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2. Réhabilitation et remédiation des sites pollués

2.2. Techniques biologiques

2.2.3. Phytoremédiation

2.2.3.2. Phytoextraction

La phytoextraction est une technique de remédiation à moyen et long terme qui vise à revégétaliser

et progressivement dépolluer un sol contaminé à l’aide de plantes adaptées. Le principe de cette méthode

consiste à récolter les parties aériennes de plantes ayant accumulé des ETM puis à les utiliser dans des

procédés de combustion, pyrolyse ou gazéification et de valoriser les différentes fractions obtenues. Il est

alors nécessaire que les plantes impliquées mobilisent puis extraient les ETM du sol pour les transporter au

niveau de leurs parties aériennes. Les principaux mécanismes impliqués dans la phytoextraction sont

résumés dans la figure 12. Pratiquement, les plantes sélectionnées doivent être tolérantes aux ETM visés,

produire une grande quantité de biomasse, accumuler les ETM en quantités suffisantes et dans des organes

faciles à récolter, avoir une croissance rapide et un système racinaire bien développé (Bert et al., 2009).

Les plantes hyperaccumulatrices sont ainsi parfaitement indiquées pour la phytoextraction en raison

de leur capacité à accumuler en grandes quantités les ETM dans leurs parties aériennes. Environ 400 espèces

provenant de 45 familles de plantes ont été identifiée comme hyperaccumulatrices à ce jour. Plus de la

moitié d’entre elles (215) sont des hyperaccumulatrices de nickel alors que très peu ont été identifiées pour

le plomb ou le cadmium (Tableau IV) (Sheoran et al., 2011). Parmi les espèces hyperaccumulatrices les plus

étudiées, Thlaspi caerulescens est sans doute la plus connue. Cette plante est capable d’accumuler

25000 mg.kg

-1

de zinc (2,5 % de la biomasse) et 1000 mg.kg

-1

(0,1 % de la biomasse) de cadmium sans

symptôme de toxicité (Brown et al., 1995). Le genre Alyssum (famille des brassicacées) est également très

connu pour ces capacités d’hyperaccumulation du nickel, A. troodii est capable notamment d’accumuler

jusqu’à 1 % de sa biomasse (Homer et al., 1991).

Dans le cas de métaux précieux, la phytoextraction peut permettre de récolter les ETM à des fins

commerciales. L’élément recherché est extrait à partir des cendres et est ensuite revendu comme matière

première, c’est le principe du phytomining (Sheoran et al., 2009). L’intérêt s’est notamment porté sur les

plantes hyperaccumulatrices de nickel, d’or, de cuivre ou de thallium (Anderson et al., 1999 ; Harris et al.,

2009 ; Bali et al., 2010 ; Wilson-Corral et al., 2011). De même, les plantes hyperaccumulatrices peuvent être

utilisées pour extraire des métaux comme le manganèse, le nickel, le zinc ou le cuivre à partir des cendres de

la plante afin de les utiliser comme catalyseurs dans diverses réactions chimiques. En effet, plusieurs brevets

ont été déposés concernant l'utilisation de catalyseurs métalliques (métaux sous forme M(II)) provenant de

plantes accumulatrices d’ETM évitant l'emploi de solvants organiques nocifs pour l'environnement et le rejet

d'effluents pollués pour l’extraction des métaux à partir de minerais. L’utilisation de ces plantes permet

également l'élimination des ETM des sites pollués par ceux-ci et la valorisation de la biomasse les contenant

(Grison & Escarré, 2012 ; Grison et al., 2012). Cette technique d’extraction de métaux précieux est

controversée car le coût d’extraction doit être inférieur à celui des méthodes classiques et la surface à

exploiter est souvent bien plus importante qu’avec une méthode traditionnelle (Robinson et al., 2009).

