce sont ces dernières qui généralement semblent intéresser davantage les géographes. Il s'agit donc de mieux caractériser les dynamiques à l'œuvre dans le processus de développement territorial, en s'appuyant notamment sur sa parenté avec la notion de développement local100. Cette caractérisation s'appuiera sur ce qui nous semblent être les deux fondements du développement territorial : la ressource et la coordination. Dans un souci d'opérationnalité, il s'agira en parallèle de proposer des outils permettant d'apprécier la place jouée par la filière AOC dans ces dynamiques. Enfin, dans une conclusion partielle, il conviendra de revenir sur l'articulation entre développement et ancrage, en montrant les apports de notre recherche à ces questions cruciales.

1.

Les fondements du développement territorial

Tel que nous l'envisageons, le développement territorial s'inscrit directement dans le paradigme du développement local, qui a émergé à partir des années 1970. A travers la mise en place d'une aire délimitée, l'inscription locale ou régionale d'une AOC rend naturelle cette filiation. D'abord défini par les économistes, le développement local introduit la variable

100

Notre analyse en termes d'ancrage nous amènera à préférer l'expression de développement territorial, selon nous davantage en adéquation avec notre problématique que le terme de "développement local".

spatiale et remet en cause les principes du développement, d'abord fondés sur la croissance économique. Appréhendé en termes d'ancrage, le développement local devient territorial. Les deux expressions sont jugées comme quasi synonymes par B. Pecqueur : "Le développement

local (que l'on pourrait qualifier de territorial) ouvre ses perspectives d'actions pour toutes sortes d'espaces : urbains, ruraux…" (Pecqueur, 2000, p. 15). Nous pensons toutefois que

l'introduction de la dimension territoriale permet de préciser la nature des processus à l'œuvre.

1.1. La référence au développement local

L'émergence de la question du développement local résulte d'une double évolution : - d'une part, les bouleversements économiques génèrent une nouvelle distribution

spatiale des activités, et donc de nouvelles inégalités régionales. Les mutations sont aussi organisationnelles, avec une évolution des modes de gestion des entreprises (recherche de flexibilité),

- d'autre part, les aspirations sociales émergent comme une réponse à ces phénomènes globaux. Symbolisée par le "vivre et travailler au pays", cette mouvance hétéroclite apparaît comme le refus d'un modèle unique et la volonté d'agir dans le devenir des territoires. Ces revendications ont joué un rôle déterminant dans l'évolution de l'intervention publique à partir des années 1980, octroyant plus de pouvoirs aux collectivités locales.

L'observation de processus de développement localisés dans des régions hors de toute influence métropolitaine amène les chercheurs à introduire un nouveau facteur dans l'analyse : les dynamiques propres à un territoire. Ces phénomènes ne peuvent être analysés avec les outils théoriques de l'époque. Cette idée apparaît également chez X. Greffe, pour qui le développement ne renvoie pas seulement à un contexte macro-économique favorable, mais émerge aussi à partir des stratégies et des solidarités locales (Greffe, 2002). L'introduction de la dimension locale s'apparente à une véritable territorialisation du développement : "La crise

du taylorisme a révélé d'autres phénomènes de structuration et d'articulation du développement économique ; elle a fait prendre en considération des variables différentes et susceptibles d'apporter des réponses à des situations de "mal-développement" (…). L'essor des activités économiques est de plus en plus lié aux spécificités du territoire, de la culture, de l'histoire locale. Ces nouveaux liens caractérisent un élargissement des paramètres du développement" (Barthe, 1998, pp. 100-101).

Quelques définitions de base permettent d'identifier les grands principes du développement local. J.-Y. Gouttebel fait ainsi référence à J.-L. Guigou, qui en 1983 définit le développement local comme "l'expression de la solidarité locale créatrice de nouvelles

relations sociales et manifeste la volonté des habitants d'une micro-région de valoriser les richesses locales, ce qui est créateur de développement économique". L'auteur cite également

X. Greffe, pour qui le développement local est un "processus de diversification et

d'enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies" (Gouttebel, 2001,

pp. 95-96). L. Barthe parle quant à elle d'un processus de transformation économique, sociale, politique et territoriale qui conduit une société à repenser son modèle de gestion et son cadre de vie (Barthe, 1998). Le développement local ne renvoie donc pas à un modèle unique, mais à une infinité de trajectoires, liée à l'extrême diversité des contextes territoriaux. Sans minimiser la prégnance encore forte de l'environnement macro-économique, le paradigme du

développement local semble donc se fonder sur un processus d'autonomisation. Il n'est plus seulement question de s'adapter à de nouvelles contraintes, mais également de réfléchir à la mise en place de règles propres. Les facteurs de développement sont donc profondément enracinés dans une réalité sociale, et de ce fait difficilement reproductibles ailleurs.