Le temps estimé pour la phytoextraction des ETM dans les sols varie de deux ans à plusieurs

décennies en fonction de l’élément concerné, de sa spéciation dans le sol et de la plante choisie (Sheoran et

al., 2011). Ce temps est d’autant réduit que la biomasse produite est importante. Or la plupart des plantes

hyperaccumulatrices ont une production de biomasse assez réduite comme c’est le cas pour Thlaspi

caerulescens par exemple. Une solution alternative est alors d’utiliser des plantes dites « accumulatrices »

qui accumulent les ETM dans leurs parties aériennes en quantité moindre par rapport aux plantes

hyperaccumulatrices mais qui ont une production de biomasse plus importante. L’intérêt s’est porté

notamment sur l‘utilisation d’arbres de la famille des salicacées (peupliers ou saules) pour la phytoextraction

(Bert et al., 2009). En effet, plusieurs études montrent que les saules ou les peupliers sont capables

d’extraire de grandes quantités d’ETM grâce à leur rapide et importante production de biomasse (Meers et

al., 2007b ; Migeon et al., 2009 ; Migeon et al., 2012). Par exemple, certains génotypes de saules peuvent

extraire jusqu’à 216 g.ha

-1

.an

-1

de cadmium contre 35 g.ha

-1

.an

-1

pour Thlaspi caerulescens (Migeon et al.,

2009). De plus, l’utilisation de peupliers ou de saules présentent un intérêt économique car la biomasse

produite peut être valorisée pour la production de bioénergie. Ainsi, même si la phytoextraction à l’aide de

peupliers ou saules nécessite un traitement de plusieurs années, la valorisation énergétique de la biomasse

offre une bonne alternative pour les exploitants des sites contaminés. Le transfert des polluants contenu

dans les biomasses issues des phytotechnologies nécessite cependant d’être évalué, en raison de la

dispersion potentielle, et notamment par voie atmosphérique, des ETM. Ce transfert a été évalué

récemment (Chalot et al., 2012 ; Delplanque et al., 2013) et d’autres voie de valorisations (combustion,

pyrolyse, gazéification, torréfaction, filière fibres…) sont testées au travers des programmes nationaux ou

européens (Greenland, LORVER, BIOFILTREE).

Les capacités d’absorption et d’accumulation des ETM par les plantes peuvent être améliorées par

manipulations génétiques ou ajout d’amendements, on parle alors de phytoextraction assistée. Des agents

chimiques comme des agents acidifiants, des fertilisants et des agents chélatants (EDTA, EDDS (acide

EthylèneDiamine-N-N'-DiSuccinique), NTA (acide NitriloTriAcétique), oxalate, malate…) permettent

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Figure 13 : Principaux mécanismes impliqués dans la phytostabilisation permettant la complexation et la

précipitation des ETM dans la rhizosphère et l’adsorption et/ou l’absorption des ETM dans les racines

(d’après Padmavathiamma & Li, 2007)

est un chélatant très efficace pour améliorer le potentiel d’extraction des plantes mais l’EDDS lui est souvent

préféré car il est moins nocif pour l’environnement, rapidement dégradé (1/2 vie de 2,5 jours) et efficace

pour la phytoextraction du cuivre, du cadmium et du plomb (Vamerali et al., 2010). En revanche, les

concentrations des amendements choisis doivent être soigneusement ajustées car à trop fortes

concentrations leurs effets peuvent s’avérer toxiques pour les plantes (Gunawardana et al., 2010) ou pour

l’environnement (Vamerali et al., 2010).

L’utilisation de plantes transgéniques pour améliorer leurs capacités de phytoextraction est

actuellement à l’étude. Les gènes sélectionnés permettent soit d’améliorer la tolérance des plantes, soit

d’augmenter l’accumulation des ETM dans les parties aériennes, soit de stimuler les processus cellulaires de

détoxification. Les gènes sélectionnés peuvent provenir d’autres organismes (bactériens ou animaux),

d’autres plantes ou être surexprimés chez la plante d’intérêt (Maestri & Marmiroli, 2011). Par exemple,

l’expression de gènes codant la synthèse d’une phytochélatine (AsPC1) et du glutathion (ScGSH1), des

molécules complexant les ETM, chez A. thaliana permet d’augmenter la tolérance et l’accumulation de

cadmium et d’arsenic chez cette plante (Guo et al., 2008).

La dépollution d’un sol par phytoextraction présente néanmoins plusieurs inconvénients. Dans un

premier temps, les plantes sélectionnées sont souvent efficaces pour l’extraction d’un seul élément et cette

technique n’est donc alors pas adaptée pour une pollution multi-métallique (Kidd et al., 2009). De plus, pour

rendre la technique réellement applicable sur le terrain, le temps nécessaire à la décontamination d’un site

ne doit pas excéder 10 à 15 ans, or dans la pratique, les temps estimés sont souvent beaucoup plus

importants (> 100 ans) (Mench et al., 2010), la stratégie de phytostabilisation lui est alors souvent préférée.