Le développement local mobilise en outre l'ensemble des composantes d'un territoire : population locale, acteurs économiques et institutionnels. De ce fait, il implique un élargissement de l'analyse au-delà de la seule sphère productive, pour intégrer ce que B. Pecqueur appelle les relations non marchandes entre les hommes, fondées sur des réseaux professionnels et informels (Pecqueur, 2000). Enfin, le caractère territorialement inscrit du développement local nécessite la prise en compte de ressources elles aussi spécifiques. Les ressources génériques telles que la terre, la main-d'œuvre ou le capital perdent de l'importance au profit de ressources territorialement construites, comme les compétences ou l'organisation.

1.2. A la recherche de modèles économiques du développement local

L'analyse des nouvelles formes territorialisées de développement a donné naissance à de nombreuses tentatives de formalisation théorique, essentiellement de la part des économistes. Si la période fordiste avait marginalisé le modèle des petites et moyennes entreprises au profit de la grande firme, le retournement spatial qui s'est opéré a remis au goût du jour la pertinence économique des unités de petite taille, qui sont au cœur des théories dites "post-fordistes"101. Les premiers à s'être intéressés à ces organisations économiques sont les Italiens A. Bagnasco et G. Beccatini, qui réactualisent le concept de district industriel proposé par A. Marshall au début du siècle pour qualifier le développement de la "Troisième Italie" (Toscane, Vénétie). Constituée de plus de 6 000 entreprises spécialisées dans le textile, cette région fonctionnait selon un mélange de concurrence et de coopération. Tel que l'envisageait A. Marshall, le district industriel constitue une alternative à la grande entreprise. Défini comme une entité territoriale rassemblant une large gamme de PME spécialisées, le district se caractérise par une "atmosphère industrielle", un ensemble de valeurs partagées par une communauté et liées à une accumulation de compétences (Gouttebel, 2001). Les Italiens insistent quant à eux sur les interrelations entre individus, qui permettent l'émergence d'une véritable communauté : "L'esprit entrepreneurial est soutenu et encadré par une communauté

qui est animée par un système de valeurs et de pensée relativement homogène, expression d'une certaine éthique du travail, de l'activité, de la famille, de la réciprocité, du changement concernant les principaux aspects de la vie" (cité par Barthe, 1998, p. 102).

Ces travaux seront poursuivis en France, notamment par C. Courlet et B. Pecqueur, qui proposent la notion de système industriel localisé (on dira aussi système productif localisé ou SPL)102. Défini comme un système de petites entreprises spécialisées en différentes fonctions de production, le système industriel localisé est une manifestation particulière du processus de développement. Les SPL se caractérisent par une propension à modifier leur organisation afin de répondre aux contraintes de leur environnement (demande, concurrence). Ainsi, outre les "ingrédients" déjà connus (interconnaissance, habitudes de travail, valeurs communes, coopération, réciprocité, relations informelles), l'analyse en termes de SPL met

101

Pour une présentation synthétique des concepts qui suivent, voir C. Courlet, (1999) ; C. Courlet, B. Pecqueur, B. Soulage, (1993).

102

Voir notamment B. Pecqueur, C. Courlet, "Des systèmes industriels localisés en France : un nouveau modèle

de développement", in G. Benko, A. Lipietz, (1992), Les régions qui gagnent – les nouveaux paradigmes de la géographie industrielle.

l'accent sur la variété des trajectoires de développement, et donc sur la dimension historique. C. Courlet et M. Dimou proposent une typologie de trajectoires productives à partir de l'étude de trois systèmes traditionnels confrontés à la crise : l'implosion pure et simple du système (fermetures massives, cas de Mazamet), l'explosion (stratégies divergentes des entreprises, cas de Roanne) et le rebondissement (diversification, soutien public local, cas de Castres). Considéré dans le temps, le développement d'un système productif renvoie à sa capacité à adapter son organisation aux fluctuations de l'extérieur (Courlet, Dimou, 1995). Dans une perspective davantage technologique, la notion de milieu innovateur est développée par le Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs, dans lequel figure notamment P. Aydalot. Le milieu innovateur s'oppose à une vision fonctionnelle de l'innovation, qui serait la même partout. L'idée de base réside au contraire dans le caractère territorialisé du progrès technique : "L'innovation est alors la création d'un milieu, elle est le fruit de l'inventivité du

milieu et répond au besoin de développement local" (Courlet, 1999, p. 536).

Loin de contribuer à une homogénéisation spatiale, les phénomènes globaux ont au contraire redéfini les principes du développement, de la même manière qu'ils avaient redéfini les liens firmes / territoires. Cette territorialisation du développement est selon nous une manifestation concrète de la redécouverte du concept de territoire, à laquelle nous avons fait référence plus haut. Malgré un statut théorique flou et largement discuté, le SPL renvoie toutefois à l'idée de modèle, dans la mesure où il a été formalisé par la DATAR, qui en a fait un outil d'aménagement du territoire à part entière. Il est désormais possible pour un ensemble d'entreprises et d'institutions agissant dans un même secteur d'activité de poser une candidature afin d'obtenir le label "SPL" et de bénéficier d'aides supplémentaires pour mener des actions spécifiques103. A noter que les filières AOC Comté et Beaufort bénéficient aujourd'hui du statut de SPL.

1.3. Du développement local au développement territorial

Au sein de ces débats, R. Brunet note que la Géographie semble quelque peu absente, hormis peut-être à travers le clivage entre tropicalistes et tiers-mondialistes (Brunet, 1993). M. Bussi note également cette lacune : "Il est d'ailleurs notable que les géographes

participent peu à ce débat. Il place pourtant au premier plan le concept de développement endogène, qui fut longtemps en partie l'apanage de la France de l'Ouest (Bretagne, Vendée, etc.…)" (Bussi, 2001, p. 97). Ce dernier définit le développement local à travers deux

principes forts : la synergie entre acteurs et le passage d'une logique sectorielle à une gestion territorialisée transversale, une nécessité soulignée également par G. Di Méo, qui insiste sur l'importance des "actions de formation et d'information, qui doivent inlassablement porter sur

un effort d'ouverture à l'adresse de maints acteurs économiques et sociaux encore étroitement prisonniers des grandes échelles (petits espaces), ou encore conditionnés à réagir de manière étroitement sectorielle" (Di Méo, 1996, p. 161).

Ces deux logiques président aujourd'hui grandement aux politiques d'aménagement du territoire. J.-Y. Gouttebel estime malgré tout que ces expressions ne sont pas équivalentes : "Si nous utilisons l'expression "développement territorial" c'est parce qu'elle est moins

restrictive que celle d'aménagement du territoire qui a une forte connotation étatique"

103

Sur le site Internet de la DATAR on peut lire : "Si les SPL correspondent en France à une réalité ancienne,

ils traduisent en même temps une nouvelle donne du développement régional (…). Ils ont donné naissance à une politique publique portée par la DATAR en partenariat avec les ministères ayant des responsabilités en matière de développement économique". Voir site Internet www.datar.gouv.fr.

(Gouttebel, 2001, p. 3). L. Barthe fait également référence à la pertinence du développement territorial comme moyen de pallier les insuffisances théoriques du développement local. Selon elle, le concept de territoire est davantage approprié pour rendre compte des processus relationnels qui fondent sa construction : "La notion de local nous paraît donc inadaptée pour

traduire la complexité des pratiques spatiales de la société (…). En fait, il nous semble plus opportun d'employer la notion de "développement territorial" qui englobe les processus de construction sociale du territoire dans une dimension multiscalaire" (Barthe, 1998, p. 120).

La notion de local apparaît en outre trop imprégnée des maillages administratifs, et de ce fait pas forcément en adéquation avec les logiques de développement. En cela, le territoire permet d'élargir l'analyse à d'autres formes de construction, et de mieux répondre aux préoccupations des géographes, pour qui l'identification des territoires pertinents est fondamentale.

Ainsi, si le développement territorial est proche du développement local, il est néanmoins différent de celui-ci. Nous pensons que le qualificatif "territorial" rend mieux compte du caractère ancré du processus de développement. Evoquer l'idée d'un développement ancré revient d'une part à postuler que les dynamiques économiques et sociales à l'œuvre participent au processus de construction territoriale, et d'autre part que ces dynamiques sont imprégnées en permanence des caractéristiques de ce même territoire. Cette idée d'imprégnation est illustrée par J.-P. Houssel, qui introduit la notion de milieu rural progressif. L'auteur estime que le développement agricole et rural d'un territoire repose en grande partie sur la capacité collective de ses individus. L'apparente réussite des Monts du Lyonnais s'explique par l'héritage de la JAC, dont l'action dans la modernisation des campagnes et l'encadrement de la société a été décisive. Le clivage qui existe entre une France "blanche" et une France républicaine est mis en évidence, ce clivage constitue une clé de compréhension indispensable des logiques de développement local (Houssel, 2000)104.

A travers les travaux sur les SPL, les économistes ont placé la dimension productive au cœur de leurs préoccupations. Cette orientation s'explique essentiellement par leur volonté d'analyser en priorité les mutations, notamment spatiales, du monde industriel. Les géographes semblent quant à eux davantage intéressés par les dynamiques institutionnelles, et de ce fait davantage tournés vers les analyses de type sociologique et politique. C'est selon nous le cas de L. Barthe, lorsqu'elle définit le développement territorial comme l'acquisition par les acteurs de nouvelles capacités d'action et de nouveaux modèles relationnels (Barthe, 1998). Pour désigner un même objet, économistes et géographes semblent faire référence à des processus et surtout à des types d'acteurs partiellement différents.

Pensé en termes d'ancrage, le développement territorial tel que nous le définissons entend occuper une position d'interface, apte selon nous à contourner les limites méthodologiques des approches "productives" et "institutionnelles", souvent cantonnées à un seul type de dynamiques. En effet, les nombreux emprunts que nous faisons aux économistes se justifient par la nature même de notre objet d'étude, mais ils ne doivent pas masquer le caractère "plurisectoriel" du développement, qui nécessite une approche transversale des activités économiques, et une meilleure prise en compte des acteurs publics, souvent traités à la marge. A l'inverse, la propension des géographes à privilégier l'entrée par les politiques publiques peut conduire à minimiser le rôle des acteurs privés dans le développement. Le fait de centrer l'analyse sur un acteur économique particulier (la filière AOC) nous amène à adopter une posture différente vis-à-vis de ces approches. Sur la base de tout ce qui vient d'être dit, le développement territorial tel que nous l'envisageons fait référence à un processus

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Nous verrons dans la deuxième partie comment ce clivage explique les différences qui existent entre le département de la Manche et celui du Calvados (Pays d'Auge), notamment en termes de dynamique collective.

de mobilisation et de coordination de l'ensemble ou d'une partie des acteurs d'un territoire (privés et publics) autour de la construction de ressources matérielles et immatérielles. Deux notions clés émergent : la coordination et la ressource. C'est sur cette base qu'il convient d'expliciter les dynamiques à l'œuvre dans le processus de développement territorial.

2.

Construction de ressources et processus de développement

Les travaux géographiques et économiques portant sur le développement territorial mobilisent fréquemment la notion de ressource, mais sans toujours préciser à quoi elle renvoie. C'est donc la nature même de ces ressources qui pose question en premier lieu, avant d'évoquer leur rôle dans le processus de développement territorial.

2.1. La notion de ressource en Economie et Géographie

Pour le géographe R. Brunet, la ressource est étymologiquement ce qui "resurgit", elle désigne en premier lieu les moyens dont dispose un individu ou un groupe pour mener à bien une action, pour créer de la richesse. Dans ses définitions, l'auteur fait essentiellement référence au caractère matériel – et par-là même naturel – de la ressource. Ainsi, une ressource est toujours relative, elle n'existe en tant que telle que si elle est connue, révélée et exploitable. Une ressource résulte donc d'une interaction entre des processus naturels et des processus sociaux, qui lui attribuent le statut de ressource ayant un sens, une valeur d'usage (Brunet, 1993). C. Raffestin consacre un chapitre à la notion de ressource, distincte de la matière. Pour lui, la matière désigne tout ce qui est présent à la surface de la Terre et qui préexiste à l'action humaine. Cette matière "offerte" à la pratique possède des propriétés dont la mise en évidence dépend le plus souvent de l'avancée technique d'une société. La matière "charbon" est ainsi devenue ressource au moment où l'on a pris conscience de ses propriétés de combustible. Dans cette perspective, la ressource est plus que la matière, elle est le produit d'une relation à une époque donnée. La ressource serait à la matière ce que le territoire serait à l'espace (Raffestin, 1980). Là encore, les ressources évoquées par l'auteur sont toutes liées à l'écosystème, C. Raffestin distingue d'ailleurs des ressources renouvelables et non renouvelables. Le caractère socialement construit de la ressource est également souligné par F. Blot et J. Milian, même si leur fondement reste naturel. Ce sont notamment les discours véhiculés par les politiques publiques environnementales qui génèrent l'émergence de nouvelles ressources, perçues au départ comme de la simple matière (Blot, Milian, 2004).

Ainsi, pour ces géographes, l'essence même de la ressource semble donc toujours relever de la sphère naturelle, sphère passée ensuite au crible d'un processus de socialisation. Les économistes travaillant sur la territorialisation des dynamiques économiques mobilisent